✨Chapitre 40 - De lévitation et de chaleur

Je me retournai plus vite que mon ombre et en un éclair j'étais dans ses bras et l'étouffai.

— Oh Zed, tu vas me manquer, sanglotai-je contre son torse.

— Moi aussi, souffla-t-il dans mes cheveux. Moi aussi ma princesse.

— Tu peux pas m'accompagner ? l'implorai-je, désespérée, le cœur battant à rompre.

— Ne me fais pas ça, tu sais très bien que si je pouvais, je le ferais, me répondit-il en détournant le regard. Et puis c'est mon peuple, ma famille... Je ne peux pas partir. Ils ne me laisseraient pas faire de toute façon, partir est un châtiment pas une grâce... murmura-t-il.

— Il me semble que Zed a choisi son camp depuis longtemps... intervint alors la Grande Prêtresse de sa voix mielleuse.

Mon sang ne fit qu'un tour. Elle ne pouvait donc jamais se taire ?

— J'vous ai rien d'mandé ! rembarrai-je Soleil Levant en reculant un peu plus vers le rideau de lianes. D'ailleurs j'sais pas pourquoi je vous vouvoie alors qu–

— May ! me coupa Maître Gorigann qui n'était pas loin de se laisser emporter par les évènements, le visage rouge et dégoulinant de sueur.

À côté de lui, Feuille se tordait les mains, aussi soucieuse de la tournure que prenaient les évènements que son compagnon.

L'assistance émit un hoquet de surprise. J'avais outré les sorciers, que les dieux me protègent. La Grande Prêtresse ne releva pourtant pas ma remarque mais elle n'aurait pas pu puisque Lumia, qui devait juger ne pas bénéficier de suffisamment d'attention, ajouta son grain de sel, histoire de se retrouver au centre :

— On dit pourtant que l'amour est plus fort que tout... Alors il faut croire que les sentiments de mon frère ne sont pas aussi sincères qu'il le prétend.

La blonde afficha un sourire éclatant. Ses groupies gloussèrent.

— Ta gueule Lu, siffla Zed hors de lui.

Ah, il n'y avait pas que moi qu'il insultait, j'étais rassurée.

— Rentre ! lui ordonna-t-il en appuyant son ordre de son bras tendu dans la direction du trou de poussière dorée.

— Te crois pas tout permis parce que ta protégée se fait bannir ! cracha Lumia en retour en obéissant toutefois à son frère.

Après avoir jeté un coup d'œil dans ma direction, l'abominable blonde jeta un regard rempli de venin à son frère et quitta les lieux d'un pas enragé. J'avais cru voir une once de peine dans le regard qu'elle m'avait lancé. Mais je devais me tromper.

Sa suite hésita, puis après une courte concertation constituée d'un échange de regards qui reflétaient un manque d'intelligence notable, les quatre sorcières rattrapèrent leur reine en courant et s'égosillant.

Zed secoua la tête et la tourna dans ma direction. Puis il accourut vers moi, posa ses mains sur mon visage, et sans que je puisse anticiper les conséquences désastreuses de cet acte, pressa ses lèvres contre les miennes. Et c'est alors qu'un choc nous foudroya tous les deux. Un tremblement nous secoua. Le tout nous sépara avant que je puisse comprendre ce qu'il se passait.

La voix de la Grande Prêtresse s'éleva au-dessus de tout. Enragée.

— Zed Gueigher n'as-tu pas honte ?! gronda-t-elle. Tu es le seul à n'avoir aucune excuse car tu sais fort bien depuis ta naissance que les relations entre les Transferts et les Innés sont INTERDITES.

J'avais les yeux écarquillés devant la souveraine. Dans son élan de rage elle s'était soulevée du sol, emportant avec elle un nuage de poussière dorée qui reflétait les rayons du soleil et donnait un rendu encore plus surréaliste à la scène. Ainsi en lévitation à un bon mètre du sol, les pans de sa robe de fourrure immaculée voletaient autour d'elle tandis que ses yeux lançaient des éclairs. Au sol, ses gardes avaient changé de position, se préparant sûrement à attaquer un quelconque rebelle.

— Pourquoi ?! la provoqua Zed en faisant un pas dans sa direction. Parce que vous avez peur qu'ils apportent un peu de raison et de bon sens à la caste consanguine des Innés ?

— Zed, croassai-je.

J'étais tétanisée et avais du mal à respirer. Il fallait qu'il se taise. Ce n'était pas le moment le plus approprié pour qu'il déverse toute sa haine. Je lui attrapai une main et tentai de le tirer en arrière mais je ne parvins qu'à me faire mal et le sorcier ne bougea pas d'un pouce.

— En fait, qui vous dit que c'est de l'amour ? demanda Charly d'une petite voix.

— Oh ciel ! s'exclama Ethel à qui la démonstration de puissance de Soleil Levant n'avait pas l'air de faire beaucoup d'effet. P'tit, garde tes réflexions pour toi et apprend à observer. T'en apprendras beaucoup, je t'assure.

Je ne pus m'empêcher de glousser aux paroles de mon amie. La Grande Prêtresse redescendit sur terre – c'était le cas de le dire – et s'adressa à ses sujets :

— Il ne vous reste plus que deux minutes avant le départ des condamnés. Sachez aussi que ceux ayant fait affront au pouvoir de la Grande Prêtresse seront punis.

Je frissonnai et pas seulement à cause du froid qui transperçait ma veste et ma chemise.  Zed se détourna enfin de la souveraine et posa ses mains sur mes hanches. Je ne m'en rendis pas compte sur le coup mais il me glissait en fait quelque chose dans la poche de ma veste. Sa manœuvre achevée, il me lâcha et sourit.

—  C'est mon cadeau des fêtes de l'Hommage... Un peu en retard, je sais. Mais tu penseras à moi comme ça, murmura-t-il.

J'hochai la tête et Zed, dont les yeux pétillaient, se retira pour rejoindre Maître Gorigann qui passa un bras protecteur autour de ses épaules. Sur ce, celle que je détestais le plus dans ce monde – quoiqu'elle disputait sa place avec Lumia qui n'était pas mal non plus dans son genre – nous fit comprendre qu'il était temps pour Charly et moi de partir.

L'ambiance devint beaucoup plus solennelle. La Grande Prêtresse ordonna aux prisonniers de se placer face au rideau de lianes. L'assemblée se trouvait donc en arc de cercle derrière nous, ce qui nous empêchait de nous échapper si l'envie saugrenue nous prenait.

Maline la Grande Prêtresse.

Elle récita ensuite une courte déclaration en sircien dont je ne saisis pas un mot mais qui se termina – au grand étonnement général – par « Trifoïs ablas catrum », que toute l'assemblée répéta. Même moi. Au moins, on pouvait dire que j'avais fait des progrès. Après quoi deux gardes s'avancèrent et écartèrent le rideau de lianes pour nous laisser passer. 

L'étendue paradisiaque du Sauvage se présentait à nous. Une fois de plus, j'étais ahurie par la magnificence des lieux. Le vert vif de l'herbe et le bleu profond du ciel, accentués par les mille et une couleurs des fleurs sauvages qui se balançaient au gré de la brise paraissaient vrais. Tellement vrais que tout ce que j'avais vu au C.I.S.I. me paraissait fade en comparaison.

Une vague de chaleur me fit chanceler en arrière. Il faisait au moins vingt degrés de plus dans le Sauvage que dans la forêt dorée ! Dans une urgence de dernière minute, j'enlevai mon sac de mes épaules, retirai ma veste puis la nouai à ma taille avant de replacer mon sac sur mon dos.

Charly poussa une exclamation de surprise. Il était ébahi.

— Que les dieux vous accordent leur grâce, résonna la voix redevenue douce de Soleil Levant.

Je me retournai vers les sorciers.

— Que vos dieux vous entendent, lui répondis-je dans un sourire.

J'étais excitée. Anxieuse aussi, mais enthousiaste à l'idée de tout ce monde qui nous tendait les bras et recelait de tant de mystères et de merveilles à dévoiler.

Je me tournai vers mes amis. Il fallait que je leur adresse un dernier mot. Adieu ? Non, ça ne sonnait pas approprié, pas juste et beaucoup trop définitif même si ça l'était pourtant.

— Eh bien... merde ! lançai-je enfin.

Je reportai mon regard sur le monde qui m'attendait sans m'attarder sur les paroles hautement philosophiques que je venais de prononcer. Ce monde qui me tendait les bras et voulait de moi.

Sauvage, prépare-toi car j'arrive à ton assaut !

J'affichai un sourire déterminé et regardai Charly qui prit confiance en me voyant si sûre de moi. Je lui pris la main, inspirai un grand coup, expirai aussi – parce qu'il fallait bien que l'air ressorte à un moment – et nous traversâmes le rideau de lianes.

J'étais dehors, libre, maîtresse de mon corps et de mon esprit.

Avec Charly, nous marchâmes sans nous arrêter une seule fois, mais j'avais tourné la tête en arrière à plusieurs reprises. La première, le rideau était encore relevé. Les sorciers nous observaient fouler les hautes herbes d'un pas nonchalant, droit devant nous. Qu'ils se fassent plaisir.

La deuxième fois aussi il était relevé mais nous étions déjà trop loin et je ne distinguais plus aucune forme distincte à part un trou noir béant. La troisième fois cependant, me laissa une impression désagréable. Le rideau était redescendu. C'était comme s'il n'y avait plus de retour en arrière possible.

Un trait s'était tiré, je ne pouvais plus que compter sur moi-même. Et sur Charly, qui disons-le franchement, ne m'était pas d'une grande aide jusque-là.

J'attrapai la poche de ma veste en me contorsionnant et ma main se referma sur un objet dur et froid. En le ramenant devant mes yeux je découvris une pierre d'un blanc laiteux nacrée de bleu, qui devait faire la taille de l'ongle de mon pouce. Elle était accrochée à une chaîne en argent. Je souris devant ce collier éblouissant. Je l'accrochai autour de mon cou et replongeai ma main dans la poche, me souvenant avoir senti un papier en attrapant le pendentif.

Une écriture à l'encre noire se détachait de la couleur crème du petit bout de papier : « Une pierre de Lune qui t'apportera de l'intuition si jamais tu venais à en manquer. En espérant que tu ne m'oublies pas, je pense à toi, Z. »

Un sourire naquit sur mes lèvres et un regain d'espoir fit battre mon cœur. Ainsi commençait mon aventure. Ma grande aventure.

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*dernière mise à jour : 20/10/18*

Alerte à toutes les unités, nous avons atteint un niveau de niaiserie démentiel ! *sirènes, alarmes, lumières rouges, cris, panique, scène apocalyptique*

Plus sérieusement, j'aimerais savoir ce que vous avez pensé de cet Au-revoir avec un grand A parce que moi je n'en suis pas du toute satisfaite même si, oui, je devrais reconnaître que ce n'était pas évident à écrire non plus...

Bref, vos avis me sont toujours aussi précieux, merci pour vos votes, merci pour vos comm', l'accueil que vous faites à cette réécriture me fait vraiment chaud au cœur !

On se retrouve dans quelques heures pour le dernier chapitre (un demi chapitre en l'occurrence) de cette deuxième partie !

Trifoïs ablas catrum !

La sorcière 🧙🏻‍♀️✨

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