✨Chapitre 38 - D'origines et d'une dernière danse
Des frissons me parcoururent. Le Soleil et le Néant. Rien que ça.
— Comment est-ce possible ? demandai-je.
— C'est sûrement dû au fait que tes parents étaient issus de deux peuples différents.
— Et combien de peuples sorciers y a-t-il ? demandai-je encore.
Je n'étais pas prête à accepter tout ce que j'avais appris aussi rapidement mais ma curiosité avait aussi été éveillée par toutes ces révélations.
— Laisse-moi voir... réfléchit la guérisseuse en prenant tout son temps. Il y a les Innés du C.I.S.I, les Transferts du C.I.S.I., les Nomades dont la tribu de Salavenn fait partie, les Guerriers de l'Ouest qui sont les quelques rescapés du royaume d'Aonghasa, les Muyoks qui vivent reclus entre leurs montagnes infranchissables, les Savants de Lo... Et au-delà de l'océan de Draeh personne ne sait s'il y a des terres et si quelqu'un y vit.
— Ce qui laisse beaucoup d'options... observai-je. Mais en quoi est-ce que ça peut avoir une influence sur mon futur ? la pressai-je.
— N'es-tu pas curieuse de savoir qui étaient tes vrais parents ? me demanda la guérisseuse, surprise.
— Si, bien sûr, admis-je.
Mais pas maintenant, pas tout de suite. Je vais faire une overdose de révélations sinon.
Feuille d'automne soupira.
— Écoute, ta position n'est pas simple, je le comprends bien. Mais j'essaye juste de t'aider à y voir plus clair. Maintenant qu'il est évident que tu n'es pas une Transfert, il faut trouver qui tu es, tu ne crois pas ?
J'haussai les épaules. Je savais qui étaient mes parents, j'avais vécu avec eux. Ok, peut-être pas longtemps avec ma mère mais croyez-moi, mon père n'avait rien d'un sorcier...
— Enfin, expira Feuille, si tu n'es pas prête, j'espère que tu trouveras tous les indices dont tu auras besoin sur ta route... À ce propos, se ressaisit la guérisseuse en se levant de son fauteuil, voilà tes habits pour ton voyage.
Elle me tendit une chemise beige et un pantalon marron qui ressemblaient à ceux que mon père portait lorsqu'il partait randonner.
— Mais j'ai déjà des habits, protestai-je.
— Ceux-là sont bien plus adaptés à la vie qui t'attend dehors, répliqua Feuille sur un ton qui ne méritait aucune réplique. Le tissu est respirant et il diffuse des ondes positives lorsqu'il détecte que celui qui le porte est dans une situation difficile. Cela pourrait se révéler très utile, si tu veux mon avis, m'éclaira-t-elle avec un clin d'œil.
J'hochai la tête sans rien dire et m'emparai des vêtements.
Feuille d'Automne m'observait aussi en silence. Je n'arrivais pas à déchiffrer son expression. Puis ses lèvres se fendirent en un sourire attentionné.
— Tu as du potentiel mon enfant, s'exprima-t-elle. Tu es destinée à de grandes choses, je le sais.
Je ne lui répondis pas. Je ne savais pas quoi répondre de toute façon. Merci ? Non, ce n'était pas approprié, le silence suffirait. Je lui souris en retour, mais le cœur n'y était pas, j'étais bien trop déboussolée. Sans un geste ou une parole de plus à son égard, je m'éclipsai par la porte qui menait aux tunnels. À ma surprise, Ethel, Thomas et Zed m'avaient attendue. Et ça semblait être la grande ambiance. Personne ne pipait mot.
Ethel me prit la main et posa sa tête sur mon épaule lorsqu'on se mit en marche.
— Ne me fais pas pleurer maintenant s'il te plaît, la suppliai-je en chuchotant, alors que j'ai tenu tout ce temps.
— Je fais de mon mieux, me promit-elle, même si ça fait du bien de pleurer, tu sais ?
Je la regardai du coin de l'œil en haussant un sourcil.
— Sérieusement Ethel ? Et c'est censé me faire aller mieux ?
Mon amie pouffa.
— Si ça se trouve, ça te donnerait de l'énergie, continua-t-elle en m'adressant un sourire désolé.
Nous arrivions sous le dôme de verre.
— May ? m'interpella Zed, qui était resté en retrait. Je peux te parler ?
Je m'arrêtai.
— Rejoins-le, me chuchota Ethel. Tommy et moi rentrons au dortoir, tu nous rejoins après, d'acc ?
— D'acc, lui souris-je.
Je me tournai vers le grand brun qui s'était arrêté à quelques pas de moi et le dévisageai en silence. Nous n'étions plus que tous les deux, dans notre ultime tête à tête, éclairés par le soleil couchant sur les montagnes éloignées de nous, mais que j'avais à présent une chance de gravir... Un jour peut-être...
Nous restâmes longtemps à nous contempler ainsi. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire. Le nombre incalculable de révélations de la journée m'avait lavé le cerveau et me faisait halluciner.
Au bout d'un moment, il se rapprocha de moi et posa ses mains sur mes épaules. Ses yeux gris m'ensorcelaient. Très drôle May.
— Bon alors qu'est-ce que tu voulais me dire ? lui demandai-je dans un murmure en le défiant du regard.
Ses yeux sourirent et ses lèvres se déposèrent sur les miennes sans qu'il ne réponde à ma question. Des frissons me parcoururent. Il m'embrassaitprobablement pour la dernière fois. Je lui rendis son baiser, il sourit et, l'enlaçant, j'approfondis notre baiser. Il passa ses mains dans mes cheveux et je crus notre étreinte dura une éternité.
Des larmes entamèrent une longue descente salée le long de mes joues.
Sans prévenir, je m'écartai de lui. Il passa son pouce sur ma joue pour sécher mes larmes mais je détournai les yeux et jetai un regard à la Lune avant de lui redonner mon attention. Il m'interrogea du regard.
Je pris la position de départ de l'enchaînement que lui et le Maître m'avaient apprise. Mes pieds étaient écartés à largeur d'épaule, ma jambe gauche légèrement derrière la droite. Le long de mon corps reposait ma main gauche tandis que la droite tranchait mon ventre horizontalement, la paume vers le ciel. L'idée était peut-être stupide mais j'en avais envie. Zed parut comprendre et alors qu'il me souriait, il se mit sur ses pieds et se plaça à quelques pas de moi dans la même position.
D'un simple souhait, je me transformai et grâce à sa formule, il suivit.
J'ancrai mes yeux dans les siens. D'un signe de tête, nos bras gauches se décollèrent de nos corps pour décrire un arc-de-cercle dans l'air avant de s'arrêter à la verticale du sol, parallèles à nos corps. Je ramenai mon pied gauche à la hauteur du droit pendant que je finissais d'inspirer. Au moment où je commençais à relâcher l'air emprisonné dans mes poumons, ma main descendit sans une seconde d'écart avec celle de Zed le long de mon corps jusqu'à ce qu'elle entre en contact avec ma main droite. Nous effectuâmes chacun un pas en avant.
Zed me tendit sa main gauche et je l'attrapai de la mienne. Il suffit d'un élan et nos corps n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je me défilai de son emprise en tournant sur moi-même et en passant sous nos bras accrochés. Ne se laissant pas avoir si facilement, il me rattrapa en deux enjambées, emprisonna ma main dans la sienne et me frappa sur le sternum de sa paume libre créant une vibration magique. Je chancelai. Reprenant ma respiration, je ripostai et repris l'avantage sur lui.
Alors nous nous perdîmes dans notre danse de combat. Notre ultime danse.
À la gloire de la nuit.
Nos corps, auréolés d'une lumière dorée ténue se frôlaient alors que mes larmes et ma rage redoublaient. Je me sentais vide de toute émotion mais pleine d'adrénaline tout à la fois. Nos attaques redoublaient de puissance. Cependant Zed ne se retenait pas comme je compris qu'il le faisait aux entraînements. Il était plus rapide, plus brutal. Il me criait des ordres pour que j'évite ses coups, me poussait plus loin, encore plus loin, jusqu'à ce que le lien magique qui nous unissait brille tellement fort qu'il m'aveuglait. Jusqu'à ce que le moindre de mes mouvements ne soit plus qu'un déchirement de douleur, tant et si bien qu'arriva un moment où je reçus son poing dans la mâchoire.
Le coup fut si violent et j'étais si affaiblie qu'il me fit valser en arrière. Ma tête heurta le sol dans une impulsion que je ne contrôlais pas. Je sentais du sang dans ma bouche et sur mon visage. Malgré cela, j'avais attrapé dans ma chute le bras de mon adversaire et l'avais agrippé si fort qu'il fut entraîné à terre avec moi. Il se reteint sur ses poings et resta en suspension au-dessus de moi.
Alors, allongée sur le dos, je retrouvai mon apparition normale en me tordant de douleur et de chagrin. Le souffle du sorcier était si proche de mon visage qu'il séchait le sang et les larmes qui s'y étaient mêlées.
— May, May... souffla-t-il entre deux respirations.
Il se recula et me scruta.
— May ? Tu vas y arriver, tu es la sorcière la plus forte que j'ai jamais rencontrée... T'es— Tu as tellement de volonté en toi, tellement de courage...
Il marqua une pause, s'assit à côté de moi et tandis que je reprenais ma respiration, il continua :
— La première chose que tu m'as dite quand tu es arrivée était que je ressemblais à quelqu'un de normal...
Il sourit à ce souvenir.
— Tu as commencé par me défier... Et ce regard... Tu étais surprise, tu avais peur et tu étais perdue mais tu étais déterminée à ne pas te laisser marcher dessus.
Je m'assis en pleurant. C'était bien ce que tout le monde pensait.
— Arrête, parvins-je à articuler entre deux sanglots. Je pensais que tu valais mieux que ça, que tu ne te laisserais pas avoir par les apparences. Ce n'est qu'une façade, pour essayer de me protéger. Je ne suis pas forte, je ne suis pas courageuse, je ne suis pas déterminée. J'essaye juste de survivre.
J'appuyai mes propos en secouant la tête à chacune de mes déclarations.
— Je ne suis rien de ce que vous croyez que je suis. En fait si, tu as raison sur un point : je suis perdue. Et maintenant que j'ai marché dans le jeu le plus stupide de la terre entière, pardon, du Dashgaïh tout entier, je vais l'être encore plus.
Zed aussi secouait la tête. Il ne croyait pas un mot de ce que je disais, je le voyais bien.
— C'est toi qui te caches qui tu es. Si seulement tu pouvais voir avec mes yeux...
— C'est pas un truc faisable avec nos supers pouvoirs ? raillai-je la voix altérée d'avoir trop pleuré.
Zed prit mes poignets dans ses mains et je me laissai tomber dans ses bras.
Il me rendit mon étreinte et je me perdis dans son parfum et sa chaleur rassurants, que je connaissais et mieux... qu'au plus profond de moi, j'aimais.
— Qu'est-ce que je vais faire sans toi ? demandai-je sans vraiment attendre de réponse.
Nous restâmes ainsi sans parler un long moment. Ça me rappelait nos séances d'entraînements dans la forêt dorée, ça me calmait.
— May, chuchota-t-il alors.
Je relevai la tête vers ses yeux gris tourmentés et l'interrogea du regard.
— Même si tu dois me détester pour le restant de tes jours... reprit-il, je veux que tu saches que je ne regrette rien.
Je déposai mes lèvres contre les siennes.
— Moi non plus Zed, lui avouai-je. Moi non plus je ne regrette rien.
Nous nous séparâmes. Je retrouvai le couloir de mon dortoir d'un pas lent. Le selxis était passé de quelques minutes. Comme une automate, je gagnai mon lit, posai mon sac et mes habits à son pied et m'allongeai sur la fraîcheur de la mousse. Mon visage était sale, une douche n'aurait pas été du luxe mais j'étais trop épuisée pour rassembler la force nécessaire. Je remontai haut ma couverture et fixai le plafond, incapable de fermer les yeux.
Je repensai à ce que Zed m'avait dit avant que nous nous quittions. Qu'il voulait que je sois heureuse dans le Sauvage. Je lui avais répondu que j'étais trop jeune et que j'allais mourir là-bas. Il m'avait fusillé du regard et m'avais interdit de prononcer des bêtises pareilles. Une larme avait tout de même coulé le long de sa joue. Bonjour la confiance. Il s'était encore excusé de s'être comporté comme un idiot. J'avais soupiré, lui avait souhaité une bonne nuit et l'avait quitté sans qu'il ne me retienne.
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*dernière mise à jour : 20/10/18*
PLEURONS TOUS ENSEMBLE ! XD (Sérieusement, vous avez trouvez ça triste/touchant — en gros, est-ce que j'ai bien fait mon boulot ? ^^')
Trêve de rires, la fin de la deuxième partie approche à graaaands pas ! Prêts ? ;) (Moi je le suis !)
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