✨Chapitre 27 - De création et d'un temple
Soleil Levant, notre Grande Prêtresse adorée, celle dont le sort avait été décidé par les dieux fit son apparition majestueuse, cachée derrière ses longs voiles blancs, un sourire bienveillant étirant ses fines lèvres. Elle avançait d'un pas décidé mais souple à la suite de ses serviteurs. À ce moment-là je me demandai si elle y croyait vraiment, elle, à cette histoire de choix des dieux. Qui était-elle vraiment ? Était-ce elle qui avait instauré tout cela ou bien ses prédécesseurs ?
À sa suite défilèrent deux autres portes drapeaux et quatre derniers gardes vêtus de blanc complétèrent la procession. La musique prit fin et le cortège se dispersa autour du trône où Soleil Levant s'assit. Les sorciers se mirent alors à genoux comme un seul homme. Je suivis le mouvement avec un temps de retard et me tordis le cou afin de voir ce qui se passait au-devant de la salle, tout en glissant au passage un œil du côté de Zed. Le visage inexpressif, il faisait comme tout le monde. Il était entouré de sa sœur et d'un sorcier en cape noire que j'imaginais être son père. J'apercevais à peine la Grande Prêtresse. D'un geste de la main, elle invita ses sujets à se rasseoir sur leurs sièges.
— Mes chères sorcières, mes chers sorciers, commença-t-elle d'une voix lente et froide. Nous voilà réunis pour rendre hommage à ceux qui nous ont créés, nous aiment et nous protègent.
Sa voix portait dans toute la salle, sans aucun doute avait-elle recourt à la magie.
— Au commencement étaient les dieux, continua-t-elle, au nombre de trois : le Soleil, la Lune et le Néant.
Ses mots éveillèrent mon attention. Entendre les mythes sorciers de la bouche de la Grande Prêtresse était intriguant. C'était bien différent d'en faire un exposé. L'histoire semblait prendre vie et surtout, être réelle. Je donnai un coup de coude à Ethel. Elle me le rendit en souriant de manière espiègle. Ok, elle n'avait rien compris. Je me reconcentrai sur les paroles qui se propageaient dans la pièce et s'insinuaient de toutes parts, comblant le moindre espace, nous englobant totalement.
— Ensemble, ces trois dieux régnaient sur le Dashgaïh. Une terre paisible et harmonieuse où chacun avait son rôle à jouer. À la tête de son peuple, la Grande Prêtresse avait comme devoir de faire régner l'ordre et d'honorer le Soleil, le Lune et le Néant.
Là se trouvait la réponse à ma question : Soleil Levant perpétuait un héritage, ce n'était pas elle qui avait monté tout ça. Même si elle aurait bien aimé, j'en étais certaine.
— Un jour, des rebelles s'en prirent au palais. Animés par le feu de la Jalousie, ils l'assiégèrent et le brûlèrent, conduisant leur souveraine à la mort, puis ils partirent se réfugier dans le Sauvage, afin de ne pas avoir à subir le sort destiné aux traîtres.
Le Grande Prêtresse animait son discours comme si elle éprouvait chaque mot qu'elle prononçait. Question talents théâtraux, elle était douée. Son visage changeait d'expression à chacune des phrases qu'elle prononçait. Elle continuait cependant à parler avec une lenteur démesurée afin de faire raisonner chacun de ses mots dans le creux de nos oreilles.
— Fort heureusement, continua-t-elle, la Grande Prêtresse avait une fille, Halia, qui ramena son peuple sur la voix de la sagesse après avoir reçu une vision du dieu Soleil. Elle prit le pouvoir, mena le peuple de sorciers plus au nord et créa le C.I.S.I. Ainsi, tel le Phoenix, le royaume renaquit de ses cendres.
Elle fit une pause, inspecta son assemblée un léger sourire flottant sur ses lèvres puis reprit :
— C'est la voix d'Halia que nous devons suivre. Celle, qu'il y a trois cent elle a trouvé, montré et suivi, pour nous permettre à tous, sorcières, sorciers, de vivre dans la sérénité, loin des barbares du Sauvage. En gardant la foi, en honorant nos dieux...
Elle fit une pause dramatique, le bras levé devant elle, le visage peint de douleur, créant une tension palpable dans toute l'assemblée. Enfin, elle ramena son bras contre elle, le poing serré et son regard d'acier sur ses sujets, les yeux enflammés.
— ... le Soleil, la Lune et le Néant nous en protègeront à jamais.
La Grande Prêtresse se leva. Les sorciers l'imitèrent et après trois notes parfaitement harmonieuses du cor, ils prononcèrent – non, braillèrent – tous : « Trifoïs ablas catrum ! »
Je tournai furtivement la tête du côté du grand brun. Il me regardait aussi. Un sourire timide étira ms lèvres. Il haussa un sourcil, je secouai la tête et me reconcentrai sur la cérémonie.
Soleil Levant reprit la parole :
— Mes chères sorcières, mes chers sorciers, je déclare l'ouverture des fêtes de l'Hommage.
Un tonnerre d'applaudissements suivit cette annonce. Les sorciers se mirent à sautiller sur place, siffler et se tomber dans les bras. Certains traçaient même le Fil qui leur permettait de se transformer et ils s'illuminaient un à un, comme de petites lucioles parsemant ainsi la salle de leurs halos dorés.
Je restai pantelante, ne sachant trop que faire, jusqu'à ce qu'Ethel me vrille les tympans d'un : « BONNES FÊTES MAY ! » qui me fit sursauter. Elle ouvrit grand ses bras et me tomba dessus.
— Ça va pas de crier comme ça ! Tu m'as déchiré les oreilles ! lui hurlai-je en retour e la rattrapant pour avoir une chance qu'elle m'entende.
Elle rit.
— C'EST LES FÊTES ! sautilla-t-elle.
Cette fois elle fondit dans les bras de Thomas. Elle était animée d'un brin de folie, mais c'était plutôt approprié à la situation.
Je souris. Et recroisai le regard de Zed. Il sourit aussi. Ce qui donna du sens au mien puisque je me rendis compte que je souriais dans le vide.
À midi nous nous restaurâmes au réfectoire dans une ambiance des plus festives. Toutefois, ce n'était rien comparé à ce que l'après-midi et la semaine suivante nous réservaient.
Le lendemain à l'aube, bien avant le petit-déjeuner, mes amis me conduisirent dans une partie des souterrains que je n'avais jusqu'alors jamais empruntée. Les couloirs y étaient plus étroits et moins sombres, moins mornes. Des murs émanait une lueur dorée qui berçait l'endroit d'une lumière apaisante et étaient ornés de filaments dorés que je reconnus être les mêmes que sur la porte de la salle de rassemblement. C'étaient les dorures de la Grande Prêtresse, nous nous rendions au Temple.
Il était interdit pour des Transferts de notre âge de s'y aventurer seuls. Spoty, Stéphane et Charly faisaient le chemin avec nous, mêlés à d'autres Transferts et à une poignée d'Innés avec qui Zed conversait. Ses amis, très probablement.
— Tu te souviens de la prière n'est-ce pas ? me demanda Ethel en me rejoignant.
Je me trouvais juste derrière le groupe d'Innés à l'écart de celui des Transferts que je connaissais aussi bien que le sol que je foulais. Et je ne me sentais pas d'humeur à sociabiliser.
— Oui je m'en souviens, la confortai-je. Mais rappelle-moi pourquoi on est là déjà ?
À ces mots Zed tourna la tête vers nous et nous gratifia de son sourire en coin favoris avant d'abandonner ces compères Innés pour venir se mettre aux côtés d'Ethel. Qui eût cru qu'il nous écoutait !
— Tu veux lui expliquer ? lui demanda Ethel.
— Non, à toi l'honneur, lui retourna Zed.
— Très bien, dans ce cas, May, commençons par le commencement. Les sorciers ont des croyances, commença-t-elle d'un ton professionnel qui me fit sourire. Elles prennent la forme du Soleil, de la Lune et du Néant, comme tu as entendu la Grande Prêtresse le dire et lu dans les livres d'ANP et écrit pour le projet de groupe.
— Je ne suis pas encore tout à fait sénile, donc oui, je m'en souviens, grommelai-je.
— Selon les croyances sorcières, continua Ethel en faisant la sourde oreille, un sorcier qui s'attire les foudres du Soleil ou de la Lune est condamné à errer pour toujours dans le royaume du Néant, lieu de désolation, d'horreur et de peur constante.
— Un peu comme le C.I.S.I quoi, remarquai-je en riant jaune.
Zed leva les yeux au ciel et prit la parole :
— Tu n'as aucune idée de ce que le Néant représente... En fait si, reprit-il le ton moqueur, tu en as eu un avant-goût lorsque ses sbires, les Voleurs s'en sont pris à toi. Mais si ça t'as plu et que tu préfères ça au C.I.S.I, libre à toi...
— Au moins les Voleurs n'avaient pas ton sarcasme insupportable ! lui crachai-je, outrée par ses propos.
Zed soupira.
— Qu'est-ce que j'ai dit...
Ethel hoqueta, mal à l'aise. Je me rendis compte que j'avais presque crié. Consciente qu'il ne valait mieux pas que je perde mes moyens devant tout ce petit monde – surtout devant les Innés – je respirai profondément pour tenter de me reprendre. Mais j'étais choquée. Je ne comprenais pas comment Zed pouvait sortir des mots aussi blessants. Peut-être que tout ça n'était qu'un jeu pour lui. Peut-être qu'en vérité, je n'avais aucune valeur à ses yeux. Des frissons me parcoururent. J'avais une fâcheuse tendance à beaucoup trop penser.
— Je ne sais pas quel sort il y a entre vous, chuchota Ethel, mais à chaque fois que vous vous parlez il faut que vous vous attaquiez... Ou presqu'à chaque fois, remarqua-t-elle pour tenter de détendre l'atmosphère.
— C'est pas ce que je voulais dire, se reprit Zed en essayant de se rattraper. Je suis désolé...
— C'est ça ouais, me braquai-je. Y'a plutôt intérêt.
— Bon, je raconte la suite de mes explications ou ça tombe aux oubliettes ? demanda Ethel.
Bouillonnant à l'intérieur, j'approuvai d'un hochement de tête silencieux et mon amie reprit son récit.
— Donc les méchants sorciers, enchaîna Ethel, sont punis en errant dans le royaume du Néant dans la crainte que leur âme soit un jour sa victime parce qu'il s'en nourrit. Mais du coup ils n'ont pas le privilège de veiller sur leur descendance comme les bons sorciers le font.
— Hm, je vois, répondis-je songeuse.
Il devait y avoir une sorte d'encens dans les couloirs parce que je respirais une odeur fort agréable et j'avais l'impression qu'elle m'avait apaisée. En même temps, nous nous rendions au Temple, ce n'était pas tellement le genre de lieux où nous étions invités à exposer notre colère...
— Tout ça pour dire que les sorciers vont prier leurs dieux du Soleil, de la Lune et du Néant afin d'accéder à la garde de leurs descendants et pour qu'ils aient une vie longue et heureuse.
— C'est très beau et très utopique... commentai-je. Mais c'est ce à quoi tout le monde aspire j'imagine.
— C'est pas ce à quoi tu aspires ? tiqua Zed en m'adressant un regard intrigué.
— Si... seulement avec tout ce que j'ai vécu et toute l'incertitude du futur, je me pose beaucoup de questions là-dessus. Et prier des divinités pour faire changer les choses et m'amener sécurité, bonheur et épanouissement ne sont pas trop mes priorités. Ce n'est pas en restant inactive et victime de mon sort que je vais trouver ce à quoi j'aspire et une situation qui me plaît. Quand je pense qu'il y a un an j'étais une ado normale qui avait une vie stable, comparé à qui je suis et ce que je fais aujourd'hui j'ai l'impression de grandir trop vite. Jamais je n'aurais eu ces réflexions l'année dernière.
— Alors... Il y aurait finalement bien quelque chose de positif au changement de monde ? tenta Ethel d'une voix hésitante.
— Si tant est que grandir prématurément soit positif alors je veux te répondre oui... répondis-je peu sûre de moi.
Zed ne répondit rien et se sépara de nous pour rejoindre les Innés. Tant mieux. Mais j'avais vu l'expression sur son visage fermé. Il avait froncé les sourcils. Ça me contrariait, depuis quelques jours il devenait de plus en plus distant et n'en avait plus rien à faire de moi – si un jour il en avait eu quelque chose à faire... Il me souriait encore, de temps en temps, et il me parlait encore mais nous ne prolongions plus nos soirées dans la forêt dorée après l'entraînement de Garde comme avant, il ne me prenait plus par la main lorsque nous marchions ensemble dans les couloirs. J'avais l'impression qu'il s'éloignait, dérivait et m'abandonnait. Et je ne savais pas pourquoi. C'était ça le pire. Un pincement désagréable me tordait le cœur.
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*dernière mise à jour : 29/09/18*
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