8. La fourchette
Lorsque je débarquai tout essoufflée à l'entrée, Leonov avait la main sur le pistolet dans son dos, face à notre visiteur élégant au visage étrangement familier. Avant que je ne pusse démêler la situation ou les plis sur mon front, Stanislas m'attrapa le poignet et je faillis m'étaler lorsque le colosse me traîna sans délicatesse vers la cuisine.
Il ne s'arrêta que devant la porte-fenêtre qui jusque-là m'était interdite d'accès, comme
toutes les autres issus de la maison, sous ordre de Xavier. Or ces deux géants, même s'ils me reluquaient souvent d'une façon à vomir en commentant en russe, prenaient les ordres de leur patron très au sérieux. Je saisis la gravité de la situation lorsqu'il me fourra une clé dans la main, et me questionna d'un air grave avec son accent à couper au couteau :
- Tu sais conduire ?
La panique tendit aussitôt mes épaules. Je ne connaissais même pas mon nom. Pourquoi serais-je obligée de prendre le volant ? Avais-je seulement le permis ? Oui. Non. Comment pouvais-je le savoir, nom de Dieu ? Mais si c'était ma seule chance de m'enfuir... Je tressautai à la détonation à l'entrée suivie d'un bruit sourd. C'était la première fois que je sentais mes yeux s'écarquiller de la sorte.
On était attaqué.
Stanislas me poussa vers la porte, qu'il déverrouilla, mais n'eut pas le temps de franchir... vivant. Je ne croyais pas avoir déjà vu quelqu'un se prendre une balle, alors trois... J'étais terrorisée, pétrifiée comme le cri d'horreur qui tentait de briser mon mutisme.
Techniquement je n'étais plus prisonnière. J'avais juste à enjamber le corps et disparaître dans la nuit... ou prendre trois balles à mon tour en essayant. Je sentais la présence de l'assassin dans mon dos tout comme la sueur qui s'y était formée. La brise nocturne qui pénétrait par la porte ouverte était désormais teintée d'une odeur métallique qui réveilla ma nausée, mais je n'osais toujours pas bouger. Jusqu'à ce qu'une voix sèche et autoritaire vienne écorcher ma peau. Je me retournai alors, les jambes pesantes comme attirée par un aimant de malheur.
- Trouve la vieille ! ordonna l'homme. Celle-ci est à moi.
Le tueur de Stanislas s'éloigna. Je me retrouvai seule avec le type aux gants, au col roulé et au long manteau noirs qui s'approchait d'un pas mesuré, comme d'un fantôme. Encore secouée par le destin funeste de Stanislas, j'attendais le mien, avec à peine la force d'affronter son visage. Mais la même attraction malsaine qui m'avait poussée à me retourner, me poussa à lever les yeux.
Je sentis le temps s'arrêter lorsque son regard gris se planta directement dans mon âme. Les frissons sur ma peau et mon souffle coupé face à cet homme me dépassaient. Mais un battement perturbé de mon cœur plus tard, tous mes instincts de survie s'étaient activés. Et je réalisai qu'il avait peut-être l'air familier, car son aura me rappelait le danger. Tout mon être approuva et m'intima de fuir.
Je détalai en enjambant le gardien, mais je ne dépassai pas la flaque de son sang, car le démon s'était jeté sur moi, m'attrapant violemment par le chignon en grinçant :
- Pas cette fois.
Il me projeta ensuite sur la table dans la cuisine qui céda sous la violence de mon poids. Je tombai en geignant de douleur au milieu des débris de bois et des couverts de Leonov qui me griffèrent les côtes et un bras jusqu'au sang.
La douleur m'étourdissait, mais je n'eus même pas le temps de reprendre mon souffle qu'il s'avançait, comme un ange vengeur. Je reculai sur les fesses, le souffle court, des échardes et des pâtes gluantes plein la paume.
- J'arrive pas à croire que c'était ce qu'il cachait depuis deux mois, cracha-t-il. Rien ne m'enrage plus que de voir des salopes comme toi et Irina, être traitées comme si vous étiez spéciales. Vous ne l'êtes pas. Ces imbéciles sont juste impressionnables et faciles à distraire.
Il se rapprochait. Mon cœur ne pompait que de la terreur pure. Je tressautai, les yeux écarquillés au cri d'Olga non loin, suivi d'une détonation. Il ne restait plus que moi ! Ma température corporelle chuta, puis remonta, mis je ne cessai de reculer malgré mes frissons. Il était trop près. Ma main échoua sur une fourchette. Je m'en saisis avant de rassembler tout mon courage et de me lever pour courir.
J'atteignis vite le séjour au papier peint fleuri, les yeux désespérément fixés sur l'entrée barrée par le corps massif de Leonov. Je maudissais la longue robe de soie qui entravait mes grands pas, mais mon instinct me hurlait par-dessus les battements assourdissants de mon cœur de ne pas ralentir. Le désespoir me glaça les veines lorsque je fus violemment déviée de ma trajectoire. Je geignis, les yeux embués, suite au craquement qui résulta du nouvel impact brutal de mon corps contre un mur.
Une chaleur désagréable lécha aussitôt mes côtes, compliquant ma respiration. Le monstre ne me laissa aucun répit. De toute évidence, il était là pour me détruire. Par les cheveux, il redressa ma silhouette menue pliée par la douleur, et me cogna au mur.
De haine, je lui crachai au visage. Je n'avais pas mes souvenirs. J'ignorais pourquoi nos routes se croisaient, mais j'étais persuadée de ne pas mériter être traitée de la sorte. Personne ne méritait ça. Je voulus hurler de rage et le planter avec la fourchette à laquelle je m'accrochais comme une bouée, mais je n'eus pas le temps de conclure ma pensée qu'il essuya son visage aux traits parcourus de venin et d'une main gantée me saisit le cou et me hissa contre le mur.
- T'as jamais mérité l'air que tu respirais de toute façon. Mais t'inquiète, je vais arranger ça.
Mes jambes se débattaient, impuissantes. Mes yeux pleuraient. Ma gorge était en feu. Je ne pouvais plus respirer. J'avais peur. Je ne voulais pas mourir. Cet homme me détestait et je ne savais même pas pourquoi. C'était injuste. Tellement injuste. Mes efforts et coups pour me libérer de sa poigne infernale semblaient pathétiques. Je n'avais aucune chance. Il allait en finir.
- Tu attends de voir Xavier surgir ? se moqua-t-il. Il te sauvera pas cette fois. Il s'est pris deux saletés de balles qu'il aurait pu éviter s'il n'était pas distrait par une stupide cuvette à foutre. Mais tu vas crever. Ensuite je vais te découper en de si petits morceaux que mes chiens te prendront pour du veau. On verra si tu survivras à ça.
Ma trachée et mes poumons hurlaient d'agonie. Je sentais la fin s'approcher. Mes oreilles bourdonnaient. Ma vision se brouillait. J'allais vraiment mourir. La fourchette m'échappait à mesure que je faiblissais. Pourtant, je me refusais à la lâcher. Même si c'était insensé, quelque part au fond de moi subsistait un désir sauvage. Celui de vivre, ou d'emporter avec moi ce monstre dans la mort.
De toutes mes forces restantes, je serrai la manche en plastique et lui plantai la partie métallique sous les côtes dans l'espoir fou d'atteindre son cœur noir.
Je le vis plisser le front à travers ma vision floue. Puis, mes yeux se fermèrent en même temps que le reste de mon corps abandonnait. Toutefois, avant que le noir ne m'engloutisse, l'étau autour de ma gorge disparut. J'échouai sur le parquet dans un bruit sourd, l'esprit embrumé. Mais par réflexe, mon corps se recroquevilla sur le côté et je toussai, torturée par chaque nouvelle respiration au point d'en pleurer.
Quelques secondes à l'impression d'éternité plus tard, la fourchette aux pointes écarlates me rejoignit au sol. Rampante, une main tremblante sur ma gorge meurtrie, je tentai de récupérer mon arme improvisée. Le démon éteignit mon espoir en m'écrasant la main de sa botte.
Je gémis de souffrance, les larmes intarissables. Il s'accroupit avec un rictus sardonique, ses gants dans une main et l'autre tachée de son sang qu'il goûta avant de m'en barbouiller le visage. C'était un putain de malade ! Mon estomac soulevé par l'odeur métallique et la consistance poisseuse sur ma peau, vibrait de haine. Je m'assurai de le laisser transparaitre dans mon regard qu'il sonda, les doigts enfoncés dans mes joues.
- T'as osé me planter, sale pute ?
J'eus envie d'agrandir son sourire démoniaque au couteau. Son amusement d'avoir été blessé ne s'affaiblissait pas. S'il voulait me voir recommencer, il avait juste à libérer mon bras pour que je fasse son bonheur. Ce type était vraiment barje en plus d'être un monstre.
Il finit par se lever avec la fourchette. Sans délivrer ma main de sa chaussure, il appela l'autre assassin :
- Sergueï, va me chercher un sac ! Je ramène un déchet.
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Alooors. Vos aviiiis silvoupliiiiz
Vos attentes. Vos suggestions...
Bon l'histoire commence enfin.
Je suis trop heureuse.
J'ai hâte de vous faire lire la suite.
J'ai tellement de surprises.
Je suis toujours sur memyquotesand.i entre les chapitres💕 n'hésitez pas à m'y rejoindre.
Je reviens très vite
XoX
30/01/22
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