11. Le plan
Je me réveillai en sursaut à cause d'un cauchemar. Transpirante, le souffle haché, je m'accoudai pour allumer la veilleuse que m'avait installée Olga. Mais mon corps identifia du carrelage froid à la place d'un lit et ma main atteignit du vide à la place de la lampe.
Eh merde ! Ce n'était pas un cauchemar. J'étais bien passée des mains d'un psychopathe à un autre.
À court de larmes, je m'étais endormie en boule par terre, malgré mes côtes douloureuses. M'équilibrant sur mes fesses et une paume, je clignai des yeux pour dissiper les ténèbres environnantes. Cependant, elles persistèrent comme après le départ du monstre ; comme avant et pendant ma crise d'angoisse. Je me remis à entendre des craquements, des grincements et toute sorte de bruits inquiétants. Comment être certaine qu'il était vraiment parti ? J'étais faible et démunie face aux horreurs se cachant dans le noir.
Mon cœur s'emballa à nouveau et je me frottai les bras dans un geste anxieux. Toutefois, je m'empêchai de céder une deuxième fois à la panique. Je fermai les yeux et inspirai un grand coup pour me donner du courage. Je pleurerais plus tard. Je devais m'échapper de cette prison.
Le monstre m'avait déconseillé de partir. Mais il se gourait s'il croyait que j'allais tranquillement rester faire sa marionnette de malheur. C'était dans son intérêt de m'intimider à rester. C'était dans la mienne de désobéir. J'étais morte de toute façon. Je gardais juste un grain d'espoir qui germerait peut-être si je l'évitais d'être mon assassin. Cet homme me haïssait. Il ne se contenterait pas de me tuer ; mon agonie serait sans nom. J'ignorais peut-être quel genre de personne j'avais été toute ma vie, mais je n'allais pas accepter cette fin.
Je me levai et me dirigeai au toucher des objets environnants, comme une aveugle. Après tout, je pouvais l'être. Peut-être que le démon m'avait arraché les yeux et mon cerveau me cachait aussi ces souvenirs pour me protéger. Je tâtai aussitôt mes paupières pour sentir mes globes oculaires... C'était le noir ! Il me rendait parano. Je détestais le noir. Ouvrir les yeux, ciller pour ne rien voir réveillait en moi des pulsions désagréables. Et être à la merci d'un psychopathe n'arrangeait pas les choses.
D'ailleurs comment avait-il pu deviner que l'obscurité me mettrait dans un tel état ? À moins qu'il ne l'eût pas deviné. Ça impliquerait qu'on se connaissait avant même que je perde la mémoire. Ça expliquerait pas mal de choses, dont sa haine. Mais ça impliquerait aussi une chance que j'étais quelqu'un d'horrible pour connaître ces malades. Et pourquoi s'étaient-ils retournés contre moi ? J'avais mal au crâne. Je voulais comprendre. Je détestais être dans le noir, dans tous les sens du terme.
J'arrivai près de l'entrée où une fine raie de lumière filtrait sous la porte et mes yeux s'écarquillèrent :
– Lumière.
Je me figeai aussitôt. Ce murmure était sorti de ma bouche. Je n'avais pas rêvé. Je savais ce que j'avais entendu. Il venait de moi. Je pouvais donc parler ! Je ne savais juste pas comment réessayer. Je touchai ma gorge, puis ma bouche sèche, le cœur battant, plein d'espoir. Cependant aucun autre son ne franchit mes lèvres. Et plus je me forçais, plus mes muscles se tendaient de nervosité. Ma voix refusait d'obéir à ma volonté comme dans la crainte d'être emportée par une présence malfaisante si jamais celle-ci l'entendait. La même présence qui m'avait déjà tout arraché, jusqu'à mon nom.
Je fus secouée d'un rire sans joie par toute cette situation. Je ne savais même pas comment parler ! Ç'en était pathétique. Mon existence était pathétique. Ma mort le serait tout autant. Et je ne saurais même pas quel péché m'avait condamnée.
Je m'allongeai sur le ventre pour tenter d'apercevoir quelque chose de l'autre côté. Ce fut peine perdue, car seuls quelques millimètres séparaient la porte du carrelage. Pourtant je restai là, comme une droguée ; comme un moucheron hypnotisé, incapable de m'éloigner de la raie de lumière.
Au bout de plusieurs minutes, une voix furieuse s'éleva de l'autre côté, dans la langue d'Olga et de Xavier. Je reculai précipitamment sur les fesses, au cas où ce serait le tueur de retour. Lorsque les ténèbres m'engloutirent de nouveau, je sentis un étrange courant d'air à l'endroit où mes boucles caressaient mes épaules nues. Je serrai les dents et gardai mon attention sur la raie de lumière désormais interceptée par une ombre bruyante qui faisait des aller-retours en vociférant des paroles que je ne comprenais pas.
Ce n'était pas lui. Ce n'était pas sa voix. Je fus comme shootée par une dose d'espoir.
À quatre pattes, je retournai dans la salle à manger et me redressai au contact d'une chaise. Je n'eus aucun mal à l'emporter devant la porte, mes yeux s'étant accoutumés à l'obscurité, au contraire de mes nerfs qui étaient toujours à deux doigts de me lâcher.
J'actionnai encore une fois la poignée pour économiser du temps si par miracle elle était déverrouillée. Mais j'étais en enfer donc rien ne se passa. Je reculai alors, roulai les épaules, expirai un grand coup, puis me lançai.
Je cognai une première, une deuxième et une troisième fois... le bois vibra, mais sans plus. J'étais déjà essoufflée à cause du poids de la chaise, et l'effort qui torturait mes côtes douloureuses. Je ne m'arrêtai pas pour autant. Il était hors de question que je donnai satisfaction au psychopathe en participant à son jeu morbide. Je ne pouvais pas non plus rester dans le noir à anticiper son retour. Mes nerfs ne tiendraient pas un jour de plus. Je cognai encore. Un pied de la chaise se cassa, mais la porte ne bougea pas.
Qu'est-ce tu espérais après tout ? Que la chaise la défonce ?
Le désespoir me gagnait devant mes efforts vains. Je cognai une ultime fois la chaise estropiée contre le bois de toutes mes forces, puis me laissai tomber par terre après elle. Cependant, je n'eus pas le temps de pleurer ni de m'apitoyer sur mon sort, interloquée par l'aboiement de l'homme de l'autre côté.
— Ton vacarme m'explose sérieusement sur mes nerfs. J'ai ordre de t'exploser ton genou d'avec une balle, si tu franchis cette porte. Mais je peux toujours dire que tu es sortie et ne attendre pas jusque-là si tu n'arrêtes pas ton cancan !
Il s'était exprimé dans un anglais imparfait avec un fort accent exacerbé par sa colère. Ne sachant pas quoi faire d'autre, j'attrapai le pied cassé de la chaise pour m'en servir comme arme au besoin, puis m'agenouillai le cœur tambourinant, les sens aux aguets, enregistrant le maximum d'informations possibles, car il n'avait pas fini sa diatribe.
— C'est déjà chiant à jouer les gardes dans ce trou à une pute que je peux pas m'amuser. Ne me force pas à rendre désagréable pour nous deux. Reste tranquille et on t'apportera à manger. Sinon tu vas le regretter.
Il shoota dans la porte, me faisait tressauter. Puis il s'éloigna à pas rageurs. Mon cerveau tournait à cent à l'heure pour chercher une échappatoire en utilisant les informations qu'il m'avait données. Au bout de trois minutes, j'avais déjà un plan : faire plus de bruit.
Je risquais une balle dans la jambe en le poussant à entrer, mais c'était aussi ma seule chance de m'enfuir. Si j'étais habile, je pourrais l'attendre, l'assommer et m'échapper. Le hic c'était qu'il me semblait immense, vu le bruit de ses pas. Avec quoi mettrais-je à terre une montagne armée ?
Je me tournai vers le mur opposé, à l'endroit où j'avais aperçu la télé quand la lumière était allumée. L'adrénaline galvanisant mes muscles, je me levai, direction le reste de mon plan. Cependant avant de décrocher l'appareil de son support, un détail me revint. La Montagne avait promis de m'apporter à manger.
J'étais faible et blessée. Peut-être que je devrais attendre d'être revigorée pour optimiser mes chances. Mais attendre c'était aussi courir le risque que le monstre revienne. Que faire ? Mon estomac me dissuada de choisir en emplissant la pièce d'un gargouillement évident.
J'allais attendre. J'eus du mal à m'éloigner de la faible lumière sous la porte, mais je ne voulais pas contrarier La Montagne quand il m'apporterait à manger et le pousser à appuyer sur la gâchette avant l'heure.
À regret, je me rendis dans la chambre, sans oublier le pied de la chaise et priai pour que le sbire tienne sa promesse de me nourrir.
Je posai mon arme improvisée à mes côtés et m'installai dos contre le montant du lit en ramenant mes jambes vers ma poitrine. La douleur dans mes côtes m'empêcha de les serrer en quête de réconfort. J'eus aussitôt envie de pleurer, mai décidai que ce serait une perte d'énergie. J'aurais besoin de toute celle que j'avais.
Seule avec le bruit de ma respiration, l'odeur de ma transpiration et le goût de désespoir dans ma bouche sèche, je serrai les paupières pour éviter d'être hantée par les ténèbres. Je ne tins cependant que quelques secondes. Il m'était impossible de décider laquelle était la plus effroyable entre l'obscurité derrière mes yeux et celle qu'on m'avait imposée.
Tandis que mon esprit tourmenté s'attelait à ses scénarios macabres, mon corps douloureux réclama du repos. Je m'allongeai sur le dos, et pour m'empêcher de m'assoupir et d'être vulnérable à une attaque du monstre, je pianotai sur mes cuisses en fredonnant une comptine qui avait flotté jusqu'à moi sur l'océan inexplorable de mes souvenirs. Elle devait être marquante pour moi comme je devinais les rares choses dont je me souvenais.
Je me réveillai en sursaut, au bout d'un moment indéfinissable, comme si mon cerveau s'était brusquement rappelé de ne pas me laisser dormir. Sans prendre le temps de m'étirer ou de laisser l'anxiété d'être désorientée me handicaper, je m'arrachai du lit et titubai jusqu'à l'entrée où un sac m'attendait près de la raie de lumière. La Montagne avait tenu sa promesse ! Je me jetai sur le hamburger et les frites et en oubliai mon plan qui ne revint quand je fus repue, étendue sur le dos devant la porte.
J'allais créer une tonne de bruits incohérents pour attirer La Montagne à l'intérieur, le déséquilibrer, l'assommer et lui voler son arme et ses clés.
Mon rire de gorge hystérique revint alors que je me repassais le scénario. Pour qui je me prenais ? Une ninja ? Désarmer un homme qui devait peser le centuple de mon poids sans finir écrasée ? Autant rester et affronter le monstre vu que j'étais si confiante. Et si l'homme de l'autre côté de la porte était plus redoutable que celui que je voulais éviter ? J'effleurai ma gorge qui portait encore ses traces. Non, ça personne ne l'était. Et je lui avais quand même planté une fourchette sans qu'il ne le vît venir, non ? Je pourrais surprendre son sbire. J'en étais capable. Il fallait juste que je me concentre.
Je m'assis, bravache. Plusieurs profondes inspirations plus tard, ça y était. J'étais prête.
À te faire exploser le genou ou le crâne ?
Non, à échapper à un psychopathe.
01/05/21
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Comment vous allez ?
Je sais que je ne fais plus vraiment de NDA, c'est parce que je ne veux plus faire de promesses que je ne pourrais pas tenir. Mais vous parler me manque😣 maintenant que cette histoire me hante et que je lui consacre au moins 1h par jour
Alors dites-moi vos avis, prévisions et suggestions.
J'ai si hâte de poster la suite
Je suis sur Instagram: stelenarte
si vous voulez qu'on parle entre les chapitres
À bientôt
Xox
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