Chapitre 30
Yann avait donc dit juste. Le dos droit, les mains derrière le dos afin de passer de rayons en rayons, Zayn était vêtu d'un costume noir afin de surveiller les allées du magasin, situé légèrement en dehors de la ville. Si certaines enseignes étaient discrètes et demandaient à leur surveillant de rayon de s'habiller d'un jean et d'une simple chemise afin qu'on le confonde avec les clients, ce magasin ne semblait pas vouloir cacher qui surveillait les rayons ici et semblait vouloir le montrer très clairement.
Sophie se dirigea droit sur Zayn et tomba net devant lui au beau milieu du magasin. A sa vue, il inspira profondément et continua sa ronde, comme si de rien n'était, mais Sophie fit demi-tour et se dirigea de nouveau sur lui.
-Excusez-moi ! Plaisanta-t-elle. J'ai une question à vous poser.
Mais Zayn continua sa marche, les mains collés derrière le dos.
-Pas très aimable, cet homme.
Il s'engouffra dans un rayon, mais Sophie le suivit.
-Je ne savais pas que tu étais une sorte de vigile à tes heures perdues.
Sophie haïssait parler dans le vide, et c'est ce qu'elle faisait, une fois de plus, avec Zayn. Il ne lui répondait pas, et elle allait vite arrêter de plaisanter s'il ne lui accordait pas un minimum d'attention. Agacée de voir qu'il semblait ne pas vouloir réagir, elle accéléra sa marche et se stoppa net devant lui ce qui l'obligea à se stopper, lui aussi.
-Tu joues à quoi ?
Tous deux se fixèrent en silence, comme ils en avaient tant l'habitude. Pourtant, cette fois-ci, leurs visages se trouvaient à quelques centimètres l'un de l'autre et elle pu très clairement voir la mâchoire de Zayn légèrement contractée. En avait-il réellement marre de la voir ? Devait-elle jeter l'éponge avec lui ? Lentement, il fit tomber son regard sur les lèvres de Sophie, et gênée, elle fit de même. Elle devait se l'avouer, il avait de très belles lèvres, pourtant, jamais elle ne l'avait remarqué, c'était la toute première fois qu'elle pouvait les observer d'aussi prêt. Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua même pas le léger sourire que lui adressa Zayn en remarquant ce qu'elle fixait depuis une bonne dizaine de secondes maintenant. Il aurait bien joué avec cela, la provoquer, mais il n'en avait pas le temps, il travaillait.
-Ça va, mon Zayn ?
Sophie retomba brutalement sur terre et se tourna vers la jeune femme qui s'était arrêtée aux côtés de Zayn. Vu sa tenue, c'était sûrement une employée du magasin, une caissière peut-être.
-Ça va ma belle, et toi ?
Fatiguée par son petit jeu, Sophie tourna les talons et traversa le magasin avant de passer la sortie. S'il voulait jouer, elle allait s'y mettre, mais il n'allait sûrement pas gagner.
Les vêtements lui collaient à la peau tant elle se dépensait sur le tapis de course. Cela devait bien faire vingt minutes qu'elle alternait entre course et marche et cela la fatiguait comme jamais. La seule chose dont elle rêvait à cet instant était une bonne douche fraiche et d'une bonne grenadine glacée. Pourtant, il lui restait dix minutes de vélo. Elle stoppa sa course pour marcher quelques instants sur le tapis avant de foncer sur l'autre appareil cardio.
-Alors, tu l'as trouvé ?
Yann se plaça à gauche de la machine de course.
-Oui, et c'est une très mauvaise chose.
-Ah bon ? Pourquoi ça ?
Sophie tenta de reprendre son souffle aussi vite qu'elle le pu et stoppa la machine.
-Je ne veux pas parler de lui, il me gonfle.
-Si tu le souhaites. Il s'étira les bras. T'as bien couru aujourd'hui.
Elle lui adressa un léger sourire et lui fit signe qu'elle passait sur le vélo. Il hocha la tête et alla apporter son aide à l'un des clients au fond de la salle.
Les cheveux dégoulinant à l'arrière de son t-shirt, elle enfila sa veste et prit place sur l'un des bancs du vestiaire pour faire les lacets de ses chaussures. La porte s'ouvrit mais elle n'y prêta aucune attention, ce ne fut que lorsqu'elle vit une paire de Timberland devant elle qu'elle se rendit compte de qui venait d'entrer, elle connaissait cette paire, cette paire de Timberland que Zayn avait l'habitude de mettre ces derniers temps. Sophie ne releva pas la tête et termina de faire ses lacets. Une fois fait, elle se redressa et lui tourna le dos afin de fermer son sac de sport. Il avait voulu jouer ? Ils allaient jouer. La jeune fille attrapa la lanière de son sac afin de le passer sur son épaule droite, mais Zayn lui attrapa rapidement le bras. La peur et la surprise la firent aussitôt reculer et elle se retrouva rapidement plaquée aux casiers derrière elle.
-Mon Zayn regarde si je ne vole rien dans les vestiaires, c'est ça ? Demanda-t-elle ironiquement en tentant de cacher sa peur.
Il la fixa.
-Pourquoi t'es là ? Cracha-t-elle enfin. Va-t-en.
-Pourquoi t'agis comme ça ? Mon dieu t'es une vraie gamine.
-Moi ? Elle ricana. C'est moi la gamine maintenant ? C'est qui qui m'a ignoré hier ? C'est toi le gamin Zayn, je n'ai de réflexion à recevoir de personne, et encore moins de toi.
-Je vais...
-Quoi ? Le coupa-t-elle. Tu vas me frapper ?
Il relâcha aussitôt le bras de Sophie et recula d'un pas.
-Qu'est-ce que tu racontes là ? Je ne frappe pas les femmes !
-C'est pas ce qu'on m'a raconté.
Zayn se retourna et frappa violemment dans le casier derrière lui avant de bloquer ses mains sur ses hanches. Immobile, Sophie resta silencieuse, choquée par la violence dont venait de faire preuve Zayn.
-C'est l'autre qui l'a ouvert, c'est ça ? Cracha-t-il sèchement avec lenteur.
-Zayn...
Sophie s'approcha lentement du jeune homme et posa l'une de ses mains sur l'épaule gauche de Zayn. Elle sentit son corps se contracter à son toucher.
-Retire ça tout de suite.
Sans plus attendre, elle retira sa main et recula de quelques pas.
-Tu as un vrai problème, Zayn.
Sans qu'elle ne s'y attende, il lui fit aussitôt face, les traits de son visage totalement tirés. Il avait tant de haine en lui, tant de fureur, et il n'explosait pas. Il restait là, les yeux rivés dans ceux de Sophie.
-T'as peur de moi ?
Elle resta silencieuse.
-Je frapperai jamais une femme, dit-il avec lenteur. Je préfère me tuer plutôt que de lever la main sur une femme, je suis pas un lâche !
-Je n'ai jamais dit que tu étais un lâche.
-Mais tu as dit que je pouvais frapper une femme !
-Je ne l'ai pas dit !
-Putain, Sophie, tu l'as pensé ! Tu l'as insinué !
Un silence prit rapidement le dessus dans les vestiaires. Zayn tenta de rester calme et expira calmement.
-Ce mec est louche, il parle sans savoir, il a des fréquentations louches.
-On en parle des tiennes ?
Zayn ricana nerveusement.
-Tu préfères croire un mec que tu connais depuis peu. Tu te fais totalement embobiner...
-Comment je suis censée faire si tu ne me dis rien sur toi ? Comment je suis censée en savoir plus sur toi, savoir si ce qu'on dit sur toi est vrai ou non si tu ne me dis rien ?
Le téléphone de Zayn sonna. Il le sortit habilement de sa poche et observa son écran principal.
-Je me casse.
-Tu ne sais faire que ça.
Le jeune homme observa un instant le visage de Sophie, silencieux.
-T'as raison, c'est ce que je sais faire de mieux, surtout quand je ne dois plus jamais revenir.
Il lui tourna le dos, poussa la porte avec son pied et la claqua derrière lui, laissant en plan Sophie et un grand courant d'air qu'elle se prit en plein visage. Tout cela allait trop loin, beaucoup trop loin. Pourquoi étaient-ils sans cesse l'un contre l'autre ? Ne pouvaient-ils pas, rien qu'une fois, se battre ensemble, pour la même chose ?
Marta reprenait espoir. Sophie semblait davantage vouloir s'en sortir, et le fait de voir qu'elle avait totalement changé ses horaires de coucher et de sortie lui faisaient un bien fou. Cela prouvait qu'elle changeait ses habitudes de vie, qu'elle n'allait plus trainer à la décharge le soir jusque très tôt le matin. Elle semblait voir la lumière au bout du tunnel, et elle ressentait désormais tant de fierté envers sa nièce. Zayn lui avait été d'une grande aide, sans lui tout cela n'aurait pas eu lieu, sans lui, Marta ne préférait pas imaginer l'état de Sophie... Comme l'avait dit monsieur Richard, il avait sûrement un gros passé derrière lui, mais il se battait également contre celui de Sophie. Il avait du courage, elle devait bien l'avouer. Pourtant, malgré toutes ces avancées vers le droit chemin, madame Anguise sentait Sophie préoccupée, et la peur qu'elle puisse rechuter ne la quittait pas. Même si en ce moment elle arrivait à avoir des nouvelles de Zayn, il lui semblait que ça n'était pas le cas de sa nièce, qu'ils étaient tous deux en froid. Mais pourquoi ? Ne s'appréciaient-ils pas tous les deux?
Après sa session de cardio, Sophie fonça à la douche. Ses membres n'en pouvaient plus. Elle passait plusieurs heures à la salle de sport depuis quelques jours, et il était probable que son corps ait besoin davantage de repos. Lorsqu'elle eut enfin fini, et que ses cheveux furent brossés, elle passa devant l'accueil et était sur le point de passer la porte lorsque la jeune femme l'interpella. Surprise, Sophie s'approcha du bureau.
-Laisse tomber avec Yann, rétorqua-t-elle sans ménagement.
-Quoi ? Pourquoi tu me parles de Yann ?
-Fais pas la maligne avec moi. Tu ne sais pas de quoi je suis capable. Si tu ne veux pas que je te pourrisse la vie, oublie-le.
Sophie leva ses sourcils, surprise, et tourna les talons afin de sortir, ne sachant même pas quoi répondre à ça. Était-elle aussi obsédée par Yann ?
La jeune fille prit le bus et arriva avant le repas du midi chez Marta. Une très bonne odeur lui parvint jusqu'au nez lorsqu'elle passa la porte, et toutes deux prirent place à table, la télévision allumée.
-Sophie, qu'est-ce que tu veux pour ton anniversaire ?
La bouche pleine, Sophie fit signe qu'elle ne souhaitait absolument rien. Elle n'y avait même pas réfléchi plus que ça. Être totalement soignée peut-être ? Malheureusement ça ne pouvait pas s'offrir et encore moins s'acheter, ça ne pouvait pas être aussi facile à avoir : la guérison. Il fallait du temps. Beaucoup de temps.
-Sophie...
-Marta, je n'ai rien ni personne en tête à inviter. Je n'y ai même pas pensé. Toi et moi ça suffira.
Alexy semblait ne pas avoir compris le message tant il continuait à harceler Sophie de messages. C'était déjà bien gênant d'ignorer des messages, mais des appels à tout bout de champ l'était davantage. Ce n'était pas de lui qu'elle voulait recevoir un message, mais bien de Zayn... Il l'ignorait deux fois plus depuis qu'ils s'étaient pris la tête dans les vestiaires, mais elle n'avait jamais souhaité que ça aille jusque là, jamais elle n'avait voulu autant se prendre la tête avec lui. Même si Sophie sentait qu'elle reprenait peu à peu sa vie en main, même si elle sentait qu'elle arrivait un peu mieux à ignorer la drogue malgré l'intérieur de son ventre tiraillé en deux pour qu'elle en reprenne, elle sentait que quelque chose lui manquait. Elle souhaitait être en paix avec Zayn, elle souhaitait ne plus autant se prendre la tête avec lui, et tant pis s'il ne souhaitait rien lui dire sur lui... Elle était blessée, certes, mais c'était son droit de ne pas vouloir dévoiler son passé, son présent...
Sophie passa la porte de la salle de sport pour la seconde fois de la journée afin de venir récupérer sa serviette violette qu'elle avait oublié le matin-même. La guetteuse et Yann se trouvaient tous deux à l'accueil. Gênée, elle s'arrêta face au bureau et se sentit encore plus mal lorsqu'elle vit le sourire que lui faisait Yann.
-J'ai sûrement oublié ma serviette ce matin. Elle est de couleur violette.
-On l'a pas, répondit aussitôt sèchement la femme.
Yann leva les sourcils de surprise et se tourna vers le meuble où se trouvaient tous les objets perdus et retrouvés. Souriant, il en sortit la serviette tant désirée et la tendit à Sophie, qu'elle récupéra en souriant.
-Je savais qu'elle était à toi.
-Merci beaucoup. J'y tiens vraiment à cette serviette.
La jeune femme la fixa pendant que Yann, à ses côtés souriait. Un client arriva peu après près d'eux afin de demander de l'aide sur une des machines, alors le jeune homme châtain se tourna vers la guetteuse.
-Vas-y, j'ai des trucs à faire.
Totalement choquée par ce qu'il venait de lui dire et par la façon dont il venait de le dire, elle rejoignit l'homme, pleine de rage.
-Elle a un gros problème.
Yann lâcha un rire.
-Pourquoi tu dis ça ?
Sophie se sentit devenir écarlate. Non pas qu'elle était gênée d'être face à lui, mais il était gênant d'avouer ce qu'elle pensait de la situation.
-Je crois qu'elle a un faible pour toi. Elle veut que je t'oublie.
-Sérieux ?
Il explosa de rire et ria davantage lorsqu'il vit qu'elle les regardait de l'autre bout de la salle de sport.
-Je m'en suis toujours un peu douté, en fait. Mais ignore-la, ça n'a pas d'importance ce qu'elle pense. J'ai aucune vue sur elle, ça n'ira jamais plus loin entre elle et moi.
-Il faudrait peut-être penser à lui dire, alors. Si elle fait le coup à toutes les filles ici, ça craint.
-Je pense que non, j'aurais sûrement eu des retours. Et puis tu sais, je m'en fous de ce qu'elle veut, j'ai quelqu'un d'autre en tête.
Sentant le regard de Yann sur elle, Sophie tourna les yeux vers l'ordinateur devant lui et tenta de changer de sujet du mieux qu'elle le pu. D'ailleurs c'était le bon moment, elle avait quelque chose de sérieux à lui demander.
-Pourquoi tu m'as dit que Zayn avait frappé une fille ?
Yann soupira et posa son regard sur l'écran de l'ordinateur.
-Faut toujours que tu parles de lui, hein ? Écoute... c'est ce qu'on m'a dit.
-Tu n'as pas vu ? Répliqua-t-elle aussitôt.
-Non, dit-il en levant les yeux en l'air. J'étais en congé à ce moment. Quand je suis revenu, il était viré d'ici.
Sophie fronça peu à peu les sourcils. Elle ne comprenait pas grand chose à cette histoire.
-Comment ça ? Qui a vu ? Qui te l'a dit, alors ?
-Alison.
-C'est qui ?
Yann pivota légèrement sur lui-même et lui montra du regard la guetteuse qui s'occupait désormais d'une femme près des tapis d'étirement.
-Tu plaisantes ? C'est une blague !
-Quoi ?
Sophie ricana nerveusement et le salua avant de sortir rapidement de la salle de sport. Cette femme n'avait donc aucune limite !
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