Chapitre 29
Malgré les nombreux appels, Zayn restait injoignable. Elle n'arrivait plus à le contacter depuis sa prise de tête la veille à la salle de sport. Bon sang, comment allait-elle le retrouver à présent ? Sophie alla faire sa séance de sport habituelle à dix heures, plongée dans ses pensées, si plongée qu'elle ne vit même pas les nombreux regards que lui lançait sauvagement la jeune femme à l'accueil. Zayn ne pouvait pas apparaître et disparaître à tout bout de champ, ça n'était ni sain ni agréable. En avait-il autant rien à faire d'elle ? Pouvait-il aussi rapidement l'oublier et passer à autre chose ?
Après avoir déposé son sac de sport chez Marta, Sophie prit le bus et s'arrêta près de la décharge. Ce lieu où elle avait tant l'habitude d'aller n'était plus qu'un terrible souvenir dès à présent. Pourtant, aujourd'hui, elle se retrouvait de nouveau ici, sous la demande d'Alexy la veille. C'était une mauvaise idée d'y retourner, une très mauvaise idée, et ça elle le savait bel et bien, mais elle se devait d'aller parler avec Alexy de leur relation, elle devait mettre les points sur les i, c'était maintenant ou jamais. Après une grande expiration, Sophie descendit la petite pente de terre et rejoignit son ancien ami sur le canapé en face de celui où il était déjà assis. Elle ne souhaitait aucun contact avec lui, plus aucun.
-Je suis content de te voir, bébé.
La peur monta aussitôt en elle. Il avait déjà pris de la drogue. Il n'était déjà plus lui-même.Il n'utilisait ce surnom que lorsqu'il n'était plus clean.
-Bébé, t'en veux un peu ?
Il sortit de sa poche un sac de poudre et le jeta sur la table qui les séparait.
-Vas-y, serre-toi, c'est cadeau.
Elle observa un instant le sachet sur la table, anxieuse, et porta de nouveau son regard sur Alexy.
-Je ne suis pas là pour ça.
Il se pencha sur la table, y déposa un tas de poudre et en inspira une partie avant de se renfoncer dans le canapé. Son regard se posa sur la poitrine de Sophie.
-Alexy, tu as voulu que je vienne, je suis là.
Un sourire prit place sur son visage et il remonta son regard sur le visage de la jeune fille.
-Ouais, bébé. Je voulais te revoir. Tu me manques.
-Tu sais que je ne veux plus de cette vie, n'est-ce pas ?
Il ricana.
-Tu t'en sortiras pas, ça sert à rien de lutter.
-Pourquoi tu ne crois pas en moi ? Demanda-t-elle. Pourquoi tu ne veux pas que je m'en sorte ?
-T'es une droguée, t'es une droguée et tu le resteras.
-Je veux m'en sortir, Alexy, je ne veux plus vivre ce que j'ai vécu ici. C'est pas ça la vie.
-C'est quoi la vie, alors ? S'exclama-t-il en se redressant sur le canapé. C'est quoi la vie ? Vas-y dis-moi ! C'est travailler ? C'est métro boulot dodo ? Tu veux vraiment de cette vie de merde ? Tu veux vraiment être un pantin dans la société ?
Il ricana.
-T'es vraiment devenue une merde, bébé, t'es vraiment une merde.
Il se pencha de nouveau sur la table et inspira l'autre petite partie de poudre.
-Fais attention... s'il te plaît...
Il se frotta le nez pour enlever le reste de poudre sur le bout de son nez et leva son regard vers Sophie, sérieux.
-Tu crois que je sais pas ce que je fais, c'est ça ?
-Une erreur de dose peut être fatale, tu le sais aussi bien que moi.
Il agita sa tête, agacé, et s'étendit sur son canapé, face au ciel.
-Tu sais bien que j'en ai rien à foutre.
-Ne dis pas ça.
-Pourquoi ? Parce que tu t'inquiètes pour moi ? Ricana-t-il de nouveau. Je sais bien que t'en as rien à foutre de moi. J'en ai marre de te courir après.
-Je m'inquiète pour toi. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.
Il ferma ses yeux et inspira lentement.
-C'est tellement bon.
Il faisait référence à la drogue. C'était une des phrases qu'il répétait le plus souvent lorsqu'il en avait ingéré une grande dose, ce qui inquiétait davantage Sophie. Pourquoi ne voulait-il pas s'en sortir, tout comme elle ? Le fait qu'il soit seul était réellement une raison ? Il n'avait plus personne sur qui compter, sa famille n'en était plus une, certes, mais devait-il se laisser pourrir à petit feu comme cela ? Sophie aurait aimé dire que non, mais c'était bien facile à dire lorsqu'on avait la chance d'être entouré de gens qui voulaient nous aider et se plieraient en quatre pour. Lorsque Sophie rapporta son regard sur Alexy, elle le vit assoupi. C'était le moment pour s'en aller.
Heureusement que Marta lui avait rappelé que son anniversaire approchait, car elle l'aurait totalement oublié. Elle n'avait plus vraiment conscience des dates, et cela ne l'empêchait pas de vivre, bien au contraire. Dix-huit ans. Elle allait avoir dix-huit ans, et elle se battait encore aujourd'hui contre la drogue. Sophie n'avait même pas de diplôme hormis son brevet, mais qu'allait-elle faire avec ça ? Absolument rien. Elle prit place sur le rebord de son lit et sortit de sa poche le sachet de poudre qu'elle avait volé à Alexy avant de s'en aller. Pourquoi avait-elle fait ça ? Pourquoi faisait-elle toujours les mêmes conneries ? Blasée, elle se laissa tomber sur son lit et observa le plafond de sa chambre. Zayn avait encore ignoré son appel et elle aurait bien été le voir jusque chez lui, mais elle n'avait aucune idée de l'endroit où il vivait, et elle savait encore moins son nom de famille.
Elle ferma un instant les yeux. Que pouvaient bien penser ses parents en la voyant galérer comme elle le faisait en ce moment ? Comment avaient-ils réagi en la voyant attraper ce sachet avant de fuir comme une voleuse ? Elle avait honte, tellement honte. Elle se redressa aussitôt sur ses jambes et sortit de sa chambre avant de passer la porte d'entrée quelques instants plus tard. Si elle était restée dans sa chambre, elle aurait succombé, c'était sûr.
Sophie marcha le long des boutiques du centre-ville, jetant un œil par-ci et par là au contenu des boutiques. Ce qui était assez frustrant était d'apercevoir de belles choses à l'intérieur des vitrines, ce qui était davantage frustrant était de croiser des anciens camarades de classe. Devait-elle les ignorer ? Leur faire face ? Elle n'en avait aucune idée. Quand elle en croisa, Sophie tourna aussitôt son visage vers les vitrines près d'elle, et reprit sa marche qu'une fois ses anciens camarades passés. Bon sang, c'était pathétique, n'est-ce pas ? Mais s'il y avait bien une personne à ne pas ignorer et à aller voir, c'était Emily, une camarade du groupe d'aide. Enfin, elle avait été une camarade de courte durée, mais elles avaient partagé cette heure d'aide ensemble. Sophie l'interpella et la rejoignit en trottinant à l'autre bout du trottoir.
-Salut ! Rétorqua Sophie en s'arrêtant face à Emily qui resta de marbre face à elle.
-Écoute, reprit-elle, je suis désolée de m'être adressée à toi comme ça l'autre jour...
La jeune fille regarda Sophie, silencieuse.
-Tu te souviens de moi ? Sophie ricana nerveusement. Je suppose que oui... Tu sais, c'est moi qui ai été bête dans l'histoire. Je n'avais pas à te juger. Et j'étais même très mal placer pour te juger...
-T'en fais pas, rétorqua Emily.
-Non, je tiens vraiment à t'adresser toutes mes excuses. Je suis désolée. J'ai honte aujourd'hui.
-C'est le plus important, répondit Emily tout en souriant bienveillamment. C'est bon, je ne t'en veux plus.
-C'est trop facile de mettre la réaction que j'ai eu sur le dos de mes problèmes, j'en ai bien conscience, pourtant c'est vraiment à cause de ça.
-C'est bien pour ça que tu étais là-bas.
Sophie acquiesça légèrement de la tête. C'était vrai. Monsieur Richard avait eu raison depuis le début, et pourtant elle aurait préféré tué plutôt que de l'avouer auparavant. Jamais elle n'aurait pu l'avouer, ni aux autres, ni à elle-même. Le plus dur était sûrement de se l'avouer à soi-même.
-Je ne t'ai pas revu là-bas, reprit Emily.
-Je sais, répondit-elle gênée, j'ai... J'ai jamais vraiment aimé y aller... Je ne sais pas comment tu as fait pour t'ouvrir comme ça aux autres... Il en faut du courage.
-Je ne sais pas si c'est une question de courage. Tu sais, quand on a conscience de notre problème et qu'on souhaite vraiment s'en sortir, ça ne fait plus peur. C'est juste une étape à surmonter afin d'aller mieux.
-Ça t'a aidé ?
-En réalité, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que ça a aidé d'autres personnes à s'ouvrir, et c'est ça qui compte. On s'entraide tous, pas toujours directement, mais on s'entraide.
-Je n'avais pas vu les choses comme ça.
Emily lui répondit d'un adorable sourire avant de regarder l'heure sur son portable.
-Et tu vas mieux aujourd'hui ? Demanda Sophie.
-Beaucoup mieux. Ce n'est pas toujours facile, mais je fais tout pour m'en sortir. Elle rangea son téléphone dans son sac. Écoute je dois y aller, je dois aller voir mon psychologue. Peut-être qu'on se reverra un jour ?
-Oui, sûrement.
-A plus, Sophie.
-A plus tard, Emily. Encore désolée !
-N'y pense plus.
La jeune femme lui adressa un signe de la main et s'engouffra dans un bâtiment plus loin.
Après avoir passé commande, Sophie se posa un instant sur une des chaises de la terrasse du petit bar. L'air était frais, mais pas assez pour faire fuir la jeune fille. En observant les voitures,la conversation qu'elle avait eu avec Alexy lui revint en tête. «C'est quoi la vie, alors ? C'est quoi la vie ? Vas-y dis-moi ? C'est travailler ? C'est métro boulot dodo ? Tu veux vraiment de cette vie de merde ? Tu veux vraiment être un pantin dans la société ?». Il y avait été fort, très fort même, mais il n'avait pas tord. Personne ne profitait réellement de la vie en passant ses journées au travail, plus personne n'ouvrait son cœur aux autres. Le fait que personne ne se soit arrêté pour l'aider lorsqu'elle s'était faite attaquer entre deux boutiques en était la preuve.
Sophie paya son verre de jus de grenadine au serveur, puis avala le reste de son verre à la paille. Marta ne savait même pas où sa nièce était, elle avait oublié de la prévenir. Lorsqu'elle était rentrée la veille, elle avait trouvé comme prétexte de son bleu sur la joue qu'elle s'était prise la porte de la salle de sport en plein visage, Sophie ne comprenait même pas comment elle avait pu la croire. D'ailleurs, la croyait-elle réellement ? Quand elle vit Zayn sortir d'un des bâtiments de l'autre côté de la route, Sophie sauta de sa chaise et sortit de la terrasse. Il y avait bien trop de voitures sur la route, il était impossible de traverser. Alors qu'elle observait vigoureusement les voitures des deux côtés, elle croisa le regard de Zayn. Celui-ci lui tourna rapidement le dos et lorsqu'elle pu enfin s'élancer sur la route pour rejoindre l'autre trottoir, il avait tout bonnement disparu.
Elle y avait bien réfléchi, et tout semblait concorder. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé avant ? Elle s'injuria, se traitant de tous les noms, et passa la porte de la salle de sport, pour la deuxième fois de la journée. Yann était seul à l'accueil, ça tombait parfaitement bien, l'autre guetteuse allait enfin lui foutre la paix.
-T'aimes autant le sport que ça ? Plaisanta-t-il.
-Ce n'est pas pour le sport que je suis ici. Je dois te parler.
-Ah oui ? Demanda-t-il en lâchant la souris de l'ordinateur. Dis-moi.
-Je sais que tu connais Zayn. Dis-moi où je peux le trouver, c'est important.
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