Chapitre 22
Hormis les verres d'eau, Sophie n'avala rien d'autre, bien trop obsédée par le fait qu'on allait peut-être essayer de la tuer à l'aide d'un quelconque poison injecté dans le plat. Cela faisait trois jours qu'elle se trouvait ici et que personne ne lui avait adressé un quelconque mot. Lorsque l'homme était revenu dans la salle pour lui apporter un verre d'eau, Sophie l'avait tant bassiné de cris et de plaintes que l'homme n'eut d'autres choix que de lui mettre une claque en pleine figure avant de la jeter sur sa couverture. Ces deux actes n'avaient été que les deux seuls actes de violence depuis son arrivée ici, et elle n'avait plus jamais prononcé un mot, la claque lui ayant fait si mal à la joue.
Cela faisait désormais quatre heures qu'elle avait réussi à trouver le sommeil. Elle ne dormait jamais plus de cinq heures, trop obnubilée par le fait qu'on allait peut-être essayer de la tuer ou de l'amener dans un autre lieu pendant son sommeil. D'ailleurs, elle ne souhaitait pas qu'on la regarde dormir et qu'elle voie un homme en face d'elle à son réveil, ça non. Pourtant, cette fois-ci, lorsque la porte de bois s'ouvrit, Sophie ne se réveilla pas comme à son habitude, et ce ne fut qu'une fois qu'elle sentit qu'on la secouait vivement qu'elle rouvrit les yeux. Elle se redressa aussitôt en remarquant le visage de Zayn près du sien. Était-ce un rêve ?
-Lève-toi, on s'en va.
Elle ne comprenait rien, absolument rien, mais Sophie se dressa sur ses jambes avec un mal de dos invivable et suivit Zayn de près après avoir passé la porte en bois. La laissait-on réellement partir ? Zayn les avait-il tous tué ? Étaient-ils au courant qu'elle s'en allait ? Elle n'en savait rien, elle ne croisa d'ailleurs personne dans les couloirs. Tous deux passèrent la porte qui menait à l'extérieur en silence, et Sophie se rua sur le siège passager pendant que Zayn mettait le moteur en route.
Tout avait semblé si facile. Zayn était entré dans cette baraque, avait trouvé Sophie et l'avait ramené avec lui. Tout avait semblé si simple, et c'était cela qui clochait. Personne n'aurait pu savoir où elle avait été amené, personne n'aurait pu la retrouver. La baraque était entourée de quelques arbres et cela n'était pas étonnant si le réseau était mauvais voire nul dans les environs. Zayn resta silencieux durant le retour. La montre de Sophie affichait neuf heures, cela faisait donc quarante minutes que la voiture roulait.
-Zayn...
Quand elle tourna son regard vers le conducteur, ce n'est qu'à ce moment précis qu'elle remarqua les cernes qu'il avait en dessous les yeux. Jamais elle ne l'avait vu aussi fatigué, pourtant, son regard ne quittait pas la route et il semblait bien déterminé à la ramener chez sa tante.
-Parle-moi. Dis-moi quelque chose.
Remarquant qu'il n'allait pas répondre, Sophie tourna son visage vers la fenêtre. Elle reconnaissait désormais le centre-ville. Tout avait commencé ici, tout avait dérapé ici. Sans plus attendre, Zayn tourna dans la rue de Marta, et stoppa sa voiture devant chez la tante de Sophie. Il était évident qu'elle devait descendre puisque le moteur continuait de tourner, Zayn souhaitait surement s'en aller après qu'elle ait mis le pied à terre, mais Sophie resta immobile, sur le siège.
-Explique-moi.
-Dégage, cracha-t-il.
Surprise par le fait d'entendre une autre voix que la sienne, Sophie fit un bond et se tourna brusquement vers Zayn.
-Mais bon sang, pourquoi personne ne veut me parler ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Zayn ! Dis-moi quelque chose ! Hurla-t-elle. Je ne comprends rien !
-Tu comprends pas quoi dans «dégage» ? Reprit-il froidement sans quitter la route des yeux. Descend de cette foutue caisse !
-Non !
-Je te jure que je vais te faire descendre par mes propres moyens si tu ne bouges pas d'ici ! Dégage ! Barre-toi ! Fous le camp ! Disparais !
Tremblante de rage, Sophie défit sa ceinture et passa la portière avant de la claquer violemment devant elle. Ses mains tremblaient de rage et elle était sur le point d'exploser.
-Va te faire mettre ! Cria-t-elle en entendant le moteur vrombir. Crève Zayn, crève !
A ces mots, elle laissa son pied droit échouer dans la portière droite d'où elle venait de sortir quelques instants auparavant avant de voir Zayn accélérer violemment. Il accéléra tel un fou sur la route, prit le virage avec dangerosité sans même ralentir et Sophie resta immobile, sur le rebord du trottoir, les larmes dévalant ses joues.
Qu'avait-elle fait pour mériter cela ? Bon sang, qu'avait-elle fait ? Était-ce encore à cause de la bière ? Ne devait-on pas être contents qu'elle ne touche plus à une quelconque dose de drogue depuis des semaines maintenant ? La haïssait-on encore à ce point ? En temps normal, elle se serait jetée sur de la drogue pour oublier son malheur, elle aurait tout oublié en l'espace d'un instant. Il était évident que cela ne durait jamais bien longtemps, mais planer l'avait tant aidé lorsqu'elle n'avait pas su faire face à certaines situations. Désormais, elle devait trouver d'autres moyens. Elle devait totalement en finir avec la drogue, l'alcool, la mutilation, et toutes ces conneries que les humains avaient inventé, même si tout se retournait contre elle. Sophie aurait aimé rejoindre Alexy afin de parler, mais elle savait au fond d'elle-même qu'elle était si faible mentalement et physiquement à cet instant précis qu'elle retomberait aussitôt dans la drogue, et qu'elle claquerait surement auprès de Alexy qui ne le remarquerait même pas. Non, elle devait montrer au monde entier qu'elle était sur le chemin de la guérison, qu'elle voulait se battre contre tout cela !
Sa sortie du coma avait été une sorte de déclic. Sophie se souvenait encore très clairement des paroles de ses parents, qui étaient surement intervenus du paradis afin de lui faire comprendre qu'ils la voyaient d'où ils étaient et qu'elle ne devait pas foutre sa vie en l'air. Son père lui avait très clairement demandé pourquoi elle faisait ça, pourquoi elle mettait sa vie en danger comme elle le faisait, sa mère avait ensuite prit la parole en lui demandant pourquoi elle ne suivait plus ses rêves comme elle l'avait si bien fait auparavant. Tout avait été de sa faute. Si elle n'avait pas oublié d'acheter quelques produits au magasin, si elle les avait bien écouté, ses parents n'auraient pas dû reprendre la route pour aller faire les courses, ils n'auraient pas dû être sur cette route ! Pourtant, son père lui avait répété maintes et maintes fois que cela n'avait été en aucun cas de sa faute. «Tu dois comprendre que ça n'est pas nous qui contrôlons la vie. Parfois on vit jusqu'à cent ans, parfois on s'éteint plus jeune, mais ça n'est jamais la faute de personne. Nous n'avons aucun contrôle sur notre destin, si des choses doivent se passer, elles se passent, un jour ou l'autre» avait-il dit la voix tremblante.
Pourtant il n'en était pas resté là. Il avait poursuivi. «Tu ne dois pas te laisser vivre comme ça à dix-sept ans, tu es si jeune bon sang ! Pourquoi te drogues-tu pour oublier tes soucis alors que tu pourrais te faire des amies, aller à l'école, avoir un diplôme et faire ce qui te plaît, pourquoi tout gâcher à cause d'un stupide accident ! Tu ne dois jamais baisser les bras et te plonger dans tout ça lorsque tu fais face à un obstacle. Tu en croiseras des obstacles, et certains seront si hauts que tu penseras que tu ne pourras rien faire pour les surpasser, et pourtant si, car il y a toujours une solution, tu m'entends ? Il y a toujours une solution ! Dans la vie, on a tendance à prendre les choix les plus faciles, on a peur de la difficulté, on a peur d'échouer, mais c'est pourtant en échouant qu'on apprend à ne plus faire les mêmes erreurs. Tu dois surpasser tes peurs, tu dois faire ce que tu aimes et ne laisser personne te prouver que tu as tord et que tu vas échouer. La personne qui échoue c'est celle qui ne tente rien, qui laisse les jours passer sans ne rien oser. Bon sang, les gaffes que l'on fait aujourd'hui on en rira plus tard ! Si tu ne tentes rien, tu n'auras rien à raconter sur ton passé, alors que si tu accumules les tentatives, tu auras tant d'anecdotes à raconter !» Il était évident qu'il avait raison du début à la fin, mais elle ne parvenait pas à s'en rendre véritablement compte.
Son père lui avait fait comprendre à quel point la vie était importante, à quel point elle avait de la chance d'être en bonne santé et d'avoir une personne telle que Marta auprès d'elle. «Tu as de la chance de pouvoir être en désaccord avec ceux que tu croises et tu as de la chance de pouvoir encore faire bouger les choses dans ce monde ! S'il te plaît, franchis les obstacles, détruits-les, réduis-les en miettes, mais s'il te plaît, ne reste jamais derrière ce mur que tu penses infranchissable. Car parfois, le mur cache un élément qui sera essentiel dans ta vie de demain. Parfois il suffit juste de prendre du recul un instant, de réfléchir et d'ouvrir les yeux, la solution ne se trouve jamais bien loin...» avait-il conclu.
Sophie devait donc se battre pour elle, pour Marta, pour Zayn, et bel et bien pour ses parents. Elle devait les rendre fiers, coûte que coûte. Avec ou sans Zayn, elle allait devoir continuer son combat.
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