Chapitre 19

Ce ne fut pas Zayn, mais un hululement qui sortit Sophie de son profond sommeil. Elle cligna un instant des yeux, tentant de s'habituer de nouveau avec la luminosité de l'extérieur, et se redressa légèrement de la chaise. Elle toussota, sentant sa gorge bien trop sèche, et Zayn sortit au même moment de la tente.

-Il est quelle heure ?

-Seize heures trente, répondit le jeune homme.

Il s'approcha de Sophie, et se pencha à ses pieds. Une dizaine de questions se bousculaient dans sa tête, se demandant qu'est-ce qu'il pouvait bien faire à ses pieds, jusqu'à ce qu'il se redresse et ne tende la veste de la jeune fille à celle-ci. Elle fut prise de panique en remarquant qu'elle était restée quatre bonne heures sans sa veste, mais Zayn tourna les talons et ne fit aucune remarque, au plus grand bonheur de Sophie.

-Elle est surement tombée quand tu t'es endormie, dit-il en refermant la fermeture de la tente.

Il se redressa et se tourna vers Sophie, qui avait déjà enfilé sa veste.

-Je vais faire un tour.

Elle se leva à son tour et alla remplir un verre d'eau avant de le boire d'une seule traite.

-Tu vas où ?

-Il y a une grotte plus loin, je vais aller la voir. Tu veux venir ?

Sophie hocha la tête que non.

-Tu vas faire quoi si je te laisse seule ici ?

-Je vais aller me reposer dans la tente.

Zayn hocha à son tour la tête.

-Je te fais confiance, alors. Je pense que je serais de retour avant le repas. Si tu me cherches, la grotte se trouve à une vingtaine de mètres après le lac. Elle n'est pas compliquée à trouver, t'as juste à aller tout droit.

Sentant que Sophie avait mémorisé tout ce qu'il venait de dire, il la salua, et disparut à travers les arbres entourant leur nid provisoire.

Comme prévu, l'adolescente pénétra dans la tente, et elle s'endormit lorsqu'elle ne fut que très confortablement installée dans son duvet.

Après avoir jeté un œil à sa montre, qui affichait dix-neuf heures, Sophie s'étira dans la tente, encore allongée dans son duvet, et se redressa lentement. Après avoir passé l'une de ses mains dans ses cheveux afin de les placer correctement sur son crâne, elle sortit de son duvet et ouvrit la fermeture avant de pouvoir apercevoir l'extérieur. Elle ne percevait aucun mouvement aux alentours, ce qui n'était pas habituel. Les sourcils froncés, elle sortit de la tente, referma la fermeture derrière elle et observa ce qui l'entourait. Zayn n'était pas là. Tout était comme elle les avait laissé avant d'aller dormir. Pourtant, en partant, il avait bel et bien dit qu'il serait normalement de retour avant le repas. Après avoir bu une gorgée d'eau, elle se décida à aller voir après le lac, vers la grotte où il était censé se rendre dans l'après-midi.

Lorsqu'elle eut atteint la fameuse petite vallée d'herbes auprès du lac, elle ne pu s'empêcher d'esquisser un léger sourire. Ce qu'il s'était passé ici-même le matin même allait rester graver en elle durant un bon bout de temps. Elle avait chuté à deux reprises devant Zayn, et avait même accroché le pantalon de celui-ci. Évidemment, cela était tout autant honteux pour elle, et elle n'avait pas vraiment rit, mais à ce moment précis, elle trouvait que cela avait tout de même un petit côté rigolo. Il était clair que cela avait été très gênant, mais c'était tout de même assez drôle. Elle contourna le fameux lac, observant avec minutie les lieux, si par hasard Zayn ne se trouvait pas dans le coin, et elle marcha tout droit, comme le lui avait si bien dit le jeune homme avant de s'en aller. La grotte ne devait pas être compliquée à trouver, c'était lui-même qui l'avait dit.

Sophie marcha alors cinq bonnes minutes, admirant les environs, lorsqu'elle vit une grotte à quelques mètres d'elle. Elle accéléra le pas, priant qu'il soit dans le coin afin de ne pas devoir se mettre à sa recherche, et commença à légèrement paniquer lorsqu'elle s'aperçut qu'il n'était pas là. Sophie jeta un vif coup d'œil autour d'elle, et remarquant qu'elle pouvait contourner la grotte de pierre, où il était apparemment impossible d'entrer, elle reprit sa marche et fit le tour. La grotte semblait si vieille, et elle n'en avait jamais vu de semblable. Elle n'avait aucune idée du pourquoi elle était là, ou bien de sa signification, à quoi elle avait servi, et désormais, sa curiosité reprenait le dessus. Sophie souhaitait avoir des réponses à ses questions, et peut-être Zayn allait-il pouvoir lui répondre, si elle le retrouvait ? Une fois arrivée à l'opposé de l'entrée de la grotte, qui était pourtant inaccessible de nos jours, elle pu relâcher la pression quand elle vit à une dizaine de mètres d'elle Zayn, assit dans l'herbe, pensif. Son visage était fermé, il avait le dos légèrement vouté, et ses doigts semblaient jouer aveuglément avec une brindille d'herbe qu'il avait surement arraché.

Silencieusement, elle s'approcha du jeune homme, et prit place près de lui, hésitante. Il tourna son regard vers elle, jeta la brindille plus loin et fixa de nouveau ses yeux en face de lui, où se trouvaient une multitude d'arbres.

-Je n'ai pas vu l'heure passer, dit-il enfin, d'une voix calme.

-Je n'ai rien dit.

Et à la plus grande surprise de Sophie, Zayn ne rétorqua rien. Il resta plongé dans un long silence, chose qui n'était pas en son habitude. Peut-être voulait-il se retrouver encore seul, peut-être l'avait-elle dérangé ? Souhaitant elle aussi en savoir plus sur lui, elle tenta de trier avec une grande rapidité les centaines de questions qui lui trottaient dans l'esprit, afin de choisir la meilleure.

-Tu viens souvent ici ?

A l'entente de cette question, Zayn laissa apparaître un léger sourire sur son visage tout en plissant les yeux, chose qu'il avait l'habitude de faire lorsqu'il souriait.

-Oui. Du moins avant.

Sophie tourna son regard vers le jeune homme, qui fixait encore et toujours ce qui se trouvait devant eux.

-Ça doit bien faire six ans que je ne suis pas venu là. Pourtant, j'ai l'impression d'être venu hier. Rien a changé.

-L'entrée était aussi bouchée ?

-Oui. Je crois que ça fait une quarantaine d'années qu'elle a été bloqué.

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas. Je n'ai jamais su.

Sophie hocha la tête et attrapa à son tour une brindille d'herbe. Ici, l'herbe était si verte, jamais elle n'en avait vu de si verte et de si belle, s'en était presque perturbant.

-On venait pique-niquer ici avec ma mère et mon frère. Mon père ne pouvait jamais venir avec nous car il travaillait. Alors après les sandwichs, mon frère et moi allions jouer autour de la grotte, et on s'inventait des tas d'histoires. On imaginait qu'on aurait assez d'intelligence pour pouvoir trouver comment pénétrer dans cette grotte. On pensait qu'il y avait une sorte de code à dire, ou bien qu'on allait trouver un trésor et qu'on allait devenir riche. Il hocha la tête un instant. C'était une bonne période.

Pourquoi tout avait changé ? Pourquoi n'était-il pas revenu ici depuis six ans ? Elle n'en savait rien. Elle mourait d'envie de le demander, et pourtant, elle n'y parvenait pas. C'était comme demander à en savoir plus sur sa vie privée, c'était peut-être trop déplacé.

-Mais bon, toutes bonnes choses ont une fin, soupira-t-il. Ça n'est que trop tard qu'on se rend compte de la chance qu'on avait. Quand on y prend conscience, c'est trop tard, on ne peut plus faire marche arrière, tout a changé, et plus rien ne peut redevenir comme avant.

Ce que disait là Zayn n'était que trop vrai. Sophie avait elle aussi pensé ainsi après le décès de ses parents. Elle savait aujourd'hui qu'elle avait eu de la chance d'avoir ses parents auprès d'elle, et aujourd'hui, tout cela n'était que passé, et jamais elle ne pourrait les revoir. Jamais elle n'aurait la possibilité de les serrer dans ses bras, ne serait-ce que deux secondes, ou bien de déjeuner avec eux, comme ils le faisaient si bien auparavant. Aujourd'hui, personne ne prenait réellement conscience de la chance qu'ils avaient d'avoir leur parent, d'avoir leurs proches près d'eux, et cela lui brisait le cœur. Elle aurait aimé leur ouvrir les yeux, leur montrer qu'elle ferait tout pour revoir les siens, et pourtant, c'était tout bonnement impossible.

-Mais il ne faut pas se focaliser sur le passé, reprit-il en tournant son regard vers Sophie, remarquant qu'elle s'était sentie touchée par ses pensées. Si le passé reste derrière nous, c'est bien pour une raison. On doit regarder devant nous, et tenter de faire au mieux pour se rattraper, pour montrer qu'on a compris la leçon que nous a infligé la vie. Je sais qu'on a tendance à se rabaisser, à se laisser descendre par les autres, mais il faut se relever. Il faut se relever et montrer qu'on est plus fort que ce que les autres auraient pu croire. Si on se laisse aller face à une seule épreuve, on n'a pas fini. Il faut les affronter une par une, ça ne peut que nous rendre plus fort.

Sans plus attendre, Zayn se releva, passa l'une de ses mains dans ses cheveux afin de s'assurer qu'ils étaient bien en place, et il tendit ses deux grandes mains vers Sophie, qu'elle attrapa.

-On va aller manger, j'ai trop faim.

Et ils prirent le chemin du retour, dans un profond silence.

Comme prise par une sorte d'habitude, Sophie alluma un feu de bois sans que Zayn ne le lui demande, et elle mit la table, pendant que Zayn sortait les deux derniers poissons. Une fois qu'il eut mis ceux-ci à griller, il s'assura de bien placer les deux chaises autour de la table, lorsque Sophie le vit du coin de l'œil se recroqueviller un instant sur lui-même. Il tenta un instant de reprendre son souffle, et se redressa, comme si de rien n'était. Pourtant, désormais, ses pas se faisaient plus lents, et il semblait moins en forme qu'à son habitude. La jeune fille aurait voulu lui demander ce qu'il se passait, pourquoi il avait soudainement changé d'attitude générale, mais elle garda ses questions pour elle-même et termina de mettre la table pendant que Zayn se tenait devant les poissons, le dos légèrement voûté et l'une de ses mains posées au niveau de son ventre.

Par la suite, l'attitude du jeune brun revint à la normale, et il posa l'un des poissons grillés dans l'assiette de Sophie, après avoir déposé le sien dans sa propre assiette. Il prit place avec la jeune fille à table, et ils mangèrent silencieusement. Même si Zayn semblait plus en forme que auparavant, Sophie ne pouvait s'empêcher de l'observer du coin de l'œil. Il était évident qu'il ne lui avait pas tout dit, qu'il s'était surement blessé récemment ou que cela était beaucoup plus grave que ça, pourtant, elle ne lui fit part d'aucune de ses inquiétudes. Elle mourait d'envie d'avoir des réponses à ses questions, pourtant, elle détestait entrer dans la vie privée des gens, les embêter avec ses questions, parfois quelque peu déplacées ou bien tout bonnement stupides. Elle termina son assiette avant Zayn, se servit un verre d'eau, et vit le jeune homme éloigner son assiette de lui, avant de s'enfoncer un instant dans son siège. Durant le repas, il ne lui avait pas jeté un seul regard. Pas un seul. Était-ce normal ? Était-ce en son habitude ? Cela le représentait-il ? Non.

-Zayn, dit-elle enfin à voix basse, avant de se faire couper la parole par le concerné.

-Je n'ai plus faim, dit-il en relevant son regard vers elle.

Il lui adressa un jolie sourire, que Sophie ne pu analyser, tant il semblait aussi sincère que monté de toutes pièces.

Elle hocha la tête en signe d'approbation et se leva de sa chaise. Zayn était sur le point de se relever de la sienne afin d'aider Sophie à débarrasser la table, mais elle lui fit signe de rester assis, et il se renfonça dans sa chaise, silencieux. N'étant que deux, la table fut rapidement débarrassée, et elle nettoya rapidement les ustensiles et objets utilisés pour le repas, avant d'aller se laver les dents. Zayn n'avait pas bougé de sa chaise, et cela l'inquiétait davantage. Depuis qu'elle le connaissait, elle ne l'avait jamais vu aussi lent et silencieux. Jamais il n'avait été aussi effacé que cette soirée-là. Quand elle eut tout terminé, elle se laissa tomber sur la chaise où elle avait mangé et observa le ciel un instant. Des étoiles apparaissaient peu à peu dans le ciel, et l'environnement ne prenait qu'une fois de plus une apparence plus majestueuse, plus magique que nul part. L'air était doux, mais elle était tout de même bien contente d'avoir son gilet sur elle. Sophie observait les alentours, quant Zayn eut une quinte de toux, qui ne se stoppa qu'une vingtaine de secondes après le début de celle-ci. Lorsqu'il vit que Sophie ne le quittait pas des yeux, il lui adressa un léger sourire et se renfonça davantage dans sa chaise en croisant ses bras sur son torse afin de se réchauffer quelque peu.

-On part demain matin.

Zayn la vit écarquiller les yeux de surprise. Apparemment, elle ne s'y était pas attendu. C'était comme si elle n'avait jamais eu l'attention de s'en aller d'ici.

-D'accord, termina-t-elle par dire en baissant son regard vers ses jambes qu'elle avait croisé.

-Tu es déçue ?

Après un court instant de silence, elle releva les yeux vers Zayn.

-Je vais peut-être te surprendre, mais oui. Enfin, c'est pas de la déception, mais, je n'avais pas pensé au jour où on repartirait.

-Tu pourras revenir ici quand tu veux, tu sais.

La jeune fille hocha la tête affirmativement, et se surprit à penser qu'elle préférerait revenir ici en sa compagnie, et non seule, ou bien accompagnée d'une autre personne. Non, elle souhaitait seulement revenir avec lui. C'était en quelque sorte leur petit nid. Un petit nid à l'écart de toute civilisation qu'elle avait appris à apprécier, comme Zayn. Mais plutôt mourir que de le lui avouer. En plus, elle ne savait pas comment revenir ici, elle avait dormi durant l'allée.

-Qu'est-ce que tu diras à Marta quand tu seras de retour chez toi ?

-Je ne sais pas.

Zayn grimaça un instant, Sophie ne sachant pas si cela était en rapport avec sa réponse ou bien si cela était à cause du fait que quelque chose n'allait pas, et son visage reprit son expression habituelle, comme si tout cela n'était jamais arrivée.

-J'aime bien être ici, dit-elle, en observant le ciel. C'est tellement calme.

-Je crois que je reviendrais ici plus souvent si j'en ai l'occasion, dit-il aussitôt, en observant à son tour les étoiles. J'avais oublié ce que me provoquait l'endroit.

-Tu ressens quoi ? Demanda-t-elle en reposant son regard sur Zayn.

-Je ne pourrais pas le décrire. C'est un mélange de sensations. Jamais je ne me suis senti aussi bien dans un endroit, autre que le ring.

-Tu as fait beaucoup de boxe ?

-Oui, répondit-il en faisant face au regard de Sophie. Pendant plusieurs années.

-Pourquoi tu as arrêté ?

Sur le point de répondre, Zayn se rendit compte que c'était la toute première fois que Sophie semblait ouverte au dialogue. Elle s'intéressait à ce qui l'entourait, et cela ne pouvait lui faire que plus plaisir. Il savait, avant de venir ici, que ce lieu pourrait la changer, lui faire faire avoir une sorte de déclic.

-Parce qu'on ne peut pas toujours continuer à faire ce que l'on aime. Et pour être honnête, vers la fin, je commençais à me battre pour gagner, et non pas pour apprécier ce que je faisais. Je devenais violent, et ça ne me ressemblait pas sur le ring. Je ne voulais pas en venir à tuer quelqu'un à cause du fait de vouloir gagner. Alors j'ai arrêté.

Après un moment de silence, il reprit.

-Je pense que c'est mieux comme ça.

Sophie approuva d'un signe de tête. Peut-être était-ce mieux comme ça, en effet, mais la boxe ne lui manquait-elle pas ? Ne souhaitait-il pas, un jour, refaire un match de boxe, un vrai, afin de ressentir ce bien-être qu'il avait tant ressenti durant ces nombreux matchs ?

-A quoi tu penses ? Demanda-t-il en remarquant la jeune fille pensive.

-A rien.

Les dix minutes qui suivirent furent dix minutes de silence et de calme. Aucun des deux jeunes ne prirent la parole, et ce fut comme un moyen pour Sophie de retarder le temps avant d'aller se coucher et donc de retarder le départ. En effet, plus Zayn avait répondu à ses questions, et plus elle l'avait trouvé fatigué, comme si le fait d'ouvrir la bouche lui demandait un effort plus que surhumain. Désormais, il lui était évident que le jeune homme ne lui avait pas tout dit, et pourtant, à chaque échange de regards, il lui répondait un bel et grand sourire, comme si Sophie était la seule à ressentir et à apercevoir la fatigue qu'éprouvait le jeune brun. Elle aurait souhaité lui poser plus de questions, qu'il lui dise ce qui n'allait pas, et pourtant, elle-même ne parvenait pas à en dire davantage sur elle. Elle n'avait jamais pris l'habitude de s'ouvrir aux autres, et encore moins depuis l'accident de ses parents.

Ses parents lui manquaient, davantage chaque jour, et pourtant, elle faisait semblant de parvenir à passer au dessus de la tragédie. Mais même si elle sentait bel et bien au fond d'elle que personne ne la croyait, aujourd'hui elle se rendait compte qu'elle avait tenté d'enfouir sa détresse. Sophie avait tenté, depuis le décès de ses parents, d'oublier l'accident et de vivre au mieux, pourtant le fait de tomber dans la drogue et parfois dans l'alcool lui prouvaient à quel point elle n'y parvenait pas. Non, elle ne parvenait pas à passer au dessus de la tragédie, et plus les jours passaient, et plus elle s'enfonçait dans ce précipice qui s'était logé sous ses pieds depuis le jour tant haït. Elle avait crié que tout allait bien, en criant au même moment, mais cette fois-ci intérieurement, que rien n'allait. Sophie avait tenté de fermer les yeux, de se prouver à elle-même qu'elle n'avait besoin de personne, et pourtant,maintenant, elle se rendait compte que c'était bel et bien le contraire.

-J'aimerais revenir en arrière, dit-elle à voix basse, pourtant audible depuis la place de Zayn, qui venait de poser son regard sur elle, surpris de voir qu'elle brisait le silence, comme il l'espérait depuis dix longues minutes.

-De quoi parles-tu ?

-De tout, répondit-elle aussitôt, en fixant le plus lointain possible son regard en face d'elle.

Zayn, installé vers la gauche de la jeune fille, resta muré dans le silence.

-Sans cet accident dans ma vie, j'avais la plus belle vie que l'on puisse rêvé. J'avais des amies et une famille qui m'aimait. Mais tout ça je ne l'ai remarqué que bien trop tard. Il a fallu que ce accident arrive pour que je ne prenne conscience de la chance que j'avais avant.

Elle laissa un rire nerveux sortir de sa gorge. La vie n'était-elle pas la plus grosse blague qui puisse exister ? Ne nous joue-t-elle pas toujours des tours, surtout lorsque l'on s'y attend le moins ?

-J'en ai ras le bol de voir que je n'y arrive pas, dit-elle en reprenant son sérieux. Que je perds pieds. Je ne vois pas de fin à ce que je fais. J'ai cette impression que je n'ai plus ma place ici, que je ne mérite pas de vivre, contrairement à mes parents. Je ne fais rien de bon dans ma vie, je sais seulement blesser les gens, leur faire du mal, et par dessus tout me faire du mal à moi-même.

-D'où ces traces sur tes bras.

Se rendant petit à petit compte qu'elle avait osé dire tout haut ce qui lui passait par la tête, elle tourna son regard vers Zayn, qui ne l'avait pas lâché des yeux. Il n'avait pas vu ce moment arriver, et s'en était mieux ainsi. Il ressentait une grande fierté pour Sophie. Elle était alors consciente des impacts de ses actes, cela annonçait le début de sa guérison, le début d'une nouvelle vie. Certes, cela n'allait pas être simple, mais la lumière au bout du tunnel apparaissait enfin.

-Tes bras sont couverts de traces de piqures, de marques bleutées. On pourrait croire que tu as d'énormes bleus sur les bras, mais tout ça provient de la drogue Sophie, et ces marques ne sont qu'une infime trace de ce que tu infliges à ton corps. Tu marques aussi l'intérieur de ton organisme, tout a des conséquences.

-C'est plus facile à dire qu'à faire. Tu ne sais pas ce que je traverse, répondit-elle aussitôt d'un ton sec. Vous ne savez que juger.

-Tu te trompes.

-En quoi je me trompe ? Tu veux que je te dise ? La vie c'est de la merde, voilà ce que j'en pense de la vie. Au lieu de m'aider, on m'a enfoncé, et maintenant la seule solution que je vois pour ne plus souffrir c'est la mort ! La mort dont tant de personnes ont peur ! Moi je n'ai pas peur de la voir en face de moi, je l'attends ! Et bah tu sais quoi ? Même elle elle n'est pas fichue de pointer le bout de son nez, elle préfère me laisser souffrir !

Reprenant lentement son souffle, elle s'enfonça au fond de sa chaise. Zayn soupira longuement.

-Si tu ouvres bien les yeux, tu verras qu'il y a certainement plus de personnes qui essayent de t'aider que de personnes qui essayent de t'enfoncer. La vie apparaît à nos yeux comme on souhaite la voir. Si tu souhaites être malheureuse, tu la verras noire, tu la haïras même. Mais si tu souhaites être heureuse, tu verras dans chaque petite chose que t'offre la vie un moyen d'être heureuse. Tu ne t'obstineras pas à t'enfoncer, tu ne te laisseras pas avoir par le peu de choses qui peuvent t'aider à t'enfoncer et à te gâcher la vie.

-Qu'est-ce que t'en sais ? Reprit-elle d'un ton vif. Tout ce que tu fais c'est parler, tu ne dis rien sur toi, et tu te permets de donner des tonnes de conseils. Qu'est-ce qui me dit que tu es bien placé pour pouvoir m'aider ? Qu'est-ce qui me dit que t'es pas un imposteur qui fait croire qu'il a tout vécu alors que ça n'est pas le cas ?

Lentement, Zayn soupira et passa l'une de ses mains dans ses cheveux noirs.

-Pourquoi faut-il toujours que tu doutes de tout, Sophie ? Dit-il calmement. Je n'ai pas tout vécu, c'est exact, mais je pense avoir vécu assez de choses pour te faire comprendre que tout ce que je te dis est vrai. Tout ça est réel, tu dois apprendre à faire confiance. Si tu veux savoir, dans ma vie j'ai vécu pas mal de merdes, si je peux m'exprimer comme tu l'as fait auparavant. J'ai vécu des choses que je ne souhaite pas te voir vivre. Je ne dis pas que je suis la personne à avoir vécu le plus de merdes, mais j'ai eu mon lot, et à l'époque, j'aurais aimé qu'une personne vienne me soutenir et tente de m'aider, comme j'essaye de le faire avec toi maintenant.

-Dis-moi quelque chose sur toi que je ne sais pas.

Un petit sourire prit place sur le visage de Zayn.

-Il y a tant de choses que tu ne sais pas sur moi, Sophie, il y en a tant, et c'est mieux comme ça.

-Non c'est pas mieux comme ça.

-Si, crois-moi.

Après un instant de silence, Zayn se releva lentement de sa chaise.

-Je vais aller dormir, je suis fatigué.

-Je reste là.

Il hocha la tête.

-Ne traine pas trop dehors. Il faut que tu reviennes en forme chez ta tante.

Sophie resta une vingtaine de minutes à l'extérieur, après le départ de Zayn. Les phrases que lui avait dit celui-ci lui trottaient en tête. Pourquoi n'en disait-il qu'à moitié sur lui, pourquoi ne lui en apprenait-il pas plus sur lui ? Avec un certain recul, il lui était évident que ce qu'il lui avait dit était vrai. Zayn avait loupé une vocation de philosophe, c'était certain. Tout ce qu'il disait sonnait vrai, et tout ce qui sortait de sa bouche donnait envie d'en savoir plus, de creuser un peu plus le personne qu'était le fameux Zayn.

Fatiguée à son tour, elle plia les chaises et prit place dans la tente, à quelques mètres du jeune brun. Celui-ci semblait plongé dans un profond sommeil, et ce n'est qu'à cet instant qu'elle remarqua à quel point il semblait vulnérable une fois endormi. Ses longs cils bruns qui mouvaient de temps à autre à cause du mouvement de ses paupières indiquaient qu'il faisait un rêve, et durant un moment, elle l'observa, silencieusement. Il représentait à cet instant-même la perfection masculine à l'état pur, mais jamais elle ne le lui avouerait.

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