Chapitre 7 - Vérité et pulsions

Thomas

Lorsqu'elle entre dans la chambre accompagnée du docteur je sens une vague de soulagement m'envahir et je laisse échapper un soupir. J'ai eu peur qu'elle ne se soit enfuit sous le coup de la colère par ma faute ou bien pire que je n'ose plus imaginer. Je lui donne un minuscule sourire, conscient du fait qu'elle m'en veuille toujours, auquel elle ne répond rien et garde un air froid. Je ne lui montre pas à quel point ça me fait mal et je reprends juste une expression neutre tandis qu'elle s'installe, seule, sur son matelas. Puis le médecin prend la parole et j'adopte alors une position de retrait, pour qu'elle ne s'énerve pas en me voyant intervenir.

-Il y a un problème June. Tu vas devoir attendre un peu avant de quitter l'hôpital car nous soupçonnons un virus de s'être glissé dans ton système sanguin pendant ou dans les heures suivant ton accident.

Je serre les dents. Il ne peut donc rien promettre ? June aurait dû sortir dans deux jours seulement et voilà qu'il retarde cette promesse.

-Je suis désolé mais tu vas devoir attendre quelques jours de plus.

Je perçois ses muscles se tendre par son agacement alors que le docteur quitte la pièce. Il ne me l'a pas laissé avec une de ses meilleures humeurs mais je vais faire avec et prendre mon courage à deux mains ! Je l'observe pendant un certain temps pour voir ses petites mains serrer le drap, elle n'est pas enchantée à l'idée de devoir rester ici mais ce n'est malheureusement pas elle qui a le pouvoir de décider. Impassible, j'attends qu'elle daigne de m'accorder un regard ou qu'elle dise quelque chose cependant rien ne vient. Le silence s'éternise longtemps puis je décide d'intervenir en voyant bien qu'elle n'a aucune envie de faire la conversation avec moi.

-Salut...

Ma voix s'est faite plus tremblante que prévu et je dois me l'avouer ; j'ai atrocement peur de sa réaction. Va-t-elle encore me repousser comme elle l'a fait la dernière fois ? Me jeter toute sa colère au visage ? Ou essayer de comprendre ? De raisonner comme moi ?

-Dégage.

Vu sa réponse c'est bien parti pour la première hypothèse, cependant je ne me laisse pas impressionné bien que blessé, au fond, par son air si distant. Je m'apprête à lui demander comment elle va quand un garçon ouvre la porte de sa chambre en riant et s'écriant :

-On a failli mourir Germaine !

Je reste figé tandis que June part d'un grand rire incontrôlable que je ne lui avais plus vu depuis l'accident. Je la dévisage, incrédule, essayant de saisir tant bien que mal la situation face à ce garçon aux cheveux bruns et aux yeux dont on ne sait s'ils sont gris ou jaune. Celui m'aperçoit d'ailleurs seulement après les quelques minutes où ils rient tous deux et son expression se change en un visage curieux de savoir à qui il a à faire. June semble avoir repris ses esprits et paraît plus rayonnante qu'avant mais tout de même gênée de cette situation où je ne comprends toujours rien. Elle se racle la gorge pour parler mais le garçon est plus rapide qu'elle :

-Salut ! Moi c'est Jack !

Devant mon silence, il continue ;

-Et toi tu es...

-Thomas.

Ce n'est pas moi qui vient de répondre mais June qui me regarde avec une moue méprisante qui me fend le cœur en deux cependant je ne peux pas lui en vouloir, j'aurais dû lui dire d'emblée qui je suis. J'ai néanmoins fait cette erreur de ne pas lui avouer et désormais elle m'en veut et cela se ressent dans les manières qu'elle emploie avec moi et qu'elle n'utilise sur aucun autre de ses proches. Le dénommé Jack reprend la parole :

-Un ami de madame la chieuse ?

-Non. Répond-elle.

J'achève :

-Son petit ami.

Elle ne proteste pas et j'en suis soulagé. Toutefois je reste perplexe face à la réaction de Jack qui murmure un ''oh'' déçu avant de retrouver son sourire si confiant et de s'adresser à ma belle :

-Désolé de vous déranger alors ! Vous pouvez reprendre votre scène de ménage.

Il quitte la pièce sans rien dire d'autre non sans avoir adresser un clin d'œil à June qui rougit légèrement, ce qui a le don de me mettre dans une colère que je laisse de côté pour l'instant. J'exploserai plus tard. Pour mon bien et le sien également car si je vois ma petite-amie m'accuser et me hurler dessus tous les jours ce n'est pas pour faire pareil et entrer dans un jeu si futile. La dernière fois que l'on s'est disputé, elle s'est faite renversée deux minutes après et on en est arrivé à ce résultat et, bizarrement, je n'aimerai pas que cela recommence quel que soit la raison de notre embrouille. Je la regarde, attendant des explications qui, au lieu de venir, sont remplacées par une question :

-Tu lui as dit qu'on était ensemble.

En réalité c'est plus une affirmation qu'une question. Je ne réagis pas tout de suite, si bien qu'elle continue :

-Alors tu nous considère ainsi...

Puis à mon grand étonnement elle s'adoucit pour m'expliquer la suite.

-Thomas... Je... Je ne suis pas sûre de pouvoir t'aimer encore.

J'ai l'impression que ces paroles se sont emparées de mon cœur, l'ont découpé puis broyé avant de le brûler dans un bain de poison mortel. Mais June n'est pas décidée à me ménager et poursuit ses phrases en se tortillant les mains, comme gênée de la situation.

-Je suis désolée, je sais que ça doit faire atrocement mal... Je ne te demande pas de ne plus m'aimer toi aussi parce que je sais à quel point c'est difficile mais tu sais... Je n'ai presque plus aucun souvenir de nous si ce n'est notre premier rendez-vous dans ce parc.

Alors elle s'en souvient. Etrangement, cela me provoque un pincement au cœur et au lieu de me réjouir, je me dis qu'elle ne doit vraiment plus m'aimer pour ne pas avoir apprécié de revivre ce moment si magique pour elle et moi à l'époque.

-Mais... Je suis partagée en deux Thomas et ça me fatigue.

Achève-t-elle.

Je viens m'assoir à côté d'elle et j'essaie de prendre ses mains pour lui montrer à quel point je tiens à elle cependant elle me repousse et de nouveau mon cœur se fend. L'aurais-je perdue à jamais ?

-D'un côté je t'aime toujours, je le sais, c'est mon corps qui me le dit. Mais de l'autre je suis cette fille qui a perdu la mémoire et qui ne peut tout simplement plus, je n'en peux plus de te voir alors que tu es celui responsable de tout ça.

Elle a tout lâché d'une traite et une infime joie s'installe : elle m'aime encore. Malgré tout ce qu'elle m'a dit je n'ai retenu que cela. Certes elle ne peut pas m'aimer parce qu'elle m'en veut mais j'ai l'infime espoir qu'un jour elle me pardonnera pour tout ça. Son ton et sa voix se sont déjà adoucis depuis le premier jour et j'en suis ravie. De plus ça ne fait qu'une petite semaine qu'elle se trouve là ; le jour de l'accident où elle ne m'a pas reconnu, les deux jours dans le coma avant qu'elle ne se réveille pour voir sa famille, le jour où je l'ai trouvée endormie, celui où j'ai annoncé à Killian et Clara son état, celui où June a finalement su mon nom et celui-là. Des larmes commencent à perler au coin de ses yeux et je ne veux pas la voir pleurer alors je me lève, je contourne le lit, j'ouvre la porte et au moment où je décide de passer le pas elle m'appelle :

-Attends Thomas !

L'eau coule sur ses joues et je me retiens de m'effondrer aussi. Je referme la porte et je reprends ma place sur le matelas en lui saisissant les mains cette fois-ci, lui caressant les doigts. Ils sont rappés et la peau est arrachée, j'ai peur de lui faire mal néanmoins elle resserre une étreinte inattendue sur les miens et mes sourcils se soulèvent de surprise. Nous restons longtemps ainsi avant qu'elle ne s'endorme, sans doute trop épuisée par l'escapade qu'elle a mené ce matin je ne sais où dans l'hôpital avec le docteur ou ce garçon. Je n'ai pas tout compris concernant ce dernier mais je fais confiance à celle qui gouverne mon âme et mon cœur. Malgré tout ce qu'elle m'a dit je ne suis réellement pas décidé à l'oublier et je reviendrai coûte que coûte pour lui démontrer à quel point elle était bien sous mes charmes. Je la laisse donc ainsi, non sans effectuer une dernière pression sur ses petits doigts et avoir déposé un baiser sur son front en lui murmurant que je l'aime. Un sourire se dessine sur son visage et il est contagieux car la bonne humeur envahie le mien également. Je sors de la chambre, un peu tourmenté par un entretien aussi calme et sans disputes. Ma June redevient-elle progressivement celle d'avant ? J'ai tout mon temps pour l'attendre et je ne compte pas la lâcher de sitôt.

June

Quand je me réveille je distingue une dame devant mes yeux et un garçon appuyé dos au mur au fond de la pièce. Mon esprit ne manque pas de les reconnaître, eux ; ce sont la mère et le frère de Thomas. Benjamin, avec qui je me suis toujours bien entendue et qui était un de mes amis les plus proches, me fixe d'un air inquiet et je ne peux m'empêcher de soupirer. Comme les autres, la même lueur de pitié stagne dans son regard. Néanmoins elle n'est pas présente chez Emilie, avec qui je suis aussi très proche. C'est fou le nombre de petits détails que je me rappelle avec eux alors que je ne me souvenais même pas du visage de mon petit ami il y a un jour ! J'ai l'impression de ne jamais avoir rien oublié sur eux et pourtant ma mémoire est parsemée de trous plus grands les uns que les autres. La mère de Thomas me regarde tendrement en passant sa main protectrice sur mon front avant de me demander d'une voix douce :

-Comment vas-tu ma belle ?

Oui, cette femme est adorable.

-Bien et toi Emilie ?

Elle me sourit de toutes ses dents en déclarant :

-Heureuse de te voir, mon ange. Comment va ta mémoire ?

Je lui rends un sourire forcé qui ne manque pas de la faire rire. Elle interprète la réponse comme il se doit et me dépose un baiser sur le front tel une mère protectrice. Pour l'instant, elle joue mieux ce rôle-là que ma propre génitrice qui n'est pas passé me voir depuis quatre jours hormis pour parler au médecin. Cela me fait mal car elle m'évite depuis qu'elle a appris que je n'ai plus trop de souvenirs d'elle et de ma famille. Elle m'en veut de les avoir oubliés et je m'en veux moi-même pour cela. Mais que dire ! Que faire ?! Ce n'est tout de même pas ma faute si ma mémoire s'est fait la malle ! Je sens ma tristesse augmenter alors que Benjamin s'approche de moi. Je ne veux pas que tous deux voient ma faiblesse alors je ravale les larmes qui menacent de couler et j'essaie tant bien que mal de paraître un tant soit peu heureuse. Cependant lorsqu'il m'attire contre son torse en m'étreignant fortement et que je croise le regard de sa mère, je craque. Les sanglots envahissent mon corps et je pleure dans ses bras qui me soutiennent. Il me lâche enfin et se positionne face à moi en essuyant les gouttes d'eau salée sur mes pommettes et je remarque ses yeux embués. Je ne relève rien et lorsqu'ils m'interrogent tous deux pour savoir si ça va mieux je réponds avec entrain pour ne pas qu'ils s'inquiètent :

-Mieux merci !

Mais ma voix dérape sur la dernière syllabe ce qui fait sourire Emilie et se lever Benjamin qui est désormais tendu. Celui-ci fait les cents pas, grogne puis se retourne vers moi en poussant un soupir exaspéré avant de se morfondre sur mon sort. La mère de Thomas décide alors qu'il est temps pour elle de s'éclipser, nous laissant tous les deux.

-Pourquoi a-t-il fallu que ça t'arrives à toi, hein ?!

-Benji, je n'ai rien décidé... Je proteste.

-Vous ne pouviez pas finir cette fameuse dispute par un baiser comme à chaque fois ?!

Une dispute ? Je ne suis pas au courant...

-Et puis mon frère quel imbécile ! Te laisser partir comme ça, te laisser t'enfuir sur la route ! Même s'il a essayé de te rattraper comment a-t-il pu laisser cela se produire ?!

J'enchaîne coup par coup les révélations. Nous nous étions disputés ? Il n'avait pas tenté de m'agresser mais de me rattraper et il s'en voulait tout de même profondément de ne pas m'avoir empêché d'aller sur la route. Tout s'emboite parfaitement dans ma tête. Non, Thomas n'a jamais voulu mon mal mais uniquement mon bien ! Oh mon dieu l'erreur que j'ai faite ! Et tout cela encore à cause de ma mémoire qui flanche. Je l'ai accusé à tort d'être mon agresseur et l'ai traité de tous les noms alors qu'il voulait seulement m'aider... J'ai honte. Benjamin en voyant mon air accablé a arrêté de débiter ses paroles et s'est assis juste à côté de moi.

-Qu'est-ce qui ce passe ? Me questionne-t-il, l'air inquiet se refaisant une place sur son visage.

-Je me suis disputée avec lui, il ne m'a jamais agressé.

C'est plus un aveu à moi-même et une affirmation qu'une question, cependant, Benjamin, tout en se grattant l'arrière de la tête, agitant ses cheveux châtains/bruns, y répond en confirmant ce qui raisonne désormais comme une évidence en moi.

-Eh bien oui. Je ne sais pas si tu t'en rappelles mais j'étais en arrière-plan à ce moment-là, dans ma voiture et j'attendais Tom. Je t'ai vu t'enfuir cependant je n'ai rien pu faire, je suis sorti de ma voiture pour vous poursuivre et quand je suis arrivé Thomas pleurait sur ton corps et...

Il s'interrompt seul en triturant ses mains tantôt et se frictionnant l'arrière du crâne l'instant d'après. Il est très stressé tandis que moi j'assemble peu à peu tous les morceaux de mon accident et je revois la scène sans les paroles. Il ne me manque plus que ça ; notre discours. Je n'ai aucune idée de quoi on discutait. J'observe Benjamin qui me dévisage sans gêne avant de reporter son attention sur mes jambes qui lui font verser une larme. Je suis surprise : dans ma tête j'ai l'image d'un garçon fort et fier mais ce coup-là il me prend au dépourvue car jamais je ne l'aurais imaginé pleurer devant moi. Il me regarde soudainement dans les yeux d'un air paniqué avant de débiter à toute vitesse :

-Je m'en veux atrocement June ! Je regrette tout cela si tu savais ! A cause de moi et de Thomas qui n'étions pas là à temps tu as perdu tellement ! Je ne sais pas si un jour tu pourras me pardonner de ne pas t'avoir rattrapé moi non plus... Je sais que j'ai tendance à mettre la faute sur Tom mais en réalité je m'en veux beaucoup plus que lui. J'aurais pu faire quelque chose mais...

Je ne lui laisse pas le temps de finir et je le prends dans mes bras. Je ne lui en veux pas, ni à son frère, à vrai dire tout est uniquement ma faute si je récapitule bien. Dire que j'ai accusé à tort Thomas pendant tout ce temps et qu'en plus je lui ai brisé le cœur en lui disant ne plus pourvoir l'aimer !

-Je ne t'en veux pas Benji... Je murmure.

Il me rend mon étreinte puis s'en détache, une expression neutre revenue sur son visage avant de m'offrir le premier vrai sourire que je lui vois depuis qu'il est là. Puis nous sommes interrompus dans notre échange de sourire par deux jeunes adolescents qui se tiennent par la main et qui entrent dans ma chambre avec un air attristé. La fille a pleuré et me prend immédiatement dans ses bras.

-June !

C'est à son parfum que je la reconnais.

-Clara...

Les bras de Killian m'étreignent également et je rends aux deux leur étreinte. Nous restons au moins cinq minutes ainsi et j'entends les sanglots de ma meilleure amie ce qui me déchire le cœur. Ils sont venus quand ils ont pu avec leur emploi du temps de malade et ont raté le tennis pour me voir. Dire que je me souviens de ça aussi ! Ils me relâchent tous deux et je constate en scrutant la pièce que Benjamin est parti. Sa présence à lui aussi m'a fait du bien.

Thomas

Je suis venu avec Clara et Benjamin en fin d'après-midi pour rendre visite à June après l'épisode de ce matin mais je me suis arrêté à l'entrée quand j'ai vu Jack adossé contre un mur, une cigarette à la main. Il a l'air d'un garçon tout à fait banal cependant je n'ignore pas que lui aussi n'est pas dans cet hôpital sans raisons et c'est donc pourquoi je m'étonne en le voyant toucher à de la drogue. Je m'approche donc de lui en laissant les deux autres monter à l'étage. Je m'adosse à côté de lui contre la paroi tandis qu'il ne me prête aucune attention, tirant sur la cigarette avant de laisser échapper un nuage de fumée de sa bouche en regardant le ciel. Il sourit bêtement et me contamine de son air joyeux.

-C'est pas bon pour toi mec.

Je lui reproche.

Il se tourne vers moi puis fixe la clope dans ses doigts avant de la jeter et de l'écraser avec le pied en soupirant :

-T'as raison.

J'esquisse un faible sourire tandis que lui me souris de toutes ses dents. Je l'observe de haut en bas ; non, il n'a vraiment pas l'air de quelqu'un de malade.

-Vous sortez depuis longtemps ensemble ?

Demande-t-il en reprenant appuie contre le mur mais cette fois en ayant la tête tourné dans ma direction en attente de ma réponse. J'acquiesce.

-Bientôt ça fera deux ans et demi.

-Pas mal, pas mal... Commente-t-il. Mais est-ce que ça l'empêchera d'éveiller des sentiments pour moi après son accident ? Je ne crois pas.

Je me redresse, énervé de ce que je viens d'entendre et le dévisageant puis quand il éclate de rire je comprends que c'était juste une stupide blague et j'essaie de me détendre tant bien que mal face à ce garçon un peu trop étrange à mon goût. Je tente de persuadé mon esprit de le trouver sympathique mais le fait qu'il soit proche de June m'en dissuade presque automatiquement ; ce n'est pas comme avec Killian ou encore les autres garçons du groupe. Jack peut comprendre les émotions de June et s'en servir pour la faire tomber sous son charme et malgré le fait qu'il n'est réalisé qu'une blague sur ça, je ne peux m'empêcher d'être inquiet. Je le trouve soudainement hautain et trop sûr de lui pour quelqu'un de malade et je m'interroge de plus en plus sur sa maladie, si bien qu'après un long silence je lui lance sur le ton de la taquinerie :

-Et qu'aurait-elle à gagner à aimer un malade ?

A mon grand étonnement il éclate de rire. Je ne lui montre cependant pas à quel point son comportement me déstabilise et il me répond, tout sourire.

-C'est pas faux ! Je ne ressortirai jamais de cette foutue leucémie !

Je me prends une claque invisible tandis qu'il rit toujours autant. Comment peut-il prendre ça avec autant de désinvolture ?! Sa vie est tout de même en jeu et je ne vois pas comment il pourrait sans sortir alors pourquoi est-ce qu'il sourit aussi bêtement ? Il semble lire mes pensées car il y répond à la prochaine phrase :

-Mais comme je le dis ; autant profiter du temps qu'il me reste, non ?

Et il n'a pas tort. Appliquant ses conseils à la lettre, je décide d'aller voir June et je passe la porte d'entrée de l'hôpital. Je ne suis pas étonné quand Jack m'emboite le pas et se poste à mes côtés en trainant sa perfusion d'une main. Nous restons silencieux jusqu'à atteindre la chambre de June où j'entre sans attendre plus longtemps, suivi bien sûr de Jack. Je trouve cette dernière en plein éclat de rire, entourée de mes deux amis les plus proches et je ressens encore ce même pincement au cœur. Je m'attends à un reproche de sa part mais quand elle m'aperçoit, elle rougit jusqu'à la racine et semble très gênée par ma présence. Que lui arrive-t-il ? Puis elle reporte son attention sur Jack qui lui offre un grand sourire auquel elle répond par un plus petit. Nous prenons tous les deux place sur son lit et, à mon grand étonnement une fois de plus, me regardant dans les yeux, elle déclare :

-J'aimerai te parler Thomas.

Prenant cela comme une invitation à partir, Clara, Killian et Jack commencent à se lever quand elle reprend la parole.

-Non, restez là. Je peux bouger aussi.

Joignant la parole au geste, elle s'installe sans l'aide de personne dans son fauteuil et se dirige vers la porte. Elle l'ouvre sans peine et se glisse dans le couloir tandis que je me lève pour la suivre sous l'œil des trois personnes encore présentes dans la pièce. Je leur adresse à tous un dernier signe de la main avant de disparaître en refermant la porte derrière moi. Je me retrouve ainsi face à June dans le couloir et attend qu'elle se lance.

-Emmène-moi ailleurs. Hors de cet hôpital, précise-t-elle.

Je ne suis pas le moins du monde étonné par sa demande et je me contente de la pousser dans les couloirs sans échanger un mot avec elle. Un silence gêné flotte et même lorsque je la porte pour la déposer sur le siège avant de ma voiture, elle ne parle pas. Je m'installe côté conducteur alors qu'elle attache sa ceinture, toujours sans dire un seul mot. Nous restons tout le trajet ainsi et j'ai l'occasion de la voir se triturer les doigts, stressée. Que veut-elle me dire ? Et pourquoi a-t-elle tenu à ce que je l'enlève de ce bâtiment ? Ces questions sans réponses continuent d'habiter mon esprit lorsque nous arrivons enfin à destination.

June

Je reconnais l'endroit ; c'est le parc où nous avons vécus notre premier rendez-vous. Désormais, le coucher de soleil couvre de ses rayons le banc où nous nous sommes embrassés. Il me sort de la voiture et je remarque alors qu'il n'a pas pris la peine d'emmener mon fauteuil alors, rouge, je reste dans ses bras sans rien pouvoir faire jusqu'à ce qu'il m'installe sur le banc. Il s'assoit à mes côtés et je ne peux pas détacher mon regard de la mer. Les rayons ricochent sur l'eau pour créer des millions de reflets aux couleurs variés tandis que le bruit des vagues résonne dans mes oreilles. J'essaie de tendre les pieds pour ressentir le sable chaud sous ma peau et l'écume les caresser de sa pureté mais je n'y parvins pas. Je ne me souviens pas avoir été si émotive cependant pour moi c'est trop. Des sanglots me font tressauter et des larmes s'échappent de mes yeux alors que Thomas me prend dans ses bras.

-Oh June... Murmure-t-il la voix cassée.

Il me serre contre lui et je me sens bien. Tellement que mes pleurs cessent vite et je le repousse doucement de mon corps. Il s'écarte légèrement néanmoins sans délier ses doigts des miens. Ce contact me fait littéralement fondre et je me dois de l'avouer ; je l'aime encore beaucoup plus que je ne veux bien le dire. Je me rappelle alors que c'est moi qui ai demandé de lui parler et j'entame :

-Je voulais m'excuser.

-Tu n'as pas à t'excu...

-Si ! Je l'interromps. Je croyais pendant tout ce temps que tu m'avais délibérément attaqué et poussé sur la route mais j'ai appris par ton frère que c'est faux ! Je me suis disputée avec toi et tout est ma faute car c'est moi qui me suis enfuie et je m'en veux tellement, je...

Sans rien vouloir entendre de plus il m'embrasse. Je ressens un frisson au niveau de la colonne vertébrale, les papillons dans mon ventre s'affolent et je suis surprise par son geste. Cependant je ne suis pas la seule car comme s'apercevant de son action, il se redresse prestement et me regarde gêné et tout aussi étonné que moi.

-Je suis désolé je...

-Ce n'est rien.

Et ce n'est pas vrai ; je ne considère pas ça comme rien car ce baiser était tellement doux et plein d'amour que je me surprends à penser d'en réclamer un autre. Néanmoins je ne fais rien. Je lui ai dit ce que je souhaitais et, exténuée, j'appuie ma tête contre son torse. Je contemple une dernière fois la mer lorsque j'entends son portable sonner. Je me relève et il décroche tout en s'empressant de s'excuser. Puis remarquant son air coupable je commence à me questionner sur l'identité de la personne puis il raccroche et me demande :

-Et si on rentrait ? Ton médecin veut te voir...

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