Chapitre 3 - Des Responsables

Thomas

-Hey !

Je passe la tête dans l'entrebâillement de la porte, bien décidé à avoir une conversation sérieuse avec June et convaincu de la traiter comme si elle n'avait jamais perdu une once de souvenirs. Je crois que je vais me prendre une chaussure dans la tête ou recevoir un flot d'insultes, ou encore sentir ses mains se poser sur ma nuque mais rien de tout ça ne vient car quand je la regarde je ne vois que son visage paisiblement endormi.

Adorable.

Elle est adorable.

Sans faire attention dans ma contemplation je m'appuie trop sur la poignée et mes mains se retrouvent soudainement dans le vide. Me rattrapant à la porte en la faisant claquer violemment contre le mur, je crée le brouhaha le plus bruyant que l'on puisse entendre à sept heures trente du matin. Je sais. Je suis venu tôt. Mais c'était pour la voir alors peu m'importe. Je glisse lentement mon regard vers elle et je constate en soupirant qu'elle est toujours plongée dans un sommeil profond. Heureusement ! Il ne manquerait plus qu'elle se réveille à cause de moi et je crois qu'à ses yeux je serais bon pour la benne à ordures !

Je referme doucement la porte et je m'avance à petits pas près de son lit. Je détaille son visage, ses traits si familiers, si doux, avant de réaliser que plus jamais je ne pourrais en faire le contour ou les caresser de mes mains. Certes, mon adorée porte de multiples blessures mais sa beauté ressort tout de même et je l'aime tel qu'elle est. Tout en m'asseyant sur le rebord du matelas, mes yeux parcourent son être. Ses paupières tressautent, signe qu'elle rêve et ses lèvres roses remuent pour créer des mots sans aucuns sens qui me font particulièrement rire. Même avec ses cicatrice, ma June transparait bien sur ce visage. D'un côté cela me soulage et de l'autre j'ai l'impression de sombrer dans un trou sans fond. Si elle est ma June, alors il est vrai qu'il soit possible que plus jamais elle ne se souvienne de moi.

De nous.

De nos rendez-vous et nos baisers.

Je l'aime depuis tellement longtemps ! J'aimerai lui dire encore une fois à quel point.

Mes mains se dirigent seules vers ses joues égratignées et j'hésite un instant à toucher celles-ci de peur de lui faire mal. Cependant la tentation de ressentir son touché est trop forte et dans une caresse je la ressens enfin. Je ne m'attends pas à sa réaction.

-T... Thomas...

Elle... Elle a dit mon prénom ! MON prénom ! Elle s'en souvient ! Elle se rappelle de moi ! Je réagis au quart de tour :

-June ! C'est bien moi ! C'est Thomas !

Ses paupières se plissent. Elle va ouvrir les yeux. Me voir. Tout va lui revenir.

Néanmoins je rêve bien vite car quand ses prunelles s'ouvrent sur moi et me contemple, leur expression endormie change bien vite par un regard dégoûté et empli d'une peur intense. June se redresse instantanément et recule sur son lit vitesse éclair, apeurée. Sa main glisse. Elle manque de tomber mais mes reflexes font tout et je la rattrape rapidement avant le choc. Puis je reste figé. Les yeux dans les yeux nous nous regardons. Ses iris bleus imprégnés d'incompréhension me blessent et me compriment la poitrine. Mon cœur se brise une énième fois devant cette vérité qui apparaît devant moi : elle ne me reconnait pas. Mais j'espère encore et toujours alors je ne bouge pas et je tiens son regard. J'essaie de décerner une infime particule de joie, de compréhension.

Mais rien.

Rien.

Le vide, le néant, nada.

Au lieu de ça elle murmure :

-Lâche-moi. Laisse-moi tomber je ne veux pas de toi, connard.

Avant de reprendre plus fort.

-Lâche-moi !

Je commence à sentir mes muscles lâcher et je prends conscience que je la tiens toujours par le torse au-dessus du sol. Merde ! Je dois la remonter avant qu'elle ne glisse ! Je détourne les yeux et, comme si elle avait ressenti cela comme un signal, elle choisit ce moment pour se débattre en hurlant :

-Lâche-moi ! Je ne te connais pas ! Je ne veux pas te voir ! C'est toi qui es responsable de tout ! Je te déteste ! JE TE DETESTE !

Mon dieu que ça fait mal ! Mon corps n'en peut plus et mon cœur a déjà cessé ses battements. Cependant je n'ai pas un temps de repos car elle m'échappe et va se ratatiner par terre et cette fois elle ne se relèvera plus. Dans un dernier coup elle m'entraine avec elle dans sa chute. Juste à ce moment je reprends mes esprits et je plonge sous son corps. Le choc qui survient dans la seconde suivante est tout simplement à couper le souffle. Et c'est ce qui se passe. Alors que ma colonne vertébrale rencontre le sol dans un bruit de craquement, la masse de June qui retombe sur moi s'ajoute à mes souffrances et je pousse un gémissement. Elle n'est certainement pas très lourde mais elle arrive tout de même à accentuer la douleur ressentie dans mon dos. Néanmoins je suis heureux : elle n'a rien.

Dans les minutes qui suivent, elle se tait. Elle ne dit rien et nous restons tous deux au sol. Elle dans mes bras et moi étalé sur celui-ci. Aucun de nous deux ne se lève. Moi car je préfère attendre un certain temps pour que la souffrance cesse et elle car elle ne peut vraiment pas se lever.

Un silence s'installe.

Je ne modifie en aucun cas mon geste protecteur de l'entourer de mes bras et pendant un instant je nous revois tous les deux sur la colline. Nous contemplions les nuages. Nous parlions. Et nous avions vu apparaître les étoiles. Mais le plafond au-dessus de ma tête et de la sienne est blanc et il transpire l'hôpital.

C'est elle qui rompt le silence.

-Relève-moi s'il te plait.

Elle a la voix fragile et je sais que s'installe un peu plus de confiance entre elle et moi. Tel un automate, je me redresse tout en la mettant elle aussi en position assise. Puis toujours en la tenant aux épaules pour ne pas qu'elle s'affaisse, je me mets debout. Ensuite, je passe un bras sous ses jambes et un autre vers ses bras afin de la porter tel la princesse qu'elle était, qu'elle est et qu'elle sera toujours à mes yeux. Et enfin je la repose délicatement dans son lit en prenant soin de rabattre la couverture sur ses jambes bleutées et lui déposant un baiser qu'elle ne calcule même pas, sur le front. Depuis sa demande elle n'a cessé de me fixer d'yeux inexpressifs, comme si elle s'était éteinte en tombant au sol. Je m'assois sur le rebord du lit et je la regarde sans rien dire. Elle non plus n'a rien à dire. Alors on se fixe et je perçois de la curiosité dans son regard. Enfin ! Elle n'a plus peur de moi ! Sans en chercher plus je souris comme un benêt et elle me dévisage avec un air d'incompréhension avant de déclarer :

-Ne souris pas. T'es moche.

Je ne réponds rien si ce n'est lui sourire de nouveau. Ma June aimait et aimera toujours me taquiner et dire des choses qu'elle ne pense pas afin de se protéger elle. Elle ne relève rien et se contente de me tirer la langue. J'essaie de ne pas rire. Maintenant que j'y pense, elle n'a pas vraiment changé, si ce n'est qu'elle était plus douce avant son accident. Mais je ne préfère pas songer au passé. Au lieu de ça je considère son présent : elle est toujours aussi belle. Cependant elle ne le sait pas. Se souvient-elle seulement à quoi elle ressemble et à quel point elle aimait jouer de son charme sur moi ? Elle n'ignorait pas que je n'étais pas et ne suis toujours pas indifférent à sa beauté. Elle adorait également prendre du plaisir à voir les garçons saliver sur ses courbes bien qu'elle était tout à moi. Malgré tous ces jeux futiles, elle m'aimait comme personne et je le voyais dans tous les gestes qu'elle exécutait et dans ce regard si éperdu d'amour qu'elle m'adressait à moi et à moi seul. Nous nous connaissions depuis tellement longtemps et je savais qu'elle me serait à jamais fidèle. Du moins avant qu'elle ne perde la mémoire... Désormais je ne sais pas si je pourrais un jour récupérer son amour.

-Tu regardes quoi, là ?! s'indigne-t-elle.

Il est vrai que je ne la quitte pas des yeux depuis tout à l'heure. Je suis captivé par ses prunelles qui retrouvent un peu de leur couleur magnifique d'origine, ce bleu qui m'avait hypnotisé dès la première fois où je l'ai vue . J'ai l'impression qu'à chaque brin de souvenir qui revient, celles-ci reprennent un second souffle de vie. Je lui réponds avec une voix empli de tendresse :

-Tu es jolie.

Elle devient aussitôt rouge tomate et n'hésite pas à démontrer sa gêne dans un excès de colère :

-Je ne suis pas jolie ! Je suis malade ! J'ai perdu la mémoire !

Je ne sais pas quoi rajouter alors je me tais en esquissant un nouveau sourire. Je suis tout de même heureux. J'ai la conviction qu'elle retrouvera la mémoire.

Puis je repense à ses jambes. Elles sont irréparables.

June les croyaient incassables car elle était la danseuse la plus spectaculaire et la plus douée que j'eue jamais vue. Elle était... Parler d'elle au passé est tout simplement affreux ! Comme si elle était morte dans cet accident. Cependant, il n'y a que ses jambes qui le sont et une partie de sa mémoire. J'ai envie de lui avouer que je ne suis pas innocent dans ce drame et que je m'en veux énormément mais je ne peux pas prévoir sa réaction. Pourtant, elle me prend au dépourvu :

-Tu es responsable de cet accident n'est-ce pas ?

Elle semble très calme. Très détendue. Mais je sais que ce n'est pas le cas.

-En partie, oui.

Je ne m'attends pas du tout à sa réaction : elle se cache le visage de ses mains et se penche en avant sur ses jambes. Etant très souple elle les touche de sa tête, puis viennent ses sanglots.

-June...

Son corps est secoué de spasmes. Elle semble détruite, anéantie et je ne désire que la saisir dans mes bras pour lui dire que je l'aime, qu'elle est ma vie et que je ne voulais rien de tout cela. Je n'en peux plus de la voir souffrir lorsqu'elle se redresse brusquement, dévoilant son visage baigné de larmes et me fixant d'un œil des plus noirs. Et là je la perçois : la lueur de vie dans son regard. C'est comme si elle avait retrouvé un nouveau souvenir car malgré ses pleurs, ses yeux resplendissent. Elle se calme lentement, puis après avoir laissé passer un long silence, elle ne fait que confirmer mon hypothèse, le regard dans le vide ;

-Je me souviens...

Ses épaules tressautent et je me retiens d'y poser mes mains.

-J... J'ai toujours aimé danser. Je me sentais légère. Vivante.

Elle marque une pause.

-Je me souviens de quelqu'un qui m'observait mais je ne sais plus qui.

C'était moi. Elle parle de moi.

-Je me souviens que si je dansais si bien c'était pour lui. Tout me revient petit à petit de ma passion pour la danse.

Elle dirige son regard dans ma direction. Son expression change du tout au tout passant de la tristesse la plus intense à la colère la plus rouge et je décide subitement de me lever du lit de peur qu'elle ne m'attaque de nouveau. Elle me crache à la figure :

-Mais tu as tout gâché !

-Je...

-Tu as tout gâché ! SORS ! Je te hais ! JE TE DETESTE !

Elle repart dans ses sanglots, ses yeux se brouillent et leurs éclats disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Je ne peux qu'exécuter ses ordres.

Une fois de plus, j'ai perdu ma June.

June

Je suis calme.

Je suis très calme.

Il m'a en quelques sorte sauvé alors je suis calme.

Je me détends.

Je suis sûre que ce n'est pas lui. Ça ne peut pas être lui.

Je suis calme.

-Tu es responsable de cet accident n'est-ce pas ?

Il semble pris au dépourvu. Son air est surpris et je ne peux plus attendre la réponse. Je ne peux plus. Ne réponds pas ou réponds par la négative. Je ne veux... Mon corps ne veut pas que ce soit toi.

-En partie, oui.

Un éclair me parcoure de la tête au pied. J'ai déjà entendu ses mots. Je prends ma tête entre les mains pour ne pas qu'il voit mon visage perdu et je baisse mon torse sur mes jambes. Mes jambes. La danse. C'est ça. La danse. Je les aie déjà entendus là-bas. Je dansais. J'aime danser. J'adore danser. Je dansais pour lui. Secouée de spasmes, tout revient progressivement.

-Flash-Back-

-June !

-Papa !

Je me jette dans ses bras, vêtue de mon tutu rose et saisi Panpan, mon lapin en peluche rose que mon père agite sous mes yeux de petite fille énergique. Je serre très fort les deux avant que mon paternel ne me repose sur le sol. Je dois avoir six, sept ans. J'attrape la main qu'il me tend et je le tire vers le centre de la salle.

-Papa ! Regarde ! Viens voir je sais faire les pointes sans l'aide de la barre !

La petite que je suis s'écarte légèrement de l'adulte et monte sans aide sur des pointes impeccables en regardant fièrement ce dernier.

-Tu vois ! Tu vois ! Regarde !

Mon père sourit puis son sourire se transforme en une peur intense car mon pied vacille, je ressens le craquement de mon articulation et je tombe. A l'autre bout de la salle, un garçon s'est arrêté à la porte. Il m'a vu tomber et il a l'air affolé. Il se précipite vers moi et je sais que c'est lui. Thomas.

Les images s'effacent.

-Alexia !

De retour dans la salle de danse, j'ai treize ou quatorze ans et je me balade en courant sur mes pointes perfectionnées depuis que j'ai passé six mois en béquilles à six ans. Alexia a arrêté son mouvement pour me voir et tandis que je m'élance je le remarque à côté de la porte. Il se cache à moitié pour me voir et je rougis fortement. Je suis déconcentrée. Je rate ma figure et je m'aplatis comme une crêpe au sol. Alexia accoure accompagnée du garçon qui est sorti de sa cachette. Je vais le voir ! Mais son visage est flou. Je ne vois pas qui il est. Il semble s'inquiéter et m'aide à me relever. Je suis bouillante de honte et mes rougeurs ne font que s'accentuer. Pourtant voilà longtemps que je le connais ! Je devrais être heureuse qu'il vienne tout le temps me voir et qu'il m'aide ainsi. Mais je ne veux pas m'avouer que j'éprouve peut-être plus que de l'amitié pour lui.

Les images s'effacent.

Je suis au concours mondial de danse contemporaine et classique. Je dois montrer mes compétences au jury et il est à mes côtés. J'ai quinze ans et je suis en couple avec le mec à côté de lui. Un parfait connard. Je ne me rappelle plus pourquoi mais je le quitterai après le spectacle. Il me propose d'aller chercher à boire et j'accepte, me laissant seule avec mon réel amour. On m'appelle. C'est mon tour. Celui-ci me souhaite bonne chance et timidement me dépose un baiser sur la joue sans se soucier si mon ''petit copain'' est revenu ou non. Je rougis et je le laisse sans rien faire d'autre. Je reprends mes esprits. Il me donne de la force et quand j'arrive sur le plateau je danse comme je ne l'ai jamais fait.

Je suis libre.

Je suis vivante.

Je suis June.

...Les images s'effacent.

Je me redresse sur mon lit et fixe mes mains posées sur mes jambes. Mes yeux pleurent sans autorisation et je ne peux pas arrêter le flot qui s'écoule sur mes joues.

-Je me souviens...

Mes épaules se soulèvent en un sursaut.

-J... J'ai toujours aimé danser. Je me sentais légère. Vivante.

Je m'interromps.

-Je me souviens de quelqu'un qui m'observait mais je ne sais plus qui. Je me souviens que si je dansais si bien c'était pour lui. Tout me revient petit à petit de ma passion pour la danse.

Mais -parce qu'il y a toujours un mais- il a fallu que celui-ci gâche tout ! Qu'il me vole mon avenir ! Car c'est lui le responsable et je le sais ! Pourquoi a-t-il fait ça ? Et ce garçon que j'ai vu dans mes souvenirs est-il toujours vivant ? J'étais amoureuse de lui ! S'il lui a fait subir la même chose que moi mes mains se resserreront de nouveau autour de son cou et il le sent bien car à mon regard noir il se relève immédiatement.

-Mais tu as tout gâché !

-Je...

Je ne lui laisse pas le temps de rappliquer :

-Tu as tout gâché ! SORS ! Je te hais ! JE TE DETESTE !

Je hurle.

Mes yeux recoulent et j'ai l'impression que l'eau les rempli entièrement car je ne vois plus rien. Je suis secouée de tressautements qui me font hoqueter bruyamment. Lui ne dit plus rien. Il a juste l'air blessé et il sort sans plus de paroles. Non. Non ! Reviens s'il te plait ! Ne me laisse pas toute seule ! Je n'aime pas être seule. Et je suis sûre que tu n'y es pas pour grand-chose dans cette histoire. La porte s'ouvre de nouveau et j'espère franchement que c'est lui ou que celui qui apparaîtra sois le garçon de mes souvenirs. Je crois qu'il s'appelait Thomas. Néanmoins celle qui passe la tête dans l'entrebâillement de la porte n'est autre qu'Alexia, le sourire aux lèvres et les mains surchargées de fleurs et de cadeaux.

-Regarde tout ce que je trouve devant ta porte ! Tu as des admirateurs !

Elle rit tout en essayant de se frayer un chemin jusqu'à mon lit tout en veillant à ne pas faire tomber sa pile de présents. Je m'essuie rapidement les yeux pour ne pas qu'elle remarque que j'ai pleuré et je l'entends s'exclamer :

-Et attention : Maxime arrive avec ceux que l'hôpital ne pouvait pas caser dans le couloir !

J'ouvre des yeux ronds. Avais-je tant d'amis ?

Elle dépose ses paquets sur la petite table à côté du lit, se pose sur celui-ci et éclate de rire quand elle aperçoit ma mine étonnée.

-Mais non je rigole ! Tu n'as que ceux-là ! Dit-elle sur le ton de la plaisanterie. Par contre il est vrai que ce petit énergumène ramène ses fesses par ici !

Je me sens sourire.

-Il a encore oublié les clés sur la voiture ?

Je demande, presque en automatisme.

Puis je me rends compte que c'était un bout de mémoire que j'avais perdu et je plaque mes mains sur ma bouche sous le regard attendri d'Alexia. C'est ce moment que Maxime choisit pour faire son entrée fracassante dans la pièce, en déboitant certainement la poignée.

-Hey ! Ma petite J est-elle toujours sagement présente ?

Je lui tire la langue tout en me rappelant pourquoi il énonce ses propos : quand j'étais plus jeune, comme j'avais une sainte horreur de l'hôpital je m'étais volatilisée dans la nuit, en chemisette, alors que je portais un plâtre à la jambe et un autre au bras. Tout le monde s'était inquiété et on m'avait retrouvé endormie sur le canapé du salon. Depuis ce jour, Maxime me surnommait de temps en temps Agent J car personne n'avait repéré mon évasion.

Celui-ci s'assoit à sur le rebord opposé de celui d'Alexia et je peux constater d'ici leurs ressemblances : ils ne sont pas jumeaux pour rien ! Ayant tous deux les cheveux noirs d'encre et leurs traits étant similaires, seuls les yeux semblent les différencier. Alexia possède de magnifiques yeux bleus très clair et Maxime en a des verts tachetés de marron. Bon... Si ma sœur se coupait les cheveux il est très clair qu'on devinerait la fille du garçon mais c'est pour simplifier le fait qu'ils soient très identiques sur tous les points de leur apparence. La personnalité c'est autre chose, bien qu'ils s'entendent très bien.

-On a une surprise ! Annonce Maxime.

Je relevais mes sourcils d'étonnement :

-Laquelle ?

-On a apporté Maya avec nous ! Renchérit Alexia.

-Maya ?

Le sourire des jumeaux s'efface instantanément.

-Tu ne te souviens pas de Maya ? Me questionne ma sœur.

Je décerne de la tristesse dans son regard qui couvre une immense pitié à mon égard et quand je croise celui de Maxime c'est la même chose. Je me sens mal. Je n'aime pas qu'on m'examine ainsi et je ne sais pas qui est cette fille. Je ne peux pas m'en souvenir car j'ai perdu toute mémoire. Ils ne peuvent pas m'en vouloir pour ça ! Je n'y peux rien !

-Qui est Maya ?

Ils se regardent tous deux. Puis Maxime lâche dans un soupire :

-C'est ta petite sœur June.

Ma petite sœur ? J'ai trois frères et sœurs ?! Mais pourquoi est-ce que je ne me souviens pas d'elle ?! Maya... Elle apparait sur le bord de la porte ses prunelles noyées sous les larmes.

Oh mon dieu !

Maya !

-Maya.

Comment ai-je pu oublier ma sœur ? Ses cheveux bruns. La seule petite tête brune de la famille. Et les iris vairons. Bleus et verts. Des traits si fins du haut de ses dix ans et sa maladie qui lui ressort de partout sur le corps. Ma petite Maya. Ma petite protégée. Ma sœur anorexique. Maya qui voulait à tout prix me ressembler et qui se trouvait trop grosse pour la danse. Maya qui ne mangeait plus rien. Maya qui allait voir le médecin. Maya qui se découvrait l'anorexie. Maya envoyée dans un centre en implorant de la laisser sous mes yeux détruits. Maya qui devenait morte. Maya à qui j'avais réussi à redonner le sourire. Maya qui m'aimait. Maya qui pouvait presque revenir. Maya.

-Maya, je...

Elle s'enfuit.

-... Suis désolée...

J'ai un affreux pincement au cœur tandis qu'Alexia m'abandonne pour partir à sa recherche et que Maxime se lève de mon matelas progressivement en secouant la tête de droite à gauche. Il est en colère. Je le sais et je le sens. Seulement je n'y peux rien ! Je n'y peux vraiment rien. Il m'accuse injustement :

-Tu sais à quel point elle est fragile June !

-Non je ne sais pas !

Je me défends.

-Je ne sais plus...

Il me dévisage avec un regard plein de pitié et d'amertume avant de s'en aller lui aussi par la porte principale. Je n'en peux plus. Je craque et je m'effondre sur mes jambes infidèles, en proie aux larmes et au chagrin.

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