Chapitre 2 : Achevez-moi...

Damian

Réfléchis, Dam. Vite et bien, s'il te plaît.

J'ai beau me creuser les méninges, je ne parviens pas à me souvenir de la dernière fois où un Coincé du Fion est descendu dans notre humble Royaume Infernal. Pour être honnête, je crois même que ce n'est plus arrivé depuis que Lucifer a débarqué un beau matin. Mais le contexte était tout autre : il s'est faufilé chez moi, encore embrumé par les vapeurs de tout l'alcool que nous avions ingurgité la veille afin de noyer son chagrin d'amour.

Ce qui se joue sous mes yeux est d'un autre niveau ! On est à la limite de la visite officielle. Peut-être aurions-nous dû faire une demande... diplomatique ? A-t-on seulement un protocole pour cela ? Et est-ce que...

— Euh... Monsieur ?

La voix d'Haroun me tire de mes songes. Planté à mes côtés, il me dévisage, l'air inquiet.

— Quoi ?

— Je n'ai pas de nouvelles de notre Souverain, chuchote-t-il en remontant ses lunettes du bout de l'index.

— Et c'est mon problème parce que... ? grondé-je.

Mon assistant baisse le nez vers ses stupides chausses à grelots, les épaules affaissées.

— Tu aurais pu me rappeler que nous avions ce dîner aujourd'hui. J'ai l'air d'un abruti, maintenant, marmonné-je à mi-voix.

— Toutes mes excuses, monsieur. Mais vous m'aviez ordonné de ne vous déranger sous aucun prétexte.

Satané Haroun et sa docilité agaçante !

— Et bien la prochaine fois...

— Un souci, jeune homme ?

Cette fois, c'est Elohim qui me coupe dans ma colère. Main tendue, sourire éclatant, mon beau-père s'avance au-devant de moi avec une aisance déconcertante. Sait-il qu'ici-bas, la moitié des démons rêve de croquer du Sénateur pour le petit-déj' ? Abuse pas, me tance ma pseudo-conscience. Tu ne laisserais aucun autre démon l'approcher à moins de dix mètres, ni même le regarder de travers sans lui arracher la tête.

— Non, monsieur.

Docile comme jamais, je serre sa paume, l'estomac noué. Merde, alors ! Un Sénateur dans mon salon !

— J'imagine que tout cela, ajoute-t-il en désignant le décor du geste, ce n'est pas ce dont vous avez l'habitude.

Puis, avec un air de connivence, il se penche vers moi et murmure :

— Je crois que notre Gaby est tout aussi exaltée que sa mère, en ce qui concerne les célébrations.

Je ravale un rire, me retiens de lever les yeux au ciel.

— Si encore il n'y avait que pour les fêtes ! C'est la fille la plus têtue que j'ai eu l'occasion de...

— Damian ! s'insurge Gabrielle.

Venue de nulle part, elle se colle contre moi. Par réflexe, je glisse ma main autour de sa taille. Elle rougit, gigote, tandis que je reprends :

— Quoi ? Je n'allais rien dire de mal ! Juste que je n'avais jamais rencontré quelqu'un d'aussi têtu que toi.

Elohim éclate de rire, abat sa main sur mon épaule.

— Oh, si ! Il y a encore plus borné que ma fille, je vous l'assure.

À peine a-t-il terminé sa phrase qu'un grondement de tonnerre retentit dans la pièce, attirant tous les regards vers un portail ouvert près de l'espace nuit. Presque aussitôt, Lucifer apparaît.

— On parle de moi ?

Costume noir tiré à quatre épingles, sourire éclatant et torse bombé, mon roi/meilleur ami/beau-frère – rayez la mention inutile – entre dans la pièce, suivi de près par Pandore, troisième membre de la fratrie. Me voilà coincé avec une famille de Céleste, en plein cœur des Enfers. Et pas n'importe quelle famille : la mienne. Alors je ravale mon dédain à l'égard de Noël et de ses traditions barbantes, renvoie mes envies de débauche au fin fond de mon esprit démoniaque et fait ce pour quoi je suis doué.

— Lila, dis-je en m'avançant vers elle. Quel plaisir de vous revoir.

J'attrape ses doigts, effleure le dessus de sa main de mes lèvres.

— Vous n'avez jamais été aussi exquise.

La mère de Gabrielle glousse, les joues cramoisies. Déjà, je me tourne vers Pandore.

— Je craignais que tu ne puisses pas te libérer. Bienvenue.

Une courbette, un clin d'œil complice... Et le tour est joué. Ma belle-sœur succombe à mon sourire ravageur tandis qu'à ses côtés, Luc' lève les yeux au ciel.

— Damian, Damian, Damian, soupire-t-il.

Je ris sous cape, déjà amusé à l'idée de le faire enrager pour le reste de la soirée. Après tout, c'est à cause de lui si ma vie est devenue aussi étrange, non ?

— Oui, votre Altesse ? raillé-je.

Il arque un sourcil interrogateur, peu habitué à me voir user d'un titre aussi pompeux à son égard ; à quelques pas de là, Gabrielle m'observe avec défiance tout aussi intriguée que son frère. Elle nous connaît bien assez pour savoir que tout est prétexte à chahuter, pour Lucifer et moi. Elle a sans doute peur que nous ruinions sa jolie petite réunion de famille ? Comme si c'était notre genre !

Mais avant qu'il n'ait le temps de rétorquer, Lila enroule ses bras autour de sa taille, cale sa joue contre son torse en fermant les yeux.

— Lucifer, mon chéri ! Tu m'as tant manqué !

En un claquement de doigts, elle a réussi à faire chavirer le cœur de toutes les personnes rassemblées ici. Pandore et Gaby poussent un « oooooh » attendri, tandis qu'Elohim dépose un baiser sur la tempe de ma femme. Même Haroun renifle discrètement. Moi ? Je me tais, tente de ne pas rompre la magie du moment... Malgré tout, je ne résiste pas à la tentation et sort mon portable pour immortaliser la scène.

— Et si on passait à table ? propose Gaby.

Chacun acquiesce et se dirige vers l'immense table dressée et décorée pour l'occasion. Lucifer me frôle, s'arrête une seconde pour me glisser :

— Si cette photo fuite, tu sais ce qui t'attend ?

— Je me fous de tes menaces, me marré-je, pas impressionné pour deux sous. Moi, tout ce que je voulais, c'était tirer mon coup. Je souffre, tu souffres aussi, mon pote.

Avant qu'il ne puisse répondre, je traverse le salon et me dirige vers le bar.

— Cocktail pour tout le monde ?

J'ignore le regard noir de mon meilleur ami, évite de croiser celui contrarié de ma douce et m'échine à devenir l'hôte parfait.

Fête débile : 1 – Damian, meilleur gendre de la Création : 1

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