Dans la nuit du deuxième jour

La porte se referme derrière moi, et une étrange impression d'effroi s'empare de mon être ; je ne puis plus faire demi-tour ; ma seule consolation est de savoir que mon compagnon est prisonnier tout comme moi, que lui semble savoir où il va, et que, quoi qu'il en soit, il est le seul à disposer de ce qui semble être les clefs du manoir.

Ici encore, s'il n'y avait pas la lourdeur de mon manteau sur mes épaules, le frôlement d'un courant d'air sur mes chevilles, et puis cette horrible impression de réalité, je croirais à un bête cauchemar. Les murs sont terriblement hauts ; le manoir, tout fait de solide pierre ancienne, noircie par endroits, est éclairé par d'étranges réverbères, de gros fer sombre, suspendus aux cloisons ; les lumières courent autour de nous, fauves et rougeâtres, comme les fantômes d'un coucher de soleil bizarre. Le plafond en ogive disparaît dans une charpente lugubre.

Les lueurs qui passent parfois contre les murs, comme des esprits, ressemblent à des lucioles – bien que je ne puisse vraiment être précis – ...chaque bruit résonne bizarrement dans le couloir...enfin mon compagnon, à l'avant, foule le vieux tapis rouge et miteux de maison hantée sans le moindre émoi ; il brandit toujours sa vieille lanterne, maintenant inutile.

Cependant, sa présence, – sa lumière jaune et violente, enfin toutes les choses qu'il dégage me sont familières ; aussi j'ai peur de le perdre de vue ; et, prenant garde à ses longues jambes, je trottine derrière lui avec un ridicule qui me ferait personnellement rougir si je n'étais pas enfermé dans un vieux manoir aux ombres bizarres.

Nous traversons, sur un tapis rouge et poussiéreux, au milieu des fantômes glissants comme des branches devant une fenêtre, un corridor ancien à la lumière vacillante, aux chandelles féroces...juste avant de nous immobiliser devant un mur fané, de grosses pierres peu engageantes, et couvert de vieilles tentures pendantes comme des langues de dragons ; alors que je m'apprête à demander à mon compagnon ce que nous allons faire, ce dernier élève de nouveau son trousseau, tenant serrée dans son poing une autre serrure, cette fois boulonnée dans une plaque de cuivre grossière, comme assemblée à la hâte avec de grosses vis pêchées on ne sait où ; et, sur la plaque d'émail qui l'accompagne, on peut lire distinctement :

« ATELIER »

Sans pouvoir rien comprendre – une nouvelle fois – au phénomène, je vois de nouveau mon compagnon empoigner fermement la clef qui pend dans la serrure...la tourner avec violence...

Tout cela cliquette encore ; alors, comme un rai de lumière jaune, avec une puissance presque auréolante, un rectangle tyrannique se trace dans le mur de grosse pierre, soulevant comme un courant d'air les tentures autour de lui ; et, avec un grincement d'enfer, – il (croyez-moi) se met, horriblement, à bouger...

...il bascule doucement dans ses gonds...

Alors, enfin, comme une porte maléfique, le rectangle cerclé de lumière s'ouvre tout grand, dévoilant derrière lui un spectacle bizarre.

Figurez-vous une salle des machines infernale.

C'est une pièce immense, incroyablement haute de plafond, et même plus encore puisque le plafond en question n'est qu'une coupole de verre soutenue par des arcades de métal ; on voit dehors l'étrange magie de la neige bleutée qui fond, dans le ciel tout noir ; mais ce qui vous intéressera sûrement est surtout l'aménagement surnaturel de cette salle, aussi vais-je vous la décrire.

L'atelier, puisqu'il s'agit bien de cela, est de dimensions spectaculaires, comme un énorme hangar aux murs de cuivre ; mais quelqu'un y a monté des machines plus énormes encore, qui engloutissent tout l'espace ; il y a des alambics anciens, couverts de petits cadrans et de cheminées en formes de tuyaux de pipes, qui laissent échapper parfois des petites fumerolles de vapeur blanche ; des automates biscornus, en métal doré, branchés absurdement à des batteries de pompes fumeuses ; et, surtout, surtout, au milieu de ce vacarme d'usine, parmi les cliquètements et les sifflements épouvantables, il y a la carcasse énorme d'une machine infernale – plutôt excentrique à vraiment y réfléchir ; elle étincelle d'étranges reflets dorés, hérissée de cheminées en forme de tuyaux de pipe ; c'est une étrange chose toute de cuivre et de cadrans affolés, tournant leurs aiguilles noires en tous sens sur la carcasse de métal roussâtre.

Elle vrombit comme un énorme insecte, immobile pourtant, et épandant, par ses cheminées de cuivre, des nuages blanchâtres qui moutonnent dans l'air avant de se fondre dans les brumes ; – elle dégage un vacarme de tous les diables, ronflant, bourdonnant, sifflant comme une cocotte-minute alors que les clapets de ses tuyaux d'échappement se dressent tout seuls, libérant par moments un jet rectiligne de vapeur opaque.

C'est une machine venue d'un autre siècle – ...ou peut-être même d'un autre monde... !

J'ouvre des yeux effarés au moment même que mon compagnon me fait signe de le suivre.

Je dois bien lui obéir, mais à contrecœur ; et, rangeant dans les larges poches de son manteau son trousseau de serrures, il s'engouffre sans le moindre émoi dans cet atelier infernal, avec moi sur les talons, qui tremble de tous mes membres. L'atmosphère est lourde, assourdissante, – presque irrespirable, au milieu des vapeurs blanches qui fuient de partout ; cependant mon compagnon se faufile tranquillement entre les carcasses de cuivre, sans rien y voir parfois – je dois bien l'imiter pour ne pas me perdre dans cet enfer.

Ses pas le mènent jusqu'au prototype bizarre qui vrombit dans un coin.

J'en ai assez peur ; j'aurais voulu le voir se diriger vers n'importe quel autre bestiole, plutôt que celle-là ; mais mes prières restent par trop muettes, et l'Oreille par top sourde – après quelques détours, il se plante juste devant.

— Maître, lâche-t-il, posant sa lanterne sourde sur le sol, avec un bruit mat. L'homme dont je vous parlais est ici.

Alors, tellement, ridiculement petite au milieu de toutes ces machines infernales, une petite ombre remue depuis l'intérieur de l'automate, se dégage dans un bruit de ferraille, et une tête ronde, ornée d'une paire de grosses lunettes d'aviateur, émerge de la vapeur blanche.

— Ah ! Ismaël, s'exclame-t-elle en reconnaissant mon compagnon. Merci, mon garçon.

Puis, un petit être s'extirpe tout entier de la carcasse de cuivre ; c'est un vieil homme vêtu d'une chemise pleine de cambouis, avec des petits yeux noirs, en boutons, et un air intelligent, autant que peut l'être un vieillard de son envergure. Il s'essuie les mains dans un large mouchoir. Du même coup, il me détaille d'un air suspicieux, – par des coups d'œil songeur et rusés ; puis, enfin, il lâche :

— Comment vous appelez-vous, mon ami ?

— Pierre Songebrume, je réponds, sur la défensive. C'est mon nom.

— Un nom bien ridicule, me rétorque l'autre brutalement, en tirant de sa poche une pipe énorme, comme bricolée à l'aide d'un tournevis et d'un nombre incalculable de boulons ; il en soulève le lourd clapet de cuivre, et la bourre, d'un doigt pensif, d'une quantité phénoménale de tabac ; puis, saisissant bizarrement la lanterne sourde de mon compagnon, il s'attelle à allumer sa pipe à même la mèche de la bougie – après quoi, il repose tranquillement la lanterne et tire de sa grosse pipe de longues bouffées, comme ses jets de vapeur.

— Et vous ? Rétorqué-je, piqué au vif.

— Je suis l'inventeur de tout ce que vous voyez ici, réplique-t-il d'un air tranquille. J'ai construit toutes ces machines avec mes poings et des clous glanés ici et là. La plupart des gens ici m'appellent maître, parce que je suis le seigneur de ce château ; seule ma fille m'appelle père, parce qu'elle est bel et bien mon enfant unique ; mais je reçois peu d'étrangers ici, et ils ont l'habitude de me nommer M.Lanthane, parce que c'est mon nom.

Que répondre à cela ? Me laissant sans voix, autant surpris que le bec cloué, M. Lanthane quitte son automate infernal en m'ignorant complètement :

— Ismaël, mon garçon, lâche-t-il en fourrant sa lanterne dans les bras de mon compagnon et en s'éloignant à grands pas, vous devriez arrêtez de ramasser n'importe quoi sur le bord de la route. Ce jeune homme devra être nourri, logé, si vous ne voulons pas faire jaser le voisinage...et puis il ne peut pas décemment reprendre la route dans cet état ; nous sommes au cœur de l'hiver.

— J'ai cru bien faire, répond piteusement Ismaël, les bras encombrés de sa lanterne, tentant de suivre les petits pas rapides de son maître. Je n'aurais pas pu le laisser là...

L'autre hausse les épaules ; je ne sais que faire ; alors, me voyant déjà abandonné dans cet atelier infernal, je cours derrière eux, résigné face à mon étrange sort, – et la porte de pierre de la salle des machines se referme avec un claquement sec dans mon dos.

Pendant plusieurs minutes, qui me semblent des années, M. Lanthane et mon compagnon – que j'appellerai maintenant Ismaël – montent des escaliers bizarres, passent de salle en salle, sans même me jeter un seul regard.

Enfin, non ; je me dois d'être honnête ; visiblement, mon hôte ne semble pas faire grand cas de moi ; mais Ismaël paraît réellement ennuyé par ma situation, – il tente par tous les moyens de faire voir à son maître que je les suis d'un air désorienté, et souvent me jette par-dessus son épaule des coups d'œil désolés, comme pour s'excuser, du mieux qu'il le peut.

Enfin nous pénétrons dans une grande pièce, qu'Ismaël ouvre pour son maître, à l'aide de son étrange trousseau de serrures ; c'est une grande salle, très haute de plafond, toute de grosse pierre grise, – et sur ses murs courent de lourdes tentures de velours rouge.

De longues fenêtres aux croisillons dorés apportent les plus bizarres des rayons d'anges, comme des barres de lumière bleutée, qui tombent, parcourus par une poussière d'or vieilli dont le vol paisible semble arraché au temps, sur le sol de pavés noirs.

Je parle de lumière car, la nuit aidant, tout ceci est plongé dans une relative obscurité.

Il n'y a que nous ; nous, les lourds rayons qui tombent des fenêtres ; et puis les épais murs de roche, silencieux, chuchotants, qui semblent nous toiser depuis leurs hauteurs écrasantes, – ainsi que les tentures, dont la rougeur pâlie luit doucement.

Je ne vois positivement pas où mettre mes pieds.

Il me faut rester immobile.

Cependant, à mon grand étonnement, Ismaël et M. Lanthane s'avancent dans la pièce, comme s'ils voyaient aussi bien qu'en plein jour – naturellement, ils connaissent le manoir ; mais j'ai une certaine fierté ; me voir cloué sur place, tandis qu'eux avancent avec le plus grand naturel, me mortifie beaucoup, – je préfère trébucher dans le noir plutôt que de rester une seconde de plus dans l'encadrement de la porte.

Je vais poser le pied sur la roche grise,...mais une lumière brutale, jaillissant de l'obscurité, ne m'en laisse pas le temps. La lanterne d'Ismaël s'est éteinte dans un des escaliers, je ne sais plus lequel – cette lumière n'émane donc pas de lui ; imaginez ; la surprise me paralyse, juste au moment où un visage apparaît au feu de la chandelle qu'on vient d'allumer. La lumière est orange et jaune, vacillante, je ne puis donc pas vraiment être précis – mais il y a bien une figure dans ce halo rougeâtre, et probablement la figure de celle qui vient de jeter toute cette clarté sur nous.

C'est le visage d'une jeune fille, cela je puis le jurer.

Les traits sont durs, fiers ; avec de grands yeux qui vous avalent le regard ; et puis la la figure encadrée par d'épais cheveux noués en un chignon étrange, qui retombent en boucles sur ses joues.

Soudain, m'arrachant à mes songeries, la voix de M. Lanthane s'élève, marquant un reproche amusé :

— Isabelle ! Encore une fois, enfermée ici, à lire dans le noir ! Veux-tu finir aveugle ?

— Je lirai en braille, répliquent fermement les lèvres de la jeune fille, à peine éclairées par la chandelle. Je lis mal dans la lumière.

— Tu t'amuses à lire des livres dont tu ne peux même pas déchiffrer la moitié des mots ? Rétorque M. Lanthane. On y voit rien !

— J'y vois suffisamment, lâche Isabelle, imperturbable. Je suis en train de lire « Voyage au Centre de... », j'ai supposé qu'il s'agissait de « Voyage Au Centre De l'Espace ».

— Et tu as mal supposé, ma fille ! Réplique M. Lanthane en lui arrachant (je l'imagine du moins) sa chandelle pour raviver la mèche de la lanterne qu'Ismaël porte. Tout comme pour « Vingt Mille Ombres Sous Les Mers » et « Une Vie De Vacances » ! Tout était faux, Isabelle, parce que tu lis dans le noir. Jules Verne ne te réussit pas !

— Je ne vois pas les mots, mais je vois mieux les gens, rétorque Isabelle, de nouveau dans le noir, tandis que son père, penché sur la lanterne d'Ismaël, essaie de faire prendre la mèche. Je suis sûr que vous n'avez jamais rencontré le capitaine Nemo. Moi, si.

— Enfin un nom que tu as correctement lu, marmonne M. Lanthane, aux prises avec la mèche de la lanterne.

— Parce que la lumière du jour changeait avec celle de la nuit...on voit mieux dans un jour embrasé, répond Isabelle tranquillement, impassible dans son obscurité. J'ai lu « capitaine Nemo », mais je ne l'ai pas vu tout d'abord. Ce n'est que lorsque la pénombre a gagné les pages que j'ai pu le voir. Oh ! C'est tellement simple, s'extasie-t-elle soudain. Lorsqu'on ne voit plus le livre, on voit ce qui se cache derrière. Il m'a parlé...mais bien sûr, je n'ai pas répondu. Parce qu'il s'adressait à M. Aronnax, juste derrière. L'ennui est qu'eux ne me voient pas. Enfin, plutôt, ils m'ignorent ; j'ai beau leur faire signe et saboter le Nautilus, ils vont jouer la comédie, et puis rire entre eux. Je dois me contenter de n'être qu'un fantôme.

Soudain, la lumière jaillit dans la lanterne, révélant toute entière mademoiselle Isabelle, qui songe toute éveillée ; et elle semble bien avoir quitté la terre ; enveloppée par les rayons jaunes, elle se tient debout, en grande robe pourpre, avec ses cheveux bruns retenus en un impressionnant chignon d'excentrique, et ses larges yeux noirs levés vers le plafond dans une étrange posture de rêverie. À mieux y voir, on devine chez cette jeune demoiselle de superbes origines. Sa peau cuivrée de peut pas venir de la neige et de la bise, au-dehors ; et ses boucles lâches, épaisses et très noires, ne sont pas l'œuvre d'un quelconque et implacable fer.

Du reste, on ne lui donne pas plus de vingt-cinq ans. Et, même si sa lourde robe de pourpre rouge a été tirée d'un autre siècle, elle porte la jeunesse sur la figure, comme une fierté brûlante.

Ismaël, sur un signe de son maître, s'éloigne alors avec la lanterne pour allumer successivement les lanternes qui courent sur les murs, que mademoiselle Isabelle a probablement laissées mourir. Il y met quelques minutes ; et la lumière revient ; progressivement, et avec une lenteur capricieuse ; mais enfin les mèches s'embrasent, crachent leurs flammes sur l'obscurité, et rapidement, la pièce est noyée par la lumière, comme si nous étions en plein jour.

Cette pièce, qui m'a semblé tellement démesurée à mon arrivée, semble bien plus vaste encore en pleine lumière ; les pierres noirâtres luisent ; les tentures brillent, d'un éclat bizarre ; et, – je ne le remarque qu'avec une certaine surprise – dans le creux d'une fenêtre, là où les rayons sont encore bleutés,...il y a des piles et des piles de gros livres, à la reliure de cuir ancien.

Ce doit être là que mademoiselle Isabelle aime se reclure. Adossée aux croisillons dorés, dans l'alcôve inconfortable que forme le rebord de cette fenêtre oblongue, elle peut lire tout son soûl, – et avoir des visions dans le noir autant qu'elle le veut ;...

...j'évoque son image, étrange silhouette à la robe élégante, – songeuse, les yeux levés vers les étoiles – et cette vision me la rend presque sympathique, ou, si ce n'est le cas, au moins je pressens une certaine ressemblance entre mon sort et le sien.

Ismaël, visiblement mal à l'aise, revient se ranger aux côtés de son maître. Il tient bizarrement sa lanterne, – du bout du bras, comme s'il n'ose plus y toucher ; et il s'est étrangement raidi ; son regard s'est fixé sur une luciole sur le mur, et ne s'en détache plus, – il semble qu'il s'est brutalement passionné pour les faits et les gestes de ce pauvre insecte.

— Eh bien, Ismaël, lâche M. Lanthane d'une voix ironique, puisque vous avez rallumé toutes les lampes et que nous sommes sûrs que ma fille n'ira pas se rendre aveugle en pleine nuit, nous pouvons nous en aller. Venez-vous ?

Ismaël rougit brutalement sous ses tatouages ; puis, il balbutie :

— Bien sûr,...maître.

— Au revoir, père,...M. Ferreau, lâche mademoiselle Isabelle avec un léger sourire.

Ismaël sursaute, puis raffermit sa prise sur la poignée de sa lanterne, et enfin tourne les talons, pâle comme la mort, devançant de quelques secondes son maître, sans même répondre ; enfin nous quittons la pièce, rendant son salut à mademoiselle Isabelle.

La suite est bien moins étrange, il me faut le dire. M. Lanthane trouve enfin la salle qu'il cherchait, et Ismaël, sous ses ordres, l'y abandonne ; puis, laissé seul avec moi, il se comporte comme un parfait majordome, s'excuse pour son maître, et me fait signe de le suivre pour me mener à une chambre.

(Je vais rester ici un certain temps, les éléments déchaînés au-dehors obligent.)

Il se montre bizarrement nerveux, jetant des regards fébriles par-dessus son épaule, – comme s'il craint l'arrivée inopinée d'un inconnu ; enfin, cela n'est pas si étrange. Il existe de nombreux domestiques dont toutes les bonnes lettres de recommandation s'envolent, lorsqu'ils tiennent leur timidité par le bon bout ; je ne trouve donc pas les bafouillements de mon compagnon, bizarres ; et, oubliant crochets, serrures, gargouilles et Jules Verne, je le suis, m'enfonçant dans les entrailles du manoir.

Loin de M. Lanthane, Ismaël semble bien mieux se retrouver dans tous ces couloirs.

En quelques minutes, nous parvenons à une petite chambre, qui s'ouvre bien naturellement avec un loquet ; elle contient un grand lit à baldaquin, aux rideaux de velours rouge ; une longue bibliothèque de bois, chargée à en crouler d'ouvrages anciens ; et puis une ridicule table de chevet, pour tout meuble respectable.

Enfin, j'aime dormir, lire, et ne survivrai jamais sans une table de chevet.

Et, malgré le lampadaire en fer forgé qui se dresse au milieu de la chambre, éclairant le tout d'une lumière fantomatique, – malgré les rideaux du lit mangés aux mites, et la silhouette étrange de la bibliothèque, je déclare que cette chambre me semble très bien.

Cela satisfait Ismaël ; et, sans un mot, avec sa lanterne à la main, il hoche la tête et s'éloigne, me laissant seul dans ma chambre, avec mes ombres.


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