Jour 16, 10h09, dans ma cellule

- Pas trop dur la jalousie, princesse ? Parce qu'il drague, ton prince charmant !

Je débute ma journée avec un Ganondorf moqueur qui me regarde, un sourire au coin des lèvres, debout dans l'embrasure de la porte de ma cellule.

Hum, ce seizième jour de captivité promet d'être agréable...

Depuis ma désespérante défaite d'il y a deux jours, Ganondorf semble vouloir prendre l'habitude de venir me narguer directement dans ma chambre, et ce dès qu'il s'ennuie. C'est-à-dire plusieurs fois par jour. Ce doit déjà être la quatrième fois que je le vois pointer le bout de son nez dans ma cellule depuis ce matin. Je ne sais pas trop comment il gère mon royaume, mais ce qui est sûr c'est que ça ne doit pas beaucoup le fatiguer, s'il trouve le moyen de s'ennuyer.
Il se passe donc si peu de choses en ce moment en Hyrule ? C'est tout de même quand un grand pays, il doit au moins y avoir de l'action dans les provinces, des révoltes à mater ou je ne sais quoi ! Quand j'étais plus jeune, on avait beau être en apparence paisible, mon père avait toujours beaucoup de travail. Quand ce n'était pas d'insignifiantes rébellions indépendantistes au sud du royaume ou des problèmes d'alliances avec les pays voisins, il y avait toujours des histoires de magiciens et de coup d'état qui ne laissaient pas une once de répit à mon paternel – enfin, je préfère ne pas reparler en détail de mon père... –.

Mais abrégeons : tout ça pour dire qu'un royaume, c'est vivant ! Une famille royale digne de ce nom n'a pas le temps de s'ennuyer. Mais, comme on s'en doutait déjà, Ganondorf n'est pas un roi digne de ce nom.
Ou alors... est-ce juste Link et ses bonnes actions qui le mettent ainsi au chômage ?

D'ailleurs, en parlant de mon très cher héros tout de vert vêtu... Ganondorf a encore dû l'espionner pour me faire cette remarque sarcastique sur ma soi-disant jalousie. C'est l'un de ses passe-temps favoris. Pff, ce « roi » est vraiment irresponsable. Ainsi, je ne me gêne pas pour le remettre à sa place ; de toute manière, à part une réprimande ou une moquerie de plus, je ne risque pas grand-chose.

- Pas trop dur la calvitie, « Votre Majesté » ? Parce que ça fait mal, la vieillesse.

Je lâche ces mots en me forçant à sourire – c'est-à-dire qu'un air blasé n'aurait pas donné l'effet escompté à ma réplique. Mon geôlier fronce alors les sourcils, visiblement vexé. Ma liste des « choses de petit vieux de Ganondorf » de l'autre jour m'aura au moins servi à le faire taire. Du moins pour le moment, car je suis sûre et certaine que ce n'est pas la dernière fois que je le vois aujourd'hui.
Visiblement agacé par ma répartie, celui qui me retient prisonnière s'apprête à s'en aller et à me laisser à nouveau dans ma solitude. Mais avant, frustré, il prend tout de même le temps de répliquer :

- Si tu m'avais connu il y a une trentaine d'années, c'est de moi et de ma chevelure dont tu aurais été jalouse. De plus, tu apprendras, jeune fille, qu'à presque cinquante ans, on n'est pas vieux. Et je te prierai d'arrêter de griffonner dans ce cahier de brouillon quand je te parle.

Il me toise puis, voyant que je continue de gratter le papier – pour rapporter ses très agréables paroles, évidement – rajoute :

- C'est à se demander s'ils enseignent la politesse aux princesses de nos jours.

Il me lance un regard courroucé et émet un petit claquement de langue, signe que je l'irrite énormément, puis tourne les talons et sort de ma cellule. Tandis qu'il fait tourner la clé dans la serrure du cadenas de ma porte, je l'entends grommeler :

- Et puis quand on n'est pas foutue de se sauver toute seule, on ne critique pas les autres.

Je ne trouve même plus les mots pour décrire cet homme odieux.

Mais il va bien falloir que je les trouve, pour continuer de décrire ma vie dans ce carnet. C'est la seule chose un peu agréable qu'il m'est donné de faire ici. Je crois bien que sans cela, je serais devenue folle à cause de la solitude – ou du contact quotidien avec Ganondorf... Honnêtement je ne sais pas ce qui est pire –.

Mais revenons au sujet dont je voulais parler. Je disais donc que Ganondorf vient très souvent rire de moi ces derniers temps. L'un de ses sujets de prédilection pour me tourmenter est Link et ses conquêtes. Il plaisante sur ce sujet pour me mettre hors de moi mais en vérité cela ne marche pas. Je suis devenue blasée et imperméable face à ces attaques-là. Et au final, c'est plutôt l'inverse de l'effet attendu qui se passe : Ganondorf finit par s'énerver tout seul, sans aide, comme un grand.
Parce qu'il ne me l'a jamais dit, mais je l'ai très bien entendu, un jour où il râlait plus virulemment que d'habitude : il est jaloux de Link. Pourquoi donc ? Parce que ce jeune homme qui a tout pour lui ne cesse de tourner autour de ses Gerudos (et en plus de ça a une magnifique chevelure blonde, mais chut ! Prononcer une quelconque expression en rapport avec la pilosité du crâne en présence de Ganondorf peut vous menez à la mort instantanée). Ça l'exaspère de voir Link en compagnie de ses guerrières, riant et draguant au coin d'un feu, malgré la fameuse loi qui interdit les êtres de sexe masculin de s'y rendre. Pour être honnête, je partage entièrement son point de vue négatif concernant le rôle de séducteur que se donne Link depuis qu'il a découvert le monde des adultes. C'est plus qu'exaspérant, à la fois pour mon geôlier, qui aimerait garder son harem intact, et à la fois pour moi, qui aimerait sauver ce qui peut encore l'être d'Hyrule. Mais j'évite de donner raison à Ganondorf et de répondre à ses provocations : avoir le même avis que lui me répugne, et rentrer dans son jeu n'aura pour conséquence que de le faire rire et de me faire sortir de mes gonds.

Bien. A présent que j'ai décrit mes pensées, il ne me reste plus qu'à me creuser les méninges pour trouver une autre réplique à sortir à Ganondorf pour le chasser lorsqu'il reviendra dans deux heures ou moins...

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