Prologue : Avant le commencement

1er Novembre - 10h00

J'étais tranquillement assise sur l'un des fauteuils de mon salon, en train de tourner une à une les pages du livre que je dévorais en ce moment. Étouffant un bâillement, je regardai l'heure. 10h00. Qu'est-ce que j'étais fatiguée pourtant ! Il fallait dire que j'avais très mal dormi cette nuit, mais je ne savais pas pourquoi. En tout cas, cela expliquait ma constante fatigue, mais pas la raison de ces insomnies soudaines. Me replongeant dans ma lecture, j'avançai d'une dizaine de pages avant de refermer mon bouquin. Non, décidément, aujourd'hui n'était pas le bon jour pour que je puisse me concentrer sur ce que je lisais.

Après tout, c'était un peu normal. Aujourd'hui était, disons-le, un jour particulier. Pourquoi ? Tout simplement car j'allais avoir vingt ans dans maintenant un peu moins de dix minutes. Et là, vous allez sans doute vous dire : « Ah bon ? C'est ton anniversaire ? Pourtant, ta maison a l'air très calme, et on dirait bien qu'il n'y a pas grand monde, si ce n'est personne chez toi. De plus, à ce que l'on peut voir, on ne peut pas dire que c'est vraiment la joie, chez toi. »

Ah oui, ma famille... C'est vrai que je dois tout vous dire. Sinon, vous ne comprendriez pas... Mais, c'est-à-dire que... Je n'ai pas trop envie d'en parler. Je n'aime pas en parler. Mais il faut bien que je vous le dise.

J'ai un grand frère, et un petit frère et une petite sœur qui sont jumeaux. Mon grand frère s'appelle Ludovic, mon petit frère, Alexis et ma petite sœur, Ambre. Ma mère, c'est Isabelle et mon père, Fabien. Et pour finir, moi, c'est Élisa. Jusque-là, tout va bien, vous direz-vous. Mais détrompez-vous. Je parle d'eux au présent mais je ne devrais pas. Le passé serait un terme plus approprié. Le drame s'est produit quand j'avais douze ans. Ma sœur en avait neuf. Mon frère aîné, seize. Nous étions au mois de juillet. Nos parents avaient organisé de superbes vacances en Espagne, dans un coin magnifique que peu de personnes connaissaient. Un soir, une fête en petit comité avait été organisée. Ambre et moi étions montées au grenier car s'y trouvaient des déguisements et des robes de soirée avec des accessoires tous plus farfelus les uns que les autres. Nous avions décidé de mettre la totale pour s'amuser et nous étions en train de nous coiffer quand les premiers cris ont retenti. N'y prenant pas tout de suite garde car pensant que c'étaient des cris de joie ou des cris pour rigoler, nous stoppâmes cependant toute activité car les cris avaient redoublé de puissance. Prêtant l'oreille, nous n'arrivâmes qu'à distinguer les mots "danger", "eau" et "vite" parmi le vacarme qui régnait. Réflexe stupide, mais humain ; nous voulûmes nous précipiter en bas, dans le salon, là où nous avions vu nos parents pour la dernière fois. Mais une odeur âcre nous saisit à la gorge alors que nous tentions de descendre l'échelle reliant le grenier au reste de la villa. Nous ne pûmes la franchir, et nous comprîmes qu'un feu s'était déclaré en bas. Affolées, nous retournâmes en vitesse à l'intérieur du grenier et barricadâmes la porte. Une fois à l'intérieur, nous nous mîmes à réfléchir pour pouvoir sortir saines et sauves. C'est alors que je me souvins de la petite lucarne située tout au fond du grenier. La peur me l'avait complètement faite oublier. Nous réussîmes aussi à dénicher une corde un peu vieille mais en bon état. Vite, je la nouai à la poutre suspendue juste au-dessus de la lucarne et ouvris cette dernière, afin d'y faire passer la corde. Ambre passa en première, plus agile et plus fine. De plus, on pouvait dire qu'elle était habituée car elle pratiquait de la gymnastique. Moi, j'eus un peu plus de difficultés à passer mais en me contorsionnant un peu, j'y réussis. Heureusement, le nœud que j'avais fait était solide, et la corde supporta mon poids sans problème. Arrivée en bas, je constatai avec horreur que nous étions les seuls rescapés mis à part un monsieur qui devait avoir la quarantaine. C'était lui qui avait prévenu les secours. Malheureusement, ils étaient arrivés trop tard, et ils ne purent que constater l'ampleur des dégâts, ainsi que tous les corps des invités à la fête, dont nos parents et nos frères, carbonisés. Mais le pire, pourtant, fut que les pompiers décrètent que l'incendie n'avait pas été involontaire. Quelqu'un avait voulu la mort de nos parents et de nos frères.

Ma sœur, qui avait toujours été très proche et fusionnelle avec Alexis, ainsi que très impulsive, me prit pour responsable de leur mort car je n'avais pas été capable de les arracher aux flammes qui les avaient engloutis. C'est ainsi que notre amitié fut brisée, et elle ne m'adressa plus jamais la parole, même pas un remerciement pour l'avoir sauvée. Quand nous nous recroisions après, chose très rare, elle portait sur moi un regard de dégoût qui me faisait me sentir coupable de quelque chose que je n'avais pas commis.

Et jusqu'à ce jour, elle n'a pas changé d'avis, mais par contre, est devenue dépressive. Moi, j'ai essayé de garder la tête haute.

Cela fait huit ans. Huit ans que je suis toute seule, huit ans que j'envie les gens heureux et sans soucis. Huit ans que je me force à garder le moral. Alors, un anniversaire de plus ou de moins toute seule, ce n'est pas ça qui va me déprimer...

Redressant la tête, je frissonnai. Me remémorer tous ces souvenirs tragiques me rendait nostalgique et triste. Mais ce n'était pas seulement ça, il y avait quelque chose d'anormal, je le ressentais. D'habitude, je n'avais jamais froid. Souvent, en hiver, je me plaignais d'avoir chaud. Vous allez sans doute vous dire que j'exagère, mais je vous promets que c'est vrai. Vous voyez les gens qui ont froid l'été ? Moi, c'est pareil sauf que c'est l'inverse. Mais là, je tremblais. Une sensation désagréable que je n'avais jamais ressentie auparavant m'envahit.

Lentement, je me levai et m'approchai de la cheminée qui, normalement, ne servait jamais. Pourtant, aujourd'hui, un gros feu ronflait à l'intérieur de l'âtre. Et malgré ça, j'étais glacée, complètement frigorifiée.

Aujourd'hui, à 10h16, cela ferait 20 ans que j'étais née. Et je pressentais que quelque chose allait se produire. Quoi ? Je n'en savais rien. J'avais juste le pressentiment que ce serait une chose extraordinaire.

Essayant de chasser mes angoisses, j'écoutai le feu crépiter. Tranquillement, je me laissai aller. Il y avait quelque chose qui m'apaisait dans ce mélange de couleurs chaudes. J'étais à quelques mètres de la cheminée, et je réussis à me calmer. Alors, tout doucement, la chaleur m'envahit. Je fermai les yeux, pour prendre le temps de savourer cette sensation.

C'est là que se produisit ce que je redoutais. Mon inconscient m'en avertit avant même que cela se produise. Une alarme s'alluma dans ma tête. 10h16.

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