2. Chapitre zébro
Moi, c'est Manon. Cette année, j'ai eu 21 ans et je commence enfin à être prise un peu plus au sérieux, malgré ma naïveté parfois impressionnante, ma posture constamment idéaliste et mon physique qui renvoie l'image d'une collégienne. Ce n'est pas facile tous les jours d'aimer les mêmes sujets de conversations que les grandes personnes, tout en se sentant aussi proche des enfants de part leur spontanéité et leur vision si particulière du monde.
Diagnostiquée surdouée quelques jours avant mes 19 ans, j'ai pendant longtemps cherché à comprendre qui j'étais vraiment. Au fond, j'ai toujours eu conscience de ma différence, mais sans jamais parvenir à l'expliquer et sans jamais pouvoir arrêter ce flot de questions auxquelles je ne parvenais pas à trouver de réponse : Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? D'où vient ce décalage que je perçois avec la majorité des personnes de mon âge ? Comment expliquer cette vitre qui s'immisce systématiquement entre les autres et moi-même ? Pourquoi je suis telle que je suis ? Pourquoi je souffre autant ? Est-ce que je suis folle ?
Toutes ces questions qui terminaient toujours par la même, systématiquement : Pourquoi je ne suis pas normale ? Parce que, même si je hais au plus haut point ce terme de « normalité », il n'empêche que cette question reste bien présente dans ma tête. Ce mot m'insupporte d'autant plus qu'en psychologie, il est évident que cette question de la normalité est perpétuellement discutée et remise en cause. Mais, ici, nous considérerons la « normalité » comme étant ce qui est le plus répandu : une idée normale est ce que la majorité pense, une tenue normale est celle qui est la plus portée, une opinion normale est ce que la majorité valorise, et j'en passe.
En réalité, je me rends compte que ce n'est pas tant l'impression que j'ai de moi-même qui est le plus difficile à gérer, mais bien l'image que les autres ont de moi. Si je regarde bien, je ne suis pas si bizarre, dans le fond ; c'est les autres qui me font prendre conscience de cette différence si pesante. Je vois bien leur visage dérouté lorsque je dis ou fais certaines choses atypiques, je vois bien leur agacement lorsque je pose des questions existentielles, je ressens bien ce malaise chez l'autre lorsque j'explique comment je pense, comment je rêve, comment je réfléchis.
Au-delà même de ces impressions, j'ai souvent eu affaire à des phrases comme « Tu es tellement bizarre », et ce, pour des choses qui me semblent pourtant insignifiantes. En fait, j'ai cru remarquer que beaucoup de personnes se basent sur ce qu'elles considèrent comme la normalité pour juger leurs pairs. Mais je crois que, s'ils pouvaient, ne serait-ce qu'un seul instant, s'imaginer l'étendue de la douleur que ces actes causent, ils l'utiliseraient avec plus de précaution. Aujourd'hui, tout doit être normal, connu, dans les clous. Et, pourtant, on entend les gens crier haut et fort leurs originalités ; c'est à n'y rien comprendre !
Alors, quand la psychologue qui m'a fait passer le test de QI m'a dit : « Vous êtes surdouée », j'ai longtemps cru qu'elle avait fait une erreur de diagnostic, qu'elle s'était trompée de patient. Je ne pouvais pas y croire ! Les résultats ne pouvaient pas être les miens ! Je ne me suis jamais sentie très intelligente, et pour cause, je n'excelle en rien et même s'il m'arrive de réussir quelque chose qui semble compliqué, je n'arrive parfois pas à faire ce que les autres font naturellement. Et si le haut potentiel, caractérisé comme un don, pouvait, en réalité, être vécu comme un handicap ?
Au bout d'un certain temps, j'ai dû me résoudre, petit à petit, et non sans difficulté, à admettre la réalité pour accepter cette différence qui fait ce que je suis. Je ne pouvais pas continuer d'occulter éternellement cette part de moi-même qui était source de souffrance.
Si les mois suivants l'annonce du diagnostic ont été très difficiles pour moi, aujourd'hui, j'ai bien conscience que, grâce à ce test, j'en ai davantage appris sur moi-même et j'ai enfin pu rassembler toutes les pièces du puzzle en donnant un sens à l'incompréhensible. Par la même occasion, j'ai compris que jamais je ne serai normale et que, toute ma vie, je devrai vivre avec ça, avec cet handicap, cette malédiction. C'est pour cette raison que, lorsque j'en entends certains se vanter d'être surdoués, je ne comprends pas. Peut-être le vivent-ils différemment ? Peut-être est-ce un moyen de faire face à la souffrance ? Me concernant, être surdouée n'est pas quelque chose de génial, comme on pourrait l'imaginer.
Régulièrement, j'ai ce sentiment d'être totalement incomprise et regardée comme un extra-terrestre. C'est d'ailleurs pour cette raison que la solitude vient souvent sonner à ma porte. Je crois toujours qu'elle ne restera que pour prendre le thé, l'histoire de quelques heures, mais non. Elle reste, s'impose, m'envahit jusqu'à l'étouffement. Se sentir seule en présence des autres, être au cœur du vide, c'est pire que tout. Parce que, dans ces cas-là, je sais pertinemment que le problème, c'est moi. Pas les autres.
*
Cela dit, mon récit n'est néanmoins pas à généraliser à tous les surdoués, mais nous pouvons simplement le considérer comme un point de vue dont je voulais vous faire part car comme les empreintes digitales, nos rayures sont uniques et nous rendent tous différents.
J'espère que vous trouverez ici les réponses aux questions que vous vous posez ou toutes autres informations que vous rechercheriez.
N'hésitez surtout pas à me donner vos avis, ils sont précieux pour moi :)
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