15. Pensée sérotinale
A l'intérieur de tous les livres que j'achète, j'écris la date à laquelle je me le suis procuré. Je ne sais pas pourquoi. J'aime garder une certaine notion du temps et j'aime voir le temps qui sépare la lecture de l'achat. Ce soir, à l'intérieur d'un des 7 romans posés sur ma table de nuit, je vois que je l'ai acheté il y a 1 an. Je me vois encore ce jour là, contente d'avoir trouver ce livre dont j'avais entendu tellement de bonnes critiques. 1 an. Je me prends en pleine figure la dure réalité.
Le temps passe si vite. Et de combien de minutes de cette année qui vient de s'écouler je me souviens ? Est-ce que mon amnésie partielle rend tout ce que j'ai vécu insignifiant ? Parfois, sur l'instant, j'ai ri, j'ai été heureuse. Mais pourquoi ce plaisir et ce bonheur ne durent-ils pas ? Pourquoi ces précieux souvenirs s'estompent petit à petit comme de l'encre sur du papier resté trop longtemps au grenier ? Et puis, au fond, est-ce que c'est important ? Pour moi, avec ma subjectivité, bien sûr que ça l'est. Mais à l'échelle de l'humanité ? Pire, à l'échelle de l'histoire du monde ? Finalement, que représente ma vie dans toute cette grandeur, cette immensité ? Qu'est-ce que je représente, moi ? Est-ce que mon existence aura un effet papillon pendant 10, 100, 1000 ans ? Ou est-ce que tout ce que j'ai créée, toute l'énergie que j'ai dépensée sera réduit à néant dès l'instant où je mourrai ?
Ce flot incessant de questions, qui resteront fatalement sans réponse, me ramène à l'instant où j'ai pris conscience de cette peur terrible que j'ai de la mort.
Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours détesté le sport à l'école. "Ça permet de vous défouler" disaient nos professeurs, mais je n'y trouvais aucun intérêt, aucun plaisir. En fait c'était surtout parce qu'il n'y avait aucune considération pour notre santé physique, nos envies, nos besoins, nos compétences. Je peux d'ailleurs étendre cela à l'école en général. Je n'ai jamais été attirée par le sport, ce qui fait de moi une « petite nature » quand il s'agit de mettre mon corps en activité. Lors des échauffements, on devait courir autour du terrain. J'essayais d'oublier la sécheresse de ma gorge, la sensation de vertige, les crampes qui se faisaient de plus en plus ressentir.
J'essayais de ne plus penser. Ne plus penser pour ne plus avoir mal, c'est ce que je ne cesse de faire. Quand je demande aux gens "A quoi tu penses ?", parfois ils me répondent "Rien, je ne pense pas". Je croyais pouvoir, comme eux, penser à rien. Quelle naïveté de penser que ça serait possible ! Mais comment j'aurais pu imaginer que mon cerveau soit incapable de ne plus penser ? Et c'est pendant ces échauffements, que j'ai découvert que ce n'était pas possible.
A chaque séance, pendant que mon esprit n'était pas "intellectuellement" occupé, la mort s'imposait à moi sans que je puisse m'en défaire. Est-ce que l'on s'ennuie quand on est mort ? Cette question revenait sans arrêt. Si je m'imaginais morte, je me voyais dans le noir, seule, pour l'éternité. Cette angoisse que je ressentais me ralentissait encore plus dans ma course. Mon souffle devenant de plus en plus court. La tête me tournait. C'est horrible d'être mort ! Je ne peux pas mourir ! Etre seule indéfiniment et ne pouvoir rien faire ? Non, je ne veux pas !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top