12. Rebel Rebel
Je devrais être dans la cour et passer la récréation avec mes copines. À la place, je suis enfermée dans la classe avec celui qui se fait appeler « maître ». Pour partir s'amuser, nous devions reprendre notre dictée pour trouver les fautes et les corriger. Il paraît que c'est comme ça, au collège, alors on a encore une année scolaire pour s'y habituer. J'ai beau lire et relire, mais rien n'y fait, je ne trouve pas cette faute qui fait que je suis coincée ici.
Au bout d'un moment, je me décide à l'interpeller, lui qui est censé être là pour nous aider, et pas nous laisser patauger dans notre ignorance. Pourtant, il me dit de continuer à chercher, avant d'ajouter, d'un ton digne d'une tirade de Crispin : « Ce n'est quand même pas compliqué ». Si c'est effectivement si simple, cela veut donc dire que je suis stupide et ce simple sous-entendu suffit à m'agacer ! Je lui dirai bien que cette façon de faire est complètement inutile, mais je décide de me taire. À quoi bon ?
Quelques minutes plus tard, certainement plus par lassitude que par bienveillance, il s'approche de moi et pointe de son doigt un mot. Le mot « éteindre ». Il reste planté là, devant moi, avec son air d'ahuri. Tout en restant muet, il entoure la première lettre du mot. Je me mets à souffler, par manque de patience.
« L'accent. Je ne sais pas si c'est un accent grave ou un accent aigu que tu as voulu faire. On dirait que tu as simplement fait une barre horizontale au dessus du e » me dit-il. Je le fixe du regard, d'un air de dire : C'est une blague ? Comme pour calmer mon énervement, m'apaiser intérieurement, je me concentre sur ce mot. Mentalement, je trace une ligne parallèle au haut de la feuille sur laquelle j'ai écrit, pour mesurer grossièrement le degré de rotation de l'accent. Même s'il n'est peut-être pas aussi parfait qu'il le voudrait, on voit très clairement qu'il s'agit d'un accent aigu.
Enfin,le grand maître me libère pour les quelques minutes de récréation qu'il mereste. En se dirigeant vers son bureau, il me rappelle le rendez-vous de cesoir entre lui et mes parents. Il parait qu'il y a un problème avec moi.D'après mon dernier bulletin, reçu il y a quelques jours, j'ai une « attitudedésinvolte ».
J'ai toujours eu besoin de comprendre, toujours eu besoinqu'on m'explique tout. Il me semble que je suis même parfois un peu pénible.Alors comment veut-il que je réagisse autrement ? Comment se fait-il qu'il soitétonné de mon opposition ? Je croyais que tout le monde faisait ça, maisil semble que ce ne soit pas le cas. Pour ça, mes parents sont convoqués parceque cet enseignant moyenâgeux pense que, à 11 ans, on ne peut rêver qu'à fairedes exercices de mathématiques, apprendre par cœur des poésies ou répondre« Oui, monsieur » à toutes ses remarques.
Moi, je rêve à d'autreschoses. Des choses comme sauver le monde, guérir tous les malades qui existent,apporter mon soutien à tous ceux qui en ont besoin, permettre aux autres d'êtreheureux ! Dans aucun programme, depuis que je suis à l'école, je n'ai trouvéune leçon se rapportant à l'une ou l'autre de mes aspirations.
Alors à quoi bonaller à l'école ? Se lever tous les matins pour rester assise sur une chaise,dans la même salle, avec toutes ces personnes si différentes de moi pour boireles paroles d'une personne sans pouvoir réfléchir soi-même à ce qu'on aime.Non, ce n'est pas ce dont je rêve. Et puis vient le temps du passage dangereuxvers l'adolescence.
Depuis quelque temps, je vois petit à petit ma personnalités'affirmer, mes traits de caractère s'intensifier. Alors non, je n'accepte pluscette autorité illégitime imposée par ce freluquet ! Je devrais lui êtresoumise parce qu'une poignée d'imbéciles considèrent que le professeur a tousles pouvoirs ? On voit bien qu'ils n'ont jamais imaginé quel sentiment sonenseignement inspirerait à des élèves encore enfants !
Il se revendiquemaître de la classe ? Très bien. Mais qu'il ne se croie pas un seul instantmaître de mon esprit.
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