Une petite leçon d'histoire...
Bien le bonjour/bonsoir à tous. J'ai légèrement modifié mon plan original et donc décidé d'introduire le journal à travers un récit-cadre. Une jeune fille vivant près de la frontière allemande, Anabell de son petit nom, va nous faire part de sa lecture du carnet de Klaus. Si cette partie ne vous plaît pas trop, ne vous focalisez pas dessus, le "vrai" journal arrive bientôt. C'est juste que je trouvais plus sympa d'avoir une petite histoire un peu plus légère en parallèle, afin de ne pas vous achever tout de suite avec des choses un peu plus.... déplaisantes disons. Dites moi ce que vous en pensez. En plus, je parle un peu de quelques dates, ça ne peut pas faire de mal de se recontextualiser. Bien, place au récit, et bonne lecture !
P-S : Le lexique se trouve à la fin, pour les mots allemands...
« Mademoiselle Lindeberg ! »
Je sursaute, laissant tomber mon crayon, frôlant l'attaque cardiaque. Je relève la tête et vois une espèce de vieille femme énervée, si énervée que son chignon laissait échapper des mèches argentée de tous les côtés. Dans sa tenue entièrement composée de rose, on aurait dit un vieux bonbon enragé.
«Pourriez-vous pour une fois prêter attention à mon cours, s'il vous plaît ? Ou est-ce trop demander de votre part ?
-N-Non, désolée Mme Shermansky. Excusez-moi...
-Bien, que je ne vous y reprenne plus, Mademoiselle Lindeberg. Comme je le disais à l'instant, nous allons maintenant commencer un nouveau chapitre d'histoire, la Seconde Guerre Mondiale. »
L'ambiance endormie et léthargique de la salle s'estompe rapidement, pour laisser place à un peu plus de bonne humeur. Presque tous mes camarades étaient emballés par cette idée, aimant tout ce qui était gore et glauque (comme toute classe de troisième qui se respecte un tant soit peu). C'est sûr que c'est bien plus intéressant de voir comment zigouiller un homme que d'étudier les migrations pendulaires ou les « Dynamiques territoriales de la France contemporaine », songeais-je en replaçant une de mes courtes mèches rousses derrière mon oreille. Ou apprendre bêtement une carte de géo... Déjà que ce n'est pas ma tasse de thé...
J'ai toujours bien aimé l'Histoire, là n'est pas le problème, cependant, notre charmante institutrice, comme le dit si bien mon amie Gabrielle, pourrait endormir une classe de trente singes excités sous cocaïne tellement elle est barbante. En cinq minutes top chrono. Ça m'étonne même qu'elle ne m'a pas rappelée à l'ordre plus tôt. Bah, ça m'a permis de finir un super dessin dans mon cahier, et, pour être tout à fait honnête, tout est toujours plus intéressant qu'un cours de géographie dispensé par Mme Shermansky.
La cloche sonna, mettant un terme au cours de Mme Shermansky, notre chère et bien (mal) aimée professeure d'histoire-géographie. Etant donné que c'était mon dernier cours de ma journée, je me dirigeais vers la sortie du collège. Un texto de ma mère m'informa que je devais allez chez Oma et Opa à cinq heures, vu qu'elle va rentrer tard ce soir. Ça ne me gênait pas, dans la mesure où mon grand-père me racontait toujours quelque chose de super d'intéressant et ma grand-mère avait toujours la manie de me proposer d'excellents bonbons au citron.
Sur le chemin, il pleuvait des cordes, alors je me dépêchais de déverrouiller la porte d'entrée de chez mes grands-parents de mes doigts engourdis.
« Oma ! Opa ! Je suis rentrée ! », Lançais-je à la cantonade, tout en retirant mon manteau dégoulinant de pluie dans l'entrée.
Je l'accroche à la patère, derrière la porte et va voir ma Grand-mère, assise dans la véranda en train de tricoter une belle écharpe mauve.
« Oh, mein kleiner Schatz !, s'exclame ma grand-mère en m'adressant un grand sourire. Komm ! Que je suis contente de te voir, Anabell ! Tu vas bien ?
-Ja, ne t'en fais pas, Oma... Et toi ?, répond-je en m'asseyant à côté d'elle, tout en passant mes doigts sur la douce pelote de laine angora.
-Ahr, gut... Tu sais, il ne se passe jamais rien de spécial, mein Hertz. Eine Bonbons Anabell ?
-Oh, nein, nicht jetzt, mais merci Oma. Mama rentre tard ce soir, je mange ici.
-Dans ce cas, je vais me mettre à la cuisine, me dit-elle en posant son ouvrage. Opa est dans le salon, si tu le cherches. Tu peux t'y installer pour travailler.
-OK. Danke, Oma », dis-jeen embrassant sur sa douce joue sèche et ridée. Elle dépose à son tour un bisousur mon front, puis ébouriffe mes cheveux roux encore humides qui pendent enpetits paquets mouillés autour de mon visage.
Je prends mon sac, et m'installe sur la grande table qui trône dans la salle à manger. Opa lit son journal, dans son fauteuil recouvert de velours lie-de-vin. Il me regarde derrière ses petites lunettes de vue, en me gratifiant de son éternel sourire énigmatique digne de la Mona Lisa parisienne. Je le salue en l'embrassant, puis me plonge dans mes devoirs. Facile, je n'ai pas grand-chose pour demain, juste quelques exercices de maths vites résolus. La seule chose qui me pose réellement problème, c'est la maudite carte à apprendre pour le contrôle dans deux jours. En plus de ne rien comprendre à la légende bizarre de la prof, j'ai dû mal à saisir la leçon en elle-même, qui n'a aucun sens à mes yeux et qui m'ennuie profondément. En soupirant, j'achève de lire, de lire et de relire la carte et mon cours, mais rien ne me reste en tête. Il n'y a rien à faire, je me retaperai une mauvaise note au devoir, comme au précédent.
« Annabell ? Ein Problem ?
-Ja, Opa. Je n'arrive pas à apprendre ma carte en géographie. Ça m'énerve...
-Ne t'en fais pas, tu vas y arriver, mein kleine Mädchen, me répond mon Großvater d'un air compatissant. Tu es douée, tu t'en sortiras. Même si, à mon avis, ce n'est pas ça qui t'aidera à mieux comprendre le monde. C'est l'Histoire, la clé du futur. Où en es-tu dans ton programme d'ailleurs ?
-On va commencer la Seconde Guerre Mondiale, Opa.
-Une période bien intéressante, tu verras... C'est une époque qui va poser les bases de nos problèmes actuels.
-Ah ?
-Bon, peut-être pas tous, mais l'Histoire est un cycle éternel. C'est la Première Guerre Mondiale qui a engendré la deuxième. Tu le savais ?
-Non... On nous a juste dit que la Première Guerre Mondiale s'était terminée sur le traité de Versailles, le traité de paix signé en... 1919, il me semble...
-Exact. Le 28 juin 1919. Le Diktat. Et le voilà, le vrai nœud du problème. Ton professeur ne te l'a donc pas enseigné ? De toutes les conséquences que ce traité de paix a causé ?
-Non, trop occupée à râler contre les élèves de ma classe...
-Eh bien moi je vais te le dire pourquoi, me dit Opa en repliant son journal. On avait tout mis sur le dos des Deutscher. On leur avait tout pris, on avait occupé des zones frontalières, on avait réduit leur armée à néant et on les avait obligés à tout rembourser, tout, jusqu'au dernier Mark, tous les frais de guerre. L'Allemagne était en crise, il y avait du chômage de masse, des pénuries de nourriture et d'argent, tout le monde se plaignait, et c'était bien normal. Tous les Leute en avaient marre de ces conditions, alors ils s'était tout naturellement tournés vers les partis extrêmes. il y avait les Spartakusbund à L'extrême gauche, les marxistes si tu préfères ; ou le NSDAP, le Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, lui d'extrême droite. C'est comme ça qu'Hitler, homme charismatique qui haranguait les foules avec conviction et promesses utopiques, est monté au pouvoir, désigné par le président d'Allemagne, Paulvon Hindenburg.
-Donc Hitler a été désigné par le président à la chancellerie ?
-Oui, c'est ça Anabell...
-Mais ce n'est pas le président qui gouverne ?
-Non, pas en Allemagne. Le président allemand est un peu comme la reine d'Angleterre au Royaume Unis, ce n'est pas lui qui prend les décision, mais le chancelier
-Tu veux dire qu'il a été... Élu ? Les Leute ont élu Hitler ?
-En quelque sorte. Ils ne l'ont pas élus chancelier mais il était très soutenu au sein de son parti pendant les Il était supporté par les S.A. en plus...
-Les S.A. ?
- La section d'assaut allemande, les Sturmabteilung. On les appelait les chemises brunes en raison de la couleur de leur uniforme. Une sacrée bande fous, si tu veux mon avis. Ils réduisaient les opposants au parti nazi dans une violence inouïe. Les S.A. étaient connues pour être des personnes dénuées d'humanité, de vrai Henker. Ils ont pratiquement tous été tués, sous les ordres d'Hitler d'ailleurs, durant la Nuit des Long Couteau, la Röhm-Putsch, durant la nuit du 29 au 30 juin 1934.
-Whoah... Ils ne plaisantaient pas à l'époque... J'ai du mal à le croire..., plaisantais-je, faussement admirative.
-Et pourtant... Ce n'était rien comparé à ce que les nazis ont fait par la suite. Des atrocités sans nom, et un antisémitisme très marqué.
-L'antisémitisme ? C'est quoi ?
-La haine du judaïsme, la haine des juifs, si tu préfères...
-Ah, d'accord, je ne savais pas que ça avait un nom, ça. Mais, Opa, il n'y avait pas les... Les camps de concentration ? J'en ai entendu vaguement parler à l'école...
-Patience, ma grande, patience ! Laisses d'abord le « Führer » prendre ses aises, me réplique-t-il, la voix remplie de sous-entendu et un sourire ironique aux lèvres. Les camps de concentration et leurs horreurs ne viennent qu'un peu plus tard, bien qu'ils ont commencé dès 1933. Il fallait que le système, la machine infernale se mette en place. Tout un univers, un monde à part... C'en est effroyable... »
Jamais je n'ai autant aimé une leçon d'histoire. Opa savait raconter les histoires, j'étais captivée du début à la fin. C'est Oma qui a dû venir nous chercher pour manger, en nous ramenant au présent. Mais, juste avant de se lever, il me dit une dernière chose :
« Anabell ?
-Ja, Opa ?
-Vu que les camps de concentration et d'extermination ont l'air de d'intéresser, je peux te prêter quelque chose si tu veux. Un carnet, que l'on garde au grenier. J'irai le chercher pour te le prêter. Ça te plairait ?
-Oui, ça peut être intéressant. Merci, Opa, de m'avoir appris tout ça. J'ai tout compris !
-Bitte schön, Anabell, ravis de t'avoir rendue moins bête, me répond-il en souriant et en me caressant le haut de ma tête. So, il faut aller manger, sinon ta Großmutter va encore râler... »
Mama est venu me chercher vers vingt-et-une heure. Ses cheveux bruns, d'habitude si bien coiffés forment un halo électrostatique autour de sa tête ; ainsi que ses traits tirés indiquent qu'elle a passé une sale journée. Je salue sans tarder Oma et Opa, et sort rejoindre ma mère dans sa voiture. M'apprêtant à monter côté passager, j'entends ma grand-mère m'appeler :
« Anabell ! »
Je courais vers Oma, intriguée. Elle me tendait un petit carnet noir en cuir usé, relié avec une ficelle brune et effilochée. Ça doit sûrement être le fameux carnet dont me parlait Opa avant de manger.
«Tiens, mein Kätzchen. Ton grand-père voulait te donner ça avant que tu partes...
-Danke Oma. Bis Bald ! »
Je la salue une dernière fois, puis monte au côté de Mama qui démarre en trombe.
Une fois dans mon lit, en pyjama, je repense à tout ce qu'Opa m'a dit. C'est déroutant. Comment de telles choses ont bien pu se produire ? Comment a-t' on put en arriver là ?
Mon regard se pose sur le cahier sombre, que j'avais posé sur ma table de chevet. Je le prends délicatement entre mes mains, et passe ma main sur le cuir noir héraldique rugueux. J'ai presque peur de découvrir ce qu'il contient. Ce carnet noir dégage quelque chose de... Malfaisant. Je ne suis pas à l'aise. Pourtant, je suis bien trop curieuse pour ne pas y jeter un œil. Et puis, un livre ne peut pas me tuer, n'est-ce pas ? En plus c'est mon grand-père qui me l'a donné. Alors, avec mille-et-une précautions, j'ouvre la couverture du petit carnet noir et inquiétant, en appréhendant ma lecture.
Lexique :
Oma, Opa : Mami, Papi
Mein kleiner Schatz :Mon petit trésor
Komm ! : Viens !
Gut : Bien
Mein Hertz : Mon cœur
Nein, nicht jetzt : Non, pas maintenant
Danke : Merci
Ein Problem? : Un problème ?
Meine kleine Mädchen: Ma petite fille
Großvater : Grand-père
Diktat : Littéralement, le Dictat. Désignait le traité de Versailles en allemand, qui prenaient mal les mesures à leurs encontre.
Deutscher : allemands
Mark : ancienne monnaie allemande (avant l'euro)
Leute : citoyens
Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei: Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands
Spartakus Bund : Spartakistes (partit d'extrême gauche = communisme)
Sturmabteilung : Section d'Assaut (S.A.) allemande
Henker : boucher
Röhm-Putsch : la "Nuit des Longs Couteaux" en allemand
Bitte schön : De rien
So : Bon/Donc/Alors
Großmutter : Grand-mère
Mein Kätzchen: Mon chaton
Bis Bald : Salut !
Pour ceux qui n'ont jamais vu de vieux bonbon rose enragé...
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