Chapitre 9 - Jonas
Il y avait eu une époque où la simple pensée du cinéma l'avait enivré. Il se souvenait encore de ces nuits où, allongé dans son lit, il rêvait à des rôles grandioses, à des dialogues percutants, à cette adrénaline pure qu'il ressentait à l'idée de devenir quelqu'un d'autre, même pour un moment. Cette sensation de pouvoir se fondre dans la peau d'un personnage, de quitter sa propre réalité et de vivre mille vies différentes... C'était grisant, presque addictif. Mais ce rêve, il le savait au fond de lui, n'avait jamais été complètement le sien.
Il avait suivi cette voie pour Lorelei, pour cet amour insensé, irrationnel, qu'il avait ressenti pour elle. Un amour qui l'avait aveuglé, au point de le pousser à tout abandonner. Pour elle, il avait laissé ses propres aspirations se dissoudre dans le brouillard de ses désirs. Il voulait l'impressionner, la rendre fière. Et elle, avec cette force de persuasion, ce charisme naturel, l'avait guidé vers une carrière qu'il n'avait jamais vraiment choisie.
Yan l'écoutait en silence, les sourcils légèrement froncés, comme s'il pesait chacune des paroles de Jonas. Il comprenait enfin cette ambivalence, ce tiraillement constant chez son ami, comme s'il vivait partagé entre deux mondes. D'un côté, le cinéma et la gloire, de l'autre, une vie qu'il avait abandonnée, celle qu'il aurait pu avoir, plus simple, plus proche de lui.
— Et tu regrettes ? demande l'asiatique, sa voix douce, presque réticente, comme s'il craignait de toucher une corde trop sensible.
La question flottait dans l'air, s'imposant comme un poids invisible, difficile à ignorer. Jonas reste silencieux, le regard perdu quelque part entre le présent et le passé. Il repensait à tout ce qu'il avait sacrifié, à toutes ces fois où il s'était demandé s'il avait pris la bonne décision. Ce n'était pas facile de répondre. Parce que, non, il ne regrettait pas... Mais il y avait toujours cette petite voix, là, au fond, qui lui murmurait à quoi sa vie aurait pu ressembler s'il avait choisi un autre chemin.
Lentement, il secoue la tête, comme pour dissiper les pensées qui s'accumulaient en lui.
— Non... je ne regrette pas... murmure-t-il finalement, sa voix à peine audible, mais parfois... je me demande comment serait ma vie si je n'avais pas écouté Lorelei.
Lorelei... Rien que son nom évoquait un tourbillon d'émotions complexes. Elle avait eu raison, bien sûr. Elle l'avait vu avant lui, ce potentiel, cette capacité à captiver un public. C'était elle qui l'avait poussé à auditionner pour ce rôle dans une série fantastique. Un rôle qui avait tout changé. Ce personnage l'avait propulsé sous les feux des projecteurs, lui offrant une renommée à laquelle il ne s'était jamais vraiment préparé. Mais c'était elle qui en avait le plus profité.
Ils avaient été inséparables au début, elle, cette femme de douze ans son aînée, plus expérimentée, plus charismatique. Elle l'avait pris sous son aile, mais au fil du temps, Jonas avait réalisé que la personne qu'il aimait n'était plus la même. Lorelei avait changé, ou peut-être était-ce lui qui avait évolué. Elle s'était nourrie de sa célébrité, de ce nouveau monde qui s'ouvrait à eux, devenant une version d'elle-même qu'il ne reconnaissait plus. Leurs désirs et leurs ambitions s'étaient éloignés, créant un fossé impossible à combler.
Deux ans plus tard, leur séparation avait fait la une des journaux people. Leur histoire avait éclaté au grand jour, scrutée par des milliers de regards avides de scandales. Mais, étonnamment, Jonas s'en était rapidement remis. Il avait déjà fait son deuil de cette relation bien avant que les médias ne s'en emparent. La Lorelei qu'il avait aimée n'était plus celle qu'il avait quittée.
— Et tu regrettes cette période ? insiste Yan, sans le lâcher du regard.
Jonas secoue la tête, cette fois avec plus de conviction.
— Non, pas du tout. Je ne regrette rien de ce que j'ai vécu avec elle, admet-il, parce que ça m'a permis de comprendre ce que je voulais vraiment.
Sa voix est plus calme, plus assurée, comme s'il venait de libérer un poids qu'il portait depuis longtemps. Yan acquiesce lentement, absorbant ces nouvelles révélations. Puis, dans un geste rare de tendresse, il pose une main réconfortante sur le bras de Jonas.
— Désolé, je ne voulais pas te vexer.
Jonas esquisse un sourire, un sourire sincère cette fois, sans amertume.
— Pas de souci.
Il secoue légèrement la tête, comme pour chasser les ombres du passé.
— Je pense qu'on a tous des envies qui ne correspondent pas toujours à ce qu'on fait réellement.
— Tu as sans doute raison, murmure l'asiatique, pensif, avant de lâcher un léger rire. Moi, je voulais être pâtissier !
Jonas lève un sourcil, surpris.
— Sans rire ?
— Ouais, répond Yan en riant de bon cœur. Je fais de délicieuses madeleines, d'ailleurs.
— Et tu ne m'en as jamais apporté ?
Jonas feint l'indignation, mais une lueur amusée brille dans ses yeux.
— C'est un secret !
Yan se penche vers lui, prenant un ton conspirateur.
— Et puis... ça fait fantasmer les femmes.
Jonas laisse échapper un rire sincère, retrouvant un peu de légèreté après cette conversation chargée d'émotions.
— Ce qu'on ne ferait pas pour se faire aimer d'elles...
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