Chapitre 78 - Jonas

Dimanche...

Jonas sursaute, son cœur tambourinant dans sa poitrine, lorsqu'un bruit puissant résonne soudainement dans l'entrée. Il pousse un grognement de frustration en enfonçant un coussin sur sa tête, espérant étouffer ce bruit assourdissant. Peut-être que s'il l'ignore assez longtemps, cela disparaîtra. Il n'a aucune envie de se lever maintenant. Quelle heure est-il, d'ailleurs ?

La veille, il s'était écroulé sur le canapé du salon, son corps usé par une journée de tri et de rangement. La maison de ses aïeuls, pleine de poussière et de souvenirs, l'avait avalé tout entier dans cette routine qu'il tente désespérément de mettre en ordre. Mais son esprit, lui, reste en chaos. Son téléphone sonne et Jonas soupire lorsqu'il reconnaît la musique définissant un appel de son manager. Il fait glisser son pouce sur l'écran pour rejeter l'appel. Pas maintenant. Il n'a pas la force d'écouter ses rappels incessants concernant les tournages, les contrats ou les obligations professionnelles.

Le bruit contre la porte s'accentue. Ce coup lourd et insistant semble gagner en intensité. Son irritation monte.

Yan... pense Jonas, ses lèvres se serrant en une moue exaspérée.

Il ne peut s'agir que de lui. Qui d'autre martèlerait sa porte avec une telle insistance ?

— Jo ! Ouvre-moi ! Je sais que tu es là ! crie une voix familière de l'autre côté, entre deux coups brutaux.

Jonas soupire profondément, le visage enfoui dans ses mains. Pendant un instant, il envisage sérieusement de faire semblant de ne pas être là. Faire le mort, littéralement. Il espère, peut-être naïvement, que Yan se lassera et s'en ira. Il finira bien par se fatiguer.

Le bruit recommence, la voix de Yan encore plus impatiente :

— Jonas ! Je sais que tu es là ! J'ai entendu ton téléphone sonner !

Shit ! marmonne Jonas en se redressant finalement, une grimace sur le visage.

Il ne peut plus l'ignorer.

D'un pas traînant, il se dirige vers l'entrée. Ses muscles endoloris protestent à chaque mouvement. Il est beaucoup trop tôt pour un dimanche. Il n'a même pas encore vérifié l'heure, mais il le sent. Chaque fibre de son être lui hurle que ce n'est pas l'heure à laquelle il devrait être debout. En passant devant le miroir dans le couloir, il s'arrête un instant. Son reflet lui renvoie l'image d'un homme défait, les traits tirés, les cheveux en bataille. Il passe une main sur son visage, tentant de lisser sa barbe naissante, puis secoue ses cheveux avec un soupir résigné. Ça ne sert à rien, mais au moins, il fait un effort minimal.

Il ouvre enfin la porte, et Yan se tient là, souriant de toutes ses dents, visiblement satisfait d'avoir enfin réussi à tirer Jonas de son refuge.

— Ah, voilà le plus... enfin, je vais pas dire beau, parce que... là ! s'exclame Yan en jetant un regard moqueur sur l'apparence de son ami.

Jonas lui jette un regard noir, mais une lueur amusée danse malgré tout dans ses yeux.

— Oh, ça va ! Lâche-moi. Qu'est-ce qui te prend de réveiller les gens aux aurores ? Tu veux réveiller tout le voisinage ou quoi ? grogne-t-il, sans vraiment être en colère.

Yan rit, un son éclatant qui résonne dans la maison vide.

— Les voisins ? Tu parles de qui ? Les cerfs et les renards ? Parce que bon, à part eux, y a pas grand monde par ici, dit-il avec un sourire malicieux.

Jonas roule des yeux, mais un sourire en coin finit par se dessiner sur son visage.

— Exactement ! J'espère qu'ils finiront par te dévorer, balance Jonas en haussant les épaules.

Yan éclate de rire à nouveau, tapant Jonas amicalement sur l'épaule. Ce geste familier, cette complicité qui les unit depuis tant d'années, lui réchauffe le cœur, même s'il ne l'admettrait jamais.

— Oh, non, tu sais que je te manquerais trop, rétorque Yan, ses yeux pétillants de malice.

Jonas ne peut s'empêcher de sourire. Avec Yan, c'est toujours comme ça. Ils ont traversé tant de choses ensemble, des hauts et des bas, des disputes, des rires, mais toujours avec ce respect et cette amitié indéfectible qui les lient.

— Bon, entre, puisque tu es là. Mais franchement, tu aurais pu attendre une heure décente ! Il est quelle heure d'ailleurs ?

Yan fait un geste désinvolte de la main.

— Il est jamais trop tôt pour réveiller un ami, lance-t-il en entrant avec une familiarité qui montre à quel point il est chez lui ici.

Jonas secoue la tête, une grimace de fatigue marquant toujours son visage

— Que me vaut ta venue matinale ? questionne Jonas d'une voix rauque, tout en traînant ses pieds vers la cafetière pour la mettre en marche.

Ses gestes sont lents, fatigués, comme si chaque mouvement pesait une tonne. Il se sent encore engourdi par le sommeil interrompu.

Yan s'installe à la table, observant Jonas avec attention. La table en bois, simple et rustique, est recouverte d'une nappe fleurie, un vestige de ses grands-parents, un contraste entre la modernité qu'il veut instaurer et la tradition familiale qu'il n'arrive pas à abandonner.

— Plusieurs choses, commence Yan en se penchant un peu en avant. Et pas que du bon...

Un silence pesant s'installe. Jonas, sentant l'ombre des mauvaises nouvelles poindre, lâche un simple « Ha » à mi-voix. Son cœur se serre légèrement, mais il ne le montre pas. Il préfère se concentrer sur la cafetière, le cliquetis rassurant du café qui commence à couler lui offrant un moment de répit, comme s'il pouvait temporiser ce qui va venir.

Yan pose un pli marron sur la table, attirant l'attention de Jonas. Le léger bruit du papier froissé rompt l'atmosphère lourde.

— Voici ton texte pour la prochaine saison. Ça, c'est la bonne nouvelle, dit Yan en poussant l'enveloppe vers lui d'un geste décontracté, comme si c'était une banalité.

Jonas ne répond pas immédiatement. Il fixe l'enveloppe un instant, avant de la prendre du bout des doigts. C'est toujours étrange de recevoir ces scripts. C'est comme une autre vie qui s'offre à lui, un rôle à jouer, un autre univers où il peut s'échapper. Mais cette fois, l'enthousiasme n'y est pas. Il la dépose à côté, sans l'ouvrir.

— OK... quoi d'autre ? demande-t-il finalement, sentant l'ombre de l'autre nouvelle se profiler.

Yan se redresse sur sa chaise, adoptant une posture plus sérieuse. Il hésite une seconde, cherche les bons mots. Il sait que ce qu'il va dire ne plaira pas à Jonas.

— Dans ma voiture, j'ai un costume à te filer. Un cadeau de Lola, annonce-t-il finalement.

Jonas fronce les sourcils. Un cadeau de Lola ?

— Un costume ? Pour quoi faire ? rétorque-t-il, déjà agacé à l'idée.

Yan hausse les épaules, prenant un air faussement détaché, mais Jonas voit bien qu'il évite son regard.

— Certainement pour un gala... un truc chic en tout cas. Elle m'a demandé de te le donner, alors je le fais, ajoute Yan en redressant les épaules, comme pour se défendre contre une éventuelle attaque.

Jonas se fige un instant. Un gala... Lola et ses soirées mondaines. Le genre de choses qu'elle adore. Ces événements brillants où elle peut se montrer à son bras, jouer les vedettes, se pavaner...

— Et la mauvaise nouvelle ? demande Jonas d'un ton plus tranchant, en préparant deux cafés.

Il se concentre sur les tasses, mais son esprit est déjà en alerte, tentant de deviner ce que Yan pourrait bien lui annoncer. Yan prend une grande inspiration avant de parler, ce qui ne fait qu'augmenter la tension dans l'air.

— Je pense que nous allons clore tes vacances, dit-il enfin, le ton un peu hésitant, comme s'il ne voulait pas vraiment prononcer ces mots.

Jonas s'arrête net, les mains sur la cafetière. Un léger rictus tord ses lèvres, mais il ne trouve pas cela drôle.

— Mes vacances... de quoi tu parles ? demande-t-il en haussant un sourcil, essayant de comprendre où Yan veut en venir.

Yan se passe une main dans les cheveux, un tic nerveux qu'il a chaque fois qu'il est mal à l'aise.

— Écoute... Lola et moi, on trouve que tu as changé, commence-t-il prudemment, pesant chacun de ses mots.

Jonas laisse échapper un rire sec, presque incrédule.

— Que j'ai changé ? s'étonne l'acteur en arquant un sourcil. Qu'est-ce que tu veux dire par là, Yan ?

Yan hésite un instant, mais il doit continuer. Il ne peut plus reculer maintenant.

— Oui... y'a un truc qui tourne pas rond. Je veux dire, avant de revenir ici, en France, tu étais ravi d'épouser Lola. Tu parlais de vendre cette baraque, tu voulais briller en haut des podiums, être partout, quoi... et là, c'est comme si... tu t'étais coupé du monde.

— Je vais mieux. Je ne bois plus...

— Tu... commence Yan, incertain.

— Ola, ola ! Attends... intervient Jonas, tentant de reprendre le contrôle de la conversation. Je suis toujours le même, mec.

Mais s'il est honnête avec lui-même, il n'est pas tout à fait pareil. Il a changé mais pour reprendre le costume de Jonathan tout en gardant un peu de Jonas. Juste véritablement lui.

— J'ai juste quitté Lola, c'est tout, déclare-t-il d'une voix ferme.

Yan reste figé, ses yeux s'écarquillent légèrement.

— Tu as quitté Lola ? répète l'asiatique, incrédule. Elle n'a pas l'air au courant !

Jonas soupire profondément, passant sa main sur son visage fatigué. C'est toujours la même histoire. Lola refuse d'entendre, refuse d'accepter. Il a essayé, mais elle ferme les yeux.

— Elle refuse de l'entendre, Yan. C'est différent.

Yan reste bouche bée, cherchant ses mots.

— Quand... Quand est-ce que tu as fait ça ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? demande Yan, la voix légèrement tremblante, entre surprise et incompréhension. Je suis ton meilleur pote, Jonas !

Jonas lève les mains, comme pour calmer la tempête qui menace de gronder.

— Ola, ola ! On se calme, OK ? On peut en parler autour d'un café, d'accord ?, dit Jonas en lui tendant une tasse.

Yan prend la tasse, mais son regard ne lâche pas Jonas. Il sent que quelque chose de bien plus profond se cache derrière cette séparation, derrière cette maison qu'il voulait vendre et qu'il refuse maintenant de quitter. Mais pour l'instant, il décide de laisser son ami respirer un peu.

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