Chapitre 74 - Jonas

Nelly baisse la tête, laissant échapper un soupir qui semble contenir tout le poids du monde. Sa confusion est palpable, ses pensées sont un tourbillon chaotique. Jonathan, quant à lui, est terrifié à l'idée de la voir s'éloigner. L'idée de la perdre, maintenant qu'il l'a retrouvée, le déchire à l'intérieur. Il s'approche lentement, mesurant chaque pas, craignant de la brusquer, puis l'entoure de ses bras. Il serre son corps frêle contre le sien, et respire profondément, laissant l'odeur douce et apaisante de la camomille, présente dans ses cheveux, l'envahir.

— Je suis désolé... désolé de ne pas être capable de te résister, murmure-t-il, sa voix empreinte de sincérité, alors qu'il pose doucement son menton sur le sommet de sa tête.

Le silence qui suit est lourd, presque douloureux. Nelly laisse échapper un petit gémissement, un son presque imperceptible, mais qui brise le cœur de Jonathan. Elle est perdue, incapable de mettre des mots sur tout ce qu'elle ressent, ses émotions la submergent.

— Je t'invite au restaurant, souffle-t-il, espérant briser la tension.

— Je ne suis pas sûre que..., commence-t-elle à protester, la voix vacillante.

Mais Jonathan ne veut pas lâcher prise. Il sait qu'il doit la retenir, l'ancrer, lui offrir un moment de répit dans ce chaos émotionnel. Son cœur se serre, mais il tente de masquer son inquiétude derrière un ton plus léger, presque joueur.

— S'il te plaît... sucrette, insiste-t-il, utilisant ce surnom affectueux, plein de tendresse et de complicité, qui leur appartient depuis si longtemps.

Nelly lève les yeux, et un éclat de sourire, timide, apparaît sur son visage. Un sourire qui semble se battre contre la tempête en elle, mais qui parvient malgré tout à percer. Elle pose ses poings sur ses pectoraux, comme pour le repousser, mais l'effort est faible, presque symbolique.

— Tu n'as pas le droit ! s'exclame-t-elle, la voix teintée d'un mélange de reproche et de douceur.

Jonathan perçoit cette infime ouverture, un petit pont vers l'apaisement. Ce sourire, aussi fugitif soit-il, allume une lueur d'espoir en lui. Elle ne lui en veut pas vraiment, elle lutte contre ses propres sentiments. Et il sait, au fond, qu'elle finira par céder à sa proposition.

— Hmmm ?, l'encourage-t-il doucement, cherchant à capter son regard, à la rassurer.

Nelly hausse les épaules, un geste presque imperceptible, mais suffisant pour que Jonathan comprenne qu'elle commence à se détendre. Il sent ses muscles se relâcher contre lui, son corps auparavant si raide se ramollit doucement, et il perçoit une petite victoire. La tension dans sa mâchoire disparaît peu à peu, et dans un geste presque instinctif, elle enlace sa taille, se rapprochant encore un peu plus de lui. Elle cale sa joue contre son torse, là où elle peut entendre les battements réguliers de son cœur, comme un refuge contre l'agitation dans sa tête.

— Qu'est-ce qu'on est en train de faire..., murmure-t-elle, la voix empreinte de fatigue, presque résignée, mais avec une pointe de curiosité sincère.

Jonathan baisse les yeux vers elle, et un sourire attendri se dessine sur ses lèvres. Il sait qu'elle est déchirée entre le désir et la culpabilité, entre l'amour et la peur de tout ce qu'ils pourraient perdre. Mais il refuse de se laisser abattre par ces ombres.

— On vit, mon amour, lui répond-il doucement. On s'aime... et là, je te propose qu'on mange !

Sa réponse, aussi simple qu'elle puisse paraître, touche Nelly en plein cœur. Elle éclate d'un rire qu'elle n'a pas vu venir, un rire doux et spontané, qui semble effacer momentanément la douleur qui la ronge. C'est comme si ce son avait le pouvoir de briser les chaînes qui la retenaient prisonnière de ses pensées. Jonathan, soulagé, ne peut s'empêcher de sourire plus largement à son tour. Ce rire, c'est comme une bulle d'air, une promesse que malgré tout, ils pourront trouver des instants de légèreté ensemble.

— Tu restes toujours la même..., murmure-t-il en l'observant, ses yeux brillants d'une tendresse infinie.

Nelly, malgré son trouble, retrouve cette sensation familière, celle d'être elle-même, légère et vulnérable en même temps, comme lorsqu'ils étaient jeunes.

Bien que Nelly ait toujours été populaire, elle restait une fille discrète et réservée, préférant souvent l'ombre à la lumière. Sous ses sourires et son air détaché, elle cachait une sensibilité exacerbée, surtout lorsqu'il s'agissait de son physique. Elle souriait poliment lorsque ses amies se moquaient gentiment de sa grandeur et de son manque de formes, lançant quelques boutades pour masquer les piqûres d'inconfort qui lui traversaient le cœur. Pourtant, malgré ces sourires qu'elle servait pour faire bonne figure, les remarques avaient longtemps laissé des marques invisibles. Chaque réflexion sur son corps lui avait rappelé l'image ingrate qu'elle se faisait d'elle-même. Une grande perche, comme ses camarades la surnommaient parfois, avec ces bras trop longs et cette silhouette qu'elle jugeait maladroite. Mais avec le temps, elle avait décidé de prendre les choses en main, d'apprivoiser ce corps qu'elle voyait autrefois comme une faiblesse.

Les années l'avaient façonnée, lui offrant une nouvelle perception de ce qu'elle était capable de faire. Elle avait appris à tirer profit de sa taille, de ses longues jambes qui, loin d'être un handicap, lui donnaient une grâce et une élégance naturelle. En pratiquant divers sports, elle avait transformé ce qui la gênait autrefois en force. Le basket, le volley, la course... partout où elle allait, elle excellait. Sa stature, autrefois source de moqueries, devenait un atout incontestable. Sa présence sur le terrain imposait le respect, et désormais.

— Hey, Nel ! Tu viens jouer au basket ? On a besoin d'un bon joueur !, criaient souvent les garçons, admirant ses talents autant que ses coéquipières.

Ce n'était plus sa taille qui marquait les esprits, mais bien ses compétences. Que ce soit sur le terrain ou dans les salles de classe, Nelly avait su imposer une nouvelle image d'elle-même, celle d'une jeune femme confiante et talentueuse. Elle ne demandait plus l'approbation des autres, elle la recevait naturellement. Et puis, il y avait Jonathan.

Lui avait toujours vu au-delà de son physique. Dans ses yeux, elle n'avait jamais été cette fille gênée par sa taille ou par ce qu'on disait d'elle. Il la voyait pour ce qu'elle était vraiment : intelligente, forte, drôle et incroyablement belle à ses yeux. Leur relation s'était construite discrètement, d'abord dans des regards échangés, puis des rires partagés, avant que leurs mains ne se frôlent pour la première fois.

Un jour, alors qu'ils étaient installés tous les deux dans la cour, à l'abri du tumulte des autres élèves, elle avait pris une décision. Elle en avait assez de se cacher. Leur relation, bien que précieuse, lui semblait clandestine, cachée aux yeux de ceux qui n'auraient pourtant pas dû la juger. Elle avait pris sa main dans la sienne, devant tout le monde, sans la moindre hésitation.

Jonathan, surpris, avait aussitôt voulu se dégager, une peur évidente de l'opinion des autres se lisant dans ses yeux. Il savait que leurs amis les observeraient, que des rumeurs circuleraient, et il ne voulait pas qu'elle perde une quelconque crédibilité pour lui.

— Nel, non, avait-il tenté de s'opposer, sa voix pleine de réticence.

Elle avait baissé la tête, incapable de cacher sa déception. Son cœur s'était serré en pensant qu'il pouvait avoir honte d'elle, honte de ce qu'ils partageaient. Le doute s'était immiscé en elle, malgré tout ce qu'il lui avait déjà dit. Elle se sentait soudainement vulnérable.

— Tu as honte de moi..., murmura-t-elle, sa voix trahissant la tristesse qu'elle essayait de contenir.

Jonathan, voyant la douleur dans ses yeux, s'était instantanément approché d'elle, la prenant dans ses bras avec une tendresse infinie. Il l'avait tenue contre lui comme s'il craignait de la perdre, sentant son cœur battre rapidement contre le sien.

— Non, non, jamais..., avait-il soufflé, caressant doucement ses cheveux pour apaiser ses doutes. Je t'aime, Nel, plus que tu ne peux l'imaginer.

Il s'était légèrement reculé, pour pouvoir plonger ses yeux dans les siens. Il voulait qu'elle voie la vérité dans son regard, qu'elle comprenne à quel point elle comptait pour lui.

— Pourquoi tu m'aimes ?, lui avait-elle demandé, alors qu'ils se relevaient du banc, sa main toujours fermement accrochée à la sienne, comme si elle craignait qu'il lui échappe.

Jonathan avait esquissé un sourire. Ses mots étaient sincères, mais maladroits, car exprimer tout ce qu'il ressentait pour elle semblait presque impossible. Il avait alors pris son visage entre ses mains, comme pour s'assurer qu'elle comprenne chaque mot qui allait suivre.

— Tu es intelligente, drôle, belle..., avait-il commencé, sa voix douce mais résolue. Tu es mon rayon de soleil, mon goût de sucre dans ma vie.

Nelly, touchée par ses paroles, avait laissé un sourire tendre se dessiner sur ses lèvres. Un sourire qui reflétait tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Elle avait délicatement caressé son visage, glissant ses doigts le long de sa mâchoire avant de se pencher pour l'embrasser, avec une tendresse infinie.

— Sache que je n'aurai jamais honte de mon amour à ton égard, Jonathan. Peu importe ce que les autres peuvent penser, peu importe ton physique, tu seras toujours l'homme de ma vie.

Ce moment, ce baiser, avait effacé tous les doutes. Il n'y avait plus de place pour la peur ou la honte, seulement pour eux, et l'amour qu'ils se portaient.

Bien que Nelly ait pris soin de préparer des plats pour leur repas, Jonas a insisté pour l'inviter au restaurant, promettant qu'il se comporterait comme un collègue et non comme un amant enflammé. Il sait que l'intimité qu'ils partagent ne doit pas se manifester en public, surtout avec les journalistes qui seraient là, discrets mais omniprésents.

— Avez-vous décidé ? demande le serveur en se plaçant à gauche de la table, son bloc-notes prêt à noter leur commande.

Le visage de Nelly se crispe sous la surprise, et elle manque de renverser son verre. Son cœur bat plus vite qu'à l'ordinaire, perturbé par la situation nouvelle et l'inattendu amusement de Jonas. Jonas, assis en face d'elle, ne peut retenir un rire franc, un éclat qui détonne dans le cadre feutré du restaurant. Il voit en elle une tendresse fragile, une vulnérabilité qui, malgré elle, est captivante.

Elle le fusille du regard, mais ses lèvres trahissaient un rictus délicat. Leurs échanges sont empreints d'une complicité silencieuse, marquée par une série de gestes et de regards qui parlent plus que les mots. Après avoir passé commande, Nelly s'éloigne pour passer un appel téléphonique. Elle revint quelques minutes plus tard, l'air soudainement plus apaisé. Le contraste entre son agitation précédente et son calme retrouvé est saisissant.

— Tout va bien ? demande Jonas, son regard trahissant une inquiétude sincère.

— Mon amie garde mon fils, explique Nelly, en posant son sac sur la chaise à côté d'elle. Je voulais m'assurer que tout se passait pour le mieux. J'ai...

Elle hésite, les mots semblent se bloquer dans sa gorge. Jonathan, qui aimerait poser sa main sur la sienne pour la réconforter, hésite. Leurs mains se frôlent parfois, mais il était conscient que dans ce lieu public, ce geste peut être mal interprété. Il prend une profonde inspiration et, brave la règle de la prudence, il se penche légèrement vers elle, son regard déterminé.

— Tu peux me parler, tu sais ? murmure-t-il, sa voix douce et encourageante.

Nelly penche la tête sur le côté, un maigre sourire flottant sur ses lèvres. L'angoisse et l'incertitude sont encore visibles dans ses yeux.

— J'ai aussi appelé Bertrand pour savoir s'il rentrait bien ce soir... mais je suis encore tombée sur sa messagerie. On...

Ses mots se perdent dans un soupir hésitant. Elle a du mal à trouver le courage de partager ses préoccupations. Jonathan, patient et compréhensif, la regarde avec une attention pleine de sollicitude. Il peut voir à quel point elle est ébranlée, et cela le touche profondément.

— On a des échanges tendus depuis quelque temps, finit-elle par dire, sa voix tremblante d'émotion.

— J'en suis désolé, répondit Jonathan, sincèrement attristé par la détresse qu'il perçoit chez elle.

Le silence s'installe brièvement, et Nelly tente de détourner la conversation pour alléger l'atmosphère.

— Comment ça se passe, toi, avec ta fiancée ? demande-t-elle, son regard cherchant à échapper à la douleur sous-jacente de sa propre situation.

Jonathan soupire profondément, visiblement mal à l'aise. Il n'est pas certain de vouloir aborder ce sujet, mais il sait que la transparence est nécessaire entre eux.

— Elle souhaite venir pour Noël... enfin, elle a pris ses billets. Elle fait toujours ce qu'elle veut, de toute façon, explique-t-il, son ton teinté d'une résignation amère.

— Elle a l'air très bien, lance-t-elle avec un clin d'œil encourageant, essayant de détendre l'atmosphère malgré ses propres tourments.

— C'est une fille charmante, admet Jonathan en haussant les épaules. Mais j'ai cru que je l'aimais vraiment, et...

— Tu n'en es plus certain à cause de moi, murmure-t-elle, plongeant son regard dans son assiette. Sa voix était à peine audible, mais la douleur était palpable.

La conversation est interrompue par l'arrivée des plats, et une délicieuse odeur se répand autour d'eux.

— Ça sent bon, commenta Nelly en humant l'air avec un sourire timide.

Elle essaie de se concentrer sur le repas pour échapper à la tension de la discussion précédente.

— Oui, acquiesce Jonathan, un sourire sincère éclairant son visage.

Ils commencent à manger lentement, comme deux adolescents timides. Leurs mouvements sont empreints de précaution, leurs regards évitant de se croiser trop longtemps. Jonathan hésite un moment, puis décide d'engager la conversation pour alléger la lourdeur de l'air.

— Ce n'est pas ta faute, sucrette, déclare-t-il, en prenant une bouchée de sa pièce de bœuf. Sa voix était douce, mais pleine de détermination.

Nelly lève les yeux vers lui, l'expression mêlée de doute et de gratitude. Elle cherche dans ses paroles le réconfort qu'elle a besoin d'entendre.

— J'ai fréquenté de nombreuses filles, souvent attirées par ma renommée, mes moyens, mon charisme...

Il marque une pause, cherchant les mots justes.

— Elles ne m'ont jamais vraiment connu. Lola non plus ne sait pas qui je suis au fond de moi. Il n'y a que toi qui sache ! Oui, j'ai changé, mais... je suis toujours le même. Je m'étais résigné à l'idée d'épouser Lola, car c'est une personne agréable, et nos carrières nous empêchent de nous prendre trop la tête... mais je t'ai retrouvée.

Nelly baisse les yeux, se perdant dans ses pensées. Les mots de Jonathan résonnent en elle comme une mélodie mélancolique, et le poids de ses propres choix lui semble plus lourd que jamais.

— J'ai tout gâché, murmure-t-elle, sa voix presque brisée par le regret.

Jonathan la regarde avec une intensité remplie d'une compassion sincère. Il voit en elle une femme qui cherche à protéger ses sentiments, qui tente de naviguer dans un monde complexe avec courage et vulnérabilité.

— Non, Nelly, dit-il doucement, tu n'as rien gâché. Au contraire ! Tu as permis à mon cœur de battre normalement, à son rythme... je n'ai jamais été aussi heureux qu'avec toi, sucrette. Nous sommes ici maintenant, et c'est ce qui compte.

Leur repas continue en silence, mais un nouveau lien semble s'être tissé entre eux, plus profond et plus sincère que jamais.

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