Chapitre 71 - Jonas
Jack est arrivé quelques minutes plus tard, trouvant Jonas assis sur le perron, le regard perdu dans le lointain. Le silence s'est installé entre eux, mais il n'y a pas besoin de mots. Ils se connaissent bien, suffisamment pour comprendre que Jonas a besoin de courir, de s'évader. Ce footing matinal, c'est devenu leur rituel depuis que Jonas a élu domicile dans la vieille maison familiale. Un instant de répit, loin des tourments qui le hantent. Et Jack... Jack est comme un roc silencieux, un pilier sur lequel il peut compter. Jonas ne le remerciera jamais assez pour cette présence discrète, presque invisible, mais si essentielle.
Sans un mot, ils se mettent en route, entamant de légères foulées en direction de la forêt qui borde le petit village. Le bruit régulier de leurs pas résonne dans le calme de la matinée, créant une mélodie apaisante, presque hypnotique. Jonas ne force pas, trottant tranquillement avec la capuche de son sweat relevée sur sa tête. Il ne cherche pas à aller vite, il cherche à fuir ses pensées.
Le ciel au-dessus d'eux, parsemé de nuages blancs, semble pressentir la pluie, mais l'air reste doux. L'hiver se prépare, il le sent, mais pour l'instant, cette fin d'octobre reste plutôt clémente. Il inspire profondément, remplissant ses poumons d'air frais, essayant de chasser les pensées qui tournent en boucle dans son esprit. Nelly. Toujours Nelly.
Il se focalise sur la route, sur les arbres, sur la nature environnante qui offre une évasion temporaire. Le sol couvert de feuilles craque sous ses pieds, et l'odeur de l'humus humide emplit ses narines, apaisante. Ici, loin de tout, il se sent mieux. Presque libre.
Il sent ses muscles se tendre, ses mollets commencer à protester, mais il s'en moque. Courir est devenu son exutoire, le seul moyen de canaliser cette énergie bouillonnante en lui, ce trop-plein d'émotions qu'il n'arrive pas à exprimer. Cela fait combien de temps qu'il court ? Il n'en a aucune idée.
Arrivé au cœur de la forêt, Jonas s'arrête un instant, reprenant son souffle. Le calme environnant l'enveloppe. Jonas regarda sa montre. Huit heures quinze. Il doit rentrer. Il se remit à courir, des petites foulées cette fois. Il essaie de se concentrer sur sa respiration, sur ses mouvements. Il doit s'entretenir. Il le sait, son image compte. C'est à ce moment-là, distrait, que son pied heurte une racine. Le choc est brutal, et il s'écroule au sol, une douleur vive traversant son poignet lorsqu'il tente de se rattraper.
— Shit ! lâcha-t-il, la mâchoire serrée de douleur.
Jack, pas loin derrière, s'approche rapidement, l'air inquiet.
— Jonas, ça va ? demande-t-il, une main déjà tendue pour l'aider à se relever.
Jonas grogne, essayant de se redresser tant bien que mal. Il s'époussette, mais la douleur lancinante à son poignet ne le quitte pas. Il grimace, tenant son bras contre lui, ses sourcils froncés sous l'effet de la douleur.
— Il va falloir consulter un médecin. Rapidement, déclare le chauffeur, son visage affichant une moue désolée.
Jonas secoue la tête, frustré. Tout ça pour une racine stupide. Il a déjà trop à gérer dans sa tête, et maintenant, cette blessure vient s'ajouter à la liste.
— Je dois prévenir Nelly, murmure-t-il, presque machinalement, ses pensées retournant immédiatement vers elle.
Jack hoche la tête. Il sait que cette femme hantait chaque instant de Jonas, même lorsqu'il essayait de la fuir. Il ne pose pas de question, respectant son silence.
— Bien sûr. On va rentrer, et tu lui enverras un message avant que je t'emmène aux urgences, propose Jack, prenant les choses en main comme toujours.
Jonas grimace en montant dans la voiture. Le trajet vers l'hôpital se fait en silence, à peine troublé par la respiration de Jack et le ronronnement du moteur. Le poignet de Jonas le fait souffrir, mais ce n'est rien comparé à la confusion qui règne dans son esprit. Nelly, la maison, Lola... Tout se mélange dans sa tête. Il fixe la route défilant devant lui, mais ses pensées étaient ailleurs. Quand ils arrivèrent aux urgences, une petite boule de stress monte en lui. Il déteste les hôpitaux. Cette odeur de désinfectant, les visages fatigués des patients, le bruit incessant des chariots roulant sur le sol de linoléum. C'est oppressant.
Ils entrent dans le hall d'accueil des urgences, et Jonas se dirige, la main contre son poignet, vers la réception. La secrétaire est jeune, à peine vingt-cinq ans, avec un sourire radieux et un air frais qui contraste avec l'atmosphère morne de l'hôpital. Elle lève les yeux de son écran lorsqu'elle aperçoit Jonas, et son sourire se fige d'émerveillement.
— Oh... Bon... Bonjour ! bredouilla-t-elle, visiblement troublée.
Son regard passe furtivement de son visage à son poignet blessé, mais elle ne peut s'empêcher de le détailler rapidement. Son charme, même fatigué et souffrant, semble la prendre de court. Elle semble reconnaître l'acteur en lui, celui que tout le monde adule, mais n'ose pas vraiment poser la question.
— Bonjour, peut-on enregistrer le jeune homme, s'il vous plaît ? s'enquiert Jack en soupirant.
Déjà que le temps passé aux urgences est long, alors si elle gobe les mouches... songe le chauffeur.
— Bonjour, répondit Jonas avec un sourire fatigué, essayant de ne pas prêter attention à l'admiration dans ses yeux.
La jeune femme se redressa, prête à l'aider, mais elle semblait chercher ses mots, comme si sa célébrité l'intimidait. Ses joues rosirent légèrement alors qu'elle tapait nerveusement sur le clavier.
— Nom et prénom, s'il vous plaît ? demanda-t-elle d'une voix douce.
— Jonathan Duprés.
— Je... vous... C'est bien vous... le... l'acteur ?
Jonas hoche la tête. A la confirmation, elle écarquille les yeux, confirmant enfin ses soupçons. Le Jonas Dupré, ici, à l'hôpital de cette petite ville ? Elle cligne des yeux, comme si elle ne peut pas y croire. Jonas a un sourire amusé, mais un peu las.
— Je me suis fracturé quelques phalanges et la main il y a peu et là, je suis tombé dessus et mon poignet à fait un drôle de bruit, ajouta-t-il, essayant de ramener la conversation à des sujets plus pragmatiques.
Il sentait que son poignet enfler sous l'effet de la douleur. La jeune femme secoue la tête, reprenant ses esprits. Elle termine d'entrer les informations dans l'ordinateur avec un peu plus de professionnalisme, bien que l'émerveillement ne l'ait pas tout à fait quittée.
— Vous pouvez patienter un instant, le médecin va vous recevoir rapidement, dit-elle, essayant de contenir son excitation, puis elle glissa un regard vers Jack, qui est resté en retrait, fidèle à son habitude de le laisser gérer l'attention.
— Vous pouvez...
Elle tends timidement un papier et Jonas souris. Il se penche vers elle, signe un autographe et lui propose même un selfie. Elle est aux anges.
— Poster là que ce soir, s'il vous plait.
Elle hoche la tête et promet de ne rien faire avant la fin de la journée. Quelques minutes plus tard, Jonas fut conduit dans une salle d'examen. Il n'a pas attendu longtemps avant qu'un médecin, la blouse froissée et un sourire espiègle aux lèvres, ne franchisse la porte.
— Tiens donc, Jonas Dupré ! s'exclame-t-il, faussement surpris. Encore ici ? L'hôpital vous manque déjà ou bien c'est pour revoir les infirmières que vous revenez ?
Jonas lève les yeux au ciel, mais un sourire amusé se dessine sur son visage malgré lui. C'est le même médecin que la dernière fois. Le docteur Rivière, un homme d'une quarantaine d'années avec un humour pince-sans-rire, semble prendre un malin plaisir à charrier ses patients.
— Je vous jure, Docteur répondit Jonas avec un soupir exagéré, ce n'est pas volontaire.
Le médecin s'assoit sur un tabouret à roulettes et lui prend délicatement le poignet pour l'examiner. Ses gestes sont précis, professionnels, mais son sourire ne quitte pas son visage.
— Ne vous inquiétez pas, jeune homme, je comprends. Si j'avais votre popularité, je viendrais aussi plus souvent ici, juste pour entendre les soupirs admiratifs des secrétaires.
Jonas rit légèrement, mais le rire se mue rapidement en grimace lorsqu'un mouvement brusque envoi une nouvelle vague de douleur à travers son bras.
— Aïe, doucement... grogne-t-il en serrant les dents.
Le docteur hoche la tête, son regard devenant plus sérieux.
— C'est probablement une entorse, mais je vais quand même demander une radio pour être sûr qu'il n'y ait pas de fracture.
Il se relève pour noter quelque chose dans son dossier avant de se tourner vers Jonas avec un sourire en coin.
— Et comment vont ses doigts ? demande-t-il en observant la main de Jonas.
— Beaucoup mieux.
— Parfait. En tout cas, il faudrait peut-être envisager de ralentir un peu. Il ne faudrait pas que vous reveniez ici une troisième fois, sinon les infirmières vont finir par vous demander en mariage.
Jonas esquisse un sourire, mais au fond de lui, il se sent toujours aussi agité. Le poignet n'est qu'une distraction, un problème physique qui masque à peine la tempête émotionnelle qui le consume depuis des jours et qu'il voulait tenter de résoudre aujourd'hui. La douleur réelle était ailleurs : dans son cœur, dans son esprit.
Alors qu'il suit une infirmière jusqu'à la salle de radiologie, il sent son téléphone vibrer dans sa poche. Il jette un coup d'œil rapide et son cœur se serre. Un message de Nelly.
Il hésite à l'ouvrir. Ses émotions en pagaille. Il aurait voulu effacer tout ce qu'il ressentait pour elle, retrouver un peu de sérénité, mais c'est impossible. Elle l'habite, elle le hante. Il ouvre finalement le message d'une main tremblante en attendant le médecin radiologue.
09 :57 - Nelly : Alors que dise les médecins ?
Elle s'inquiète ! Son cœur bat plus vite.
10 :00 – Jonas : Dois passez une radio, j'en serais plus un peu plus tard.
Jonas remet son téléphone dans sa poche, les doigts tremblants, tandis que les mots de Nelly résonnent encore dans sa tête. Elle s'inquiète pour lui. Ce simple message suffi pour raviver le flot d'émotions qu'il essai tant bien que mal de contenir. Son cœur s'emballe légèrement. Comment peut-elle encore avoir un tel effet sur lui ? Il soupire, levant les yeux vers le plafond en espérant trouver un peu de répit dans l'attente des résultats de la radio.
— Monsieur Dupré ?
La voix douce de la manipulatrice le ramène à la réalité. Certain visage se tourne vers lui. Il se redresse, la douleur dans son poignet encore bien présente, et se dirige vers la femme qui l'attend avec un sourire chaleureux. Elle doit avoir une cinquantaine d'années, ses cheveux grisonnants noués en un chignon simple, et son regard est empreint d'une admiration à peine voilée.
— Je vous suis, murmure Jonas en la suivant docilement dans le couloir blanc et impersonnel de l'hôpital.
Ils arrivent dans la salle de radiologie, une pièce froide et aseptisée, où l'odeur du désinfectant semble imprégner chaque recoin. Jonas retire son blouson et ses bijoux, laissant ses affaires dans un petit casier. Alors qu'il se place sur la table pour la radio, il sent le regard curieux et discret de la manipulatrice, mais elle reste professionnelle. Pourtant, une fois l'examen terminé, elle ne peut s'empêcher de laisser échapper un commentaire.
— Vous savez, si je dis à ma fille que je vous ai manipulé sur ma table, elle ne me croira jamais, avoua-t-elle avec un sourire timide.
Jonas, malgré la douleur, esquisse un sourire complice.
— Alors montrez-lui une photo, propose-t-il, amusé.
Les yeux de la femme s'agrandissent d'excitation, et avant même qu'il ait terminé sa phrase, elle se précipite vers son bureau pour attraper son téléphone. Elle revint, l'air rayonnant, et réalise un selfie avec l'acteur, qui, bien que fatigué, prend la pose avec un sourire bienveillant.
— Merci, vraiment, murmure-t-elle, visiblement émue. C'est un grand rêve pour moi.
Jonas hoche la tête, touché par son enthousiasme. C'est toujours étrange pour lui, ces moments où des inconnus lui parlent comme s'il fait partie de leur vie. Il comprend cette admiration, mais cela le met aussi mal à l'aise parfois.
— Pendant que je suis là, vous voulez une dédicace pour elle ? offre-t-il en haussant un sourcil.
La femme ouvre la bouche, incrédule.
— Vraiment ? Vous feriez ça ? s'extasie-t-elle.
— Bien sûr. Vous avez un stylo ?
Elle hoche frénétiquement la tête, cherchant dans ses poches avant de lui tendre un carnet et un stylo. Jonas griffonne un mot doux, adressé à sa fille, signant de son prénom avec une attention particulière. Il aime faire plaisir, et si cela peut apporter un peu de bonheur, pourquoi pas ?
Quand il est enfin de retour dans sa chambre, les minutes s'étirèrent en longueur. Il attend les résultats de la radio, mais la tranquillité qu'il espère est rapidement interrompue. Des figures commencent à défiler devant sa porte. Infirmières, aides-soignants, quelques internes... Tous semblent avoir un prétexte pour jeter un œil dans sa direction. D'abord, subtil : un coup d'œil rapide à travers la porte entrebâillée, un sourire timide, un murmure entre collègues. Puis, peu à peu, l'audace grandit. Une jeune infirmière entre avec une excuse maladroite pour vérifier son état, mais ne peut s'empêcher de lui demander une photo. Un autre soignant vint pour un autographe. Jonas, malgré sa fatigue, se prête volontiers au jeu, distribuant sourires et signatures, mais l'agitation finit par devenir pesante. Il se sent exposé, vulnérable, comme un animal rare observé dans un zoo. Son poignet bat toujours douloureusement, mais cela n'a pas d'importance pour eux. Il est avant tout une star, un objet de fascination.
C'est alors que la porte s'ouvre brusquement et que le docteur Rivière apparait, un air faussement sévère sur le visage.
— Alors ça suffit, bande de curieuses ! lance-t-il en croisant les bras. Vous croyez que c'est le salon des autographes ici ? Ce patient doit se reposer, pas tenir une séance de dédicaces.
Les quelques infirmières présentes se figent, gênées, avant de quitter précipitamment la pièce, non sans lancer un dernier regard admiratif vers Jonas. Le docteur Rivière secoue la tête avec un sourire amusé.
— Désolé pour le cirque. Ça doit pas être facile pour toi tous les jours.
— Disons que je m'y fais... répondit Jonas en soupirant.
Rivière consulte rapidement les résultats de la radio avant de poser son regard sur Jonas.
— Bonne nouvelle, pas de fracture. Juste une belle entorse. Mais sérieusement, vous devriez peut-être penser à lever un peu le pied, sinon la prochaine fois, ça pourrait être pire.
Il le regarde avec un air complice.
— Et puis, on ne peut pas te garder ici à chaque chute, ça diverti le personnel, termine-t-il avec un clin d'œil.
Jonas rit doucement, reconnaissant pour cette touche d'humour qui allége un peu la situation.
— Je ferai attention, promis.
Jack s'approche de Jonas et, d'un geste protecteur, l'aida à se lever.
— Je ne suis pas en sucre, se marre le jeune homme.
— Oui, enfin, c'est pas moi qui me retrouve avec un plâtre ET une entorse.
Jonas pouffe et se laisse guider par Jack jusqu'à la sortie.
— Allons-y avant que tout l'hôpital ne débarque pour une photo, plaisanta-t-il.
Alors qu'ils sortent des urgences, Jonas remarque une petite foule de paparazzis amassés à l'entrée. Les flashs crépitent dès qu'ils l'aperçoivent. Les objectifs sont braqués sur lui comme des fusils prêts à tirer. Jack se positionne instinctivement devant Jonas, tentant de le cacher du mieux qu'il peut.
— Venez par ici.
Jonas, épuisé, se laisse faire. Le bruit des appareils photo lui martèle la tête, chaque clic résonnant comme une agression. Il ne veut pas être vu comme ça, pas aujourd'hui. Il a envie de disparaître, d'effacer son image publique et de se retrouver seul, loin de tout ça. Une fois dans la voiture, Jack démarre rapidement et s'éloigne en silence.
— Y'en a toujours deux ou trois près du théâtre que j'arrive à tenir à distance, mais là, c'était une vrai horde ! s'exclame Jack en soupirant.
— J'ai vu...
Puis Jack, dans un ton de reproche mêlé de bienveillance, lance :
— Tu sais, Jonas, faut vraiment que tu fasses gaffe. Ces types-là, si tu leur donnes le doigt, ils te prennent le bras.
Jonas tourne la tête vers lui, un sourire las sur les lèvres.
— Tu exagères, Jack. Tout le monde n'est pas malveillant. Les gens à l'hôpital, ils étaient juste contents de me voir. Rien de plus.
— Peut-être, mais tu connais les règles du jeu.
Jack jette un coup d'œil rapide à l'arrière du véhicule.
— Ils te mettent sur un piédestal et à la moindre erreur, ils te piétinent.
Jonas soupire, son regard se perdant à travers la vitre.
— Je sais...
Le trajet continue dans un silence lourd, chacun perdu dans ses pensées. Jonas, malgré tout, ne peut s'empêcher de penser à Nelly. Il faut qu'il la prévienne. Il attrape son téléphone et lui annonce qu'il a une jolie entorse.
12 :19 – Nelly : Repose toi pour aujourd'hui. On se retrouve demain ?
12 :22 – Jonas : Avec plaisir.
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