Chapitre 67

Passer cette journée sans la présence de Jonathan la perturbe plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Chaque geste, chaque décision semble étrangement vide, comme si quelque chose manquait dans l'air. À plusieurs reprises, elle doit se reprendre, secouer la tête pour se concentrer. Pourtant, l'image de Jonathan revient, envahissant ses pensées à chaque instant de répit. Son absence est palpable, et Nelly sent une pointe d'agacement envers elle-même pour accorder autant d'importance à quelqu'un qui, en théorie, ne devrait pas l'affecter autant. Malgré tout, elle termine cette journée, non sans fierté pour ses apprentis comédiens de tout âge. Leurs progrès la touchent profondément, et elle savoure cet instant de réussite, même s'il lui manque quelqu'un pour partager ce moment.

Enfin, les portes du théâtre se ferment avec un claquement qui résonne, et une pluie torrentielle commence à tomber à l'extérieur, comme pour refléter ses émotions enfouies.

— Quel temps de chien, marmonne-t-elle tout en pressant le pas, courant vers sa voiture sous cette averse glaciale.

Les gouttes frappent fort sur sa veste, ruissellent sur son visage et s'infiltrent dans ses vêtements, laissant une sensation de froid qui semble percer jusqu'à son âme. Elle démarre la voiture, les phares illuminant un paysage détrempé, les essuie-glaces luttant désespérément contre l'eau qui ne cesse de tomber. Direction chez Maddy, sa sœur, qui garde Louis le mardi pendant les vacances.

En arrivant, Nelly aperçoit la silhouette chaleureuse de Maddy à travers la fenêtre, tenant Louis dans ses bras. Un sourire se dessine automatiquement sur son visage, son cœur se réchauffant à la vue de son fils.

— Tu restes manger avec nous ? propose Maddy en souriant, ses traits adoucis par la lumière intérieure.

Il y a dans son regard une invitation sincère, comme si elle devinait le poids que porte Nelly sans qu'elle n'ait besoin de parler. Nelly sourit faiblement, mais refuse doucement.

— Je ne veux pas te fatiguer davantage, dit-elle en prenant Louis dans ses bras. Et puis, il doit se coucher. Il est déjà tard.

Maddy secoue la tête, un regard complice dans les yeux.

— Tu es une maman merveilleuse, glisse-t-elle tendrement.

Ces mots touchent Nelly, bien plus qu'elle ne l'aurait pensé. Elle hoche la tête, les yeux légèrement embués par la fatigue et l'émotion.

— Merci, Maddy.

Elle serre Louis contre elle, son petit garçon blotti dans ses bras.

— Allez, on y va, mon chat, il pleut des cordes.

Elle court à nouveau sous la pluie, cette fois tenant Louis contre elle, prenant soin de le protéger du mieux qu'elle peut. Les gouttes froides s'écrasent sur son visage, trempant ses cheveux qui lui collent à la peau, mais elle n'y prête pas attention. Ce qui compte, c'est de l'installer à l'abri.

— On sent que l'hiver approche, hein ! souffle-t-elle avec un sourire en coin, s'adressant à Louis tout en le sécurisant dans son siège auto. Il lève les yeux vers elle, ses grands yeux bruns brillants de curiosité.

Sur le chemin du retour, le silence dans la voiture est entrecoupé uniquement par le bruit régulier des essuie-glaces et la respiration calme de Louis à l'arrière. Nelly se sent étrangement vide, comme si la pluie emportait une part d'elle avec chaque goutte tombée. Mais en même temps, elle se sent remplie par la présence de son fils, son petit trésor. S'il y a bien une chose qu'elle a réussie, c'est lui.

Arrivée à la maison, elle prend tout son temps pour coucher son petit ange. Chaque moment avec lui est précieux, et elle veut savourer cette sérénité, loin des tumultes de sa vie. Elle lui chante doucement une berceuse, ses doigts effleurant tendrement son visage. Son souffle régulier l'apaise, et elle reste là un instant, le regardant sombrer dans le sommeil, un sourire doux sur les lèvres.

— Je t'aime tant, murmure-t-elle, un murmure presque pour elle-même.

Le silence de la maison lui tombe alors dessus, lourd, pesant. Elle se sent seule soudainement, ce moment de douceur partant avec les rêves de Louis. Et puis, la sonnerie du téléphone retentit depuis le rez-de-chaussée, lointaine, mais assez forte pour faire écho dans son esprit. Son cœur se serre d'un coup, et elle sent une vague d'angoisse monter en elle. Elle s'éloigne doucement du lit, fermant la porte de la chambre derrière elle avec précaution.

En arrivant en bas, elle voit sur l'écran que Bertrand a appelé. Son estomac se noue. Elle hésite une fraction de seconde, puis appuie sur le rappel.

— Où étais-tu ? hurle-t-il presque, couvrant à peine le son de la musique en arrière-plan.

Sa voix est forte, en colère, mais surtout imbibée d'alcool, un détail qui n'échappe pas à Nelly. Elle sent une boule se former dans sa gorge, mais elle répond avec un calme forcé.

— Je couchais Louis.

— Je veux te voir ! ordonne Bertrand, et en un clin d'œil, l'appel bascule en visioconférence.

Nelly sursaute, surprise par ce changement brutal. La lumière de l'écran éclaire son visage fatigué, révélant les cernes sous ses yeux. Son cœur se serre, chaque battement résonnant comme un rappel douloureux de cette situation dont elle n'arrive pas à s'échapper. Elle prend une profonde inspiration pour garder son calme, mais son esprit est déjà embrouillé par une vague de lassitude mêlée d'angoisse.

Lorsque l'image de Bertrand apparaît, elle ressent un pincement au cœur. Il est là, un sourire arrogant collé aux lèvres, et derrière lui, le chaos d'une fête bruyante. Des filles à moitié nues se déhanchent, la musique assourdissante fait vibrer l'écran, et une foule compacte danse sans répit. La scène lui donne envie de détourner le regard, mais elle se force à rester concentrée sur lui. L'envie de hurler monte en elle, mais elle sait que crier ne changerait rien.

— Tu es toute seule ? demande-t-il, la voix pâteuse, mais teintée d'une lueur de suspicion.

Nelly serre les dents, la colère montant doucement, menaçant de faire surface.

— Oui, répond-elle, le ton acéré. Tu veux que je fasse le tour de la maison pour te le prouver ? ajoute-t-elle avec un sarcasme mal contenu.

Bertrand plisse les yeux, son expression change, passant d'amusée à irritée en une fraction de seconde.

— Ne joue pas à ça avec moi ! rétorque-t-il, sa voix plus dure. Tu vas voir quand je vais...

Mais il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'une jeune femme, à peine vêtue, s'installe sans gêne sur ses genoux, l'embrassant à pleine bouche. Bertrand ne la repousse pas. Au contraire, il sourit contre ses lèvres avant qu'elle ne reparte en riant, rejoignant la fête comme si rien ne s'était passé. Le cœur de Nelly se tord de rage et de dégoût. Elle ferme les yeux une seconde, essayant de garder le contrôle. Quand elle rouvre les paupières, son regard est glacé, mais sa bouche se tord en un pli mécontent.

— Je vois que tu as l'air bien occupé, lance-t-elle d'une voix qui tremble malgré elle.

Bertrand éclate de rire, visiblement amusé par la situation. Il se penche en avant, son sourire arrogant s'élargissant.

— Je suis en vacances, chérie ! Je m'amuse !

Il hausse les épaules comme si tout cela était normal, une évidence.

— Je la connais même pas ! Tu devrais t'estimer heureuse, je plais encore ! Tu vis avec un Apollon ! Et un Dieu du sexe, en plus !

Nelly reste silencieuse un instant. Puis, elle pose la question avec un calme froid qui cache à peine la tempête intérieure.

— Pourquoi, elle le constate ça aussi ?

Son ton est si sourd que Bertrand semble d'abord ne pas comprendre, mais lorsqu'il réalise l'accusation sous-jacente, il éclate de rire, sans retenue. Sa main attrape un verre de whisky sur la table à côté, et il en boit une longue gorgée, comme pour marquer sa victoire.

— Ça t'ennuierait ? ricane-t-il, les yeux pétillant de malice. Allez, détends-toi, chérie.

Il la fixe, comme s'il cherchait à lui faire comprendre que tout cela n'était qu'un jeu.

— Je rentre bientôt, et crois-moi, ça sera ta fête à toi !

Nelly sent un frisson de dégoût parcourir son échine. Chaque mot qu'il prononce la blesse un peu plus, comme si ses paroles étaient des coups invisibles. Elle se tait, serrant la mâchoire, tentant de ne pas exploser. Il n'en vaut pas la peine, elle le sait. Mais la colère gronde en elle, furieuse de sa propre impuissance.

— Vendredi soir, c'est ça ? demande-t-elle enfin, la voix plate, sans émotion.

Bertrand hoche la tête d'un air distrait, comme si la conversation n'avait plus d'importance pour lui. Il fait un signe à quelqu'un hors champ, puis se lève, son sourire ayant complètement disparu.

— Hmm... ouais, ouais, marmonne-t-il en détournant son attention de l'écran.

Et sans un mot de plus, il raccroche. Nelly reste un instant figée, son téléphone toujours à la main. Elle laisse le silence retomber dans la pièce, un silence lourd et oppressant, où seules les gouttes de pluie sur les fenêtres semblent vouloir briser la tension qui l'étouffe. Elle pose lentement le téléphone sur la table et soupire profondément, un poids immense sur sa poitrine. Sa main tremble légèrement lorsqu'elle la passe dans ses cheveux encore humides. Tout son corps semble engourdi, fatigué, épuisé par cette relation qui l'épuise à petit feu. Le vide laissé par cet appel est immense, comme si le sol venait de se dérober sous ses pieds.

Mercredi...

La journée s'achève doucement, l'énergie des enfants du cours des six-dix ans résonne encore dans les murs du théâtre. Nelly attrape son manteau d'un geste rapide et ajuste son bonnet sur sa tête, le baissant jusqu'à couvrir ses oreilles. Elle se tourne vers Jonas, son sourire hésitant, presque timide, mais illuminé par cette lueur qu'elle a du mal à cacher chaque fois qu'il est près d'elle.

— Je vais chercher mon fils, dit-elle en retenant son souffle un instant. Tu veux boire un café à la maison, après ?

Les mots sont simples, mais pour Nelly, c'est un grand pas d'audace. Elle se sent légèrement nerveuse, consciente qu'elle ne devrait pas. Pourtant, l'idée de le voir s'éloigner à nouveau, comme la veille lui est insupportable. Il y a ce lien entre eux, une connexion qu'elle n'ose pas nommer, mais qu'elle ressent avec une intensité troublante. La présence de Jonas réchauffe son cœur, comme une lumière douce dans l'obscurité de son quotidien.

Jonas la regarde, surpris, mais un sourire sincère éclaire son visage, apaisant immédiatement les doutes de Nelly.

— Je vais te raccompagner jusque chez toi, dit-il doucement, la voix teintée d'une bienveillance naturelle. Puis, je dois aller chez mes grands-parents pour faire un peu de tri.

Nelly ne peut s'empêcher de le regarder, ses yeux se pose un instant sur sa main blessée. Elle se souvient de son accident récent, et l'inquiétude la saisit malgré elle.

— Avec ta main blessée ? demande-t-elle en arquant un sourcil, à la fois moqueuse et concernée.

Jonas grimace légèrement, mais fait de son mieux pour minimiser la douleur.

— Ça va déjà mieux, assure-t-il, bien que le léger tremblement dans sa voix ne passe pas inaperçu aux oreilles attentives de Nelly.

— Je te crois, dur comme fer ! réplique-t-elle avec un sourire narquois.

— C'est archi-méga-vrai ! réplique Jonas, son ton exagéré déclenchant un rire spontané chez Nelly.

Sans vraiment y réfléchir, elle le taquine en lui donnant un léger coup d'épaule, un geste simple mais qui semble amplifier la proximité qui existe entre eux. Le contact est fugace, mais Jonas pouffe bêtement, le cœur léger. Il se sent bien, apaisé, comme s'il pouvait être lui-même avec elle, sans prétention, sans masque. Elle le rend heureux, et il se demande s'il l'a déjà réalisé complètement.

Ensemble, ils se dirigent vers la crèche où Louis est gardé. La pluie fine qui tombe n'entame pas leur bonne humeur, et Nelly, malgré l'air frais, sent une chaleur particulière se répandre en elle.

— Bonjour, annonce-t-elle en franchissant la porte, saluant la puéricultrice avec son sourire habituel.

La femme derrière le comptoir, visiblement affairée, lève la tête avant que ses yeux ne s'agrandissent en reconnaissant la silhouette imposante de Jonas derrière Nelly. Son regard glisse de Nelly à Jonas, puis revient à Nelly, comme si elle peinait à croire ce qu'elle voyait.

— Bonjour, Nelly. Venez, il est là. Je... oh ! C'est... balbutie-t-elle, jetant un coup d'œil à Jonas.

Jonas sourit, un sourire chaleureux et sincère qui semble illuminer la pièce, et s'avance pour tendre la main avec une aisance naturelle.

— Enchanté, Jonas Dupré, dit-il en la regardant droit dans les yeux, Je vous signe quelque chose ?

Le cri aigu et discret de la puéricultrice, un mélange de surprise et d'admiration à peine contenue, ne passe pas inaperçu. Nelly lève les yeux au ciel, amusée par la réaction de la jeune femme. Elle sait que Jonas est un bel homme, avec ses larges épaules, sa carrure athlétique, et ses yeux d'un bleu profond qui semblent captiver tout le monde. C'est un homme que l'on remarque, sans aucun doute. Et aujourd'hui, avec son sourire ravageur et cette aura charismatique, il dégage une séduction naturelle à laquelle il semble complètement inconscient.

Mais Nelly le connaît vraiment. Elle sait que derrière cette apparence se cache quelqu'un de plus complexe, de plus vulnérable. Jonathan n'est pas juste cet homme séduisant qu'elle a devant elle. Il est bien plus que cela. Il est Jo, celui qu'elle a connu avant qu'il ne devienne Jonas Dupré, le nom sur toutes les lèvres.

— Va chercher ton fils, je m'occupe de la sécurité, murmure Jonas en lui lançant un clin d'œil complice, sa voix douce, presque protectrice.

Le cœur de Nelly manque un battement. Elle acquiesce doucement, le sourire aux lèvres, et se dirige vers Louis, laissant Jonas gérer les formalités. En marchant vers la petite salle où se trouve son fils, elle sent une vague d'émotions l'envahir. Est-ce qu'elle fait bien d'entretenir cette relation, aussi ambiguë soit-elle ? Une part d'elle se répète qu'elle devrait mettre des barrières, qu'elle ne peut pas se permettre de céder à ses sentiments. Mais une autre part, plus profonde, plus intime, ne veut pas renoncer à ce bonheur fugace que Jonas lui apporte. Même si cela signifie se perdre un peu dans l'illusion, juste pour un moment.

Elle pousse la porte doucement et aperçoit Louis, assis calmement avec ses jouets, un sourire s'étirant immédiatement sur son visage en le voyant. Son cœur s'apaise, comme à chaque fois qu'elle le regarde. Son fils est son ancre, sa raison de se battre, de continuer à avancer, malgré les tempêtes de sa vie.

— On rentre à la maison, mon cœur, murmure-t-elle en s'agenouillant pour l'embrasser sur le front.

Elle lui enfile sa petite veste bleue, avant de lui attacher ses chaussures. Ses gestes sont délicats, presque rituels, chaque matin et chaque soir, elle prend soin de lui comme pour ancrer son amour dans ces gestes du quotidien. Elle lève la tête et lui sourit, les yeux pleins de tendresse.

— Tu as été sage aujourd'hui, mon trésor ? lui demande-t-elle en arrangeant une mèche de cheveux qui dépasse de son bonnet.

Louis hoche la tête avec un sourire malicieux, ses joues rondes rosissant sous l'effort de se rappeler sa journée, mais avant même qu'il ne puisse répondre, Mathilde, l'auxiliaire puéricultrice, intervient avec enthousiasme.

— Il a été adorable, comme toujours, Mademoiselle Dudressie. Un vrai petit ange.

Nelly tourne la tête vers la jeune femme et lui adresse un sourire reconnaissant.

— Merci, Mathilde. Belle soirée à vous.

— Bonne soirée. Bonne soirée, Monsieur Dupré, ajoute la jeune femme en jetant un regard timide vers Jonas.

Jonas, debout à côté de Nelly, lui répond d'un simple signe de la main, mais cela suffit à faire rougir Mathilde, qui place discrètement une main sur sa joue comme pour cacher le rouge qui monte. Son admiration pour Jonas est évidente, et cela n'échappe pas à Nelly.

— Tu as un ticket, je crois, lance Nelly avec un sourire complice en se penchant vers Jonas.

Elle ne peut pas te quitter des yeux. Jonas éclate de rire, son sourire éclatant illuminant son visage d'une manière qui fait fondre une partie du sérieux de Nelly.

— Avec toi, j'espère, rétorque-t-il en baissant la voix, le regard pétillant d'une étincelle malicieuse.

Ces mots font bondir le cœur de Nelly, bien qu'elle fasse mine de ne pas être troublée. Un léger frisson parcourt sa peau, comme à chaque fois qu'il laisse échapper ces petites phrases qui semblent à la fois anodines et pleines de sous-entendus. Elle rit doucement, mais son sourire devient un peu plus tendre.

— Je parlais plutôt de la petite jeunette, dit-elle en haussant les épaules, celle qui te regarde comme si tu étais la huitième merveille du monde.

— Alors, je ne suis pas intéressé, murmure Jonas en se penchant légèrement vers elle, je préfère largement m'occuper de vous deux.

Ses yeux plongent brièvement dans les siens, et l'espace d'un instant, le monde semble se réduire à eux trois. Nelly sent son cœur s'accélérer, mais elle se ressaisit rapidement, préférant ne pas s'attarder sur les émotions qui grondent en elle chaque fois que Jonas est si près.

Louis, amusé par leur échange sans en comprendre le sens, attrape soudain le doigt de Jonas avec ses petites mains potelées, sa bouche formant un sourire large et éclatant.

— Bonsoir, Louis, dit Jonas avec douceur, se penchant vers l'enfant avec un éclat de fierté dans la voix. Comment ça va ? Il paraît que tu as été sage ?

Le bambin éclate de rire, comme si la simple présence de Jonas suffisait à déclencher une vague de bonheur. Il serre le doigt de Jonas encore plus fort, son regard émerveillé fixé sur l'homme.

— Je crois qu'il m'aime bien, déclare Jonas, très fier de ce lien qui se tisse entre eux.

Le cœur de Nelly se serre légèrement en regardant cette scène, touchée par la simplicité du moment. Voir Jonas interagir avec son fils lui donne envie de baisser sa garde, de se laisser aller à cette douceur qui l'envahit chaque fois qu'il est là. C'est tellement naturel pour lui de s'intégrer dans leur petite bulle, comme s'il avait toujours été là, comme si cette proximité entre eux trois était inévitable, prédestinée. Une chaleur douce s'installe dans sa poitrine, mais elle tente de la repousser, sachant que ce n'est pas si simple.

— C'est normal, murmure-t-elle en souriant à Jonas, comment résister à ton charme ?

Ses mots sont teintés d'une sincérité qu'elle peine à masquer, et Jonas la regarde intensément, comme s'il cherchait à capter quelque chose derrière son sourire. Un silence s'installe, mais ce n'est pas un silence inconfortable. C'est plutôt un silence chargé de non-dits, de tout ce qu'ils n'osent pas encore exprimer.

Alors que Louis tire joyeusement sur la manche de Jonas pour attirer son attention, ce dernier détourne le regard de Nelly et se concentre à nouveau sur le petit garçon, son sourire adouci.

— Eh bien, Louis, on fait un marché ? Si tu continues à être aussi sage, je te promets qu'on ira manger une glace tous les trois, d'accord ? propose Jonas, son ton enjoué faisant pétiller les yeux du petit.

Louis applaudit, visiblement enchanté par l'idée, et Nelly secoue doucement la tête, amusée par la facilité avec laquelle Jonas parvient à faire sourire son fils. C'est comme s'il savait instinctivement comment tisser ces petits moments de bonheur, comme s'il avait le don de les enchanter tous les deux.

Ils se dirigent ensemble vers la sortie et l'air frais de l'hiver les enveloppe. Nelly serre Louis contre elle, marchant aux côtés de Jonas, silencieuse pour l'instant. Elle est encore perdue dans ses pensées, se demandant où tout cela va les mener. Peut-elle vraiment ouvrir son cœur à Jonas ? Peut-elle risquer de croire en un « nous » pour eux trois, malgré tout ce qui les sépare ?

Alors qu'ils arrivent à la voiture, Jonas pose une main légère sur son épaule, un geste simple mais qui semble soudain chargé d'émotion. Il lui sourit, un sourire sincère, sans la moindre pression.

— Je suis heureux d'être là, avec vous, Nelly.

Ses mots résonnent doucement, et Nelly le regarde un instant, émue malgré elle, sentant une vague de chaleur lui monter à la gorge. Elle sait qu'il dit la vérité. Et peut-être qu'elle, aussi, commence à être heureuse de sa présence.

Jonas la raccompagne jusqu'à sa porte, marchant lentement à ses côtés. L'air est vif, mais la chaleur de sa présence suffit à apaiser l'esprit de Nelly, ne serait-ce qu'un instant. Ils arrivent enfin devant sa maison, et il se tourne vers elle, un sourire doux et mélancolique accroché à ses lèvres. Il s'approche doucement, déposant un baiser léger sur sa joue, sa main frôlant délicatement son bras. Le contact est bref, mais chargé de tendresse.

— Bonne soirée, Nelly, murmure-t-il avec une chaleur discrète dans la voix.

Nelly acquiesce, incapable de prononcer un mot, son cœur serré. Elle le regarde s'éloigner, une silhouette familière qu'elle ne veut pas voir disparaître. Chaque pas qu'il fait loin d'elle est une petite déchirure. Enfin, lorsqu'il tourne au coin de la rue, elle laisse échapper un soupir qu'elle retenait depuis leur arrivée.

Le silence de la maison la frappe aussitôt. Elle referme doucement la porte derrière elle, comme pour retenir encore un peu la chaleur qui s'est dissipée avec le départ de Jonas. Louis, debout au milieu du salon avec ses petites mains potelées se maintient à la table basse.

— Mama, joue ?

Nelly sourit, malgré l'agitation qui gronde en elle. Son fils est toujours capable de la ramener à l'essentiel. Elle se penche et cueille ses boucles dorées dans un geste tendre, avant de s'accroupir à sa hauteur.

— D'accord, mon trésor. Que veux-tu faire ?

Nelly se laisse tomber sur le tapis, un peu désorientée par la transition entre l'intimité du moment avec Jonas et ce présent lumineux qu'elle partage avec son fils. Les minutes passent alors qu'ils jouent ensemble, ses rires d'enfant réchauffant l'espace. Chaque sourire de Louis la ramène un peu plus près de l'instant présent, chaque bruit de moteur qu'il imite la tire doucement de ses pensées lourdes, la forçant à savourer ces moments fugaces de bonheur pur. C'est là, avec lui, qu'elle trouve sa paix.

Après un long moment passé à faire rouler les petites voitures sur le sol, le soleil décline. Nelly sait qu'il est temps de préparer le repas. Mais avant cela, elle ne peut résister à un petit rituel qu'elle chérit par-dessus tout.

— Et si on allait prendre un bain ensemble, mon cœur ?

Louis répète le mot en souriant, les yeux pétillants, elle le porte jusqu'à l'étage. Dans la salle de bain, Nelly remplit la baignoire d'une eau tiède parfumée à la lavande, une fragrance douce qui emplit rapidement la pièce. Elle y plonge d'abord les petits pieds de son fils, qui éclate de rire au contact de l'eau, avant de s'installer à ses côtés. Ce moment de complicité est comme une bulle de tendresse dans leur routine, une pause dans le tumulte de la journée.

— Attention ! s'exclame-t-elle en éclaboussant doucement Louis, qui répond par un cri joyeux, éclaboussant à son tour. Ils rient ensemble, comme s'ils étaient seuls au monde. L'eau éclabousse le carrelage, mais Nelly s'en moque. Ces instants sont précieux, et chaque éclat de rire de Louis allège un peu plus le poids qu'elle sent peser sur ses épaules.

Dans ce bain, elle oublie Jonas, elle oublie les doutes, les inquiétudes. Il ne reste que son fils et elle, perdus dans la magie de leur lien. Après avoir lavé tendrement les cheveux de Louis et fait semblant de se noyer dans des flots de mousse, elle le sort de l'eau et l'enveloppe dans une serviette moelleuse, son rire encore suspendu entre eux.

— Allez, petit bonhomme, il est temps de manger.

Pendant que le repas mijote dans la cuisine, elle dépose Louis sur une chaise haute et s'active autour de lui, ses pensées vagabondant de temps à autre vers Jonas. Quand le dîner est enfin prêt, ils mangent ensemble. Louis, avec son appétit insatiable, engloutit son assiette avec des « Mmm » exagérés qui font rire Nelly. Elle s'assure de savourer ce moment, de graver dans sa mémoire l'innocence et la joie de son fils. C'est ici, dans ces instants, qu'elle se sent entière.

Après le repas, vient enfin l'heure du coucher. Nelly accompagne Louis dans sa chambre, le bordant avec soin dans son lit douillet. Elle aime ces derniers instants de la journée, lorsque la maison s'apaise et que le calme revient. La voix douce de Nelly s'élève dans la chambre tandis qu'elle lui chante une berceuse, ses doigts glissant lentement sur ses cheveux fins. Peu à peu, sa respiration devient plus régulière, et elle l'observe avec une tendresse infinie s'endormir, son visage serein éclairé par la lumière tamisée de la lampe de chevet. Un sentiment de fierté envahit Nelly. Si une chose dans sa vie est certaine, c'est l'amour inébranlable qu'elle porte à son fils. C'est dans ses sourires, dans ses rires, dans chaque instant partagé avec lui qu'elle puise sa force. Et ce soir, plus que jamais, elle se sent reconnaissante de l'avoir à ses côtés.

Alors que la maison plonge enfin dans le silence, elle reste un moment à l'observer, comme pour graver cette image de pure innocence dans sa mémoire. Puis, un bruit la sort de sa rêverie. Le téléphone, qui vibre doucement sur la table basse du salon.

Son cœur se serre instantanément. Elle quitte la chambre à pas feutrés, refermant la porte derrière elle, et se précipite pour voir qui l'appelle. L'écran affiche le nom de Bertrand. Un poids familier s'installe dans sa poitrine, et son ventre se noue alors qu'elle hésite à répondre.

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