Chapitre 64
Attention : ce chapitre comporte des scènes de violence conjugale plus développées.
Le déjeuner s'est finalement achevé. Jonas et Jack ont pris congé, après un repas qui s'est déroulée dans une ambiance tendue mais sans éclat. Nelly a été, comme toujours, une hôtesse impeccable. Elle a souri, conversé avec politesse, servi les invités avec soin, s'efforçant de garder un air détendu malgré la tempête d'émotions qui gronde sous la surface. Bertrand, quant à lui, a joué son rôle à la perfection en présence de leurs invités, mais dès que la porte se referme derrière Jonas et Jack, son visage se ferme. Une froideur glaçante envahit la pièce.
Nelly commence à ranger les dernières assiettes, espérant éviter une confrontation, mais elle savait que ce moment viendrait. Le silence lourd entre eux est le calme avant la tempête. Lorsqu'elle pose la dernière assiette sur le comptoir, Bertrand se redresse, ses yeux noirs et durs posés sur elle.
— Alors, tu t'es bien amusée ? lance-t-il d'une voix basse mais venimeuse.
Nelly tressaillit, mais tente de garder son calme. Elle sait exactement où cela allait mener.
— Je ne comprends pas ce que tu veux dire, Bertrand. J'ai simplement fait de mon mieux pour que tout se passe bien. Je croyais que ça te ferait plaisir de revoir Jonas, que ça ajouterais à ton carnet d'adresse.
— Ah, c'est sûr que tu t'es surpassée, réplique-t-il en croisant les bras, son ton chargé d'ironie. Sourires à Jack, petites attentions pour Jonas. Tu es devenue une vraie hôtesse, pas vrai ?
Ses lèvres se tordent en un rictus amer. Nelly sent son estomac se nouer.
— Jack a simplement demandé du dessert, murmure-t-elle, cherchant à désamorcer la situation. C'est de la politesse de répondre avec un sourire. Rien de plus.
— Politesse ? crache Bertrand, avançant d'un pas vers elle. Ou c'est juste que tu aimes trop plaire ? Sourire à ce petit roquet comme s'il te faisait fondre. Je l'ai bien vu.
Ses yeux s'étrécirent alors qu'il la dévisage, un éclat de rage brulant dans ses prunelles. Nelly recule instinctivement, le cœur battant plus fort. Elle tente de prendre sur elle, de ne pas céder à la peur qui commence à monter.
— Bertrand, tu exagères. J'ai été courtoise, voilà tout.
— Courtoise ? répète-t-il avec dédain. Tu te moques de moi ? À sourire à cet idiot comme une adolescente en chaleur.
Nelly se mord les lèvres pour ne pas répondre. Elle sait qu'il attend une excuse, une soumission, quelque chose qui montrera qu'elle reconnait ses torts, même quand elle n'en a pas. Une partie d'elle veut crier, hurler contre cette injustice, contre cette prison dans laquelle il l'a enfermée. Mais elle sait que cela ne fera qu'alimenter sa colère.
— Je suis désolée si tu as mal interprété les choses, finit-elle par dire, sa voix à peine audible. Mais maintenant, je dois aller chercher Louis chez Leticia.
Elle se détourne pour attraper ses clés sur le comptoir, espérant mettre fin à cette conversation avant qu'elle ne dégénère davantage. Mais avant qu'elle ne puisse faire un pas de plus, Bertrand la saisit par le bras, son étreinte ferme, presque douloureuse.
— Non, tu n'iras nulle part, siffle-t-il, la tirant brutalement vers lui. Louis peut bien rester chez Leticia un peu plus longtemps. On n'a pas fini ici.
Le cœur de Nelly accélère sous l'effet du choc. Elle tente de se dégager, mais sa poigne était trop forte. Son regard est impitoyable, et elle sait, à cet instant, qu'il n'y a aucun moyen de le raisonner. Il veut affirmer son contrôle sur elle, comme toujours.
— Laisse-moi aller chercher notre fils, Bertrand, s'il te plaît.
Sa voix tremble légèrement, mais elle tente de rester ferme, de ne pas montrer la panique qui monte en elle.
— Tu iras quand je te le dirai, réplique-t-il froidement, la maintenant contre lui. Tu crois que tu peux sourire à d'autres hommes sous mon toit et ensuite te défiler comme si de rien n'était ? Non, chérie. Je vais te rappeler à qui tu appartiens.
Le sang de Nelly se glace. Elle sait ce qui va se passer. Jamais il n'avait agi ainsi avant mais depuis que Jo lui as avouer la trouver « jolie », il se sent menacé. C'est sa manière à lui de la posséder, de lui rappeler qu'elle n'a aucun échappatoire.
— Bertrand, s'il te plaît...
Sa voix se brise, mais elle savait que ses mots tombent dans l'oreille d'un sourd. Il la pousse contre le mur, ses mains glissant sur son corps avec une froide détermination, son souffle court, comme si cette violence est devenue sa manière de prouver son amour, ou plutôt sa possession. Nelly se laisse faire, paralysée par un mélange de peur et de résignation. Chaque fibre de son corps veut se rebeller, mais elle sait qu'il ne cédera pas. Ce combat, elle l'a déjà perdu mille fois.
Nelly est figée, le regard vide, tandis que Bertrand se tenait derrière elle, sa respiration lourde et haletante. Il l'a déjà piégée, ses bras comme une cage autour de son corps, la maintenant fermement contre lui. Chaque mouvement de son corps lui rappelle qu'elle n'a aucune issue.
— Tu es à moi, tu entends ? Sa voix est un murmure dur, glacé, qui lui fait l'effet d'une lame froide sur la peau. Personne ne te possédera mieux que moi.
Ces mots résonnent dans sa tête, oppressants, alors que son corps se raidit instinctivement, cherchant à se protéger. Elle veut crier, mais sa gorge est nouée. Elle sent sa main se resserrer dans ses cheveux, une étreinte brutale qui tire son cuir chevelu douloureusement vers l'arrière. Elle grimace de douleur, mais ses lèvres restent scellées.
Bertrand force ses mouvements, sa prise de plus en plus implacable. Nelly serre les mâchoires, les yeux fixés sur un point invisible dans la pièce, tentant désespérément de se déconnecter de ce qu'elle vit. Chaque seconde lui semble une éternité, chaque souffle qu'elle parvient à expulser devient une lutte contre la panique qui la ronge de l'intérieur. Il ne voit rien de sa souffrance, ou plutôt, il choisit de ne rien voir.
— C'est comme ça que ça doit être, Nelly, souffle-t-il d'une voix basse mais remplie d'un orgueil toxique. C'est ça être une bonne épouse. Tu m'appartiens.
Nelly se sent mourir à chaque mot prononcé. Ces paroles sont des chaînes invisibles qui l'emprisonnent un peu plus chaque jour. Son cœur bat si fort dans sa poitrine qu'elle craint qu'il explose, mais elle reste immobile, passive, comme si son corps n'était plus qu'une enveloppe vide. Elle ne peut pas fuir, ni physiquement, ni émotionnellement.
Quand enfin il s'éloigne, la relâchant, elle sent son corps s'effondrer comme un ressort trop tendu. Elle n'a pas la force de se relever. Les larmes coulent silencieusement sur ses joues, mais elle les essuies rapidement avant qu'il ne puisse les voir. Ses mains tremblent légèrement, mais elle fait tout pour que cela ne se remarque pas. Bertrand, quant à lui, a retrouvé une sorte de calme satisfait. Il se penche sur elle, glissant une main douce sur ses cheveux, contrastant cruellement avec la violence de ses gestes d'avant. Il plante un baiser sur son front, un geste presque tendre, comme s'il venait de marquer son territoire.
— C'est bien, ma chérie. Tu es parfaite quand tu fais ce que je te demande.
Ces mots la frappent comme un coup de poing, mais elle ne répond pas. Elle n'a plus la force de se défendre. Elle veut juste que tout s'arrête, que ce cauchemar prenne fin. Mais elle sait que ce n'est qu'une illusion de répit, qu'il recommencera encore et encore, tant qu'elle restera dans cette prison invisible.
— Je... Je vais me laver, déclare-t-elle lentement en se redressant.
Nelly vacille en se redressant, son corps meurtri et son esprit écrasé sous le poids de ce qui vient de se passer. Elle ne sent plus vraiment ses jambes, comme si la douleur avait effacé toute sensation. La seule chose qui l'anime encore est une envie profonde de disparaître, de s'échapper de cette réalité qui lui pèse. Elle remonte son jean, rabat son pull sur son ventre, ses mains tremblantes, chaque mouvement demandant un effort monumental, puis s'oriente vers la salle de bain à l'étage. Un sanctuaire où elle espère trouver un instant de répit mais à peine a-t-elle posé la main sur la porte que Bertrand surgit, un sourire étiré sur son visage, un rictus qui la fait frissonner de peur.
— Tu sais à qui tu appartiens, mon amour ?
Sa voix est douce, presque un murmure, mais elle cache une violence sourde. Nelly s'immobilise, son souffle suspendu, son cœur battant à tout rompre. Elle ne peut que répondre d'une voix faible et brisée, comme une enfant prise au piège.
— Je l'ai toujours su, bégaye-t-elle, son regard fuyant celui de son mari.
Bertrand la fixe, et un éclat cruel passe dans ses yeux. Il ne cherche pas une réponse sincère, il veut la domination, la soumission totale.
— Déshabille-toi, ordonne-t-il, sa voix maintenant dure et tranchante, laissant place à une commande qui ne tolère aucune opposition.
Nelly s'exécute lentement, ses gestes mécaniques, vides de toute volonté. Chaque vêtement qui tombe la rend plus vulnérable, plus exposée à la brutalité de son mari. Son jean glisse le long de ses jambes, révélant des bleus laissés par ses étreintes précédentes, des marques de son contrôle. Elle retire sa culotte, puis son pull, les yeux fixés dans ceux de Bertrand, comme si elle cherchait désespérément à lui faire comprendre qu'elle n'est plus qu'une coquille vide, qu'il a tout pris.
Soudain, il la retourne brutalement, la plaquant contre le lavabo froid, son ventre rencontrant la porcelaine glacée. Elle étouffe un cri, la douleur immédiate envahissant son corps. Le miroir reflète son visage, celui d'une femme qui ne se reconnaît plus, brisée par une force qu'elle ne peut combattre. Bertrand, derrière elle, la contemple avec un sourire satisfait, un prédateur ayant pris le contrôle total de sa proie.
— Regarde-toi, murmure-t-il à son oreille, sa voix suintant de suffisance. Tu es à moi, et tu le sais.
Il passe une main dans ses cheveux, les tirant légèrement pour que son visage se relève vers le miroir. Elle ne peut échapper à son regard, un regard qui ne laisse place qu'à la domination. Il détache son soutien-gorge, et de sa bouche, il mordille la peau de son cou, juste assez pour laisser une douleur sourde, une marque invisible mais omniprésente.
— Tu es ma chienne, souffle-t-il, chaque mot un coup porté à ce qu'il reste de sa dignité.
Les mots résonnent en elle, une violence qu'elle n'a jamais entendue de sa bouche auparavant. Jusqu'à maintenant, il a toujours dissimulé sa brutalité sous une fausse tendresse. Mais cette façade est tombée, et ce qui reste est encore plus terrifiant. Nelly tremble, non pas seulement de peur, mais de ce sentiment d'impuissance totale qui lui serre la gorge.
— Je..., commence-t-elle d'une voix cassée, mais elle ne trouve pas la force de continuer.
— Dis-le, hurle-t-il, sa voix retentissant comme un coup de tonnerre dans la petite salle de bain. Dis-le que tu m'aimes !
Elle vacille sous le poids de son exigence, cherchant dans son esprit la moindre échappatoire. Comment peut-elle répondre à une telle demande, quand tout son être crie l'inverse ? Pourtant, elle sait ce qui l'attend si elle ne s'exécute pas. Elle doit survivre, même si cela signifie s'abandonner un peu plus.
— Bien sûr que je t'aime, murmure-t-elle en se tournant légèrement vers lui. Comment peux-tu en douter ?
Elle tend une main tremblante pour caresser son visage, espérant apaiser la tempête qui gronde en lui. Bertrand semble s'adoucir un instant, avant que son expression ne se transforme à nouveau. Il pousse brutalement Nelly sous la douche, ouvrant l'eau froide d'un geste sec.
— C'est froid, Bertrand ! crie-t-elle, son corps tremblant sous l'assaut glacé de l'eau.
— Je vais te réchauffer, promet-il, mais son ton n'a rien de rassurant.
Il avale rapidement une pilule, un sourire carnassier déformant son visage. Il recommence, son corps se pressant contre le sien, ses gestes brutaux, insensibles à sa douleur. Chaque coup de bassin est une nouvelle agression, chaque murmure à son oreille est un rappel cruel de sa soumission.
— Tu n'es qu'à moi ! hurle-t-il, sa voix grondante résonnant dans la petite pièce.
— Je ne suis qu'à toi, répète-t-elle, sa voix brisée, ne sachant plus qui elle est, ni ce qu'elle ressent.
Il continue, implacable, répétant des insultes, la tirant par les cheveux, exigeant une réponse.
— Tu aimes que je te baise hein !
Mais Nelly se mure dans le silence, ses larmes coulent en même temps que l'eau de la douche.
— Réponds, rage-t-il en lui tirant les cheveux en arrière. Dit moi que tu aimes ça !
Nelly, incapable de résister, répond d'une voix mécanique, presque inaudible sous le bruit de l'eau et des battements furieux de son cœur.
— Oui... Oui, j'aime ça, dit-elle, mais les larmes ne cessent de couler sur ses joues, se mêlant à l'eau glaciale qui ruisselle sur son corps.
Quand enfin Bertrand se retire, satisfait et sans un mot, Nelly sent son corps s'effondrer intérieurement. Chaque fibre de son être hurle de désespoir et de douleur, mais elle reste immobile, figée dans l'instant. Ses larmes, qu'elle avait tenté de retenir, se mettent à couler silencieusement, traversant ses joues rougies par la honte. Bertrand la fixe, le regard plein de triomphe, comme s'il venait d'accomplir quelque chose de glorieux, d'une importance incontestable. Son sourire satisfait l'emplit d'une nouvelle vague de dégoût, un rictus qu'elle ne parviendra jamais à effacer de sa mémoire.
— C'est bien. Tu as compris qui est le maître, déclare-t-il en lui tapotant la tête.
Il quitte la pièce, laissant derrière lui une Nelly brisée, comme un objet, sans importance une fois sa fonction accomplie. Elle reste là, immobile. La douleur physique est presque supportable, comparé à la blessure invisible qui la dévore de l'intérieur. Elle sent ses jambes céder sous son poids, et, lentement, elle se laisse glisser sur le carrelage froid de la salle de bain, cherchant refuge dans la seule chose qui semble encore réelle : le sol glacé sous elle. Nelly enfouit son visage entre ses mains, et les sanglots qu'elle retient explosent soudainement. Les tremblements qui secouent son corps sont incontrôlables, son souffle se coupe à chaque sanglot étouffé. Elle se sent souillée, détruite, comme si chaque partie de son être avait été déchirée en morceaux, ne laissant plus rien d'elle-même. Comment peut-elle encore être cette femme forte et aimante que tout le monde voit ?
Après ce qui lui parut une éternité, Nelly rassemble le peu de force qu'il lui reste. Leticia va s'inquiéter de ne pas la voir arriver ! Tremblante, elle se lève, chancelante, ses muscles refusant de répondre. Chaque mouvement est une épreuve, mais elle sait qu'elle doit se reprendre, qu'elle ne peut pas rester là. Elle s'habille rapidement, ses mains tremblant lorsqu'elle remonte son jean. Elle passe une main dans ses cheveux, les attacha en une queue de cheval, tentant de rendre sa silhouette plus ordinaire, de camoufler le chaos qui régnait en elle.
Quand elle descend au rez-de-chaussée, le regard froid de Bertrand l'attend. Il est là, assis, son attitude détendue, comme s'il vivait une journée des plus banales. Il n'y a rien dans son comportement qui trahit ce qui vient de se passer à l'étage.
— Maintenant, tu peux aller chercher Louis, dit-il, sa voix détachée, presque indifférente.
Comme si tout cela n'était qu'une formalité. Comme si rien ne s'était passé. Nelly lève les yeux vers lui, cherchant désespérément un éclat d'humanité dans ses paroles. Mais elle n'y trouve que du vide, un abîme de contrôle et de froideur. Il continue :
— Mais tu rentres immédiatement ! Pas de discussion avec ton amie ! Je t'appellerai dans dix minutes pour m'assurer que tu es sur le chemin.
Sa voix était désormais plus ferme, plus autoritaire.
— C'est clair ?
Nelly l'observe un instant, son esprit brisé, sa volonté presque inexistante, mais quelque chose en elle résistait encore, une petite flamme de dignité, de rébellion silencieuse. Elle ne dit rien. Sa réponse : un simple acquiescement de la tête, parce que, à ce moment précis, les mots lui manquent.
Elle se dirige lentement vers la porte, ses mains tremblent lorsqu'elle attrape ses clés sur le meuble, mais elle ne se retourne pas. Pas cette fois. Elle sait qu'affronter à nouveau son regard ne ferait que la briser un peu plus. Enfin dehors, l'air frais la frappe au visage, coupant sa respiration un instant. Elle inspire profondément, laissant l'air pur emplir ses poumons, mais même cela semble douloureux. Chaque inspiration ramenait avec elle la réalité de ce qu'elle venait de vivre. Elle se sent piégée, prisonnière d'une existence qui lui échappe, où chaque geste est contrôlé, chaque parole pesée. Mais à cet instant précis, c'est le silence, le vide total autour d'elle.
En montant dans la voiture, ses mains tremblent toujours en tournant la clé dans le contact. Elle tourne le regard vers la maison, et à travers la fenêtre de l'entrée, elle aperçoit la silhouette de Bertrand, impassible, la regardant partir. Elle détourne rapidement les yeux, une larme solitaire glissant sur sa joue.
Au moins, Louis n'était pas là, pensa-t-elle.
Ce petit réconfort, cette pensée qu'au moins son fils est resté à l'abri de ce moment, lui permet de garder un fragile équilibre. Elle savait qu'elle doit tenir, pour lui, pour Louis, mais à ce moment précis, tout lui semble insurmontable. Elle se sent piégée, incapable de voir la lumière dans l'obscurité oppressante qui l'entoure.
Fort heureusement, Leticia avait une réunion « fille » dans l'après-midi, ce qui permet à Nelly de s'échapper rapidement, même si le regard scrutateur de son amie n'est pas passé inaperçu. Elle avait senti le poids des interrogations dans les yeux de Leticia, une inquiétude latente qu'elle n'avait pas osé verbaliser. Nelly s'était contentée de sourire maladroitement, d'un air faussement détendu, murmurant quelques excuses pour partir au plus vite. Chaque minute passée loin de la maison semblait une éternité, et l'idée de recevoir un appel de Bertrand lui donnait presque la nausée. Il fallait qu'elle rentre avant que cela n'arrive.
Une fois à la maison, Nelly se força à endosser son rôle d'épouse dévouée. La tension la rongeait, mais elle refoula ses pensées pour se concentrer sur ce qu'elle savait faire de mieux : tenter de rendre Bertrand heureux. Il fallait que tout soit parfait. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Elle se mit donc en mouvement, presque automatiquement, comme une machine bien rodée, tout en essayant de réprimer le poids étouffant de ses émotions. Le dîner fut préparé avec minutie.
— J'ai préparé ton plat préféré ce soir... J'espère que ça te plaira, dit-elle, sa voix légèrement tremblante, malgré ses efforts pour la rendre légère.
Bertrand hocha la tête, indifférent, absorbé par son téléphone. Nelly sentit un frisson de frustration monter en elle, mais elle le réprima aussitôt. Cela ne servait à rien d'attendre des marques de reconnaissance. Elle savait à quoi s'en tenir.
Après le repas, alors que Louis joue tranquillement dans le salon, elle s'occupe discrètement de préparer la valise de Bertrand pour son départ du lendemain. Chaque vêtement plié avec soin, chaque geste témoignant d'une application irréprochable. Elle veillait à ce que tout soit impeccable, à ce qu'il ne trouve rien à redire. Pourtant, même dans ce silence apparent, son esprit ne cessait de tourner en boucle. Elle regrette amèrement de ne pas avoir pris plus de temps avec son fils ce soir, mais elle se répète qu'elle se rattraperait le lendemain. Elle y tient, plus que tout.
Lorsque tout est prêt et que Louis est couché, elle tente une dernière approche :
— Et si on regardait un vieux film en amoureux, comme avant ? propose-t-elle timidement. Juste toi et moi, pour profiter un peu...
Elle espérait que ce moment pourrait apaiser l'atmosphère, qu'il permettra de faire taire un peu ses peurs. Bertrand, encore distrait par son écran, lève à peine les yeux. Un soupir de lassitude franchit ses lèvres.
— Si tu veux, répondit-il d'un ton neutre, sans réelle conviction.
Nelly s'efforce de ne pas montrer sa déception. Chaque fois qu'elle tente d'instaurer une proximité, elle se heurte à un mur de froideur et d'indifférence. Elle choisis avec soin le film préféré de son mari et l'insère dans le lecteur. Elle s'installe à ses côtés, se lovant contre lui mais il la repousse légèrement, restant plongé dans son téléphone.
Quand enfin la soirée touche à sa fin, Bertrand se lève sans un mot, sans un regard, pour monter se coucher. Nelly le suit des yeux, un léger souffle de soulagement s'échappe de ses lèvres. Elle attend quelques minutes, seule dans le salon, le silence devenant presque assourdissant. Puis, elle monte à son tour, éteignant les lumières, s'efforçant de se convaincre que demain sera un autre jour.
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