Chapitre 62

Le lendemain matin, les premières lueurs du jour percent à peine à travers les rideaux épais de la chambre. Nelly s'extirpe du lit, jetant un coup d'œil furtif vers Bertrand qui dort encore profondément. Elle retint son souffle, redoutant le moindre bruit qui pourrait le réveiller. Tout son corps semble tendu, comme un fil sur le point de rompre. Elle attrape des vêtements à la hâte, une paire de jeans, un pull doux et un foulard sombre qu'elle noue délicatement autour de son cou. Une couverture pour cacher les traces de la veille.

Dans la salle de bains, l'eau tiède ruissèle sur son visage, lavant la fatigue sans toutefois soulager le poids qui pèse sur ses épaules. Une fois prête, elle se dirige vers la chambre de Louis. Le petit garçon est déjà réveillé, assis dans son lit, serrant contre lui un ours en peluche presque aussi grand que lui.

— Hey, tu t'es fait un nouveau copain ? s'amuse-t-elle, adoucissant sa voix pour ne pas trahir ses pensées.

Elle le soulève doucement, le pressant contre elle comme si ce geste pouvait lui offrir un réconfort dont elle a elle-même besoin.

— Bonjour, mon amour. Comment ça va ?

— Aya ! gazouille-t-il en enfouissant son visage dans le creux de son cou.

Ce simple mot, cette innocence, suffit à dissiper pour un instant le malaise latent qui la ronge. Louis est sa lumière, la seule source de bonheur pur dans ce tourbillon d'émotions contradictoires.

— Allez, up ! Petit déj' et direction tata Leti, lui annonce-t-elle en l'installant sur la table à langer pour terminer de l'habiller. Tu es beau, mon fils ! ajouta-t-elle avec un sourire tendre en l'observant dans son petit pull rayé.

Le petit déjeuner se déroule en silence. Nelly ne touche à peine à son thé, son esprit déjà préoccupé par la journée à venir. Un biberon plus tard, ils sont en route pour chez Leticia.

Arrivée devant la maison de son amie, Nelly sent une vague de soulagement l'envahir. Chez Leti, tout était plus simple, plus léger.

La porte s'ouvre sur Leticia, souriante et énergique comme toujours. Sa bonne humeur est un baume pour Nelly, mais aujourd'hui, elle sent que même Leti ne pourrait peut-être pas la rassurer.

— Wah, j'adore ce petit look BC-BG ! lance Leticia avec un sourire en coin. C'est pour séduire Jonas ?

Leti a toujours ce talent pour pointer là où ça fait mal, sans même s'en rendre compte. La question, anodine, la frappe en plein cœur. Nelly sent une boule se former dans sa gorge, son menton tremble légèrement tandis qu'elle lutte pour ne pas craquer. La réalité la rattrape brutalement. Comment peut-elle affronter Jonas après les menaces proférées par Bertrand la veille ? Comment pourrait-elle prétendre que tout va bien quand, au fond, elle se sent brisée ?

— Nel ?

La voix de Leti, soudain plus douce, trahit son inquiétude.

— Ça va ?

— Oui, répond Nelly, presque dans un souffle. Désolée, la soirée a été... longue.

Elle force un sourire sur ses lèvres.

— Je te confie la prunelle de mes yeux.

— Et des miens !

Leti répondit avec entrain, attrapant Louis et le serrant dans ses bras avec la chaleur d'une seconde mère.

— Bonjour mon ange.

— Tataa ! s'exclame Louis avec un grand sourire, sa petite voix faisant écho dans le cœur de Nelly.

Nelly observe cette scène, elle aime voir Louis si heureux, si insouciant, entouré de gens qui l'aimaient vraiment. Elle aimerait encore posséder l'insouciance de l'enfance, pouvoir sécher sa journée de travail, rester blotti dans un plaid, sur le canapé avec son fils et son amie. Une fuite en avant, dirait certain. Cette envie de rester ici, loin de Jonas, de fuir cette passion qui l'anime depuis qu'elle a découvert la vérité...Jonathan... celui qui pourrait lire son visage. Qui pourrait la mettre en danger... celui qu'elle ne peut pas s'empêcher de désirer malgré elle.

Leticia, sentant l'hésitation de son amie, se tourne vers elle avec un sourire rassurant.

— T'inquiète pas, tout ira bien ici. Vas-y.

— Merci, Leti, murmure Nelly.

Mais alors qu'elle referme la porte derrière elle, l'angoisse revint la saisir. Jonas. Bertrand. Deux noms qui tourbillonnent dans sa tête, deux mondes qu'elle ne sait plus comment gérer.

Au théâtre, la lumière matinale se faufile à travers les rideaux épais, projetant des ombres dans le bureau. Nelly essai de canaliser son énergie à travers des exercices de respiration. Elle inspire profondément, essayant de chasser la tension qui la ronge depuis des jours. Ses pensées tourbillonnent, trop bruyantes pour être apaisées. Chaque souffle, chaque mouvement, n'est qu'une tentative vaine de retrouver un peu de calme.

Le bruit de pas dans le couloir la fait tressaillir. Son cœur s'arrête l'espace d'une seconde, le son devenant soudainement trop réel, trop proche. Puis, la porte s'ouvre doucement, laissant apparaître Jonas. Toujours avec ce sourire — ce sourire qui la fait flancher malgré elle. Il semble illuminé par une lumière qu'elle n'a plus en elle depuis bien longtemps.

— Déjà là ? lance-t-il en entrant, ses yeux pétillants de taquinerie. Tu t'es levée aux aurores ?

— Je n'arrivais plus à dormir, répondit-elle, sa voix légèrement éraillée, comme si elle porte le poids de toutes les nuits d'insomnie accumulées.

Jonas s'approche doucement, ses pas plus légers qu'un murmure. Il s'assoit près d'elle, si proche que leurs doigts se frôlent brièvement. Ce simple contact fait jaillir un courant d'émotion à travers le corps de Nelly. Elle retire immédiatement sa main, mais Jonas ne s'éloigne pas. Au contraire, il se penche un peu plus vers elle, son regard plongé dans le sien, et elle se retrouva coincée, dos contre le mur. Son souffle devint irrégulier. Elle veut fuir, détourner le regard, mais ses yeux s'accrochent à ceux de Jonas malgré elle. Ces yeux... Ces yeux qui semblent toujours lire au plus profond d'elle-même, comme s'il savait ce qu'elle ressent sans qu'elle ait besoin de le dire.

— Suis-je responsable de tes insomnies ? demande-t-il doucement, une inquiétude réelle dans sa voix, même si son sourire restait malicieux.

Elle secoue légèrement la tête, tentant de garder son calme. Son cœur battait tellement fort dans sa poitrine que c'en était douloureux.

— Non, bien sûr que non, ment-elle en déglutissant difficilement.

Mais comment aurait-elle pu avouer que c'est justement lui la cause de ses tourments ? Lui, ce souffle d'air frais dans sa vie étouffante, ce désir interdit qui la consume petit à petit. Elle ne peut pas. Mais Jonas ne semble pas convaincu. Il la regarde comme si elle possédait la réponse à toutes ses questions.

— Je veux te rendre heureuse, Nelly, pas te rendre malade, murmure-t-il d'une voix basse et rauque, si proche de son oreille que le souffle de ses paroles caresse sa peau, provoquant un frisson qui parcourut tout son corps.

Nelly ferme les yeux un instant, terrifiée par ce qu'elle ressent. Elle sait qu'elle doit fuir, qu'elle doit s'éloigner avant que tout ne devienne trop compliqué, trop intense. Mais au lieu de ça, elle reste là, figée, incapable de bouger. Jonas glisse doucement sa main dans ses cheveux, un geste tendre, presque possessif. Sa proximité la brûle, la fait fondre de l'intérieur. Il rapproche son visage du sien, leurs souffles se mélangeaient, et avant qu'elle ne puisse y échapper, il pose ses lèvres sur les siennes. Le monde s'arrête. Nelly sent son cœur battre à une vitesse folle, comme si chaque pulsation menaçait de la faire éclater. Elle sait que c'est mal, terriblement mal, et pourtant tout en elle cri le contraire.

Elle répondit à ce baiser, d'abord timidement, puis avec une passion refoulée depuis trop longtemps. Ce n'est plus seulement un baiser volé. C'est un abandon, une capitulation. Mais la peur la rattrape, la rappelant à la réalité. Elle se dégage soudainement, rompant leur étreinte, son souffle court. Les larmes lui montent aux yeux, mais elle les retint.

— Jo... je... je ne peux pas, balbutie-t-elle, presque désespérée. Je suis mariée...

Le poids de ses mots les sépara comme un couperet. Jonas recule légèrement, mais son regard, brûlant d'une intensité douloureuse, ne quitte pas le sien.

— Je sais, Nelly, je sais, répondit-il d'une voix cassée, comme s'il portait lui aussi le fardeau de cet amour impossible. Mais je t'aime. Je t'ai toujours aimée.

Ces mots, elle les a redoutés autant qu'elle les a secrètement espérés.

— Ne dis pas ça, souffle-t-elle, sa voix tremblante. Ça ne peut pas marcher.

Mais au fond d'elle-même, quelque chose vient de céder. Malgré toutes ses tentatives pour résister, pour repousser cet amour interdit, son cœur se fissure, et Jonas s'y engouffre, doucement mais sûrement.

Elle se redresse, fuyant son regard pour éviter de voir dans ses yeux ce qu'elle n'est pas encore prête à accepter. Elle reprend une grande respiration, tentant de remettre un peu d'ordre dans ses pensées.

— On doit travailler, finit-elle par dire d'une voix plus ferme, comme si cela peut effacer ce qui vient de se passer.

Jonas la regarde encore un instant, immobile, avant de hocher la tête. Il respecte son choix, mais ses yeux disent tout le contraire : il n'abandonnera pas. Pas tant qu'il restera un espoir.

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