Chapitre 60
À la fin du cours, Nelly prend une profonde inspiration avant de se retourner pour observer Jonathan. Il est là, à l'autre bout de la salle, en train de ranger les équipements avec une efficacité silencieuse. Son profil est marqué par la concentration, ses mouvements fluides et mesurés, mais quelque chose d'indéfinissable dans son attitude l'attire irrésistiblement. Elle s'éloigne. Elle a besoin de souffler, de remettre ses pensées Dekker. Arrivée au bureau elle tente de s'occuper les mains, de chasser ce flot de pensées en rangeant quelques papiers. Mais son cœur bat plus fort, plus vite, son esprit est tiraillé, perdu entre ses responsabilités et cette émotion incontrôlable qu'elle ressent en présence de Jonathan.
Alors qu'elle fait mine de travailler, il entre doucement dans la pièce, sa présence emplissant immédiatement l'espace. Elle sent son cœur tambouriner dans sa poitrine, chaque pas qu'il fait la rapprochant d'une tentation qu'elle s'efforce de repousser.
— Tu restes tard ? demande-t-il d'une voix basse, presque intime.
Elle lève brièvement les yeux vers lui avant de détourner le regard, fixant intensément les papiers devant elle.
— Non. Je dois récupérer Louis chez mon père et...
Elle s'arrête brusquement, la phrase suspendue dans l'air. Le nom de Bertrand, son mari, reste coincé dans sa gorge. Elle n'a pas la force de le prononcer, pas maintenant. L'évocation de son retour ce soir, après des semaines d'absence, pèse lourd sur son cœur. Elle se sent remplie de doutes et de culpabilité. À quoi joue-t-elle ? Peut-elle réellement laisser cette relation ambiguë avec Jonathan s'immiscer dans sa vie déjà compliquée ? Jo semble capter son hésitation et attend, patient.
— Et je voulais te donner ça, reprend-elle, tâchant de reprendre une contenance.
Elle tend une feuille, son regard évitant soigneusement le sien.
— Le planning pour les deux semaines à venir. J'espère que tu tiendras le rythme, ajoute-t-elle avec un sourire qui se veut léger, mais qui sonne faux, presque désespéré.
Jonathan esquisse un sourire, un de ceux qui fait chavirer son monde intérieur. Son regard, intense et malicieux, la déstabilise, la rendant soudainement vulnérable à tout ce qu'elle s'efforce de contrôler.
— Ne t'inquiète pas pour mon rythme, sucrette, murmure-t-il en lui adressant un clin d'œil complice, ce surnom ancien réveillant en elle une tempête de souvenirs.
Il la regarde avec cette tendresse particulière, ce mélange de douceur et de passion qui fait naître une chaleur dans le creux de son ventre. Elle détourne les yeux, essayant de garder une distance, de protéger le peu de rationalité qui lui reste.
— On se dit à demain alors, pour le cours des ados ?
Elle enchaîne, cherchant à reprendre le contrôle.
— Puis on a la réunion avec les collègues...
Elle parle trop vite, comme si en énumérant tout ce qu'elle a à faire, elle pouvait éloigner ce sentiment d'interdit qui grandit en elle. Jonathan s'approche un peu plus, son regard planté dans le sien. Ses yeux bleus, brillants d'une lueur indéfinissable, semblent capter chaque émotion qu'elle tente de dissimuler.
— Je sais, Nel, dit-il d'une voix douce mais ferme, interrompant son flot de paroles. Déstresse, tout va bien se passer.
Il sourit, un sourire à la fois rassurant et troublant, et elle sent ses défenses faiblir.
— Est-ce qu'on peut manger ensemble après ?
Sa question tombe comme une évidence, pourtant elle est lourd de sens. Il ne parle pas simplement d'un repas partagé. Il évoque aussi un dialogue, un échange les concernant... de ce lien qu'ils partagent, de ce qu'ils sont en train de raviver, lentement mais sûrement.
Nelly reste figée un instant, incapable de répondre immédiatement. Sa gorge se noue, et elle sent son cœur battre la chamade. Elle sait qu'elle ne devrait pas, qu'elle joue avec des émotions dangereuses, avec une réalité qu'elle ne peut pas contrôler. Bertrand rentre ce soir. Il y a Louis, son fils. Sa vie est ailleurs, en dehors de cette pièce, loin de Jonathan. Et pourtant...
— Je ne sais pas si...
Sa voix se brise presque, la laissant vulnérable devant lui. Jonathan avance d'un pas, effleurant presque sa main. Son regard est intense, brûlant d'une tendresse qui la fait fondre sur place.
— S'il te plaît ? murmure-t-il, ses mots chargés de désir et d'espoir.
Comment pourrait-elle résister ? Son regard, son sourire, ses mots... Tout en lui appelle cette partie d'elle qu'elle croyait endormie. Une partie qui aspire à la liberté, à l'amour, à l'imprévisible. Elle hésite encore, mais au fond d'elle, elle sait déjà que la réponse est là, quelque part, dissimulée entre ses battements de cœur trop rapides. Leurs regards s'accrochent, suspendus dans l'instant, comme si tout ce qu'il y avait en dehors de cette pièce n'existait plus.
— D'accord, murmure-t-elle enfin, à peine audible. Mais ce simple mot suffit à briser le fragile équilibre qu'elle tentait de maintenir.
Jonathan ne sourit pas cette fois, ses yeux brillent d'une émotion plus profonde. Il la serre dans ses bras et Nelly hume en fermant les yeux cet odeur de menthe et de citron vert qu'elle aime tant. Elle se dégage de cette étreinte, mal à l'aise.
— Je... je dois y aller.
Arrivée devant chez Leticia, Nelly coupe le moteur et laisse échapper un soupir long et fatigué. Elle pose sa tête sur le volant, submergée par une vague d'émotions incontrôlables. Son cœur semble sur le point d'exploser, son esprit assailli par le poids de ses actions récentes. Comment a-t-elle pu en arriver là ? Son univers menace de s'effondrer... et c'est entièrement de sa faute.
Elle prend une grande inspiration, essayant de se calmer, mais rien ne semblait pouvoir effacer cette sensation d'être sur le point de tout perdre. Finalement, elle expire bruyamment et ouvrit la portière. Le froid de la nuit la saisit, ajoutant une autre couche de frisson à ceux causés par son anxiété.
— Hello la compagnie ! lance-t-elle en forçant un enthousiasme qu'elle ne ressent pas en franchissant la porte d'entrée.
— Chut ! Nel, enfin ! Louis dort ! réplique Leticia, visiblement agacée, tout en ajustant un coussin sur le canapé.
Nelly se fige, son sourire forcé s'évanouit immédiatement. Une vague de culpabilité monta en elle, lui rappelant que même dans les choses simples, elle ne fait plus rien correctement.
— Désolée... murmura-t-elle, en jetant un coup d'œil vers le couffin où dort son fils.
Son cœur se serre en pensant à Louis, cet innocent qu'elle aime plus que tout, mais qu'elle sent incapable de protéger de sa propre confusion. Qu'adviendra-t-il de lui si elle cédait au charme de Jonathan... si elle ne parvient pas à se contrôler.
Leticia la dévisagea longuement, les sourcils froncés, percevant immédiatement que quelque chose ne va pas.
— Tout va bien ? demande-t-elle, son regard perçant et inquiet.
— Oui, oui, tout va bien, répond Nelly avec précipitation, mais elle sait que sa voix tremble légèrement, la trahissant.
Leticia ne la lâche pas du regard. Puis, son expression change subtilement, une ombre de malice apparait dans ses yeux.
— Qu'est-ce que c'est ça ? demande-t-elle en pointant le menton de Nelly du doigt.
Le cœur de Nelly fait un bond. Elle sent une chaleur monter brusquement à ses joues et, par réflexe, elle porte la main à son cou.
— Quoi ? Quoi ? balbutie-t-elle, son cœur battant à tout rompre.
Elle se tourne précipitamment vers le miroir de l'entrée et ce qu'elle y voit confirme ses craintes. Là, sur la jonction entre son menton et son cou, de légères marques rouges apparaissent discrètes mais bien présentes. Elle sent une vague de panique la submerger.
— Oh, merde ! souffle-t-elle en reculant d'un pas. Ça partira jamais...
Leticia hausse un sourcil, les bras croisés.
— Pourquoi tu veux les faire partir ? Qu'est-ce que tu t'es fait ? Tu... oh mon Dieu... NON ! s'exclame Leticia, ses yeux s'agrandissant brusquement sous l'effet de la surprise.
— Chut ! rétorqua Nelly dans un chuchotement précipité, en levant une main vers son amie. Louis dort !
— Tu as couché avec Jonas ! explose Leticia en sautillant sur place, incapable de contenir son excitation.
Nelly, rouge jusqu'aux oreilles, se met à secouer la tête frénétiquement.
— Mais non ! Arrête de divaguer. J'ai...
Elle cherche désespérément une excuse, une échappatoire.
— J'ai juste une marque à cause d'un masque au boulot !
Leticia la regarde avec un sourcil levé, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres.
— Un masque ? Vraiment ? dit-elle, visiblement amusée par la tentative maladroite de son amie.
Nelly soupire, battue. Elle passe une main nerveuse dans ses cheveux, résignée.
— Très bien, ce n'est pas un masque, avoue-t-elle enfin, la voix basse et lourde de honte. Tu crois qu'il va s'en apercevoir ?
Leticia fronce les sourcils, sa curiosité piquée à vif.
— Qui ça ? demanda-t-elle.
— Mais Bertrand enfin ! Il rentre ce soir. Je dois me dépêcher.
Leticia éclate de rire, un rire franc et moqueur.
— Parce que Bertrand te regarde encore ? lance-t-elle avec une pointe de sarcasme.
Nelly s'arrête net, abasourdie par cette remarque. Elle ouvre la bouche pour répliquer, mais les mots restèrent coincés. La vérité de cette simple phrase la frappe de plein fouet.
— Je... commence-t-elle, mais Leticia l'interrompt, son expression devenant soudain plus sérieuse.
— Nelly, il ne verra rien.
Elle s'approche de son amie et l'observe de plus près.
— C'est à peine visible.
Puis, avec un sourire taquin, Leticia claque des mains et sauta presque sur place.
— Une marque de barbe de trois jours, trop sexy ! Hiii ! s'extasia-t-elle, ses yeux pétillant de malice.
Nelly roule des yeux, agacée par l'enthousiasme enfantin de son amie, mais un petit sourire en coin échappe malgré elle à ses lèvres. Son cœur est en désordre, mais la légèreté de Leticia lui permet de respirer, ne serait-ce qu'un instant.
— Arrête, ce n'est pas drôle, souffla Nelly en secouant la tête. C'était une erreur et...
Mais avant qu'elle ne puisse finir sa phrase, Leticia pose un doigt sur ses lèvres.
— Hors de question que tu achèves cette phrase, déclare-t-elle, son ton soudain sérieux et ferme. Ne te fais pas de mal.
Puis, sans un mot de plus, Leticia se dirige vers le coin où dormait Louis, le détache doucement et le tendit à Nelly.
— Rentre chez toi, dit-elle doucement. Va voir Bertrand, mais...
Elle plongea ses yeux dans ceux de Nelly, son regard plein de compassion.
— Vie, Nel. Ne t'oublie pas dans tout ça.
Nelly reste figée, ses bras entourant son fils. Les mots de Leticia résonnent en elle, touchant quelque chose de profond. Vivre. Ne pas s'oublier. Mais comment faire, quand tout semble si compliqué, quand elle se sent perdue entre le devoir et le désir, entre le passé et le présent ?
Elle hoche la tête, incapable de parler, et Leticia lui offre un dernier sourire avant de s'éloigner dans la maison.
Seule, sur le pas de la porte, Nelly se sent soudain vulnérable, comme si le poids du monde reposait sur ses épaules. Elle prend une grande inspiration, ajuste Louis contre elle et descend les marches du perron.
Le plus dur restait à venir...
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