Chapitre 6 bis

Nelly fixait le maire d'un regard perçant, sa voix vibrante de détermination. Sa mâchoire crispée et ses poings serrés trahissaient une colère contenue, une frustration accumulée depuis des jours. Elle ne voulait pas voir son travail réduit à un simple coup médiatique, surtout pas avec un homme comme Jonas Dupré.

Le maire, déconcerté par l'intensité de sa réaction, hocha la tête lentement, plus par réflexe que par véritable conviction. Son sourire, autrefois assuré, s'était transformé en une grimace figée, ses yeux cherchant un échappatoire dans la pièce.

— Je... je vous laisse réfléchir, Nelly.

Il déglutit difficilement, ses mains moites froissant légèrement les papiers qu'il tenait.

— Réfléchissez au bien que cette intervention pourrait apporter à l'école.

Il tenta un sourire conciliant, sans grande réussite.

— Il arrivera en France fin août, mais il passera d'abord par Paris et Bordeaux pour des interviews...

— Bah, tiens... répondit-elle, les dents serrées, incapable de masquer son sarcasme.

Elle croisa les bras, son regard perçant transperçant Karim.

« Le petit coq » a besoin de se faire bien voir avant de débarquer ici, pensa-t-elle, sentant une vague d'amertume monter en elle.

Pourquoi Jonas Dupré ? Pourquoi cet homme, célèbre pour ses frasques autant que pour son talent, choisissait-il soudain leur petit village pour se ressourcer ? Pourquoi ici, de tous les endroits sur Terre ? Elle ne pouvait s'empêcher de se demander s'il cherchait simplement à redorer son image auprès des médias en s'associant à une école de théâtre discrète et paisible.

— Pourquoi nous ? murmura-t-elle pour elle-même, son esprit embrouillé par une multitude de questions.

Elle lança un coup d'œil au maire, qui semblait pressé de quitter la pièce. Karim savait que convaincre Nelly ne serait pas une mince affaire, mais il s'était sûrement attendu à moins de résistance. Il esquissa un dernier sourire crispé avant de faire demi-tour.

— Réfléchissez-y.

Ce furent ses derniers mots avant de disparaître, la porte se refermant doucement derrière lui.

Le silence retomba brusquement dans la pièce, aussi lourd que la tension qui venait de s'y dérouler. Nelly poussa un soupir exaspéré, sentant son corps tout entier se tendre d'irritation. Ses pensées tournaient en boucle, une cacophonie de doutes et d'agacements. Elle se laissa tomber sur sa chaise, mais l'idée de replonger dans son travail semblait soudain impossible. La présence oppressante de cette décision pesait sur ses épaules, la détournant de tout autre objectif.

Pourquoi ce village ? La question s'infiltrait dans chaque recoin de son esprit. Jonas Dupré avait des opportunités à la pelle, alors pourquoi choisir leur petite communauté tranquille ? Il ne pouvait pas aller semer la zizanie ailleurs ? Elle avait l'impression que des années de travail allait s'envoler en fumé en un rien de temps. Elle ressentit un pincement dans sa poitrine, une angoisse sourde qui montait à l'idée de voir ce monde qu'elle avait patiemment bâti envahi par des paparazzis et des curieux.

Elle repoussa son ordinateur d'un geste agacé, se leva brusquement, et se mit à arpenter son bureau, comme un lion en cage. Ses doigts passaient nerveusement sur le bord des meubles, effleurant les dossiers sans vraiment les regarder. Chaque coin de la pièce lui rappelait le travail acharné qu'elle avait accompli pour faire de cette école un lieu reconnu, un refuge pour les âmes créatives... Pas un terrain de jeu pour une célébrité en quête de rédemption.

Elle saisit un stylo qui traînait sur le bord de son bureau et commença à le faire tourner entre ses doigts. Mais, plus elle y pensait, plus ses gestes devenaient saccadés et impatients. Au bout d'un moment, le stylo glissa de sa main et tomba sur le sol avec un léger bruit. Nelly grogna, frustrée, et porta une main tremblante à son visage. Elle voulait crier. Elle voulait évacuer cette frustration qui grondait en elle comme un orage sur le point d'éclater. Comment pouvait-on lui imposer cette situation, alors que tout allait bien ? Jonas Dupré était exactement ce dont elle n'avait pas besoin : un perturbateur, un aimant à problèmes.

Elle tenta de reprendre son souffle, mais son cœur battait la chamade, comme s'il refusait de se calmer. Ses yeux se posèrent sur son bureau, mais l'idée de replonger dans ses écrits lui semblait soudain absurde. Rien ne tiendrait debout, pas dans cet état. Elle se laissa tomber lourdement sur sa chaise, fixant un point invisible sur le mur en face d'elle, perdue dans ses pensées.

Après quelques instants, elle soupira profondément. Inutile de s'acharner. Elle jeta un regard circulaire à son secrétaire en désordre après l'orage qui venait de s'abattre en elle. Peut-être ranger un peu l'aiderait à reprendre le contrôle ? Elle commença à empiler quelques papiers, à replacer les objets éparpillés un peu partout. Mais malgré ses efforts, son esprit continuait de vagabonder vers Jonas Dupré, vers cette menace imprévue qu'il représentait. L'ordre retrouvé sur son bureau n'apaisa en rien le chaos dans sa tête.

Finalement, elle abandonna la bataille, attrapa son sac, et se dirigea vers la porte. Il était inutile de rester ici plus longtemps à ruminer. Peut-être que passer du temps avec son fils et sa meilleure amie, l'aiderait à se vider l'esprit.

Elle ferma doucement la porte derrière elle, mais son cœur restait lourd, et les pensées de Jonas Dupré flottaient toujours, quelque part, menaçantes.

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