Chapitre 59
Jonathan se met à la chatouiller doucement, et le rire éclate, léger et insouciant, entre eux. Pendant un instant, toutes les tensions s'évaporent, et ils retrouvent cette complicité si naturelle qui les unissait autrefois. Leurs rires s'entremêlent, emplissant la pièce d'une chaleur bienveillante. C'est comme s'ils étaient de retour dans un passé plus simple, où la seule chose qui comptait était leur amour.
Dans un élan impulsif, Jonathan se penche au-dessus de Nelly, maintenant ses poignets délicatement à l'aide d'une seule main, tout en plongeant son regard dans le sien. Leurs souffles se mélangent, et son expression devient plus intense. Ses yeux, d'un bleu profond, la fixent avec une telle passion que Nelly sent son cœur battre plus fort, presque douloureusement. Il place ses mains de part et d'autre de ses hanches, comme s'il cherchait à imprimer ce moment dans sa mémoire, à la garder près de lui pour toujours. Son désir pour elle est palpable, une force qu'il ne peut plus contenir.
Leur proximité électrise l'air. Nelly lutte intérieurement, ses mains se crispant légèrement contre le sol, cherchant à lui résister. Pourtant, sa résistance est mince, fragile, comme une brume qui se dissiperait au moindre souffle. Au fond, elle sait qu'elle n'a plus vraiment envie de lutter. Mais quelque chose, une part d'elle plus rationnelle, tente encore de maintenir une barrière.
— Nelly Dudressie, je t'aime, souffle-t-il, sa voix empreinte de vulnérabilité et de détermination. Et je ferai n'importe quoi pour te récupérer.
Ces mots frappent Nelly de plein fouet, comme un coup inattendu. Son souffle se coupe, son cœur tambourine contre sa poitrine. Elle détourne le regard, ne pouvant supporter la profondeur de ce qu'il vient de dire. Comment répondre à une telle déclaration, quand tout en elle est en désordre, tiraillée entre le passé et le présent ?
Jonathan, sentant son hésitation, refuse de la laisser s'échapper. Il attrape doucement son visage entre ses mains, ses paumes chaudes contre ses joues froides, l'obligeant à revenir à lui. Son regard est intense, mais tendre.
— Non ! Regarde-moi, je t'en prie, murmure-t-il avec une autorité douce mais ferme. Ne fuis pas, pas cette fois.
Il l'aide à se redresser, la ramenant à genoux face à lui.
— Je n'ai jamais ressenti autant d'amour et de passion pour quelqu'un d'autre, Nelly.
Sa voix se brise légèrement, trahissant toute la sincérité de ses émotions.
— J'ai rencontré d'autres femmes, surtout depuis que...
Il marque une pause, cherchant ses mots.
— Depuis que mon apparence a changé, que tout le monde semble vouloir un morceau de moi. Mais toi...
Il passe doucement son pouce sur sa joue.
— Tu es la seule. Unique. Et tu le seras toujours.
Nelly sent les larmes lui monter aux yeux. La force des mots de Jonathan réveille en elle des émotions qu'elle croyait enfouies, ou tout du moins bien contrôlées. Peut-elle encore nier ce qu'elle ressent ? Peut-elle vraiment tourner le dos à ce qu'ils ont partagé, à ce qu'ils pourraient encore avoir ?
Mais avant qu'elle puisse répondre, un bruit résonne dans la maison, brisant l'intimité du moment.
— Y'a quelqu'un ?
Nelly sursaute. La réalité les rattrape, impitoyable. Jonathan, aussi, se fige, son visage se crispant d'un coup.
— Merde, le cours ! murmure-t-il en serrant les dents.
La magie du moment s'évanouit aussi vite qu'elle était apparue. Nelly, le cœur battant, se dégage rapidement des bras de Jonathan. Elle tente de se recoiffer maladroitement, les mains tremblantes, les joues rougies autant par la gêne que par l'émotion. Elle lutte pour reprendre son souffle, pour retrouver une contenance, alors que son esprit tourbillonne encore sous le poids de ce qu'elle vient de vivre.
Jonathan, voyant son trouble, s'approche doucement. Il effleure sa nuque du bout des lèvres, dans un geste tendre, protecteur.
— Je m'en occupe, murmure-t-il contre sa peau. Viens quand tu te sens prête.
Il lui laisse une dernière caresse, un baiser à peine déposé, puis il se redresse, se détachant à contrecœur de cette bulle intime qu'ils avaient créée.
Il quitte la pièce avec un dernier regard, la laissant seule avec ses pensées, ses émotions encore à vif. Nelly reste là, immobile, le cœur lourd. Elle a besoin de temps, de comprendre ce qu'elle ressent vraiment, de démêler ce flot de sentiments contradictoires qui l'envahit.
Alors qu'elle entend Jonathan s'éloigner, elle porte une main à ses lèvres, où son baiser brûle encore.
Quelqu'un toque doucement à la porte. Nelly, plongée dans ses pensées, sursaute légèrement et tourne la tête pour voir Jean-Pierre passer timidement la tête dans l'entrebâillement. Son visage est marqué par l'âge, mais ses yeux brillent d'une gentillesse tranquille.
— Désolé, je voulais pas déranger... commence-t-il d'une voix douce.
Nelly, encore troublée par son rapprochement avec Jonas, force un sourire et l'accueille avec chaleur. Jean-Pierre fait partie de ces personnes qui apaisent par leur simple présence. Ses manières simples et son authenticité sont réconfortantes.
— Bonjour Jean-Pierre, l'invite-t-elle en se levant. Entre, entre. Justement, je voulais te parler !
Elle s'agite légèrement, cherchant à évacuer les souvenirs de Jonas qui tournoient encore dans son esprit.
— Attends, laisse-moi retrouver mes notes, dit-elle en fouillant rapidement sur son bureau.
Elle se concentre désormais sur la tâche à accomplir, son esprit s'accrochant à ce fil professionnel pour retrouver un peu de stabilité. Karim, le maire, avait promis de regarder la question du financement des cours pour Jean-Pierre et d'autres personnes dans sa situation. Nelly l'avait rencontré à ce sujet, et elle sentait qu'un compromis pourrait être trouvé.
— Alors, j'ai discuté avec le maire, commence-t-elle en s'asseyant, son ton redevenu calme. Il va aborder la question du financement lors de la prochaine réunion du CCAS. Ils envisagent une réduction des frais pour les personnes handicapées et âgées, mais... ça ne sera probablement pas en place avant l'année prochaine.
Elle lève les yeux vers Jean-Pierre, guettant sa réaction. Il a toujours été modeste, et elle sait qu'il n'aime pas l'idée de dépendre des aides, même si sa situation l'y pousse parfois.
Jean-Pierre, fidèle à lui-même, esquisse un petit sourire rassurant. Ses mains calleuses tordent la casquette qu'il tient entre ses doigts, un geste devenu automatique lorsqu'il se trouve dans l'embarras.
— T'en fais pas pour moi, Nelly. J'ai mis quelques économies de côté, au cas où ça devient vraiment difficile, mais... Il hésite, baissant légèrement la tête, j'aimerais bien éviter de taper là-dedans juste pour pouvoir vivre au quotidien.
Il y a une humilité touchante dans sa confession, une fierté silencieuse qu'il tente de préserver malgré les difficultés. Nelly sent une vague de compassion l'envahir. Jean-Pierre est un homme de peu de mots, mais chaque mot compte. Elle sait qu'il a travaillé toute sa vie au maraîchage dans un ESAT, se donnant corps et âme à son travail. Même bien au-delà de l'âge de la retraite, il avait continué, refusant de se laisser ralentir par les années.
— C'est tout à fait normal, lui répond-elle en souriant doucement, son regard empreint de tendresse. Après avoir travaillé si dur toute ta vie, c'est bien la moindre des choses que tu puisses vivre sereinement.
Elle pose alors sa main sur l'épaule de Jean-Pierre, un geste simple mais empli de respect. La chaleur humaine de Nelly est palpable, elle veut qu'il sache qu'il n'est pas seul dans cette lutte quotidienne.
— Merci... merci vraiment, Nelly. Il baisse les yeux, un peu ému. T'as toujours été là, depuis qu'on se connaît, et c'est pas rien. Cinq ans déjà, hein ? ajoute-t-il avec un sourire timide.
Nelly rigole doucement, un son léger qui semble apaiser l'atmosphère.
— Cinq ans, oui ! Je ne pouvais pas te laisser avec toutes ces inquiétudes sans rien faire, lui dit-elle, les yeux pétillants de bienveillance.
Jean-Pierre sourit plus largement cette fois, reconnaissant et soulagé. Sa gratitude est sincère, palpable, et Nelly la ressent comme un baume sur ses propres doutes et préoccupations.
— Allez, viens, dit-elle en lui tapotant l'épaule, rejoignons les autres. Il ne faudrait pas rater le cours.
Ensemble, ils quittent la pièce, unis par cette complicité qui s'est tissée au fil des années. Nelly sent le poids de ses propres problèmes s'alléger un peu, portée par ce lien de confiance et de solidarité qu'elle partage avec Jean-Pierre.
ESAT : établissements ou services d'aide par le travail
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