Chapitre 45

Alors que Nelly se dirige vers son bureau pour achever sa journée de travailler et s'éloigner de Jonathan, ce dernier la hèle :

— Nelly, attends !

Elle s'arrête net, la main encore sur la poignée, mais elle ne se retourne pas. La tension dans l'air est palpable, comme une corde sur le point de rompre. Jonathan se précipite, sa main blessée venant bloquer la porte qu'elle tente de refermer. Il retient une grimace, mais ne la laisse pas s'échapper. Ses yeux sont remplis d'une intensité qui la fait frissonner malgré elle.

— On peut discuter ? Son ton est pressant, presque désespéré.

Nelly, figée, finit par se tourner vers lui, ses yeux brillants de colère.

— De quoi ? rétorque-t-elle d'une voix acerbe, cherchant à maintenir une façade de calme.

Jonathan hésite, comme si les mots pesaient trop lourd pour sortir. Il inspire profondément.

— De... de la pièce. De nous.

Ces derniers mots, bien que prononcés avec une certaine douceur, frappent Nelly de plein fouet. Elle rit amèrement, un rire sans joie, presque déchirant. Une grimace s'affiche sur son visage, tandis que le poids des années et des émotions refoulées lui pèsent à nouveau.

— La pièce est en effet inspirée de ma vie, commence-t-elle, ses yeux le transperçant. Je suis contente que tu l'aies lue et comprise. Qu'y a-t-il à dire de plus ?

Jonathan serre les dents, sa main glissant légèrement sur la porte, mais il ne la quitte pas du regard.

— Je t'ai écrit... Nelly. Je t'ai écrit, et j'ai pensé à toi chaque jour.

Ses mots sont emplis d'une sincérité presque déchirante, mais Nelly n'en croit pas un mot. Sa douleur est trop profonde, trop enracinée pour qu'elle puisse écouter. Une amertume lui monte à la gorge, et elle crache sa réponse, plus blessante qu'elle ne le voudrait :

— Mais bien sûr ! Sa voix tremble légèrement, trahissant la peine derrière son cynisme.

Jonathan recule d'un pas, surpris par la violence de sa réaction. Pourtant, au lieu de se taire, il explose, sa voix montant d'un cran.

— Pourquoi as-tu accepté ma venue si tu ne peux pas supporter la vérité ?

Nelly, blessée, fronce les sourcils. Une vague de souvenirs refait surface, chacun d'eux douleur vive dans son cœur. Elle s'apprête à répliquer, mais ses mots se bloquent dans sa gorge. Elle le regarde, abasourdie, ne sachant plus si elle doit fuir ou se battre. Le passé qu'elle croyait avoir enfoui revient, puissant et douloureux.

— Je ne savais pas que c'était... toi ! finit-elle par lâcher, presque dans un souffle.

Jonathan lève les yeux au ciel, exaspéré.

— Évidemment, tu n'as jamais cherché à savoir ce qu'il était advenu de moi !

Son accusation lui claque au visage comme une gifle. La douleur de l'abandon, cette blessure qui ne s'est jamais vraiment refermée, revient en elle avec une intensité qu'elle peine à contenir.

— Tu plaisantes ?! s'insurge-t-elle, c'est toi qui ne m'as jamais contactée !

Jonathan avance d'un pas, son visage se durcissant.

— Ne dis pas n'importe quoi, Nelly. La mauvaise foi ne te va pas du tout !

Nelly sent son souffle s'accélérer. Les mots de Jonathan tournent en boucle dans sa tête, mais aucun n'a de sens. La situation lui échappe. Son cœur bat si fort qu'elle le sent pulser dans ses tempes, un mélange d'excitation, de rage et de tristesse. Pourquoi ? Pourquoi revient-il maintenant ? Pourquoi tout est-il si compliqué avec lui ?

Elle ouvre la bouche, cherchant désespérément une réponse cinglante. Mais rien ne vient. Elle se sent faible, désarmée face à lui, face à tout ce qu'il représente. Il est Jonathan, mais il est aussi Jonas, et elle ne sait plus qui il est, qui elle-même est dans ce chaos.

Jonathan semble vouloir reprendre la parole, mais elle explose avant lui, la voix brisée par des émotions qu'elle ne parvient plus à contenir :

— C'est toi qui racontes n'importe quoi ! hurle-t-elle, les larmes aux bords des yeux. Tu m'as abandonnée !

Sa voix tremble, sa colère se mêle à une tristesse immense. Les souvenirs, qu'elle a tenté de fuir, s'emparent d'elle, remontant à la surface, plus vivaces que jamais.

Jonathan, déstabilisé par la violence de ses mots, se frotte nerveusement le front avec sa main libre.

— C'est faux ! Archi-méga-faux !

Sa voix aussi monte, mais il semble aussi désarmé qu'elle, pris dans ce tourbillon d'émotions. Il tente de reprendre son souffle, mais ses propres souvenirs le submergent. Des années de silence, des années d'attente, et pourtant, le fossé entre eux ne fait que grandir.

Le vent doux de la fin d'après-midi caressait doucement les cheveux de Nelly, mais elle n'y prêtait pas attention. Le monde autour d'eux semblait s'effacer, laissant seulement Jonathan et elle, dans cet instant suspendu. Ses yeux cherchaient les siens, comme pour vérifier qu'elle n'était pas en train de rêver. Et puis, soudain, il brisa le silence.

— Je t'aime, déclara Jonathan, un sourire radieux aux lèvres, révélant son appareil dentaire, légèrement mal ajusté, mais qu'elle trouvait adorable.

Il avait ce sourire qui illuminait tout son visage, qui faisait fondre toutes ses défenses, un sourire qu'elle n'avait jamais pu oublier. Le cœur de Nelly fit un bond. Ses lèvres tremblèrent. Elle sentit son souffle se couper un instant, sa poitrine se serrer, mais c'était une douce douleur, une sensation qu'elle n'avait pas ressentie depuis longtemps. Elle voulait y croire, mais en même temps, la peur, cette peur sourde d'être blessée à nouveau, resurgissait au fond d'elle.

— Vrai ? murmura-t-elle, sa voix à peine audible, comme si poser cette question à haute voix risquait de rompre la magie de l'instant.

Elle avait besoin d'entendre sa réponse, une promesse qui dissiperait tous ses doutes.

Jonathan ne cilla pas, son regard planté dans le sien, plein de certitude et de tendresse. Il s'approcha lentement d'elle, réduisant la distance qui les séparait, son sourire toujours présent, mais plus doux, plus intime.

— Archi-méga-vrai, rétorqua-t-il en reprenant leurs mots d'antan, ceux qu'ils utilisaient quand ils étaient plus jeunes, quand tout était plus simple, avant que la vie ne les sépare.

Il ouvrit les bras et l'enlaça doucement, comme si elle était quelque chose de précieux qu'il ne voulait plus jamais laisser partir. Nelly sentit tous ses doutes fondre, son corps se détendre contre le sien, comme si tout reprenait enfin son sens. Elle ferma les yeux, se laissant envelopper par sa chaleur, par cette sensation de sécurité qu'elle avait presque oubliée. Elle inspira profondément, capturant son odeur, mélange subtil de shampoing et d'un parfum boisé qu'elle reconnaîtrait entre mille.

— Pour toujours ? souffla-t-elle contre son torse, presque comme une prière.

Elle voulait cette promesse, cette garantie qu'il ne repartirait plus, qu'il ne la laisserait plus jamais seule avec ses blessures et ses regrets. Ses mains se resserrèrent autour de sa taille, ne voulant pas que cet instant s'échappe. Elle était à la fois vulnérable et remplie d'espoir.

Jonathan caressa tendrement ses cheveux, son souffle chaud effleurant son front. Il la serra un peu plus fort, comme s'il pouvait, par ce geste, lui transmettre toute la sincérité de son cœur.

— Pour toujours, murmura-t-il avec une conviction profonde, ses lèvres effleurant doucement le haut de sa tête.

Les mots résonnèrent en elle comme une promesse éternelle, une promesse qu'elle avait toujours rêvé d'entendre de sa part. Les larmes lui montèrent aux yeux, des larmes de soulagement, de bonheur, de ce mélange confus de tout ce qu'elle avait refoulé pendant des années. Elle resta contre lui, écoutant les battements réguliers de son cœur sous sa joue, chaque battement comme un écho à ses propres émotions.

— Je t'aime aussi, finit-elle par murmurer, sa voix brisée par l'émotion.

Elle sentit Jonathan sourire contre ses cheveux, et un rire léger s'échappa de lui. Pas un rire moqueur, non. Un rire empli de bonheur, de ce bonheur simple et pur qu'ils pensaient avoir perdu mais qui venait de renaître, comme une flamme trop longtemps étouffée.

Jonathan, voyant les larmes qui remplissent les yeux de Nelly, ressent un mélange d'impuissance et de désespoir. Son regard se trouble, lui qui d'habitude semble toujours sûr de lui, fort et confiant. Mais là, dans cet instant de fragilité, il est aussi perdu qu'elle. Ses doigts tremblent légèrement alors qu'il tend la main vers elle, cherchant un contact, un ancrage, quelque chose à quoi se raccrocher.

— Nelly..., murmure-t-il d'une voix faible, presque un souffle, chargé d'une tendresse qu'il n'arrive plus à contenir. Il veut qu'elle sache. Il a besoin qu'elle sache ce qu'il ressent, ce qu'il a toujours ressenti.

Sa voix a changé, elle est douce, vulnérable, presque implorante. Il n'a jamais été aussi désarmé, aussi transparent devant elle. Lui, qui d'habitude semble tout maîtriser, ne sait plus comment faire face à ce qu'il voit dans ses yeux – toutes les années de douleur non dite, les non-dits qui les ont séparés, les regrets qui pèsent lourd sur leurs cœurs.

Mais Nelly détourne le regard, son corps tout entier tendu comme un ressort prêt à céder. Elle ne veut pas qu'il voie ses larmes, elle ne veut pas qu'il touche cette partie d'elle qu'elle a mis tant de temps à protéger. Pourtant, malgré tous ses efforts, une larme solitaire roule le long de sa joue, et elle la sent, brûlante, incontrôlable. Elle essuie sa joue d'un revers de main, mais c'est trop tard, elle s'est trahie.

— Nelly, s'il te plaît..., Jonathan fait un pas vers elle, son visage marqué par la douleur de la voir ainsi.

Il veut la réconforter, effacer cette souffrance. Mais le passé est lourd, si lourd, et maintenant qu'ils sont face à lui, toutes les vérités enfouies, tout ce qu'ils n'ont jamais osé se dire les submerge. Elle ferme les yeux un instant, luttant contre le flot d'émotions qui menace de l'emporter. Elle ne peut pas céder, elle ne peut pas se permettre de retomber dans cette tempête, pas après tout ce qu'elle a traversé. Trop de risques. Trop de douleur. Son cœur bat à tout rompre, tambourinant dans sa poitrine comme s'il allait exploser.

Alors, quand Jonathan tente de s'approcher encore, ses doigts frôlant presque sa peau, Nelly réagit par instinct. Elle lève la main brusquement, giflant la sienne pour l'éloigner. Ce contact la brûle. Elle ne peut pas, elle ne veut pas être faible devant lui. Pas maintenant. Pas après tout ce qu'elle a enduré.

Non ! hurle-t-elle intérieurement, sans réussir à trouver les mots pour l'exprimer.

Jonathan recule légèrement, décontenancé par son geste. Son regard reflète un mélange de tristesse et de confusion. Il la comprend, au fond, il sait qu'il l'a blessée, mais la voir si effrayée par ce qu'ils pourraient encore être ensemble lui fait mal, plus mal que toutes les années de silence qu'ils ont traversées.

Les émotions de Nelly se heurtent dans sa poitrine, une tornade de souvenirs et de sentiments refoulés, un poids qu'elle ne peut plus porter. Le souffle court, elle se sent piégée, comme un oiseau enfermé dans une cage dont elle n'arrive plus à s'échapper. Tout en elle crie de fuir, de mettre de la distance entre eux, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'elle ne s'effondre complètement. Sans un mot de plus, elle se détourne brusquement, les larmes brouillant sa vue, et s'élance vers la porte.

Ses pas résonnent sur le sol, rapides, précipités, un écho de son besoin désespéré de s'échapper. Jonathan, figé par la scène, ne fait rien pour la retenir, comme s'il réalisait que, cette fois, elle avait besoin de fuir. Que le combat en elle était trop intense pour qu'il puisse l'aider.

La porte claque derrière elle, et le silence retombe brutalement dans la pièce, coupant l'air comme une lame. Jonathan reste là, seul, son cœur battant à un rythme effréné. Il passe une main tremblante dans ses cheveux, tentant de reprendre son souffle. Dans sa tête, tout tourne en boucle : sa douleur, ses regrets, et ce moment manqué, encore une fois.

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