Chapitre 4 bis
— Nel ? Ça va ?
La voix inquiète de Leticia la ramène brusquement à la réalité. Nelly sursaute, perdue un instant dans ses pensées, avant de réaliser que son fils, Louis, pleure doucement dans son berceau. Une vague de culpabilité la traverse alors qu'elle se précipite vers lui, son cœur battant plus fort. Elle s'était encore laissée emporter par ses souvenirs... et pendant ce temps, son petit garçon avait besoin d'elle.
— Là, là... murmure-t-elle d'une voix douce et rassurante en se penchant au-dessus du berceau, les mains tremblantes d'un amour infini. Maman est là, mon ange, souffle-t-elle tout en glissant ses bras sous le corps chaud de son bébé pour le soulever avec précaution.
Dès qu'elle le serre contre elle, le nourrisson cesse de pleurer, nichant sa petite tête dans le creux de son cou. Nelly l'embrasse délicatement sur le front, sentant son parfum de lait et de bébé, une odeur qui lui apporte toujours une paix immédiate. Elle le berce doucement, ses lèvres effleurant son crâne tout doux, comme pour lui rappeler qu'elle serait toujours là, quoi qu'il arrive.
— Coucou, toi ! s'exclame Leticia, tout sourire en voyant son filleul. Donne-le-moi, que je le nourrisse, mère ingrate ! plaisante-t-elle, ses yeux pétillants de malice.
Nelly secoue la tête avec un petit rire, touchée par la familiarité de leur échange. Leticia a toujours su comment la faire sourire, même dans les moments les plus tendus. Elle lui tend Louis avec précaution, le regard brillant de tendresse, puis se dirige vers le rez-de-chaussée pour préparer le biberon.
Dans la cuisine, le silence n'est plus pesant, mais apaisant. Nelly respire profondément, essayant de se recentrer. Elle ouvre l'armoire, prend la boîte de lait en poudre, et commence à préparer le biberon avec des gestes précis, presque mécaniques. Le clapotis de l'eau qui remplit le biberon est presque réconfortant, comme une routine bien ancrée qui lui permet de rester connectée à la réalité.
Une fois le biberon chaud, elle en teste la température sur le dos de sa main, comme elle l'a fait des dizaines de fois. Le liquide est parfait, ni trop chaud, ni trop tiède. Elle retourne dans le salon et tend le biberon à Leticia.
— Merci, nourrice attitrée, plaisante-t-elle, un sourire doux aux lèvres.
Leticia prend le biberon avec un clin d'œil malicieux, puis commence à nourrir Louis avec un mélange de douceur et de naturel. Nelly s'appuie contre l'évier, ses bras croisés sur la poitrine, observant la scène. La vue de son amie tenant son fils lui réchauffe le cœur, et elle ressent une profonde gratitude pour cette amitié si précieuse.
— Alors... commence Nelly, brisant le silence alors qu'elle observe son amie donner le biberon. Et ce... Jonas, il vient pour quoi ?
Leticia lève un sourcil, un sourire malicieux aux lèvres, comme si Nelly venait de poser la question la plus ridicule du monde.
— Bah ! s'exclame-t-elle, faussement outrée. Tu ne sais vraiment pas ?
— Non. Je devrais ? répond Nelly, une pointe de curiosité dans la voix.
Leticia roule des yeux exagérément, comme si elle ne comprenait pas comment son amie pouvait être si déconnectée.
— Bah, étant donné le boulot de celui qui te sert de mari... commence Leticia, un ton sarcastique s'infiltrant dans sa voix.
Nelly fronce les sourcils et pousse un petit grognement en levant les yeux au ciel. Le nom de son mari lui fait toujours l'effet d'une petite brûlure, une piqûre subtile mais bien réelle.
— Leti... grogne-t-elle. Garde ça pour toi, tu veux ?
— Je n'ai rien dit ! rétorque Leticia en levant les yeux au ciel, mais son sourire trahit son amusement. Bref... c'est cool qu'il vienne en France, non ?
— Oui. C'est bien pour lui.
Nelly hausse les épaules, son ton légèrement désinvolte. Leticia prend une grande inspiration avant de lui donner enfin la réponse, impatiente de partager son scoop.
— Surtout qu'il va venir... ici !
— Par « ici » tu veux dire dans la région ? demande Nelly, une pointe d'inquiétude montant en elle. À Bordeaux ?
— Non, non ! réplique Leticia, son sourire s'agrandissant jusqu'aux oreilles. Ici, ici ! À Saint-Jean-d'Illac !
Le cœur de Nelly manque un battement. Saint-Jean-d'Illac... pourquoi ici, exactement ici ? Elle essaie de cacher son trouble, mais ses pensées tourbillonnent déjà. Ce nom, Jonas Duprés, résonne en elle comme une cloche lointaine, mais une cloche qui fait vibrer quelque chose de profond en elle, un écho du passé qu'elle ne peut pas ignorer.
— Mais qu'est-ce qu'il viendrait fiche là ? demande-t-elle, essayant de garder un ton neutre tout en reprenant doucement Louis des bras de Leticia. Saint-Jean-d'Illac, sérieusement ?
Elle tapote doucement le dos de Louis, guettant le petit rot qui viendrait lui signaler que tout va bien, mais son esprit s'échappe déjà, comme happé par une inquiétude sourde qui s'infiltre doucement dans ses pensées. Une angoisse ancienne, enfouie depuis des années, commence à s'agiter, comme un serpent endormi se déroulant lentement sous sa peau, glissant dans ses veines. Le nom Duprés résonne dans son esprit, une répétition insidieuse qui fait remonter des souvenirs qu'elle croyait oubliés, ou du moins bien enfouis.
Et si Walid avait fait appel à cet homme ? La question traverse son esprit avec une froideur déstabilisante. Elle secoue la tête, cherchant à se rassurer, à se convaincre que cette idée est ridicule.
Non, impossible, se murmure-t-elle, comme pour apaiser ce frisson de peur qui la parcourt.
Walid n'aurait pas osé, il n'aurait jamais fait une chose pareille. Pourtant, l'idée refuse de disparaître, s'enracinant lentement dans son esprit. Son cœur se serre, douloureusement, une contraction qui laisse à peine passer l'air dans ses poumons. Et puis ce nom... Elle sent un léger vertige la prendre
— Comment tu écris « Dupré » ? demande-t-elle brusquement, sa voix plus tendue qu'elle ne l'aurait voulu.
Leticia pouffe de rire, ne saisissant pas la gravité du moment. Pour elle, Nelly est simplement en train de divaguer, de se perdre dans des pensées farfelues, comme elle le fait parfois. Son rire est léger, insouciant, mais elle joue le jeu, prête à satisfaire la curiosité de son amie.
— D, U, P, R, É... énonce Leti, articulant chaque lettre avec soin, comme si elle récitait une comptine.
Nelly attend la suite, attend ce « S » qui ferait toute la différence, qui confirmerait ou infirmerait cette angoisse naissante. Mais le "S" ne vient pas.
Son cœur manque un battement. Elle fronce les sourcils, confuse, et pourtant, un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres. C'est un instant de répit, mais elle sait que l'inquiétude ne s'en ira pas aussi facilement. Elle veut croire que ce n'est qu'une coïncidence, que ce nom ne signifie rien d'autre qu'une vague similarité avec un passé qu'elle tente d'oublier. Mais la peur, insidieuse, est là, tapie dans l'ombre de ses pensées.
— Ça ressemble à un nom français, hein ? s'enthousiasme Leti avec son éternel sourire, ignorant complètement la tourmente intérieure de son amie. Tu penses qu'il est né en France ?
Elle ponctue sa question d'un petit clin d'œil, pleine d'énergie et d'optimisme.
— Il est très secret sur sa vie. La seule chose qu'on connaît vraiment, c'est le nombre de ses conquêtes, ajoute-t-elle avec un ton taquin.
Nelly sourit, mais le sourire ne parvient pas jusqu'à ses yeux. Leticia ne se doute de rien, de cette guerre intérieure qui secoue Nelly, des souvenirs qu'elle essaie de repousser. Elle regarde son amie, envieuse, de sa légèreté, de cette capacité à tout voir à travers un filtre de romance et de glamour.
— Une nouvelle amoureuse dans le coin, alors ? plaisante Nelly, levant un sourcil avec une ironie forcée.
Elle veut jouer le jeu, faire comme si tout allait bien, comme si cette histoire n'était rien de plus qu'un divertissement, une curiosité pour Leti, mais pas pour elle.
Ce n'est pas lui. Ça ne peut pas être lui. Ça ne sera jamais lui. Il n'existe plus. Ce n'est pas lui, se répète-t-elle mentalement comme un mantra.
Pourtant, son cœur bat encore la chamade, incapable de se calmer. Chaque battement semble écho à cette peur qu'elle refuse de nommer, cette crainte que ce nom puisse être lié à des blessures anciennes, des secrets enfouis qui ne demandent qu'à refaire surface.
— Peut-être, répond Leticia, incapable de voir l'agitation intérieure de son amie. Il est sûrement là pour retrouver quelqu'un. Ce serait trop romantique, non ?
Romantique ? Pour Nelly, ce mot sonne creux à cet instant. Elle s'efforce de sourire, mais la chaleur habituelle est absente de son regard. Ses pensées flottent ailleurs, et Leticia, toujours dans son monde de rêveries, ne remarque rien. Elle est déjà plongée dans ses fantasmes, imaginant un destin digne d'un film, avec elle en premier rôle, bien entendu.
Nelly soupire intérieurement. Le monde de Leti est si simple, si insouciant. Comment lui expliquer qu'il y a des histoires bien plus sombres que celles que l'on voit à la télévision ? Des vérités que l'on préférerait oublier ? Elle pose un regard attendri sur Louis, encore niché contre son épaule, son souffle calme contrastant avec la tempête intérieure qui fait rage en elle. Lové contre elle, ses petites mains agrippées à son tee-shirt, ce petit être, rayonne et fait battre son cœur d'amour. La seule ancre qui la maintienne dans le présent, la seule chose qui la garde encore connectée à la réalité. Elle le serre un peu plus fort contre elle, cherchant un réconfort silencieux, un rappel qu'ici, maintenant, elle est en sécurité, du moins pour l'instant.
— Dans People mag, lance Leticia avec un enthousiasme non dissimulé, rien n'est encore divulgué, mais sur First Scoop, ils disent que Jonas est ici pour un « séjour de pénitence » !
— Rien que ça ? réplique Nelly, sceptique.
Le mot résonne dans l'esprit de Nelly, teinté de sarcasme. « Pénitence » ? Elle imagine déjà la caricature d'une star déchue, une âme tourmentée par sa notoriété, enfermée dans une spirale destructrice faite de drogues, de scandales, et de réhabilitations médiatiques. Une image trop familière dans le monde des célébrités.
L'espace d'un instant, elle ne peut s'empêcher de projeter cette vision sur Bertrand, son mari.
Et si un jour, c'était lui ? se demande-t-elle en frissonnant malgré elle.
Ce monde est si instable, si fragile. La célébrité peut tout offrir d'un côté et tout reprendre de l'autre. Nelly secoue la tête, essayant de chasser cette pensée terrifiante.
— Je serais là, se murmure-t-elle pour se rassurer. Je serais là...
Leticia, bien loin de ces réflexions sombres, continue de parler, le visage illuminé d'une lueur romantique.
— Et qu'a fait ce pauvre gars ? demande finalement Nelly, ses yeux suivant distraitement les mouvements de Leticia qui berce doucement Louis dans ses bras.
Leticia hausse les épaules, un léger sourire aux lèvres.
— Bonne question ! répond-elle, presque rêveuse. Je suis sûre qu'il traverse quelque chose de très dur.
Elle laisse un petit soupir échapper, comme si elle imaginait déjà le drame hollywoodien qui se cache derrière cette descente aux enfers.
Nelly, elle, n'est pas aussi indulgente. Elle fixe son amie, les sourcils légèrement froncés, son esprit tourné vers une réalité bien plus crue.
— Bien sûr... rétorque-t-elle, un brin sarcastique. À mon avis, c'est plutôt un souci de drogue, de violence conjugale, ou qui sait quoi encore ! Ce genre de stars ne sait plus comment gérer sa vie.
Leticia la regarde, choquée, les sourcils levés en signe de désapprobation. Elle serre un peu plus fort Louis, comme pour protéger son filleul des propos cyniques de sa mère.
— Oh, tu vois le mal partout ! proteste Leticia, vexée. Pourquoi est-ce que tu ne peux pas simplement imaginer qu'il est peut-être juste humain ? Qu'il a des faiblesses comme tout le monde ?
Nelly lève les yeux au ciel. Leticia a toujours ce don d'idéaliser les gens, de croire que tout le monde mérite une seconde chance, que sous les paillettes et les scandales, se cachent des âmes perdues à sauver. Mais Nelly, elle, a vu trop de réalités brutales pour se laisser bercer par ce genre de contes de fées.
— Je suis réaliste, ma chérie, c'est tout, répond Nelly, son ton plus doux mais ferme. Ce monde-là, celui des célébrités, il est dur, impitoyable. On en voit les dégâts chaque jour dans la presse.
Leticia secoue la tête avec une petite moue d'enfant boudeuse, mais ne réplique pas. Elle préfère rester dans son rêve que de se confronter aux vérités froides que Nelly lui sert.
— Allez, je vais faire quelques courses, annonce Nelly après un moment, sentant la tension dans l'air s'apaiser. Tu veux que je te dépose quelque part ?
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