Chapitre 38

Quelques jours plus tard... Vendredi soir.

— Nelly ! s'exclame Madeleine en ouvrant la porte avec un enthousiasme débordant, ses yeux pétillants de joie. Je suis si contente de te voir !

Nelly, en souriant, retire son manteau et fait un pas en avant pour étreindre sa cadette.

— On s'est croisées il y a quelque temps en faisant des courses, lui rappelle-t-elle doucement, sans vouloir freiner l'élan affectueux de sa sœur.

— Oui, je sais... mais...

Maddy s'arrête net, son regard se figeant sur l'épaule gauche de Nelly, une petite ride d'inquiétude apparaissant entre ses sourcils.

— Oh, tu t'es fait mal ?

Elle approche prudemment son doigt de l'endroit avec une douceur presque maternelle.

— Rien de grave, murmure Nelly en se dégageant subtilement du geste de Maddy. J'ai juste perdu contre une porte.

Son sourire est presque forcé, comme si elle voulait minimiser la situation, tout en sentant une gêne intérieure qu'elle ne voulait surtout pas partager. C'était si elle, toujours à tout tourner à la plaisanterie pour ne pas s'attarder sur ses propres blessures.

— Toi et ta maladresse ! plaisante Maddy, relâchant la tension de l'instant.

Elle sourit, ses yeux brillants de tendresse pour cette sœur qu'elle admire et surprotège parfois, même inconsciemment. Nelly rend son sourire, mais il y a une lueur fatiguée dans ses yeux, quelque chose que Maddy ne manque pas de remarquer.

— Alors, qu'est-ce qu'il y a ? Quelque chose ne va pas ? l'interroge Nelly qui a été convié pour un repas de famille « urgent » d'après son père.

— Non, non... tout va bien. Papa a fait du gratin de quinoa, mozzarella et tomate ! déclare Maddy avec un clin d'œil. Il pense à toi, tu as vu ?

Nelly rit doucement.

— Toujours... c'est un papa poule ! lance-t-elle en direction de la cuisine, sa voix se voulant plus enjouée qu'elle ne l'est réellement.

— Je t'ai entendue, ma princesse, répond leur père d'un ton affectueux en sortant la tête de derrière les fourneaux, un sourire chaleureux illuminant son visage. Comment vas-tu ?

Il s'approche, déposant un baiser sur le front de son aînée avec une tendresse inébranlable, puis un autre sur celui de Maddy. Son amour pour ses filles est presque palpable dans l'air, un amour qui a toujours été leur refuge.

— Ça va, papou, répond Nelly, sa voix douce mais teintée d'une certaine tristesse qu'elle peine à cacher.

Pendant que leur père retourne s'affairer dans la cuisine, Nelly en profite pour accrocher son manteau et se diriger vers le salon, où son fils joue joyeusement avec Léo et Zoé, les jumeaux de Madeleine. À la vue de son petit garçon, une chaleur envahit le cœur de Nelly, dissipant momentanément le poids qui pèse sur ses épaules.

— Qu'est-ce qu'ils grandissent vite ! constate-t-elle, sa voix pleine de tendresse en serrant Zoé contre elle, observant avec émerveillement les jumeaux.

— Oui, et tu verras, le tien aussi va pousser avant que tu ne t'en rendes compte, ajoute Maddy, un sourire complice aux lèvres.

— Arrête... soupire Nelly, feignant l'exaspération. Il commence déjà à vouloir marcher.

Ses yeux se perdent un instant sur son fils, une pointe de fierté mêlée d'inquiétude dans son regard. Le voir grandir si vite lui rappelle à quel point elle souhaite lui offrir une vie stable, pleine d'amour. Mais Bertrand... Bertrand a changé et ses absences ne facilite pas la stabilité...

Maddy capte l'ombre qui traverse le visage de sa sœur. Elle connaît cette expression, ce silence qui en dit long.

— Bertrand le sait ? demande-t-elle doucement, en penchant légèrement la tête, ses mots portés par un mélange d'empathie et de curiosité.

Nelly hausse les épaules en reposant Zoé dans le parc, comme si cette question était trop lourde pour elle à cet instant. Elle se sert un verre d'eau, espérant que le liquide froid apaise les pensées tumultueuses qui la hantent.

— Il est... occupé, finit-elle par lâcher, la voix un peu cassée.

Maddy, sentant la détresse de sa sœur malgré ses efforts pour la masquer, s'approche lentement. Elle pose une main réconfortante sur son bras, puis, sans un mot, l'attire dans ses bras. Nelly hésite un instant avant de céder à cette étreinte, son corps se relâchant doucement dans celui de sa sœur.

— Tu sais que je suis là, hein ? murmure Maddy, sa voix douce et apaisante, ses mots un baume sur les plaies invisibles de Nelly.

— Je sais... répond Nelly, sa voix à peine un souffle, une larme silencieuse coulant le long de sa joue.

Nelly et Madeleine, assises côte à côte sur le canapé, partagent ce moment de complicité qui a toujours caractérisé leur relation. Il y a une chaleur entre elles, une intimité qui transcende les mots. Mais aujourd'hui, cette connexion semble vaciller. Nelly le sent, comme un poids sur sa poitrine qu'elle ne peut partager, un secret qu'elle s'obstine à cacher derrière un sourire. Maddy, quant à elle, pressent quelque chose, mais ne veut pas brusquer sa grande sœur.

— Il travaille beaucoup, finit par dire Nelly, dans un soupir qu'elle tenta de camoufler derrière un sourire. Ce sont les risques du métier. Il ne peut pas se permettre de faire des « caprices de stars ».

Elle accompagne ses mots d'un geste exagéré, mimant des guillemets avec ses doigts. Mais le ton qu'elle essaie de rendre léger tombe à plat, et Madeleine, les sourcils froncés, l'observe avec cette bienveillance teintée d'inquiétude qu'elle lui connaissait si bien.

— Nelly, soupire Maddy, déçue pour elle, mais surtout peinée.

Elle voit clair dans le jeu de sa sœur. Il y a plus que ce qu'elle dit. Nelly ne veut pas de cette pitié, ni de cette compassion qui lui rappellent à quel point elle est seule face à sa situation. Elle doit protéger sa petite sœur, protéger sa famille du fardeau de ses souffrances. Alors elle sourit, encore une fois, ce sourire crispé qui n'atteint jamais ses yeux.

— C'est son rêve, je ne peux pas lui interdire.

Elle hausse les épaules, essayant de faire passer son détachement pour de l'acceptation.

— Et puis, il rentre de temps en temps. Bon, il est tellement épuisé qu'on partage peu de choses...

Son cœur se serre à l'évocation de ces rares moments partagés. Chaque retour de Bertrand est plus éprouvant que le précédent. Il ne revient jamais pour elle, mais pour lui-même, pour se soulager, pour se rappeler qu'il la possède. Le visage de Nelly se décompose légèrement à ce souvenir, mais elle redresse rapidement la tête, refusant de se laisser aller.

— Ça finira par revenir, l'encourage Maddy en prenant sa main, son regard doux et optimiste. Il doit juste se familiariser avec son nouveau boulot, c'est tout.

Nelly baisse les yeux vers leurs mains entrelacées. La chaleur rassurante du contact de sa sœur lui fait du bien, mais aussi, d'une certaine manière, la culpabilise. Elle ne peut pas partager la vérité, pas avec Maddy. Elle a déjà trop vu, trop vécu à ses côtés lors des périodes difficiles. Et ce qu'elle vit maintenant... Elle ne peut pas leur imposer ça.

Son esprit vagabonde vers ce dernier retour de Bertrand, celui où il est revenu euphorique de ce dîner avec Jonas. Nelly était déjà endormie lorsqu'il avait passé la porte, mais il l'avait réveillé pour assouvir ses besoins. Elle se souvient encore de la lourdeur de son corps. Elle a protesté faiblement, mais ses mots se sont évanouis dans le vide, balayés par l'indifférence de Bertrand. Une nuit sans douceur, sans amour.

Le matin, c'est un autre cauchemar qui l'attendait. Nelly avait fait tombé la tasse de café. Brisée sur le carrelage, la boisson avait arrosé le pantalon en lin que Bertrand venait de s'acheter... L'éclat de colère dans ses yeux l'avait fait frissonner de peur. Il l'avait attrapé à l'épaule et l'avait serré si fort, qu'elle en aurait pleuré mais elle avait ravalé ses larmes pour ne pas lui donner satisfaction. Il l'avait poussé par terre, l'obligeant à nettoyer le sol sous son regard comme une satisfaction sadique. Puis, il s'était dévêtue, lui avait jeté son pantalon sur la figure avant de partir se changer. Louis, dans son parc hurlé de chagrin et Nelly n'avait pas pu le réconforté avant le départ enragé de Bertrand.

D'instinct, Nelly réajuste l'épaule tombante de son pull, comme pour dissimuler ses blessures. Ses doigts tremblent un instant, mais elle s'efforce de garder son visage impassible.

— Nelly ?

La voix douce de Maddy la tire de ses pensées, et Nelly força un sourire.

— Oh, rien, répond-t-elle rapidement. Je pensais juste à... tout ce qu'on doit encore faire pour la maison.

Madeleine lui lance un regard, visiblement pas dupe. Mais au lieu d'insister, elle opte pour le silence, comprenant qu'il y a des choses que Nelly ne peut ou ne veut pas partager, pas maintenant.

Soudain, la porte s'ouvre brusquement, et une voix enjouée brise la tension qui s'est installée.

— Tiens, voilà la plus jolie ! s'exclame Manu, son beau-frère, en entrant dans la pièce avec un large sourire. Comment va ma belle-sœur préférée ?

Nelly pouffe de rire malgré elle, ravie de cette distraction bienvenue.

— Voyons, Manu, je suis ta seule belle-sœur ! rétorque-t-elle, amusée.

— Raison de plus ! répond-t-il en clignant de l'œil. Alors, on passe à table ?

Nelly inspire profondément, tentant de chasser les ombres qui l'envahissent encore. Elle rejoint le reste de la famille dans la salle à manger, où l'odeur délicieuse du gratin préparé par son père flotte dans l'air. Chacun mange en silence, savourant ce moment simple et apaisant. Mais Nelly, malgré ses efforts pour se détendre, ne pouvait s'empêcher de remarquer l'impatience palpable chez Manu. Il trépigne presque sur sa chaise, et ses regards échangés avec Madeleine n'échappent pas à Nelly.

— Une bonne nouvelle ? demande-t-elle, un sourcil levé, sentant qu'une annonce se prépare.

Les lèvres de Maddy s'étirèrent encore plus, et Nelly comprend immédiatement.

— Non ! s'écrie-t-elle, se redressant brusquement, les yeux écarquillés.

— Si ! rétorque Madeleine, les larmes de joie aux yeux, avant de la serrer dans ses bras.

— Félicitations ! s'exclame Nelly, les émotions enfin libérées par cette bonne nouvelle. C'est pour quand ?

— À peu près sept mois et demi, annonce Manu, tout fier, en donnant une accolade à leur père.

Nelly observe sa sœur et son beau-frère, rayonnants de bonheur. Un sourire sincère s'étire sur ses lèvres alors qu'elle se laisse emporter par leur joie. Malgré la tempête qui fait rage en elle, ce moment lui appartient. 

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