Chapitre 33
Le soleil brille haut dans le ciel, réchauffant doucement ce début d'octobre. Nelly adore ces journées où l'été semble s'attarder, prolongeant l'illusion que l'hiver peut encore attendre. Cela la met toujours de bonne humeur. Les rayons dorés éclairent ses pensées d'un éclat particulier, effaçant un instant les petites inquiétudes quotidiennes. Si ce beau temps pouvait durer jusqu'au 21, voire un peu plus, elle en serait ravie. Pour Nelly, le soleil n'est jamais assez présent.
Bertrand, Bertrand n'est pas revenu depuis leur dernière dispute, mais récemment leurs échanges sont devenus plus posés, presque apaisés. Elle a pu lui parler, expliquer ce qu'elle ressent vraiment. La nécessité pour elle d'être reconnue, non seulement comme épouse et mère, mais aussi comme une femme à part entière. Elle a besoin de se sentir vue, comprise, et dans un éclair de compréhension, il semble avoir saisi cette vérité, même si le chemin vers une réelle réconciliation reste encore à parcourir.
Aujourd'hui, elle dépose Louis chez son père, comme chaque lundi. En arrivant chez son père, Nelly sent un doux frisson d'anticipation. Chaque fois qu'elle le voit, elle ressent une sorte de réconfort. Il est son pilier, son refuge, toujours là pour elle, prêt à la soutenir sans jugement. La porte s'ouvre, révélant Pierre avec un large sourire. Malgré ses cheveux poivre et sel coupés très courts, il semble toujours aussi vigoureux.
— Ma petite fille ! s'exclame-t-il, sa voix chaleureuse emplissant l'entrée comme une étreinte invisible.
— Bonjour, papou, tu vas bien ? demande-t-elle en se penchant pour l'embrasser, tandis qu'elle soulève son fils avec tendresse. Dis bonjour à papy, mon trésor.
Louis, dans ses bras, se redresse en agitant ses petits bras potelés.
— Piiipouu ! gazouille-t-il, tendant joyeusement les bras vers son grand-père.
Pierre éclate de rire, ses yeux bruns pétillant de bonheur. Il attrape Louis et le serre contre lui, ému par l'affection de son petit-fils.
— Adorable, murmure-t-il en déposant un baiser sur la joue du bambin. Allez, tu repasses ce soir ? demande-t-il à Nelly en la regardant avec des yeux pleins d'espoir. Tu resteras manger, ma chérie ?
Nelly lève la tête, un sourire adouci illuminant son visage alors qu'elle observe Pierre. Il est son roc. Sa présence solide l'a toujours rassurée, même dans les moments les plus difficiles. Ses cheveux, autrefois longs et ondulés comme ceux de Nelly, sont maintenant coupés très courts, sûrement pour des raisons pratiques. Il a changé, certes, mais il reste ce père attentionné et rassurant qu'elle aime tant.
Depuis la mort de sa femme, dix ans plus tôt, Pierre a lentement repris goût à la vie. Il a appris à prendre soin de lui, à se redécouvrir en tant qu'homme. Il s'est ouvert au monde, un sourire plus présent sur ses lèvres, et quelque chose en lui a changé, pour le mieux. Il semblait plus léger, plus épanoui. Nelly s'est souvent demandé comment il a supporté sa mère, une femme au caractère acariâtre, souvent distante, voire froide. Bien qu'elle ait aimé sa mère, Nelly ne pouvait nier qu'elle avait toujours été difficile à vivre. Pourtant, son père l'avait supportée avec une patience infinie, un amour silencieux, peut-être même incompris. Aujourd'hui, Pierre semble avoir retrouvé un certain équilibre. Toujours rasé de près, il porte l'odeur fraîche de l'after-shave, un parfum rassurant qui lui rappelle son enfance, ces moments où elle venait se blottir contre lui pour se sentir en sécurité. Son visage carré inspire confiance et ses yeux, ces mêmes yeux bruns dans lesquels elle avait tant de fois cherché du réconfort, sont emplis de douceur et de fierté.
— Avec plaisir, répond-elle en souriant, sentant son cœur se gonfler de gratitude envers cet homme qui avait toujours été là, inébranlable.
Pierre, tenant Louis dans ses bras fait un tour sur lui-même amusant le petit garçon, qui rit aux éclat. Nelly sourit, elle sent un soulagement profond en voyant son père si heureux avec Louis. Ils partagent une complicité particulière, presque palpable, et cela la comble de bonheur.
Elle dépose un dernier baiser sur la tête de son fils avant de partir, sachant que la journée se passera bien. En remontant dans sa voiture, elle jette un dernier coup d'œil à la maison familiale, un sourire mélancolique flottant sur ses lèvres. Ce lien avec son père lui rappelle chaque jour l'importance de la famille, de ces racines solides qui lui donnent la force d'affronter tout ce qui se présente à elle. Et aujourd'hui, le soleil est encore là pour l'accompagner, comme une promesse de jours meilleurs à venir.
Une semaine plus tard... 10 octobre.
La journée n'en es qu'à son commencement et le théâtre baigne dans cette lumière d'automne douce et dorée. Nelly aime ces moments de calme avant que le centre ne s'anime, avant que les rires, les discussions et les allées et venues des jeunes envahissent l'espace. Elle se plonge dans son travail dès son arrivée, bien consciente que Jonas n'arrivera pas avant dix heures –puisque nous sommes mercredi-.
Le silence la berce et elle en profite pour s'attaquer à la pile de paperasse qui l'attend depuis quelques jours. Parmi les papiers, une liasse d'interviews à traiter concernant l'arrivée de Jonas Dupré à l'école. Des journalistes locaux semblent avides d'en savoir plus sur cette star internationale qui a débarqué dans leur petite ville. Nelly pousse un soupir bruyant, l'agaçant. Tout ce battage médiatique autour de lui commence à la fatiguer.
Il est trop tôt pour ça, pense-t-elle en laissant tomber les papiers sur le côté de son bureau.
Elle se sent comme toujours en avance sur tout et s'attelle à préparer les photocopies pour ses élèves. Les textes de la pièce doivent être parfaits, tout doit être prêt. Sa méthode est organisée, précise, et cela lui donne une certaine tranquillité d'esprit. Tout en chantonnant, elle glisse les feuilles dans la machine empilant soigneusement celles déjà imprimées, le rythme de son chant accompagnant celui des pages qui s'empilent.
— Joli déhanché ! s'exclame une voix derrière elle.
Surprise, Nelly se retourne vivement, le cœur battant plus vite. Elle se retrouve nez à nez avec Jonas, planté là, l'air amusé. Son sourire espiègle la déstabilise un instant, mais elle reprend vite le contrôle, reculant d'un pas pour mettre de la distance entre eux.
— Vous m'avez fait peur ! s'exclame-t-elle, visiblement agacée. Vous ne pouvez pas frapper comme tout le monde ?
— Je ne suis pas tout le monde, réplique-t-il en baissant légèrement la voix, son regard un brin aguicheur, un sourire en coin.
Nelly fronce les sourcils. Pour qui se prend-t-il, à jouer les séducteurs ? Le cœur battant toujours un peu trop fort, elle lui lance un regard réprobateur, essayant de garder son calme.
— Bah, tiens. Vous arrivez à entrer dans vos baskets ? rétorque-t-elle avec un mélange d'humour piquant et de défi.
Jonas éclate de rire, un rire franc et sonore, ce qui ne fait qu'attiser la frustration de Nelly. Ce rire, si décontracté, si sûr de lui, lui rappelle pourquoi elle le trouve parfois insupportable. Il se comporte comme si tout lui était acquis, comme si la moindre de ses actions devait susciter l'admiration. Mais sous son agacement, elle ne peut s'empêcher de remarquer à quel point ce rire est contagieux.
— Je plaisante, Nelly. Détendez-vous, lance-t-il en reprenant son souffle, visiblement amusé par la situation.
— Hmm... grogne-t-elle, essayant de ne pas se laisser entraîner dans son jeu. Vous avez un drôle d'humour !
Elle croise les bras, prenant une posture défensive, mais Jonas semble imperméable à sa tentative de lui imposer des limites.
— Est-ce que vous avez besoin de moi ? demande-t-il, changeant de ton, comme pour adoucir l'atmosphère.
— Maintenant que vous le dites... commence Nelly, hésitante, mais une idée lui traverse l'esprit. Je crée une pièce pour les ados, et j'ai un peu de mal avec le personnage masculin. Puis-je vous demander votre avis ?
Elle se surprend elle-même à formuler cette demande. Après tout, il est Jonas Dupré, l'étoile montante d'Hollywood, celui que tout le monde regarde avec admiration. Pourquoi voudrait-il se plonger dans un modeste projet pour adolescents ? Pourtant, elle espère secrètement qu'il pourrait offrir une perspective unique, un avis éclairé.
— Vous pensez que je serais un bon critique ? demande Jonas, levant un sourcil, un sourire en coin.
— Vous bossez « pour eux », non ? répond-elle en mimant des guillemets avec ses doigts. J'estime que vous êtes capable de savoir ce qui leur plaît.
Jonas la fixe un instant, son regard devenant plus sérieux. Nelly, toujours sur la défensive, est prête à recevoir une remarque désinvolte ou une plaisanterie déplacée. Mais à sa grande surprise, il acquiesce simplement.
— D'accord.
Elle reste un instant interdite, ne s'attendant pas à ce qu'il accepte si facilement. Après tout, c'est Jonas Dupré, le roi du grand écran, habitué aux paillettes et aux tapis rouges. Pourquoi se prêterait-il au jeu d'une pièce de théâtre pour adolescents ?
— Je peux l'emmener chez moi pour l'étudier ce soir ? demande-t-il soudainement, son ton légèrement plus sérieux.
Le cœur de Nelly rate un battement. Ce texte... c'est bien plus qu'une simple histoire pour elle. Il raconte, avec des mots simples mais sincères, une part intime de son passé. Son premier amour. Elle y a changé les noms, les lieux, mais les émotions sont réelles, profondément ancrées dans sa mémoire. Le jeune homme qui quitte la France pour une terre lointaine, la laissant seule et dévastée. Elle hésite, fixant Jonas, incertaine. Peut-elle vraiment lui confier une part de son histoire ? Ce texte, si personnel, pourrait-il trouver un écho en lui, ou le réduirait-il à de simples anecdotes ? Mais le regard de Jonas est sincère, dépourvu de cette arrogance qu'il affiche habituellement.
— D'accord, murmure-t-elle finalement, plus pour elle-même que pour lui, en lui tendant doucement les feuilles.
Leurs mains se frôlent uninstant, un contact presque imperceptible mais chargé d'un poids inattendu.Nelly détourne rapidement le regard, essayant de ne pas accorder d'importance àce geste insignifiant. Jonas prend les feuilles avec précaution et les rangentdans une pochette pour ne pas l'oublier avant de partir.
Note de l'auteur, pour vous permettre une repérage temporelle.
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