Chapitre 30
Le lendemain de la rentrée, Nelly profite de son jour de repos pour se recentrer sur ce qui compte vraiment : Louis, son fils, son petit trésor. La veille, sa rencontre avec Jonas a été épuisante, et elle préfère reléguer cette expérience chaotique dans un coin de sa tête. Après tout, elle aura bien le temps de gérer les tracas de la veille demain, se dit-elle en souriant légèrement.
Aujourd'hui, c'est jour au parc avec Louis. Le sourire éclatant de son fils lorsqu'il aperçoit les balançoires suffit à effacer toutes les tensions de la veille. Il rit aux éclats lorsqu'elle le balance doucement, ou lorsqu'il se penche d'avant en arrière sur un escargot vaillant. À cet instant précis, rien ne compte plus que ce moment de pure complicité avec son fils. Le vent léger qui agite les feuilles, les éclats de rire de Louis, tout semble en parfaite harmonie, comme si le temps avait ralenti pour leur laisser savourer cette parenthèse de bonheur.
Après le parc, vient le temps des courses, une tâche que Nelly a appris à faire sans stress, en essayant de rester aussi organisée que possible. Louis babille dans le caddie, attirant les sourires des passants. Nelly le regarde, son cœur se serrant de tendresse. Chaque petite chose qu'il fait, même la plus insignifiante, semble rendre sa journée plus belle. Puis, à leur retour, après le traditionnelle rangement des courses, elle fait manger Louis. L'après-midi est plus calme. Son fils fait la sieste et Nelly profite de ce moment de répit pour s'occuper de ses tâches domestiques. Préparer les repas pour la semaine est devenu une routine bien huilée, mais elle y trouve un certain réconfort. Couper, portionner, congeler, tout cela lui donne l'impression de garder le contrôle, d'être maîtresse de son temps et de son foyer. Dans ces gestes simples, elle trouve une satisfaction profonde, celle de pouvoir offrir à sa famille –ou en tout cas à son fils et elle-, une maison où il fait bon vivre.
Chaque jour de la semaine suit un rythme précis et Nelly apprécie cette routine qui lui permet de jongler entre son rôle de mère, d'épouse et de professionnelle. Lundi, c'est ménage. Mardi, les courses et la cuisine. Mercredi, c'est sa plus longue journée de travail, et elle sait que lorsqu'elle rentre enfin, épuisée mais satisfaite, elle pourra s'accorder un moment rien que pour elle. Ces soirées, elle les passe à se cocooner, entre un bon livre, un film, ou simplement une tasse de thé chaud, tout dépend de son humeur et de la présence ou non de Bertrand, Leticia ou Madeleine, sa sœur.
Le jeudi, c'est le jour qu'elle préfère. La piscine avec Louis. C'est une décision mûrement réfléchie, surtout après que Bertrand ait insisté pour acheter cette maison avec une piscine. Nelly avait été terrorisée par l'idée des noyades, mais au lieu de se laisser envahir par cette peur, elle a pris les devants. Apprendre à Louis à se familiariser avec l'eau dès le plus jeune âge était devenu une priorité. Et même si les cours « bébé nageur » se déroulent officiellement le mercredi, elle a trouvé son propre créneau le jeudi, profitant des conseils bienveillants des maîtres-nageurs. C'est leur moment à eux, un moment de fusion totale, où elle oublie tout le reste pour se concentrer uniquement sur son fils, sur son sourire éclatant lorsqu'il éclabousse joyeusement l'eau. Après la piscine, elle et Louis rejoignent Pierre, son père, pour un déjeuner en famille. Ces moments passés avec lui sont devenus des rendez-vous précieux, des moments de calme et de transmission, où elle retrouve une forme de sérénité en voyant Louis grandir sous le regard aimant de son grand-père.
Le vendredi matin, c'est détente totale. Nelly prend le temps de lire des livres à Louis, de jouer avec lui sur le grand tapis moelleux du salon, sans aucune pression. Ces instants complices sont comme une bulle de bonheur, un espace hors du temps où elle peut se consacrer pleinement à son fils, sans rien d'autre à penser. Si Louis décide de faire une longue sieste, elle l'accepte avec plaisir, savourant ce calme pour se reposer elle-même ou rattraper un peu de sommeil. Ensuite, elle l'emmène chez Leticia, sa meilleure amie et « tata de cœur », où Louis passe le reste de la journée dans un environnement qu'il adore.
Au fil du temps, Nelly a trouvé un équilibre, une organisation millimétrée entre la crèche, où Louis va le mercredi jusqu'à dix-huit heures, puis chez Maddy jusqu'au soir où Nelly le récupère déjà endormi. Les jours chez Pierre, les lundis et jeudis, et les moments chez Leticia, les vendredis après-midi et samedi matin-. Ce système bien rodé permet non seulement d'économiser, mais aussi de multiplier les expériences de son fils, lui offrant des environnements variés et stimulants, propices à son épanouissement. Elle est convaincue que cette diversité est essentielle pour son développement.
Bien sûr, les vacances scolaires chamboulent un peu cette organisation, mais Nelly a appris à jongler avec son emploi du temps pendant ces périodes où elle travaille tous les jours à heures fixes, pour que tout se passe sans accroc.
Le crépuscule tombe doucement, baignant la maison de cette lumière tamisée et apaisante que Nelly apprécie tant. Louis est endormi dans son lit, ses petits bras autour de doudou-ourson, une vision de tranquillité qui réchauffe le cœur de sa mère, même dans les moments de doute. La fatigue de la journée passée à s'occuper de lui pèse lourd sur ses épaules, mais c'est une fatigue douce, pleine de sens. Nelly se sent comblée par ces instants simples, ces petits bonheurs qui compensent les moments de tension.
Assise dans le fauteuil du salon, un plaid douillet sur les genoux et Capuchon, son chat, lové contre elle, elle savoure cet instant de calme. Le ronronnement de l'animal a quelque chose de réconfortant, et son livre l'emporte doucement loin de ses préoccupations. Mais une ombre persiste dans son esprit : Bertrand. Elle a tenté de l'appeler, mais le téléphone sonne dans le vide, sans réponse, et après plusieurs essais infructueux, elle lui laissé un message vocal, suivi de quelques textos. Elle s'efforce de rester calme, de ne pas se laisser envahir par l'anxiété qui monte parfois quand il est injoignable. Après tout, elle connait Bertrand, son emploi du temps chaotique, ses habitudes...
Plongée dans son roman, elle essai d'oublier, de se détendre. L'histoire captivante la tire loin de ses tourments, mais pas pour longtemps. En plein milieu d'un chapitre, son téléphone sonne, brisant brutalement la quiétude de l'instant.
— Bonsoir mon amour, dit-elle d'une voix douce en décrochant, son cœur s'allégeant brièvement.
Elle jette un coup d'œil à l'écran pour voir le visage de Bertrand. Il ne sourit pas vraiment. Son expression est neutre, comme s'il n'est que vaguement présent, à moitié concentré sur autre chose.
— Désolé, j'étais occupé, dit-il d'un ton détaché, presque automatique, sans réelle chaleur.
Nelly pince légèrement les lèvres, essayant de chasser le petit pincement de déception qui lui étreint le cœur. Elle a l'habitude de ce genre d'excuse, de cette indifférence déguisée sous le prétexte de l'occupation professionnelle.
— Je m'en doute, répondit-elle doucement, tentant de cacher l'amertume dans sa voix. Tu vas bien ? Quand est-ce que tu rentres ?
Il y a un silence, une hésitation presque imperceptible. Bertrand semble peser ses mots, ou peut-être chercha-t-il la réponse qui lui demandera le moins d'effort.
— Je ne sais pas encore, dit-il finalement, son ton légèrement agacé. Je suis pris ici avec des trucs de boulot. C'est la folie, le tournage, les interview, le sport. Je dois gérer tout ça, et franchement, c'est épuisant.
Nelly serre les dents, essayant de ne pas laisser transparaître sa frustration. Elle sait que Bertrand est centré sur lui-même, encore plus depuis qu'il a décroché ce rôle dans cette série à succès. Il a une manière bien à lui de faire passer ses besoins avant ceux des autres, mais cela la blesse à chaque fois. Elle a l'impression que Louis et elle ne compte pas.
— Je comprends, répondit-elle, sa voix teintée de compassion.
Elle ne veut pas entrer en conflit, elle n'en a pas la force.
— Mais Louis et moi, on t'attend. Tu as a peine profité de lui en neuf mois.
Bertrand haussa les sourcils, mais son visage reste impassible.
— C'est un bébé, il s'en souviendra pas ! Il ne comprend pas encore tout ce que je fais pour lui, rétorque-t-il d'un ton condescendant.
Nelly sent un pincement douloureux dans sa poitrine. La tristesse monte en elle, mais elle l'étouffe rapidement. Elle ne veut pas qu'il se fâche, qu'il la considère comme trop émotive, trop fragile. Alors elle garde pour elle ce qu'elle ressent vraiment.
— Oui, tu as sûrement raison, murmure-t-elle, se forçant à sourire.
Mais Bertrand ne semble pas s'intéresser à ce qu'elle dit. Son attention est ailleurs, comme souvent. Il jette un coup d'œil à son téléphone, puis à quelque chose hors champ, avant de revenir à elle, son sourire artificiel plaqué sur son visage.
— Écoute, Nelly, j'ai encore pas mal de boulot. Je ne sais pas quand je vais pouvoir revenir.
Un autre coup au cœur. C'est toujours la même chose : l'incertitude, les promesses jamais tenues. Pourtant, elle ne peut s'empêcher d'espérer, de vouloir croire qu'il finira par revenir, que les choses redeviendront comme avant. Mais cette illusion s'effrite un peu plus chaque jour.
— D'accord, répond-t-elle avec douceur, prends soin de toi.
— Oui, oui. Je t'appellerai demain, d'accord ? lâche-t-il précipitamment, visiblement pressé de mettre fin à la conversation.
Avant même qu'elle puisse répondre, il a déjà raccroché. Le silence s'abat sur elle comme une chape de plomb. Son téléphone lui semble soudain terriblement froid, sans vie. Elle reste un instant immobile, le regard fixé sur l'écran éteint, sentant les larmes menacer de couler, mais refusant de céder. Capuchon, sentant son malaise, se frotte contre elle, ronronnant doucement. Nelly caresse machinalement le chat, trouvant dans sa présence un mince réconfort. Elle soupire profondément, fermant les yeux pour chasser la douleur qui lui vrillait l'estomac.
— Pourquoi faut-il que ce soit toujours aussi compliqué ? murmure-t-elle pour elle-même, la gorge serrée.
Elle veut croire que Bertrand peut changer, qu'il peut redevenir celui qu'elle a aimé autrefois. Mais au fond d'elle, elle doute. S'accroche-elle à une image du passé qui ne correspond plus à la réalité ? Pourtant, elle reste fidèle à ses rêves d'un foyer uni, d'une famille aimante. Parce qu'elle ne peut se résoudre à abandonner l'idée que Louis mérite un père. Parce qu'au-delà de la douleur, au-delà de l'indifférence de Bertrand, son cœur continue de croire en quelque chose de meilleur.
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