Chapitre 11

Le lendemain matin, lorsque Nelly ouvre les yeux, un frisson parcourt sa peau encore tiède du sommeil, et elle passe machinalement une main sur les draps froissés, comme pour chasser les bribes de rêve qui l'avaient laissée désorientée. Ses pensées divaguent un instant, ramenées par la présence troublante de cet acteur qui semblait raviver des souvenirs enfouis. Elle secoue la tête, tentant de se recentrer.

Elle se redresse sur ses coudes, tend l'oreille. Le silence est assourdissant. Pas de bruits de pas dans le couloir, pas de pleurs de Louis, pas de tintements de vaisselle. Le vide autour d'elle semble se refermer, comme un écho à l'absence ressentie. Est-il seulement rentré ? La question lui serre la poitrine.

Avec une lenteur calculée, Nelly attrape sa robe de chambre, nouant la ceinture avec soin, comme pour se donner une contenance face à son incertitude. Elle traverse le couloir, son esprit en alerte. Arrivée dans la salle d'eau, elle se rafraîchit rapidement, mais le reflet dans le miroir semble préoccupé, lointain.

Elle marche doucement jusqu'à la chambre de Louis. Un petit gazouillement la ramène à la réalité, dissipant l'angoisse fugace. Louis, son petit trésor, est là, éveillé dans son lit, ses yeux brillants de malice. Son sourire fait fondre la tension accumulée.

— Coucou, toi. Tu as bien dormi, mon ange ? demande-t-elle, avec cette douceur infinie que seule une mère peut exprimer.

— Mamaeuh ! babille Louis, tendant ses petits bras vers elle.

— Viens par-là, mon trésor. Up ! Dans les bras de maman ! dit-elle en le soulevant doucement, respirant son odeur douce et apaisante.

Chaque geste est empreint d'amour et de tendresse, la connexion entre eux étant son ancre dans cette matinée incertaine. Même s'il ne semble pas sale, elle prend le temps de changer sa couche, ses mouvements précis et bienveillants, avant de le câliner à nouveau et de se diriger vers la cuisine. Son esprit s'égare à nouveau vers Bertrand, son absence prolongée, ses messages courts et vagues. Elle s'apprête à pester mentalement contre lui quand, soudain, elle se retrouve nez à nez avec lui.

— Salut, lance-t-il de sa voix suave, un sourire en coin.

— Oh, tu es là ! s'exclame-t-elle, surprise.

— Bien sûr. On dirait presque que tu es déçue, commente-t-il d'un ton légèrement mécontent, un éclat de reproche dans ses yeux fatigués.

— Non, non, pas du tout... Je suis juste surprise, je ne t'ai pas entendu rentrer, répond-elle rapidement, tentant d'apaiser l'atmosphère.

— J'étais à la cuisine, je préparais le petit-déjeuner. Prêt à te l'apporter jusqu'à toi, ajoute-t-il, un sourire charmeur aux lèvres, tout en redressant son menton du bout de ses doigts. Je t'ai manqué au moins ?

Nelly esquisse un sourire en coin, adoucissant son regard. Comment pourrait-elle lui en vouloir quand il joue ainsi de son charme ?

— Comment peux-tu en douter ? rétorque-t-elle doucement en se hissant sur la pointe des pieds pour l'embrasser. C'est adorable ! On le prend dans le salon ?

— Comme tu veux, mon amour, murmure-t-il, ses yeux se plissant légèrement, visiblement content de sa petite surprise.

Elle jette un œil vers le plateau posé sur le bar de la cuisine : un bol de thé fumant, un verre de jus d'orange fraîchement pressé, des viennoiseries qui sentent bon le beurre et le sucre, et une rose rouge posée délicatement à côté. Un geste plein d'attention qui la touche profondément. Elle se rappelle, avec tendresse, ces moments d'autrefois où Bertrand se montrait si attentionné. C'est rare, désormais, mais ces petites attentions lui rappellent que, malgré la distance et les emplois du temps chargés, il est toujours capable de lui faire sentir qu'elle est précieuse à ses yeux.

Elle installe Louis dans son hamac, plaçant avec soin l'arceau de jouets au-dessus de lui. Elle s'assure que son fils est bien installé, son regard doux ne le quittant pas des yeux.

— Je profite un instant de papa, mon ange, dit-elle doucement.

— Encore heureux, lance Bertrand, faussement bougon, en ouvrant les bras pour qu'elle vienne s'y blottir.

Elle se glisse contre lui, appréciant la chaleur rassurante de son étreinte. Son corps se détend presque instantanément contre lui.

— Tu es rentré tard ? demande-t-elle, sa voix un peu étouffée contre sa poitrine.

— Oui... tôt, si on peut dire, ajoute-t-il en retenant un bâillement. Tu dormais profondément.

Il dépose un baiser doux sur le sommet de son crâne, un geste familier, mais empli de tendresse. Puis il se penche pour attraper son mug de café. Elle l'observe discrètement, notant les cernes sous ses yeux, mais aussi ce sourire en coin qui ne le quitte jamais.

— Je n'ai pas trop sucré ta boisson ? l'interroge-t-il, son ton malicieux adoucissant l'atmosphère.

— Non, c'est parfait. Ça fait du bien d'être avec toi, à la maison, avoue-t-elle en le regardant, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres.

Sa simple présence la réconforte, même si elle a encore des questions en tête. Elle l'observe en silence, son regard s'attardant sur les détails de son visage, ces fossettes adorables lorsqu'il sourit, ses pupilles brunes qui lui donnent un air doux et réconfortant, et cette barbe de trois jours, soigneusement entretenue, qui lui confère ce charme à la fois bad boy et élégant. Il est toujours aussi séduisant, malgré les années qui passent.

— Qu'y a-t-il ? demande-t-il, surpris de la voir le dévisager ainsi.

— Rien... Je suis juste heureuse de te voir, murmure-t-elle en baissant légèrement les yeux. Tu m'as manqué. J'enregistre les détails de ton visage, pour les jours où tu seras absent, ajoute-t-elle avec un sourire doux.

— Oh... Viens là, murmure-t-il en l'attirant encore plus près.

Ses bras la serrent un peu plus fort, sa main glissant dans ses cheveux, avant de s'arrêter doucement sur ses hanches.

— Moi aussi, je déteste être loin de toi.

Le silence s'installe, mais il est empreint de complicité. Ils se tiennent là, ensemble, comme si rien d'autre n'importait.

— Quand se termine le tournage ? demande-t-elle, brisant doucement le moment, mais toujours blottie contre lui.

— Dans deux mois et demi, murmure Bertrand, le nez plongé dans les cheveux de Nelly.

Elle ferme les yeux, savourant un bref instant la chaleur de sa proximité, mais son esprit est déjà ailleurs, tourné vers le calendrier qu'elle connaît par cœur. Deux mois et demi, c'est long. Elle le sait. Le tournage va encore leur voler des moments précieux, des instants de complicité en famille. Elle aime son métier, elle est fière de lui, mais parfois, cette fierté se mêle à une tristesse insidieuse qui s'installe lorsque Bertrand est loin, inatteignable, physiquement et émotionnellement. Avant, c'était différent... Il jouait dans des petites salles, à Bordeaux. Ils étaient plus proches, plus connectés. Maintenant, le succès le pousse plus loin, et elle se retrouve souvent seule ; à gérer les absences, la maison, Louis.

— Mais tu as bien ta semaine pour la Vendée, hein ? s'inquiète-t-elle aussitôt, sa voix légèrement tremblante.

La Vendée, leurs vacances en famille... leur bulle de bonheur promise. Bertrand soupire, un soupir lourd, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules.

— Écoute, Nel...

Un frisson la parcourt. Elle connaît ce ton, ce « écoute » qui précède toujours des mauvaises nouvelles. Elle se redresse légèrement, son cœur s'accélérant.

— Non, Bertrand, ça fait des mois qu'on s'est calé ce moment. Nos premières vacances en famille, insiste-t-elle, sa voix trahissant une pointe de désespoir.

Elle a besoin de ces vacances, besoin de retrouver cette complicité, ce lien qu'elle sent s'effriter au fil du temps.

— Il y en aura plein d'autres ! s'exclame-t-il en levant les mains, agacé. Et dans des endroits bien plus luxueux, ajoute-t-il, le visage fermé, les mots sonnant comme une promesse vide.

Nelly sent son cœur se serrer. Elle n'a jamais demandé des vacances de luxe. Elle veut juste du temps avec lui. Elle veut les rires de Louis sur la plage, les promenades main dans la main, les petits-déjeuners en famille où tout semble simple et léger. Le lieu n'a aucune importance. C'est eux, ensemble, qui comptent.

— Je me fiche d'un lieu plus faste ou du plus tard, commence-t-elle, la voix s'élevant légèrement sous l'effet de l'émotion. C'est toi que je veux, Bertrand. C'est nous.

Elle voit une lueur d'agacement passer dans ses yeux. Bertrand serre les dents, visiblement à bout.

— Ça suffit, Nelly ! crie-t-il soudainement, sa voix résonnant dans la pièce comme un coup de tonnerre.

Il frappe la table du plat de la main, le bruit sec et violent déchire l'air. Le silence qui suit est glacial, et Nelly sent sa gorge se nouer. Elle déglutit difficilement, son cœur battant à tout rompre. Louis éclate en sanglots, effrayé par la soudaine montée de tension. Nelly se précipite vers lui, son instinct maternel prenant le dessus sur sa propre panique.

— Chhh, chhh, murmure-t-elle en berçant son fils contre elle, ses mains tremblantes.

Elle tente de calmer à la fois son bébé et son propre cœur affolé. Les battements sont si forts qu'ils lui font presque mal à la poitrine. C'est à ce moment que Bertrand, encore sous l'emprise de la colère, s'approche d'elle et l'attrape brusquement par le bras. La douleur est vive, mais ce qui la frappe le plus, c'est le souvenir douloureux qui refait surface : c'est exactement à cet endroit qu'il l'avait déjà tenue fermement, la dernière fois, trop fermement.

— Tu crois que c'est facile, hein ?! hurle-t-il, ses yeux brillants de frustration. D'enchaîner les heures de tournage, de répéter sans relâche ?! Ça me demande du temps, de la concentration ! Je le fais pour nous ! poursuit-il, sa voix tremblante d'émotion. Pour que nous ayons une belle vie ! Tu devrais être reconnaissante !

Nelly ne bouge pas, pétrifiée. Les larmes qu'elle a retenues jusqu'ici menacent de déborder. Elle serre Louis contre elle, protectrice, comme un bouclier contre cette rage incompréhensible qui émane de l'homme qu'elle aime.

Bertrand s'éloigne alors brusquement, à grandes enjambées. Il disparaît derrière la porte de la salle de bain, laissant derrière lui un silence lourd, brisé seulement par le claquement violent de la porte. La discussion est terminée.

Nelly reste figée. Elle tremble encore, ses bras serrant Louis un peu trop fort. Elle s'efforce de respirer, de retrouver une stabilité, mais les larmes qu'elle a retenues trop longtemps finissent par couler, chaudes et amères. Une goutte glisse sur sa joue et tombe sur le tee-shirt de son fils. Louis a cessé de pleurer, comme s'il ressentait la tristesse de sa mère, mais ses petits doigts s'accrochent fermement à sa robe, cherchant du réconfort.

Nelly s'installe doucement sur le canapé, Louis toujours niché dans ses bras. Elle essaie de chanter, d'une voix douce, presque cassée, la chanson préférée de son fils, celle qui le calme d'habitude. Mais aujourd'hui, c'est elle qui a besoin de se calmer, de retrouver un semblant de paix. La mélodie se brise sous le poids des émotions qui la submergent.

— Chh, chhh, murmure-t-elle à nouveau, mais cette fois, c'est autant pour elle que pour Louis.

Elle déteste ces moments où Bertrand explose, où sa frustration prend le dessus. Ils deviennent de plus en plus fréquents, et elle ne sait plus quoi faire pour y remédier. L'homme attentionné qu'elle a connu est toujours là, quelque part, elle le sait, mais ces éclats de violence verbale la laissent de plus en plus épuisée, à bout de souffle.

Elle ferme les yeux un instant, une larme solitaire continuant de rouler sur sa joue. Dans les bras de Louis, elle trouve un peu de réconfort, mais la douleur dans sa poitrine reste, bien réelle. Elle sait qu'il faut qu'ils parlent, qu'ils se retrouvent, mais chaque discussion semble se terminer par des cris, des frustrations, des silences lourds et des portes qui claquent.

— Je t'aime, murmure-t-elle à son fils, enfouissant son visage contre ses boucles douces. C'est tout ce qui compte pour l'instant. Protéger son petit garçon. Et espérer que demain, Bertrand redeviendra celui qu'elle aime, celui qui, parfois, sait encore la faire sourire.

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