🌼 CHAPITRE 9 🌼
Quand on fait le point, Jonah savait que ce jour finirait par arriver. Il le redoutait sans vraiment en savoir les raisons, mais il savait, que s'il persistait dans sa quête, cette dernière finirait inéluctablement par le conduire jusqu'aux portes de la salle du trône. Non pas que le jeune Duc ait particulièrement rêvé de cet instant, mais il savait qu'au moment où son pied dépasserait le bord de ce tapis, les choses allaient changer. Il savait aussi ô combien il lui serait difficile de plaider sa cause. Pas seulement la sienne, mais celle de Joséphine tout particulièrement car voilà que deux choix s'offrait à lui : Obtenir les faveurs du Roi afin de le servir personnellement ou bien obtenir son clémence pour la Baronne dont la réputation faisait malheureusement le tour de tous les commérages.
- Entre le Duc de Varsox.
A l'annonce de son nom, Jonah fit un pas en avant. Une action qu'il ne semblait pas avoir ordonnée et dont son corps s'était disposé à prendre pour lui. Aujourd'hui plus que jamais s'offrait à lui la chance de sa vie. La chance qu'il a toujours désirait et plus encore, la possibilité de récupérer ce qui était sien et de gagner cet interminable combat contre sa tante qui tournait en véritable croisade au fur et à mesure des années passant.
Ses pas l'arrêtèrent alors à quelques mètres à peine du trône royal sur lequel était assis le Roi. Ses yeux, eux, s'arrêtèrent à hauteur du menton, incapables d'aller plus loin. Plus haut. Incapables de le regarder droit dans les yeux.
- Votre Majesté, finit-il par dire en se courbant en avant prêt à toucher le tapis sur lequel reposait tout son être à cet instant.
- Relevez-vous, ajouta une voix autoritaire.
Et pour la première fois, indirectement, involontairement, ses yeux firent prit par ceux du Roi. Il y avait dans ses iris brunes tant de choses qui brillaient. Tant de choses sur lesquelles le Duc ne préféra pas s'attarder.
- J'ai cru comprendre que avez émis la requête d'un entretien Duc. Sachez que vous avez mon attention faute d'avoir mon temps, je vous serais donc gré d'être bref.
Un millier de choses à cet instant lui traversèrent l'esprit. S'il n'avait pas été le Roi dont il avait la réputation d'être, peut-être lui aurait-il fait mention de sa fille jouant avec la vie de ses sujets, peut-être lui aurait-il fait mention de son horripilante tante qui détourne l'argent des métayers pour graisser la patte de petits bourgeois ayant prit le contrôle de certaines terres lui assurant ainsi un contrôle permanent sur le Duché. Peut-être lui aurait-il parlé de tous un tas d'autres choses s'il en avait eu l'occasion. Non. S'il en avait eu le temps.
- Je prie Sa Majesté de pardonner le fait que je demande ainsi de son précieux temps, néanmoins si j'ai demandé à m'entretenir avec vous c'était pour vous faire part d'une situation épineuse. J'implore Sa Majesté de m'écouter et de faire part de sa clémence.
- Parlez donc mon garçon. Vous paraissez fébrile.
Fébrile n'était peut-être pas le mot le plus juste pour qualifier l'état dans lequel Jonah se trouvait présentement car bien qu'il ait toujours été droit dans ses bottes, s'il y a bien une situation effrayante à laquelle il espérait ne jamais se confronter, c'était bel et bien celle-ci. Cependant, une part de lui savait que cet instant était voué à se produire d'une façon ou d'une autre. Il était Duc et même sans Sacha pour compromettre sa position, en tant que tel, il avait un rôle crucial à jouer au sein même du Royaume. Chose à laquelle il n'avait pas pensé depuis longtemps. Trop longtemps.
- Votre Majesté, je me présente ainsi devant vous aussi humblement que possible dans l'espoir que vous écoutiez ma requête. A l'heure actuelle, je crains que la justice, une valeur pourtant si essentiel au bon déroulé de notre société, ne soit dans l'erreur et dans la faute. Des moyens financiers, humains et matériels sont déployés à mauvais escient à travers le Royaume à la recherche de la Baronne Joséphine Conquérant accusée du meurtre de l'honorable Comte Detina. Je viens plaider la défense de celle-ci en tant que témoin de son innocence et je peux vous jurer sur l'honneur que malgré tout ce l'on peut dire sur Joséphine Conquérant, rien de tout cela n'est vrai. Cette femme, qui n'a même pas tout à fait vingt ans est devenue par un triste sort du destin, la responsable de sa famille. Une famille ayant toujours eu à cœur de se montrer forte et courageuse, des sujets loyaux de Sa Majesté. Je n'ai jamais connu de gens pareils et je pourrais faire leurs éloges, mais je crains alors que je vous ferais perdre votre temps. Je pris donc pour que votre grande sagesse intervienne dans ce démêlé, qui vous n'êtes pas sans le savoir, divise aujourd'hui notre belle société.
C'était une chance en or et tandis ses lèvres s'agitent et tremblent inconsciemment, alignant les mots et les phrases les unes derrière les autres, Jonah se rends progressivement compte que la possibilité de retourner un jour chez lui s'envole au fur et à mesure des secondes qui passent. Il aurait pu lui parler de Sacha.
Mais il a préféré Joséphine. En toute occasion, Joséphine semble dominer ses pensées. Ses envies. Ses motivations. Tout son être paraît aujourd'hui n'être fait que pour agir selon les grès et les envies de la jeune femme.
- J'ai effectivement entendu parler de cette funeste et triste histoire. Cela cause une perturbation dont je pensais ma fille capable de calmer, mais il faut croire que, comme beaucoup de parents, j'ai surestimer les capacités de Sophia.
Non sans le cacher, un soupir de soulagement lui échappe alors.
- A ce propos, on m'a rapporté son intérêt tout particulier pour vous, coupe le Roi.
Bien évidemment. Il se devait d'être au courant. C'était sa fille, mais plus encore, ses choix allaient sans conteste définir l'avenir du Royaume. Particulièrement ses choix en matière de partenaire.
- Sachez, que j'ai pour ma fille une affection sans limites et que je tiens à elle. Je ne supporterais pas que quiconque lui fasse du mal et j'espère que vous comprenez cela.
- Tout à fait Votre Majesté.
- Néanmoins...Vous êtes là, plaidant la cause d'une autre qu'elle, n'est-ce pas ?
- En effet... Votre Majesté.
Pas une seule fois depuis la mention de l'intérêt que lui portait Sophia, Jonah n'avait relevé les yeux. C'était comme si ces derniers furent incapables de quitter le sol. Il y avait dans le ton qu'employait le Roi autant de froideur que d'autorité et parfois même une pointe d'amour paternel. Et il savait. Il ne savait que trop bien qu'on ne refusait rien à une personne de rang royal. Peut-être qu'une personne d'importance l'aurait fait, mais quelle importance pouvait-il avoir lui qui n'était qu'un Duc fantoche ? Prenant conscience de son insignifiance, Jonah se fit tout petit et s'il pouvait s'enfoncer sous terre en plongeant tête la première, il l'aurait probablement fait. Certes, peut-être que cela aurait été le choix le plus judicieux qu'il puisse faire. Néanmoins, sans comprendre pourquoi, à cet instant, le jeune Duc releva pour la première fois les yeux vers le Roi assis sur son trône et soutenu son regard.
- Cela ne me ravis pas, mais si je devais être honnête, je ne serais pas l'homme pouvant combler votre fille. Je lui briserais le cœur. Je lui ferais du mal et elle finirait par me détester au fil du temps. Avec raison, je dois dire.
- Vous êtes étrangement honnête sur le fait de faire du mal à la future Reine de cette nation.
- Je n'ai rien à gagner à mentir, souligne Jonah.
Un éclat de rire vient alors s'emparer du Roi et cela n'était pas sans surprendre le jeune homme se tenant face à lui. En quelques secondes néanmoins il se reprit faisant mine que rien ne s'était produit.
- Je vois que vous avez hérité de son sens aigu de l'honneur et de l'honnêteté.
- Puis-je savoir à qui Sa Majesté fait-elle référence ?
- A votre mère, jeune Duc. C'était une précieuse amie et c'est certainement grâce à son souvenir que j'ai accepté cette rencontre aujourd'hui. Je sais que votre père vous avez transmit son titre à sa mort mais que c'est actuellement votre tante qui gère le Duché.
Donc, il sait. Mais encore plus surprenant, il avait connu sa mère. Lui qui n'en a aucun souvenir si ce n'est par le biais d'un portrait accroché dans la chambre de son père. Oh comme il aurait tant aimé le questionner à son sujet, en apprendre plus à son sujet, mais il n'en fit rien car à cet instant précis de sa vie, Jonah ressentit une pointe de fierté. C'était bien la première fois qu'on le comparait à sa mère. Qu'on lui rappelait sa mère. Qu'on lui rappelait une époque où il n'était qu'un gamin heureux, riant et courant dans une bien trop grande demeure.
- Vous paraissez étonné. Je suis peut-être un vieil homme sénile à vos yeux, laissant probablement bien trop de libertés à sa seule et unique enfant, mais que voulez-vous ? C'est en forgeant que l'on devient forgeron n'est-ce pas ? Et puis Sophia a ses preuves à faire comme ses propres erreurs à commettre également. Certes, je me sens responsable si ces dernières causent du mal à de si précieux sujets et je corrigerais cela dès aujourd'hui.
S'inclinant devant l'homme se trouvant devant lui, Jonah eu le sentiment d'avoir accomplit quelque chose de grand. Quelque chose de vrai. Quelque chose dont il n'avait eu besoin ni de la ruse, ni du charme pour que cela fonctionne. Juste de l'honnêteté.
- Je vous en serais éternellement reconnaissant et vous remercie sincèrement Votre Majesté.
S'apprêtant à se retirer, le jeune homme fut néanmoins stoppé dans sa course par les paroles du Roi.
- Vous l'aimez, n'est-ce pas ?
- Je vous demande pardon ?
- La Baronne Conquérant.
- Puis-je savoir...
- Ce n'est qu'en parlant d'elle que vous avez osé me regarder droit dans les yeux. Je suis peut-être un Roi vieillissant, mais peu, dans ma vie, ont osés soutenir mon regard. C'est ainsi que je reconnais l'honnêteté d'une personne et vous mon cher, je pourrais presque vous apprécier.
- Presque ? souligne le Duc non sans dissimuler un sourire curieux
- Tout comme votre mère avant vous...Vous savez comment briser le cœur d'une tête couronnée. Je ne compte pas oublier cela. Mais rassurez-vous, je vais veiller à certaines choses pendant quelques temps. Peut-être est-il temps que je sorte temporairement de mon retrait anticipé ?
- Avec tout le respect que je vous dois Votre Majesté et si je puis parler librement : Votre fille a un sens aigu des négociations. Elle fait d'ores et déjà une merveilleuse diplomate. Disons simplement que certaines de ses méthodes sont à revoir.
Sur le dernier rire du Roi, Jonah s'excuse et se retire. Si ce n'était pas pour les gardes du Palais se trouvant dans le couloir à le dévisager, il se serait probablement laisser aller, se trouvant les fesses à même le sol. «Le père de la patrie» peut-être que ce titre n'avait pas été volé en effet car c'est l'impression qu'il eut de lui. L'autorité, la fermeté, mais la bienveillance et l'écoute. C'était là largement plus que ce qu'il espérait.
A présent, Joséphine était une femme innocente. Libre. Libre de rentrer tandis que lui serait enfin libre de l'aimer.
Mais avant, encore lui faudrait-il savoir pourquoi la Princesse s'intéressait-elle autant à Lucien et si ce n'était pas pour sa propre connaissance du personnage, peut-être aurait-il été dans le flou.
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Chevauchant à travers les prairies jusqu'à atteindre la lisière de la forêt, Lucien et Joséphine s'enfoncèrent dans cette dernière suffisamment profondément avant d'atteindre au coucher du soleil, une cabane perdue au milieu des bois. L'endroit était suffisamment éloigné du village et il est fort probable qu'ils aient réussi dans leur folle tentative à fuir les gardes qui s'étaient alors jetés à leur poursuite.
- Est-ce là que vit votre ami ? s'interroge Joséphine en constatant l'état de délabrement dans lequel semblait se trouver la cabane en question.
- Nullement. Il vit à quelques dizaines de kilomètres de là, mais chevaucher de nuit n'est pas prudent. Faisons une halte, l'informe Lucien en attachant la bribe du cheval autour d'un tronc d'arbre quelconque. Néanmoins, si je peux vous faire une remarque, je dois dire que vous montez merveilleusement bien.
- Êtes-vous surprit ?
- Les femmes n'ont pas pour habitude de monter à cheval de cette façon, reprit-il
- Eh bien il faut croire que je ne suis pas comme les femmes que vous connaissez. Bon, entrons-nous ?
Il était évident qu'elle n'avait nul pareil. Bien qu'il en sache le strict minimum sur elle, il ne put s'empêcher de s'interroger à son sujet. Une fille de la noble société n'aurait très certainement pas apprit à chevaucher de la sorte. Une fille de la noble société n'aurait pas apprit à se battre et une fille de la noble société serait présentement en colère ou tout du moins dans le désarroi profond, mais cela était très loin d'être son cas. Bien au contraire, elle semblait accepter tout ce qui venait de se passer avec un calme bien étrange. Presque anormal à son sens.
Cette fille avait des secrets, il le savait. Des secrets qu'elle n'avait encore révélé à personne et qui probablement devaient se contenter de la rejoindre dans la tombe. Néanmoins, s'il y a bien une chose pour laquelle Lucien était doué, c'était tout bonnement pour ce genre de chose. Découvrir les secrets, les parts d'ombres et les choses les plus intimes des personnes. Il allait la percer à jour. Cela n'allait être que d'autant plus plaisant qu'il s'apprêtait à découvrir ce que Jonah même ignorait.
- Découvrons ce que vous cachez Joséphine Conquérant.
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