🌼 CHAPITRE 8 🌼
Il n'y avait pas un instant où le Duc ne regretta pas son action. Que diable pouvait-il faire une nouvelle fois au Palais alors qu'il y a encore vingt-quatre heures de cela, il aurait vendu volontiers son âme au diable pour s'y échapper. Encore faudrait-il que le diable soit plus terrifiant et mesquin que la Princesse. Assis sur un sofa dans une pièce dans laquelle on lui avait demandé d'attendre, ses yeux firent plusieurs fois le tour de la pièce et il n'y avait pas un élément ne criant pas la richesse de la famille royale dès que l'on posa ses yeux dessus. La décoration, l'ameublement, tout avait été choisis avec soin. Non. Tout avait été choisis pour en mettre plein la vue à quiconque s'aventurerait à la jeter dans des recoins, ce que fit exactement le Duc depuis une vingtaine de minutes. Bien que ce salon semblait plus spacieux que celui dans lequel il avait prit l'habitude de retrouver la Princesse, tous deux lui semblaient tout de même étrangement similaire. Etait-ce étonnant ? Voilà plusieurs semaines que Son Altesse Royale donne l'image d'être celle aux commandes, effaçant très largement des esprits, la présence de ses parents. Il fallait dire que la moindre de ses actions, le moindre de ses souhaits, pouvait faire la pluie et le beau temps dans la bonne société. Ce que la Princesse portait devenait des éléments de mode, ce que la Princesse aimait devenait convoité. Tout tournait autour d'elle et il n'y avait pas une personne qui ne l'enviait pas. Après tout, elle était le bijou du Royaume. La seule et unique fille d'un couple dirigeant depuis bientôt trente ans. La future Reine que chacun essaya, tant bien que mal de mettre de son côté dans l'espoir de prospéré.
Oui, tous avait intérêt à plaire aux goûts et aux couleurs de la jeune Sophia, tous sauf peut-être Jonah et il était venu de nouveau jusqu'ici pour établir une limite entre elle et lui. Peut-être que la Princesse n'a jamais eu l'habitude qu'on lui refuse quelque chose, mais il y a certaines choses qui dépassent l'entendement, notamment sa manie à vouloir contrôler la vie des gens comme dans un gigantesque spectacle de marionnettes.
Jusqu'à tout récemment, Jonah ne s'était jamais réellement senti en phase avec son titre parce qu'il n'était pour lui, qu'un héritage laissé sur un bout de papier. Un héritage duquel on l'avait dérobé, dépouillé et auquel il avait grand mal à se raccrocher. Ce n'était qu'un titre sur un bout de papier. Cette phrase il se l'était répétée tant de fois que les mots qui l'accompagnait étaient devenus vide de sens et à tout bien y penser, il ne se souvient même pas à quand remonte la fois, la seule et unique fois où il s'est senti concerné. A la mort de son père ? Probablement pas. En rencontrant Joséphine peut-être ? Probablement et encore, il aurait fallut plus qu'une rencontre avec une jeune fille pour bouleverser son monde. Pour le retourner. Chose que jamais Maximilien n'avait réussi à faire malgré ses nombreuses et insistantes tentatives. Avait-il réellement essayé de rentrer chez lui ou se cachait-il derrière d'innombrables excuses et prétextes comme il en avait eu l'habitude jusqu'ici ?
Entendant des talons se rapprocher dangereusement du salon dans lequel il se trouvait, Jonah ne prit guère la peine de se lever tandis qu'il pouvait reconnaître entre mille la propriétaire de pas aussi vifs et décidés. Il ne fut d'ailleurs nullement surprit quand il entendit la porte s'ouvrir quelques secondes plus tard.
- N'allez-vous donc même pas prendre la peine de me saluer ? lui dit-elle d'un ton plutôt ferme.
- Pourquoi le ferais-je ?
- La bienséance le voudrait.
- Voilà un mot bien compliqué et je ne suis pas certain que vous en connaissiez la signification.
S'approchant de lui et se plantant devant sa personne, Sophia, les bras croisés et le regard furieux le dévisage.
- Il me semble qu'il y ait confusion.
- Pour ma part, je dirais que vous avez bien entendu. Je vous témoignerais du respect, Votre Altesse, quand vous en aurez à mon égard. C'est ainsi que cela fonctionne, en attendant, je suis navré, mais je ne compte pas plier l'échine.
«A-t-il perdu l'esprit ?» s'étonna Sophia alors que la veille encore il paraissait si docile, si manipulable. Presque plaisant. Mais il n'y avait rien de tel qu'un peu de rebellion à mater pour passer le temps. Se laissant alors tomber dans le fauteuil situé juste derrière elle de manière peu féminine et conventionnelle, ses yeux toisèrent le jeune homme se trouvant présentement face à elle. Quelque chose avait changé chez lui, elle pouvait le voir. Le sentir.
- Oh. Je vois, dit-elle à haute voix, Vous l'avez retrouvée, sourit-elle dans son coin.
- Je ne vois pas à quoi vous faites allusion et il ne me semble pas que nous devions nous voir aujourd'hui. Je suis donc certain que vous avez mieux à faire que de rester ici.
- Vous avez été plus rapide que je ne l'escomptais, mais je n'en attendais pas moins de vous. Après tout, vous êtes le «Duc de Varsox».
- En toute honnêteté, vous et moi savons que cela n'est qu'un titre et que je n'ai aucun réel pouvoir.
- Vraiment ? Je ne faisais pourtant pas allusion à votre titre ducale, mais à votre réputation en tant qu'homme. Et par pitié, ne faites pas l'étonné.
- Je ne le suis guère. Vous avez fait vos devoirs.
- Disons plutôt qu'il y avait des zones d'ombres que je tenais à éclaircir. Après tout, je n'aimerais pas vous sous-estimer.
Un soupire lui échappe tandis que son regard soutient celui de la Princesse. Jonah savait, depuis cette soirée à la Galerie des Lumières, que Sophia n'était pas la Princesse que l'on décrivait dans les rumeurs tout comme il n'était pas le Duc des rumeurs non plus. Voilà quelque chose que tous deux avaient en commun.
- Vous me détestez, n'est-ce pas ? continue-t-elle en riant.
- Je ne dirais pas cela.
- Mais vous ne m'aimez pas.
- Je n'ai eu aucune raison de le faire jusqu'à présent. Pour une raison que j'ignore, Son Altesse semble être intéressée par ma vie d'une façon que je jugerais, si je devais être franc, malsaine.
- Vous ne mâchez pas vos mots. J'aime cela chez vous. Vous êtes loin de ces hommes me baisant la main en espérant par un regard obtenir de moi une faveur ou que sais-je. Vous ne jugez pas. Vous êtes honnête. C'est une qualité rare. Une qualité qui vous perdra.
- Peut-être avez-vous raison, mais cela ne répond pas à ma question. Pourquoi moi ? N'y a-t-il pas un Prince d'une nation voisine ou un fils d'un haut dignitaire qui serait probablement fait pour le rôle que vous essayez de me donner ?
Elle finit mine de réfléchir, mais il savait d'ores et déjà qu'elle avait les réponses. Il le savait à ce sourire en coin qu'elle ne tentait guère de lui dissimuler. Sophia s'amusait, à ses dépens comme à chaque fois, mais elle s'amusait de quelque chose le concernant et cela ne lui plaisait guère.
- Je crains que ce genre d'homme n'existe pas. En outre, ce n'est pas tant «vous» que je veux, mais votre réputation.
- Et pourquoi au juste ? Je ne peux rien vous apporter. Je suis sans terre, sans pouvoir, sans argent.
- Vous avez l'argent et le pouvoir, mais pas ici, voilà tout.
Un sourire se dessina alors sur le visage de Jonah. Elle avait bel et bien fait ses devoirs à son propos.
- Vous voyez, je sais. Je sais pour vous et pour Lucien Fabius Landry.
- Cela a dû vous demander bien du temps et de l'argent également pour avoir ce genre d'information, s'avance Jonah
- Cela serait exagéré de dire une petite fortune, mais pas loin, fit mine Sophia en regardant ailleurs.
- Dites-moi Princesse, que savez-vous exactement ? Et que voulez-vous réellement de moi ?
- Vous êtes un homme intelligent, Jonah, vous savez très bien ce que je veux.
- Je crains que vous surestimez de beaucoup mes capacités intellectuelles et par conséquent vous allez devoir être plus précise afin de m'aiguiller.
Elle rit. Bien évidemment qu'il n'allait pas lui faciliter la tâche, à quoi pouvait-elle bien s'attendre de sa part ? Rien n'était simple quand il s'agissait du Duc de Varsox.
- Allez-vous réellement me donner du fil à retordre Votre Excellence ? souligne-t-elle visiblement amusée
- Je ne fais que vous retourner la pareille, Votre Altesse. Vous ne me facilitez pas la vie non plus. Soyons tous deux des adultes raisonnables et non des enfants capricieux, voulez-vous ? propose Jonah
- Il me semble que nous avons déjà un marché en route vous et moi, reprit-elle
- Qui est, ma foi, tout à fait déraisonnable. Je ne vous épouserai pas et vous le savez. Néanmoins, nous avons tous deux ce que l'autre veut. Je propose un échange cordial.
- Je vous écoute.
Prenant une grande inspiration, Jonah s'avance, se décalant alors légèrement du dossier dans lequel il avait trouvé refuge depuis l'arrivée de Sophia dans la pièce.
- Lucien contre Joséphine.
Éclatant de rire, Sophia finit en larme peinant grandement à se reprendre tandis que Jonah déglutit en espérant qu'une seule et unique chose : qu'elle morde à l'appât.
- Vous troqueriez votre ancien amant contre elle ? N'est-ce pas ironique ?
- Acceptez-vous ? Après tout, ce n'est pas tant l'homme qui vous intéresse là encore, n'est-ce pas ?
- Et vous osez clamer que vous n'avez pas de l'esprit... Le contraire m'aurait étonnée.
- Rappelez vos gardes, lavez l'honneur de Joséphine et en échange, je serais celui vous amenant ici même au Palais celui que vous cherchez.
- Cela sera vue comme une trahison. Néanmoins, vous êtes prêt à le faire dans le seul et unique but de la protéger ?
- Vous vous méprenez si vous penser que Joséphine Conquérant a besoin de protection. La preuve en est, elle est certainement plus maline que nous deux ici réunis. Sinon, comment expliquer cette fuite légendaire et le fait qu'elle échappe encore et toujours à vos meilleurs hommes ? s'amuse Jonah plein de fierté
- Oh...Vous l'aimez. Et par amour vous seriez prêt à un tel sacrifice pourtant, n'est-il pas votre sauveur ? Votre protecteur également ?
- Certes, vous avez mené votre petite enquête, Votre Altesse, mais il faut croire que vous avez oublié un pan de l'histoire. Lucien est un traître autant que j'en suis un.
Se laissant tomber dans le dossier avec plein d'assurance, Jonah savait qu'il venait indirectement de vendre Lucien à Sophia et que cela allait très certainement le contrarié. Mais ne dit-on pas «œil pour œil, dent pour dent» ? Il le méritait.
Il lui avait réservé un sort bien pire à celui qui l'attends à l'époque et cela, il n'était pas prêt de l'oublier. Ni même de pardonner.
- La prochaine fois que vous désirez quelque chose Votre Altesse, de vous à moi, évitez de me prendre pour un idiot. J'apprécierais.
- Ne connaissez-vous pas l'adage ? Aux grands maux, les grands remèdes.
- Je ne sais pas quel maux vaut touche et je ne veux pas le savoir, mais si vous pensez une seule seconde que Lucien sera votre remède, il me semble que vous vous trompez grandement sur la personne.
- Allez savoir. Peut-être est-ce vous, Votre Excellence, qui vous vous trompez sur son compte. Après tout, n'apprécie-t-on pas la valeur d'une chose une fois qu'on l'a perdue ? J'espère seulement que vous n'allez pas le regretter.
- Sachez que je n'ai jamais éprouvez un seul regret si ce n'est celui d'avoir céder à de vos caprices en acceptant de vous chaperonner.
Néanmoins, la curiosité avait été trop grande à ce moment-là. Tout le monde ne parlait que de ça : Du retour de la fille aimée du Royaume. Du soleil royal et voilà que tous s'attendaient à rencontrer celle dont on vantait les mérites, les réussites, les talents et les qualités. Existait-il seulement un être aussi parfait en ce bas monde ? Nullement et il le savait...cependant il voulait s'en assurer et voir de ses propres yeux. La voir de ses propres yeux.
- Je suis certaine que si vous n'aviez pas autant d'aversion pour moi, vous m'apprécieriez, signale Sophia tout sourire
- Peut-être dans une autre vie ou un univers de fiction dont les jeunes femmes sont si éprises. Mais pas dans cette vie-là. Vous et moi ne serons jamais amis.
- Oh, mais je n'en rêve point. Mais un jour viendra, vous verrez, où vous finirez pas m'apprécier. J'en suis certaine.
- Nous verrons cela Princesse, nous verrons cela.
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