🌼 CHAPITRE 7🌼

Alors que le soleil annonçait progressivement sa descente derrière les collines de la ville, les premières lumières des quelques lampadaires des parcs et rues les plus fréquentées s'allumèrent. La journée avait été longue pour un bon nombre de personnes et tandis que certains n'attendaient que de pouvoir aller se coucher, d'autres nageaient déjà dans leur océan de préoccupations. La nuit porte conseil à ce que l'on dit, mais en vérité, la nuit nous tourmente l'esprit bien plus qu'on ne veut bien le laisser croire. On se rejoue les images infernales de la journée en se demandant si l'on aurait, par tout hasard, pu faire quelque chose de différent sans jamais trouver une quelconque réponse satisfaisante.

- Dois-je faire aménager la chambre dans votre bureau tant vous semblez prendre un certain plaisir à rester dans cette pièce ? demande Maximilien en entrant dans la pièce avec une pile de documents sous le bras.

- Il fut un temps, tu te plaignais de ne pas m'y voir assez et maintenant voilà que j'y suis trop. Il faudrait que tu te décides, soupire Jonah

- Parce que je sais pertinemment, commençant à vous connaître après toutes ces années, que vous ne venez pas ici pour mettre de l'ordre dans vos dossiers, mais plutôt pour déprimer et honnêtement cela m'attriste.

- Ai-je la moindre raison d'être heureux, dis-moi ?

Le jeune conseiller savait ô combien son ami semblait perdu devant les récents événements s'étant présentés dernièrement à leurs portes. Bien évidemment qu'il savait que la tâche dans laquelle ils s'étaient tous deux lancés n'allait pas être des moindres et que des difficultés étaient à prévoir, mais Maximilien était loin d'imaginer qu'un jour, le jeune Duc de Varsox aurait sur lui ce regard d'enfant perdu et confus. Il semblait tantôt triste, tantôt désespéré. Tantôt en colère, tantôt beaucoup trop calme. Il était difficile ces derniers jours de le suivre, lui ou bien même ses pensées, mais était-il celui sur lequel il devrait jeter la pierre ? Bien évidemment que non. En revanche, il en voulait aussi bien à la jeune Baronne en fuite qu'à l'ennuyeuse Princesse manipulatrice.

- Peut-être alors que ce mot viendra vous apporter, ne serait-ce, qu'un petit peu de réconfort.

Portant la main à sa poche, Maximilien en sort une feuille pliée en quatre, mise là en attendant le bon moment. Plus tôt dans la journée, voilà qu'un étrange garçon est venu frapper à leur porte, apportant dans sa folle course, un mot et une fleur. Une agapanthe, qui dans le langage des fleurs signifie des retrouvailles. A ce jour, l'aide ne connaissait qu'une seule et unique personne communiquant de cette façon : Lucien. Il en vint à déduire que ce dernier, outre le fait d'être un bon à rien, avait réussi ce pour quoi il avait été si gracieusement payé : Retrouver Joséphine.

Et il ne fallut pas moins qu'un petit bout de papier pour faire naître sur le visage tiré du Duc, l'esquisse d'un sourire.

- Il a réussi, murmure-t-il

Etait-ce si étonnant que cela ? Jonah savait que Lucien avait un domaine de compétences particulier et que c'est de ce dernier dont il avait aujourd'hui le plus besoin. Il avait besoin qu'il fasse ce pourquoi lui avait échoué. Il avait besoin, que pendant un temps, il la protège, même s'il doute que Joséphine ait réellement besoin de protection à proprement parlé. Quelle vie mène-t-elle ? Où est-elle exactement ? Comment va-t-elle ? Voilà tant de questions qu'il aimerait lui poser. Tant de questions qu'il mets de côté.

- Je présume que son cerveau ne s'est pas encore noyé dans toute la bière qu'il peut boire à longueur de journée, poursuit Maximilien, Voilà qu'il a encore une certaine utilité.

- Et c'est donc à notre tour de bouger nos pions, relève Jonah en sortant lui aussi une lettre de sa poche, J'aimerais que tu ailles poster cette lettre le plus rapidement possible.

- Suis-je devenu votre pigeon voyageur sans que je ne le sache ? soupire Maximilien en prenant la lettre.

- Tu sais bien que non.

- Puis-je au moins savoir à qui dois-je l'envoyer ?

- Au Vicomte Guillut.

- Oh.

«Oh». Effectivement. Voilà un nom qu'il n'avait pas entendu depuis au moins deux ans. Mais peut-être était-il en effet de faire appel à toutes les personnes devant un service au Duc. Peut-être était-il venu le temps d'arrêter de camper sur ses positions ?

- Dois-je préparer une chambre d'invité après avoir posté ceci ? relance Maximilien curieux.

- Il serait préférable, en effet. Ne soyons pas pris de court, annonce Jonah en quittant les alentours de son bureau.

- Puis-je savoir où est-ce que vous allez ? J'ai une pile de documents ici qui ne demandent qu'à...

- Au Palais.

- Ah.

Encore une fois, le jeune homme ne cesse de le surprendre. Avait-il perdu la tête ? Pourquoi se rendre au Palais ? Il en revenait tout juste et il détestait s'y rendre lui-même ?

- Tu avais raison sur un point mon ami : Il serait peut-être temps que j'arrête de me cacher dans une ombre qui n'est plus là pour me protéger. Peut-être est-il temps que je devienne qui je suis censé être.

- Et auriez-vous la grande amabilité de m'éclairer sur ce sujet ? A qui vais-je avoir l'honneur de m'adresser ?

Marquant un arrêt avant de franchir la porte, Jonah se retourne en arborant un sourire confiant.

- Au Duc de Varsox.

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Marina n'avait pas dit un mot depuis le retour de Joséphine, mais ses yeux trahissaient la moindre de ses pensées. La jeune femme était devenue pour elle, une sorte d'héroïne silencieuse ayant méritée pour quelques coups échangés, toute son admiration et cela était loin de plaire à la principale concernée. Tout ce qu'elle espérait et souhaitait c'était faire profil bas, se cacher en pleine lumière là où les officiers de police ou bien même ceux du palais ne viendraient pas la trouver. Pourtant, voilà qu'en ce début de soirée, tout le monde ne parlait que de ça : De la jeune serveuse de l'auberge ayant mit une raclée à deux fripouilles peu commodes du coin.

S'il n'y avait encore que les regards pétillants de Marina, il n'y aurait rien de plus à faire, mais voilà qu'en peu de temps, la nouvelle s'était propagée tel un feu de forêt et bientôt tous les clients de l'auberge ne parlèrent que de ça. Certains plus discrets la regardaient de loin, d'autres allèrent jusqu'à la questionner sur la façon dont elle s'est battue. Où avait-elle bien pu apprendre cela ? Comment avait-elle réussit à maîtriser deux hommes ? Très vite, la salle principale de l'auberge devenu pour Joséphine, une grande salle d'interrogatoire et elle retrouvait là, l'ambiance malsain des soirées mondaines. Chose qui était loin de lui manquer qui plus est.

- N'avons-nous pas là une sorte d'héroïne locale ?

Lucien, qui jusqu'à présent s'était fait discret, s'approche du comptoir sur lequel la jeune femme s'affairait à ignorer les rumeurs et les remarques de chacun, lui montrant son plus beau sourire plein de fierté car il n'y avait pour lui rien de plus attirant qu'une femme comme elle. Elle avait du caractère certes, mais elle avait également une force dont peu savent faire preuve de nos jours et ce qui était étrange, c'est que cela lui rappela un certain jeune Duc.

- N'avez-vous pas mieux à faire que de rester assis ici, des heures durant ? demande Joséphine en ne lui accordant qu'un bref et court regard

- Honnêtement, je pourrais, mais je trouve ça réellement passionnant de vous voir travailler. Je veux dire, sérieusement ? Une noble qui travaille ?

«Noble» voilà donc tout ce à quoi il la résumait. Une étiquette, un monde dans lequel elle ne s'est jamais réellement sentie à sa place. Pour elle, ce n'était rien de moins qu'une cage étouffante de laquelle elle aurait tant aimé s'enfuir.

- Je ne sais pas quelle image ou préjugé vous semblez avoir, mais nous ne sommes pas tous pareils. Vous vous dites ami avec Jonah, peut-être devriez-vous savoir mieux que quiconque que certains «nobles» ne se définissent pas seulement par leur titre, peste Joséphine en lui passant à côté d'un pas vif et décidé.

- Vous aurais-je offensé d'une quelconque manière ?

- Ne vous flattez pas, il en faut bien plus pour m'offenser. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail qui m'attends.

Bien sûr, ce n'était pas les clients qui manquaient aujourd'hui et chacun avait son petit commentaire à dire. Rires, conversations, il n'en fallait pas plus pour que la grande salle de réception se remplisse d'un brouhaha dans lequel il était difficile de s'entendre et par dessus tout, de se comprendre. Néanmoins, l'ambiance joyeuse et festive qui s'était installée vient brusquement se couper quand arrive un petit escadron de gardes royaux. Tenues incapables, épées scintillantes et ce petit air plein de fierté et de dédain, voilà quelques caractéristiques communes à tous les gardes et comment les quelques gens de la basse campagne pouvaient identifier à qui ils avaient à faire.

Joséphine les ayant vu arriver se précipita immédiatement à quatre pattes, trouvant refuge sous une table tandis que ces derniers ne dirent pas un mot. Le petit groupe de cinq hommes jeta un œil attentif à l'assemblée avant de se séparer à travers la pièce. Il n'y avait pas un fou ici présent pour oser dire quoique ce soit car il était de notoriété que quiconque s'opposait à un garde du Roi, finirait châtié et personne n'y tenait.

- Messieurs ! siffla soudainement une voix.

Voilà que malgré les espoirs de Joséphine pour que ce groupe s'en aille aussi rapidement qu'il était venu, Lucien décida de jouer de son charme et d'attirer leur attention. Il n'était pas ignorant sur les raisons de leur présence et de son tabouret, il pouvait voir d'un œil les déplacements furtifs de la jeune demoiselle à travers le mobilier occupant l'espace.

- Quelle immense joie et grand bonheur que de savoir notre beau royaume en sécurité grâce à des hommes de votre grandeur. Quelle noble tâche qu'est la vôtre !

- Avez-vous quelque chose à nous dire ? s'avance un garde.

- Quelque chose ? Non, mais j'aimerais que vous transmettiez mes amitiés à ces deux idiotes marionnettes laissant clairement les rennes du pays à une fillette.

Cassant une assiette sur la tête d'un des garde et de part son geste, Lucien donna indirectement une idée à bien des hommes ayant ici une certaine rancœur contre la famille royale. Rapidement prit de court par l'assemblée se soulevant contre eux et par le chaos s'installant petit à petit, les gardes perdirent leur objectif de vue tandis que Lucien profita de cela pour récupérer la main de Joséphine, la conduisant jusqu'à l'écurie la plus proche à vive allure alors que cette dernière peinait à se remettre de ce qu'elle venait de voir.

- Pourquoi avez-vous fait cela ? Ce n'était guère nécessaire ! gronda-t-elle

- Vous me remercierez plus tard. Je ne sais peut-être pas dans quel monde vous avez vécu, mais vous ignorez tout du mien également, mais je peux vous dire ceci...Ces gardes là n'ont pas le regard des gardes lamba qui ouvrent les portes lors de vos chics soirées. Ces gars étaient venus chercher quelque chose ou plutôt quelqu'un et il aurait retourné l'auberge s'il le fallait ! A présent, il nous faut faire vite. Savez-vous montez à cheval ?

- Oh pitié, ne m'insultez pas.

Grimpant en quelques secondes, Joséphine et Lucien prirent tous deux la liberté d'emprunter deux chevaux les conduisant en quelques secondes jusqu'aux portes du village tandis qu'à hauteur de ces dernières se trouva un autre groupe de gardes les ayant cette fois bel et bien remarqué. Criant et alarmant le reste d'entre eux, ils se mirent immédiatement à leur poursuite, forçant ainsi le duo à faire demi-tour.

- Où allons-nous ? demanda Joséphine paniquée

- Voir un ami, très chère. Voir un ami.

Pendant ce temps, les couloirs du Palais Royal furent animés par une bien étrange requête formulée en début de matinée. On dit que le jeune Duc de Varsox vient réclamer une audience avec ces deux Majestés. 

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