🌼 CHAPITRE 58 🌼

Jamais encore un tel procès n'avait été mit en place dans tout le Royaume. La rumeur parcourait chaque ville et chaque village de ce dernier. Il n'y avait pas un habitant ne sachant pas les dernières nouvelles de la capitale et il fallait le dire : Quelle nouvelle ! La respectée Duchesse de Varsox aurait été convoquée au Palais tout en étant escorté par la garde personnelle de la très concernée Princesse. En effet, selon les dernières rumeurs, cela serait la Princesse, dans toute son intelligence et sa clairvoyance, qui aurait réussit à dénouer les nœuds criminels entourant la Duchesse. Nul part dans les dernières nouvelles il ne fut mention de l'enlèvement de son neveu le Duc ou bien même du départ de la Baronne car après tout, qui prêterait attention aux moindres faits et gestes d'une pauvre Baronne ? Certains secrets demeuraient encore chaudement gardés.

Il fut dit qu'il fut nécessaire de mobiliser autant d'avocats que même le Roi n'eut pas su quoi dire face à un tel vacarme. A croire que la Duchesse, confrontée à ses propres pêchés ne su elle-même pas comment se sortir de toute cette affaire. Néanmoins, Joséphine assista avec détermination à chacune des séances du procès qui dura en tout et pour tout, toute une semaine entière. On remua ciel et terre pour retrouver tous les nobles corrompus et autres complices qui auraient pu, d'une façon ou d'une autre, aider ou collaborer à un moment ou un autre, avec la Duchesse.

Cependant, s'il y a bien une personne dont l'absence fut remarquée, ce fut celle du jeune Duc demeurant introuvable depuis le début du procès. Introuvable, oui, mais uniquement pour ceux ne sachant pas où le trouver.

- Il est difficile de vous trouver ces derniers temps, Votre Excellence.

Bien que Joséphine venue s'asseoir à ses côtés sur le banc, ce dernier resta immobile, fixant l'horizon du regard. Rares furent les moments où Jonah paraissait si pensif, presque anxieux. Même sur le trajet du retour, les moments où ils purent discuter tous les deux ne furent pas si nombreux et dieu seul sait que Joséphine avait des choses sur le cœur, des choses dont elle aimerait parler avant qu'elles ne s'ancrent au plus profond d'elle-même et deviennent des cicatrices à l'âme.

- Comment les choses se présentent-elles ? demanda-t-il sans même la regarder.

- Plutôt favorablement. Il faut dire que les chefs d'accusations sont dès plus nombreuses et la Princesse ne manque pas de lecture pour occuper ses nuits.

- Bien.

«Bien» ? Voilà une réponse à laquelle elle ne s'attendait pas. A dire vrai, elle ne s'attendait à rien, mais elle espérait que peut-être cela lui ferait plaisir que d'apprendre que leur combat respectif touche enfin à sa fin.

- Je donnerais cher pour avoir ne serait-ce qu'un aperçu de votre pensée. Que se passe-t-il ?

- Puis-je vous poser une question ? Peut-être que cette dernière va vous paraître délirante, et je dois dire que je me sens idiot, mais... répondit Jonah en lui faisant face

- Non allez-y, le coupa-t-elle visiblement curieuse

- N'avez-vous jamais eu peur de l'avenir Joséphine ?

Existait-il seulement un être n'ayant pas peur de l'avenir ? Probablement pas.

- N'y a-t-il rien de plus humain que de craindre ce qui nous attends le lendemain ? Aucune éducation, aucun grand savoir ne peut malheureusement permettre de prédire l'avenir. Nous ne savons guère ce qui nous attend au petit matin ou si nous serons à même d'ouvrir les yeux lorsque nous nous endormons. Nous avons des rêves et des objectifs qui nous maintiennent en vie et qui nous donne une raison chaque jour de nous lever, mais nous ne savons jamais d'avance si nous les réaliserons. Donc honnêtement, oui, l'avenir est effrayant. Dans un monde en constant changement, comment ne pas le craindre ?

Jonah sourit, comme satisfait et comblé par la réponse qu'il venait d'obtenir. Il y avait cette étonnante sagesse dormante chez Joséphine comme si elle avait déjà vécue une vie toute entière et comme si elle savait que rien ne l'attendait et pourtant, dans d'autres moments tout à fait différent, elle se révélait être une jeune femme comme une autre. Parfois naïve, excitée. C'était une dualité qu'il avait apprit à apprécier avec le temps car il n'y avait pas de terme plus exact pouvant la définir «dualité». Alors devant la soudaine révélation qui venait de lui être fait, Jonah parut gêné comme s'il savait qu'il n'y avait pas plus idiot comme question. Cela faisait des heures qu'il était assit sur ce banc, des heures à réfléchir, cogiter, tout retourner dans son esprit bien étroit et Joséphine venait, en l'espace d'à peine deux minutes, tout retourner. C'était en quelque sorte son pouvoir magique, cette faculté qu'elle avait de tout chambouler chez lui.

- Vous venez de mettre à mal chez moi, des heures d'intense réflexion, soupira-t-il en se laissant tomber contre le dossier du banc.

Des heures, voir même des jours, qu'il était là, renfermé dans son coin, pensant et repensant à tout ce qu'il venait de se passer. A son désir de reconquérir ses terres, à son ardente envie d'être et de demeurer aux côtés de cette femme extraordinaire, son besoin compulsif de reprendre sa vie en main en ne sachant guère sur quel point il l'avait laissée. Il y avait encore tant à faire et à entreprendre pour espérer un jour, vivre une vie heureuse et dénouée de tous tracas. Comme si le bonheur était à portée de main tout en étant insaisissable. Quelle étrange chose que celle à laquelle on aspire le plus.

- Pendant des années, je pensais devoir tenir cette promesse faite à mon père et aujourd'hui, je ne suis plus certain d'être en mesure de le faire. J'ai essayé tant de fois de rentrer chez moi, j'ai mené tant de batailles pour réussir à le faire, dont la plupart étaient contre moi-même, j'ai même prié dans mes nuits les plus désespérées, mais aujourd'hui...Ah aujourd'hui. Aujourd'hui, je ne sais même pas si je ferais un bon Duc. Je le suis de titre grâce à vous Joséphine, mais j'émets de gros doutes quant à ma capacité à administrer tout un Duché. Je peine déjà à m'occuper de moi alors tant de monde ? Est-ce vraiment pour moi ?

Cela était sans doute la première fois que Joséphine arrivait à le comprendre. Pas uniquement sa pensée, mais la façon dont actuellement, Jonah devait se sentir. Combien de fois s'était-elle elle-même posé ces questions sans jamais avoir eu de réponses ?

- Je doute que l'on soit fondamentalement prêt à quoique ce soit. On vient au monde dans un but précis, que d'autres nous ont prédestinés à accomplir et quand ils disparaissent et nous laissent seuls...Il n'y a rien de plus terrible que de réaliser que l'on manque d'outils pour être parfaitement guidés dans notre tâche. Alors notre vie nous semble...insipide comme si nous n'étions là que pour être les pantins dans la vie d'un autre ayant un but plus noble ou plus accompli. Je déteste profondément ce sentiment : celui de ne pas avoir d'importance. Pourtant nous en avons. Vous comme moi. Il n'y a certes aucune éducation au monde qui aurait pu faire de vous le parfait Duc, mais vous avez eu le mérite d'essayer et d'essayer encore maintenant. Vous vous êtes battus pas seulement pour vous, mais aussi pour tous ces gens vivant sur le Duché. Quand le moment sera venu, je suis certaine que vous saurez quelle décision prendre et quelle règle appliquée. J'en suis convaincue. En outre, et je l'ai appris tout récemment, vous n'êtes pas et ne serez jamais seul. Vous avez Maximilien. Vous m'avez moi.

Et bien que cela le fasse grandement sourire, Jonah ne put s'empêcher de ressentir une pointe d'inquiétude pour ce qui l'attendait. Néanmoins, à la simple pensée de se savoir aux côtés de Joséphine, l'inquiétude qui le parcourait et le hantait, disparaissait.

- La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Même si vous le désirez ardemment. Chaque fin n'en est pas vraiment une et chaque page qui se tourne entraîne la découverte d'une nouvelle. C'est une histoire véritablement sans fin.

- Vous me surprenez réellement par moment. Je dois admettre que ces derniers mois vous ont profondément...

- Changée ?

- En quelque sorte. Je reconnais en vous la femme que j'aime comme j'ai l'impression de faire connaissance avec une autre par moment. C'est troublant et plaisant à la fois.

Changer. Joséphine ne s'était pas posé la question jusqu'ici, mais peut-être avait-elle effectivement changée. Peut-être avait-elle mûrie et s'était retrouvée grandie de toute cette histoire ?

Posant alors sa tête contre l'épaule de Jonah, Joséphine soupira sans dire un mot de plus. Pour l'instant, tout ce qu'elle désirait c'était de pouvoir se retrouver un jour, libérée de tout ceci.

- Après le procès, quand tout ceci sera fini, marions-nous, lança Jonah

- Nous n'avons rien prévu et il y a tant à faire.

- Faisons quelque chose de simple. Peu d'invités, un tout petit comité. Marions-nous de vivons heureux.

- Est-ce là votre vœu le plus cher ?

- Je ne saurais dire ce que je souhaite le plus ardemment, mais... J'aimerais pouvoir vous combler.

- Vous le faites déjà.

Et ce fut chose faite. Après le procès condamnant la Duchesse Sacha de Varsox, il fut dit qu'une toute petite cérémonie eut lieu dans une église non loin de la ville, à l'abri de tous les regards et de toutes les curiosités.

Tout en modestie, deux amants s'étant rencontrés en pleine nuit venait de se jurer amour et fidélité pour la vie.

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