🌼 CHAPITRE 57 🌼

Trois jours. C'est le temps qu'il fallut au futur souverain d'Omyr pour rassembler tous les divers documents servant à incriminer Sacha de Varsox dans divers chefs d'accusations.

Trois jours. C'est le temps qu'il fallut à Joséphine pour réaliser qu'il était grand temps pour elle d'en finir. Elle savait qu'une fois la Duchesse écartée, plus rien ne saurait se mettre en travers de sa route et elle aurait sans doute enfin la vie dont elle s'était si souvent surprise à désirer.

Trois jours. C'est le temps qu'il fallut au jeune Duc de Varsox pour comprendre que sa vie s'apprêtait à prendre un nouveau tournant. Depuis plus de dix ans, Jonah avait essayé de revenir au pays et de retourner sur ses terres, retrouver son héritage légué par ses parents et ses grands-parents avant eux. Pendant plus de dix ans, il avait attendu patiemment ce moment et aujourd'hui, il lui suffisait de tendre le bras pour avoir l'impression que tout était enfin à portée de mains.

Bien que des chemins bien différents furent nécessaires d'emprunter afin d'arriver à cet instant très précis de l'histoire, voilà que tous semblaient converger en un point précis réunissant toutes les intrigues non résolues du passé en la seule personne d'une femme trop assoiffée de pouvoir et d'argent.

C'était la dernière soirée que Joséphine passerait à Omyr et bien que son séjour fut dés plus mouvementé, il y avait chez elle une pointe de regret naissant. Une partie de son histoire s'était écrite à travers les murs d'un palais qu'elle n'avait eu guère l'occasion de visiter. Son histoire était née à travers ce désert et cette contrée dont elle ne connaissait toujours rien. Oh comme elle aurait eu envie de rester, puis une fois qu'elle eut réalisé cette idée sot et grenu, elle balaya cette dernière d'un coup de tête tandis que ses yeux se penchèrent sur le contre-bas des remparts, donnant alors une vie dès plus merveilleuse sur l'ensemble de la ville de Mythra. De là où elle se trouvait, il n'y avait ni gardes la dévisageant, ni aucune autre personne ayant le pouvoir de la déranger. Il n'y avait qu'elle et qu'elle seule, sentant le vent frais et doux de la nuit tombante.

- Puis-je me joindre à vous ?

Une voix bien familière venue interrompre Joséphine et tandis que cette dernière ne se retourna qu'à peine, le prince Amir venu couvrir ses épaules d'un délicat voilage.

- Voilà une bien belle soirée, rajouta le prince en fixant son regard sur la ville.

- Effectivement.

- Son Excellence ne vous accompagne pas ? Il n'a guère quitté vos côtés ces derniers jours.

Ils pouffèrent tous les deux en revoyant probablement les mêmes scènes et le même déroulé des récents événements. Jonah s'était montré particulièrement possessif envers Joséphine, notamment en présence du Prince bien averti. C'est à peine s'il leur laissait la moindre occasion de converser.

- J'ai cru comprendre qu'il s'était assoupi dans sa chambre, répondit Joséphine en souriant tendrement, Il faut dire que...tout ceci est bien éprouvant. Même pour lui.

Ce qui fut presque étonnant était le fait que le Duc n'est pas questionné plus que cela la disparition de son ami. A dire vrai, il ne semblait même pas atteint par cette dernière. Peut-être qu'au fond, Jonah savait la vérité mais n'osait la dire à haute voix. Peut-être se doutait-il ? A cet instant, Amir pinça le bord de sa lèvre inférieure, conscient que cela ne pouvait durer. Il ne pouvait mentir d'avantage à Joséphine. Quoique ? Etait-ce un mensonge que de dissimuler quelque chose ?

- Joséphine, il y a un sujet sur lequel j'aimerais m'entretenir avec vous, fit Amir

- N'avons-nous pas abordés tous les sujets possibles vous et moi ? sourit-elle

- Malheureusement, je crains que celui-ci nous ai échappé et je crains également qu'il ne vous plaise guère.

Fronçant légèrement les sourcils, Joséphine se détourna de son perchoir afin de faire face au prince au visage contrarié.

- Je vous écoute, dit-elle alors très sérieusement.

- Il serait plus approprié que vous lisiez plutôt, répondit-il en lui remettant une lettre.

Tendant l'enveloppe froissée qu'il sortit de sa veste à son égard, Joséphine la prit sans trop se poser de question mais étant vivement piquée par la curiosité. Une lettre ? Visiblement l'enveloppe ne portait ni sceau, ni aucune écriture pouvant lui donner un quelconque indice. Finissant par l'ouvrir, elle y découvrit à l'intérieur, une branche fleurie, presque sèche, et une feuille.

- Savez-vous quelle est cette fleur ? l'interrogea alors Amir

- Oui. De la glycine.

Un sourire partagea alors son visage en deux et elle n'eut guère besoin de lire la lettre pour savoir qui pouvait en être l'expéditeur car il n'y avait sur cette terre qu'une seule personne capable de glisser des fleurs ou des feuillages dans ses courriers : Lucien. S'il y avait bien une qualité qui pouvait définir le jeune homme ce fut bel et bien sa capacité impressionnante à survivre.

- Où avez-vous eu cette lettre ? demanda Joséphine en la secouant

- Je l'ai trouvé posée sur vous quand nous vous cherchions dans les débris de la tour.

- L'avez-vous lu ?

- Nullement. Ceci ne m'est pas adressé.

- Alors pourquoi avoir mit tout ce temps à me la remettre ? A me dire que ce papier existait ? Savez-vous que cette lettre détenait le pouvoir de nous éviter bien des remords ?! Et pourtant, vous me dites que vous l'avez gardée sur vous tout ce temps. J'avoue ne pas comprendre pourquoi.

- Et je vous mentirais si je vous disais moi-même comprendre mon geste. Pour tout vous dire, une part de moi espérait...espérait que vous restiez ici. Une part de moi aimerait que vous me choisissiez et ainsi peut-être aurais-je un aperçu du bonheur qui m'était promis. Mais quand j'y pense, quand je me laisse succomber à ma propre jalousie, à mon égoïsme certain, un frisson me parcourt. De quel droit pourrais-je vous demander ceci alors que depuis le début de notre amitié, depuis le premier jour où nous nous sommes rencontrés vous et moi, vous m'avez fait comprendre vos attentions à mon égard. Nous ne serons qu'amis et rien de plus et bien que j'accepte avec grand plaisir ceci... Je n'en suis pas tout à fait satisfait pour autant. Comme cela est étrange. Comment peut-on ressentir autant de choses plus conflictuelles les unes que les autres ? Je me le demande sincèrement.

Il était difficile pour la jeune femme de rajouter quoique ce soit aux dires du Prince. Il était lui-même conscient de ses erreurs, de son comportement, de ses pensées alors comment pouvait-elle le blâmer ou rajouter davantage de poids au fardeau qu'il semblait déjà porter bien lourdement sur ses épaules.

- Vous m'avez un jour dit que vous et moi étions promis l'un à l'autre, fit Joséphine, et ce, depuis la naissance. Mon existence était une sorte de paiement aux dettes que portaient mes parents. Dettes dont vous avez refusé de donner suite. Mais vous m'avez également dit que je n'étais pas la seule jeune femme dans ce cas précis. Pourquoi ne pas alors donner sa chance à l'une de ces jeunes femmes ? L'une d'entre elles doit certainement brûler d'un amour ardant pour vous. Ne seriez-vous pas plus heureux avec une personne aimante à vos côtés qu'avec une ignorante telle que moi ?

- Je me le demande. Croyez-moi, il n'y a pas eu une nuit où je n'ai pas porté la moindre réflexion à cette pensée. Mais qu'adviendrait de ladite jeune femme si je venais à ne pas l'aimer à sa juste valeur ? Ne finirions-nous pas tous deux malheurs ?

- Je doute que vous soyez un jour malheureux Amir. J'en doute sincèrement. Un jour, vous serez le Sultan le plus heureux et le plus sage que cette nation n'est jamais connue. Vous serez aimé pour ce que vous incarnez, mais aussi pour qui vous êtes, croyez-le.

Peu furent les gens à même de lui dire ces mots, ceux qu'il désirait tant entendre, ne serait-ce qu'une fois et pourtant, il venait de les entendre. Il venait de les entendre provenir des lèvres de la seule personne probablement capable de les prononcer et tandis que la nuit s'installait confortablement sur la douce cité, Amir savait qu'aux premiers rayons du soleil, Joséphine ne se tiendrait plus là, à quelques mètres de lui. Aux premiers rayons du soleil, elle serait partie. Partie comme un rêve s'évaporant après la nuit. Parce que Joséphine Conquérant n'était plus que ça pour lui : Un doux rêve. Un de ceux qui vous hantent et vous habitent et qui sont pourtant inatteignables, irréalisables.

Et il était probable que jamais il ne soit admit de la revoir. Ils allaient se séparer ici et ce soir sans même le savoir.

Parfois l'ignorance a du bon : Elle permet de profiter de ces quelques moments de paix et de bonheur profond que l'on peut dérober à la vie.

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