🌼 CHAPITRE 53 🌼

Bien que la joie venue occuper chaque recoin du Palace et qu'une grande célébration fut ordonnée par le Sultan afin de féliciter les efforts de son fils tant aimé, le cœur de ce dernier ne fut guère à la fête ou aux réjouissances. Le prince Amir était revenu certes indemne de sa noble mission de sauvetage, n'ayant perdu aucun homme mit sous son commandement, mais le goût de la victoire avait sur ses lèvres une amertume dont il n'arrivait pas à se débarrasser. Et plus encore, tandis qu'il portait sur lui les traces d'un vaste mensonge. Il avait durement réalisé que jamais Joséphine Conquérant ne viendrait à l'aimer, qu'il n'y aurait pas un soleil se levant où elle le regarderait comme lui la regarde. Il l'avait comprit et bien que la leçon fut difficilement acquise, il l'aida malgré les cris de désespoir grondant en lui. Fallait-il avoir perdu la raison pour ainsi servir une cause qui nous desservait ? Amir avait tout à y gagner si le Duc de Varsox n'était pas secouru, avec le temps il aurait pu gagner l'amour de sa promise. Certes, elle ne l'aurait jamais aimé comme il l'aurait désiré, mais peut-être, peut-être qu'avec le temps... Peut-être aurait-elle éprouvée pour lui ne serait-ce qu'un fin brin de compassion et de tendresse. Cela lui aurait amplement suffit. La savoir près de lui, à l'abri de n'importe quel souci, à l'abri du besoin et du mal...Cela lui aurait suffit. Alors pourquoi a-t-il fallut qu'ils y aillent ? Pourquoi a-t-il fallut qu'il la laisse le convaincre ?

Pourquoi faut-il qu'il lui cache cette lettre ? Lui-même ne se comprenait pas. Le Duc était à ses côtés et pourtant, il s'entêtait. Il savait qu'à présent, rien ne jouerait plus jamais en sa faveur et qu'il était dorénavant trop tard. Alors pourquoi ?

Assis à son bureau, il s'arrêta de travailler pendant un moment, pensif. Mille idées lui traversèrent l'esprit, et ce, dans un si court laps de temps qu'il en vint à se demander s'il était normal de penser autant. Ils étaient toujours ses invités. Il pourrait trouver n'importe quel prétexte, n'importe quoi pour les séparer. Les séparer...Cela n'adviendrait-il pas tout simplement avec le temps ? A cette pensée, Amir eut un sourire satisfait avant de l'effacer brusquement de son visage, se rendant compte de ses horribles et noires pensées. Il ne souhaitait que le bonheur de la jeune femme et il savait...Il savait qu'il ne serait pas celui lui apportant cela.

Soudainement, on vint toquer à sa porte. Personne n'était attendu en cette après-midi. Cela ne pouvait être ni son garde personnel, ni son secrétaire, tous deux avaient prit congés de lui pour se préparer au banquet de ce soir. Alors qui ? Joséphine ? Aux dernières nouvelles données par les domestiques du Palace, la jeune femme avait été grandement éprouvée et s'était endormie dans sa chambre.

- Entrez, signifia-t-il en prenant appuie dans son fauteuil

Il ne lui restait alors qu'une seule et unique personne à affronter. Ce moment était voué à arriver. Il n'aurait pu passer son temps à l'éviter. Pas tant qu'il serait aux côtés de Joséphine. Pas tant qu'il serait l'homme faisant battre son coeur et lui faisant perdre la raison. Elle avait tant risquée pour lui et il n'en avait probablement que très peu conscience.

Voyant donc la porte s'ouvrir la silhouette fatiguée du Duc, le Prince se redressa subitement, motivé par un élan de colère qu'il tenta de contrôler tant bien que mal. Même s'il savait qu'il n'avait aucune raison valable d'en vouloir à cet homme, rien que de l'imaginer dans l'ignorance de la souffrance de Joséphine, le mettait hors de lui. Oh comme il en avait entendu des rumeurs sur son compte. Ces fameuses, hypocrites et fausses rumeurs.

Le Duc Jonah de Varsox : Fils unique, envoyé dès l'enfance dans un pensionnat puis dans une académie militaire dont il en serait sortie avec les mérites et les distinctions nécessaires pour se faire un nom. On dit qu'il passa une partie de son adolescence à s'instruire sur le monde, voyageant de contrées en contrées. On le disait également mêlé à un certain nombres d'affaires impliquant le prince Lucien...

Alors comment un homme d'une telle réputation avait-il pu laisser une femme telle qu'elle...Comment avait-il pu la laisser ? Lui imposant ainsi toute la difficulté de la mission ?

- Puis-je savoir si je peux vous être d'une aide quelconque ? demanda Amir sans quitter les abords de son bureau

- Je ne voudrais surtout pas interrompre Son Altesse...rappela Jonah en dévisageant la pile de documents assiégeant le meuble lui faisant face

- Certes, j'ai à faire, mais je peux aisément prendre cinq minutes de mon temps pour vous, Votre Excellence.

- Et je vous en suis gré car j'aimerais que nous discutions vous et moi. Loin de toutes formes de protocole, loin de toutes oreilles indiscrètes. Juste vous et moi.

Etait-ce l'un de ces moments imposant une conversation dont Amir se serait bien passé ? Qu'allait-il pouvoir lui dire dont il n'était pas au courant ? Non. Cela était parfait car il pourrait ainsi le questionner et dieu seul sait que des questions, Amir en avaient.

- Asseyez-vous, je vous en prie, invita le jeune prince en indiquant un canapé situé non loin, J'ai appris que vous commenciez à aller mieux, cela est encourageant.

- Tout cela est possible grâce à la grande efficacité de votre médecin me semble-t-il ?

- Ne le flattez pas trop, il pourrait prendre la grosse tête.

Tous deux échangèrent un rire. Poli. Presque trop pour être sincère et vrai.

- Et donc ? De quoi vouliez-vous m'entretenir ?

- J'aimerais tout d'abord m'excuser pour...eh bien tout ceci. Vous n'auriez jamais dû être mêlé à cela.

« Non. VOUS n'auriez jamais dû» pensa Amir. Joséphine était vouée à venir un jour ou l'autre à Omyr ou peut-être se serait-il lui-même rendu là-bas, mais une chose était certaine, leur rencontre était inscrite dans l'histoire et était vouée à voir le jour à un moment donné. Cela avait été décidée bien avant leur naissance.

- Vous n'avez guère à vous excuser, corrigea poliment le jeune homme en sortant son sourire le plus cordial, Cela n'est pas de votre fait, ni même de votre faute. Notre pays... a encore quelques corrections à effectuer au niveau de son histoire et de sa politique.

- Néanmoins, je tenais tout de même à vous présenter mes excuses et aussi ma sincère et profonde reconnaissance. Sans votre soutien, je ne saurais dire ce qu'il me serait arrivé.

- Oh, mais je ne doute pas qu'un homme de votre... disons, grandeur, aurait réussit à un moment ou un autre à échapper à ces criminels. Après tout, votre réputation vous précède Votre Excellence, même ici à Omyr.

- Hélas, je crains que cette dernière ne soit légèrement exagérée.

«Légèrement ? Grandement». Amir n'avait rien à y gagner à se mettre le Duc à dos, bien au contraire. Ce dernier aurait tout à y gagner de les séparer Joséphine et lui cela en l'emmenant le plus loin d'ici et le plus rapidement possible et connaissant Joséphine, elle serait forcément de son côté. Malgré tout ce qu'elle avait endurée pour lui...Malgré...

- Je doute que vous vous soyez donné la peine de venir me trouver en privé pour vous excuser et me présenter votre reconnaissance, Votre Excellence.

- Non, il est vrai.

Dans ce cas, que les aveux soient fait car il n'y avait rien de plus horripilant que de tergiverser ainsi en perdant autant de temps. Amir ne détestait rien de plus que l'étiquette et la politesse qu'elle forçait d'entretenir. Si ce n'était pas pour le respect que son invité lui forçait d'avoir, il lui aurait déjà demandé tout ce qu'il désirait savoir.

Sortant un document de sa veste alors que sa main à peine remise en tremblait encore, Jonah plaqua ce dernier sur la table basse en verre près du Prince le dévisageant avec confiance.

- J'aimerais comprendre, Votre Altesse, pourquoi votre signature se trouve sur un tel document ? Savez-vous ce que c'est ? fit le Duc d'un ton plus froid

- Eclairez donc ma chandelle.

- Un accord commercial entre le Duché de Varsox et vous-même disant noir sur blanc que contre une certaine et importante somme, vous devenez le partenaire exclusif en ce qui matière d'armement militaire.

- Et je présume que vous avez, outre une signature aisément falsifiable, d'autres preuves m'incriminant ? Car je n'aime guère votre ton et ce que vous essayez d'impliquer, Votre Excellence, répondit tout aussi abruptement le Prince

- En ai-je besoin ?

- Il me semble que oui car ne vous êtes vous pas procuré ce document de manière tout à fait frauduleuse ? Ceci n'est donc pas recevable comme preuve. Ni devant votre Roi, ni devant mon Sultan. Quelle fâcheuse situation dans laquelle vous vous trouvez présentement !

- Cela vous fait-il rire, Prince ? Vous embarquez ma fiancée dans votre aventure et la mettez ainsi sciemment en danger. Vous achetez des armes de manière détournée. Et aux dernières nouvelles, vous êtes la seule personne prétendant qu'un Prince étranger ait disparu dans l'éboulement d'une vieille forteresse. En plus d'un manipulateur, menteur et trafiquant d'armes, êtes-vous également un meurtrier ? C'est une question que je me pose sérieusement, Votre Altesse.

Quittant sa position, Amir se pencha légèrement en avant, à l'intention de Jonah le fixant du regard. Si ce n'était pour ses blessures et les plaies sur ses mains, sans doute le Duc lui aurait-il déjà asséné un coup. Ou deux. Peut-être l'aurait-il étranglé jusqu'à obtenir ses aveux ? Car si Amir en voulait pour ses propres raisons à Jonah, cela était tout autant réciproque. Il venait de perdre son meilleur ami et la femme qu'il aimait tant avait risqué jusqu'à un bout d'elle-même pour tout cela.

Il avait alors plus d'une raison d'être en colère.

- Je présume que vous avez tous deux des explications sérieuses à me fournir quant à ce que je viens d'entendre, grogna une voix.

Ah. Joséphine.

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