🌼 CHAPITRE 50 🌼

L'escalier la conduisant jusqu'au plus au sommet de la dernière tour restante de la forteresse semblait être sans fin. Marche après marche, Joséphine grimpa en se demandant quand est-ce que son tourment prendrait fin. Chaque ascension fut pour elle une nouvelle déception quand elle découvrit qu'une dizaine d'autres pas n'attendaient que d'être franchis et à chaque déception, son cœur prenait un coup. Elle savait que tôt ou tard, elle finirait par être réunie avec Jonah, qu'il serait là, à porte de ses mains, de ses caresses et qu'il ne lui suffisait alors que de tirer sur le peu de patience qu'il lui restait. Hélas, de la patience, Joséphine en avait suffisamment usée : Avec Sophia, avec le Royaume et avec tout ceci. Alors que lui restait-il ? Que lui restait-il si ce n'était l'espoir infime et incertain d'avoir un jour, ne serait-ce, qu'une once de bonheur ? Pourquoi se levait-elle tous les matins en sachant que chaque journée allait être une bataille à mener ? Pourquoi foulait le sol froid et craquant de sa maison d'enfance si ce n'était que pour mener une vie dénuée de sens ? Une vie sans couleurs. Sans amour si tentait qu'elle se devait d'être heureuse d'avoir les siens auprès d'elle.

- Nous sommes arrivés, signifia un garde

Devant elle se tenait une porte en bois tenant à peine dans une armature en fer rouillé. Devant elle se tenait l'ultime et dernier obstacle la séparant de Jonah. Devant elle se tenait simplement une poignée qu'elle n'avait qu'à tourner et pourtant, sa main tendue à l'égard de cette dernière, ne cessait de trembler. Soudainement, Joséphine hésita sans en comprendre les raisons. Elle n'avait qu'à attraper ce bout de ferraille et son agonie prendrait fin. Elle en était convaincue cependant elle n'en trouva guère la force. Quelque chose la retenait telle une force invisible retenant sa main dans son action, restant suspendue en l'air.

- Tu peux le faire, ne joue pas l'idiote. Pas maintenant. Pas après tout ça, se dit-elle à elle-même.

Elle saisit la poignée d'un grand coup et la retourna vivement laissant alors la porte s'ouvrir sur son cri d'effroi.

- Jonah !

Son nom sortit si vite qu'elle en oublia le reste en le découvrant allongé à même le sol, enchaîné, visiblement roué de coups tant son visage et son corps étaient tous deux marqués par d'importantes plaies et hématomes.

- Qu'avez-vous fait ?! hurla-t-elle aux gardes restés sur le pas de la porte, Jonah ? Jonah ? M'entendez-vous ? chuchota Joséphine d'une voix tremblante tout en caressant son visage

- Il ne vous répondra pas.

Cette voix. Insipide, presque satisfaite. Celle du vieil homme venu les rejoindre tandis qu'il la regardait de haut alors qu'elle peinait à tenir son amant dans ses bras.

- Il est bien difficile de maintenir un tigre en cage sans user de certains...subterfuges. Croyez-le, nous avons essayé de nous montrer les plus cordial possible.

- Foutaises, grogna Joséphine, Que lui avez-vous fait ?

- Ce qu'il nous a jugé bon de faire afin de le maintenir ici. Ne devriez-vous pas vous montrer reconnaissante ? Le tuer nous aurait été plus aisé que de le maintenir en vie en attendant votre arrivée. A présent, j'espère avoir toute votre attention car il se pourrait qu'actuellement dans ses veines ne coulent un certain poison extrait d'un certain serpent assez rare. Un antidote existe bel et bien, mais j'aimerais tout d'abord m'assurer que nous soyons vous et moi sur la même longueur d'ondes.

Bien qu'un florilège d'insultes passèrent un à un en revue dans l'esprit en ébullition de la jeune femme, Joséphine se résigna à ne seulement grincer des dents tandis que ses mains s'accrochèrent à l'homme se tenant dans le creux de ses bras.

- Comprenez que vous avez, dans le sens littéral du terme, sa vie entre vos mains et que de votre comportement son sort dépendra. Suis-je clair ?

- Tout à fait.

Ce n'est que confrontée à la dangerosité de la situation que Joséphine, dans toute sa naïveté, réalisa ô combien Amir avait raison et que jamais elle n'aurait dû foncer tête baissée. Mais voilà qu'une nouvelle fois, Joséphine Conquérant venait de s'illustrer par son tempérament tout feu tout flamme sans prendre en considération certaines variables.

- A présent, je vous prierais de bien vouloir me suivre. Nous ne pouvons décemment pas avoir une conversation à proprement parler dans cette pièce.

- Espérez-vous que je laisse le Duc ici en le sachant dans un tel état ? s'insurgea Joséphine

- Il est dans votre intérêt de me suivre le plus rapidement possible car plus vite nous en aurons terminé vous et moi...Plus vite vous aurez ce que vous souhaitez, dit-il en agitant alors la petite fiole sous les yeux de la jeune femme.

Elle pourrait prendre sa tête. Là, immédiatement. Elle pourrait lui sauter à la gorge et l'assassiner dans cette pièce même afin de lui prendre le précieux petit contenant. Mais quand même elle réussirait à le tuer, comment pourrait-elle sortir de cet endroit sans aide et avec Jonah dans un tel état ? Elle était définitivement retenue prise au piège.

Redescendant les escaliers, Joséphine remarqua que ni Amir, ni Lucien ne se trouvait encore dans la cour. A dire vrai, le petit groupe semblait s'être dissipé à travers les murs venteux de la forteresse.

- Vos amis sont en bonne compagnie, vous n'avez guère de souci à vous faire, signala l'homme en voyant son regard arpenté la pièce

- Suis-je supposée avoir confiance en vos mots ? Croire en vos paroles ? Jusqu'à présent, vous m'inspirez tout sauf de la confiance.

- Je crains que vous et moi avons eu un départ dès plus compliqué, mais je suis certain qu'après notre conversation vous verrez les choses différemment et peut-être même serez-vous de notre côté. Sachez que nous ne sommes ni des monstres, ni des assassins.

- Et que faites-vous du mot «terroristes» ? Est-il sur votre liste de qualificatif ?

- Si vous appelez «terroristes» les gens se battant pour une cause juste, alors certes nous en sommes. Mais je trouve cela un peu hâtif comme jugement alors que vous venez tout juste d'arriver à Omyr.

- Hâtif ? Enlèvement, séquestration, chantage, tentative de meurtre...Cela résonne-t-il en vous ?

- Vous êtes encore bien jeune et peut-être avez-vous une vision biaisé de ce monde, Votre Altesse, mais vous apprendrez que parfois, tous les moyens sont nécessaires. Comme je vous l'ai précédemment dit : Nous aurions pu nous retrouver d'une toute autre façon.

- Et je suppose que je devrais me montrer reconnaissante pour cela ?

Il ne fit rien de ces mots et pourtant, au fil de leur conversation tous deux s'engouffrèrent dans un dédale de couloirs souterrains les menant vers ce qui semblait être un autel dans lequel plusieurs statues reposaient.

- Il y a plus de trente ans de cela, le Royaume de Zaranie était encore une nation prospère et tranquille. Nous échangions avec nos voisins avec lesquels nous entretenions de bons rapports, puis du jour au lendemain, nous perdîmes nos maisons, nos terres, nos femmes et nos enfants. La guerre, apportée par le Sultanat d'Omyr, venue tout nous prendre. Nos filles furent envoyées comme distractions dans une sorte de harem. Elles y furent battues chaque jour durant et si l'une d'elles avait le malheur de ne pas plaire au Sultan...Il lui tranchait la tête en guise de satisfaction personnelle. Notre Princesse bien aimée, Madeline, fut elle-même emmenée dans cet horrible endroit alors qu'elle n'était pas plus vieille que vous à l'heure actuelle.

Il y avait tant de choses sur sa mère que Joséphine ignorait. A dire vrai, elle avait la conviction de ne jamais l'avoir réellement connue. Les souvenirs qu'elle possédait, lui paraissaient aujourd'hui n'être que de vagues et tristes mensonges. Des subterfuges. Des mensonges accumulés sur les années passées l'ayant conduite à cet instant précis.

- Il est vrai que nous avons un désir ardent de faire payer au Sultanat ce qu'ils nous ont fait. Mais aucun acte ne saurait apaiser la douleur, le chagrin ou la culpabilité que nous ressentons.

- Alors que souhaitez-vous et qu'ai-je à voir là-dedans ?

- Nous voulons simplement récupérer ce qui nous appartient. Ce qui nous a été volé et spolié. Et nous voulons, que vous, Joséphine Conquérant, dernière princesse de la Zaranie, nous y aidions. Vous me dites n'avoir aucun pouvoir, aucune autorité, mais vous êtes simplement ignorante de ce que vous avez entre vos mains. Vous êtes un symbole. Vous êtes une effigie. Vous êtes un souvenir. Tant de choses sont en vous que vous n'en avez même pas conscience.

- Je vous l'ai dit, je ne suis pas cette personne. Je ne suis pas ce symbole. Je ne le serai jamais.

- Alors si vous souhaitez être libérée de ce fardeau, vous devez y mettre fin en coupant le dernier lien qui uni la Zaranie au Sultanat.

Quittant l'autel, Joséphine continua ses pas jusque dans une autre salle ressemblant fortement à des geôles. Ici, elle y trouva aussi bien un Lucien enchaîné et muselé, qu'un Amir à genoux devant elle.

- Vous avez été vendue, tout comme votre mère, à ce Prince maudit. Vous êtes lié à ce dernier par un serment qui vous dépasse et qui a été fait sans que l'on vous consulte. Ne vous sentez-vous dont pas enchaînée ? Ne souhaitez-vous dont pas vous libérer ? Alors faites-le.

Lui tendant un sabre, Joséphine réalisa l'horreur dans lequel on venait de la plonger. L'acte qu'on lui quémandait de faire.

- Tuez le Prince et vous sauverez ainsi le Duc. Une vie, pour une vie. C'est ainsi que fonctionne la Zaranie. 

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