🌼 CHAPITRE 49 🌼

Allongé le long d'une pan de la falaise donnant une vue imprenable sur la forteresse, personne ne dit un mot. D'un coup de tête agrémentés de certains gestes de la main, Amir donna ses directives à ses hommes se séparant du trio restant. Ils avaient attendu la journée sous un soleil de plomb, la garde s'était relayée toutes les deux heures et chacun fut à l'affût du moindre mouvement suspect, mais tout le problème résidait dans cette dernière partie. Il n'y eut aucun mouvement de la part des hommes supposés cachés dans ces ruines. Pas une seule fois on ne vit un garde. Pas un bruit ne fut perçu. Rien. Le silence régna en maître sur les lieux et cela, Joséphine le savait, n'était guère bon pour leur affaire.

Depuis leur arrivée, son cœur n'avait cessé d'être affolé pensant que seuls ces quelques murs preuve d'un passé qu'elle n'avait jamais connu, la séparait de celui qu'elle aimait et été venue sauver. Il n'y avait que quelques mètres entre elle et Jonah et tandis que tout son être tremblait, une voix à l'intérieur ne cessait de hurler. Peinant grandement à préserver son calme, ce fut pour la jeune femme un duel dès plus difficile car son adversaire n'était autre qu'elle-même. D'ailleurs, si cela ne tenait qu'à elle, Joséphine se précipiterait, franchissant murs, portes et tout autres obstacles la séparant de Jonah. Néanmoins, la main de Lucien sur son poignet assurait une sorte de sécurité et la préserva ainsi de la moindre folie qu'elle s'apprêtait à commettre.

- Il est temps d'y aller, lança Amir en descendant de sa position.

Le suivant de près, Joséphine et Lucien ne posèrent aucune question tandis que le trio s'approcha d'un pas décidé de ce qui ressemblait fortement à l'entrée des ruines. Pendant un court instant, Joséphine jeta un regard curieux à l'architecture peinant grandement à rester debout. Le temps et la guerre ayant fait leur affaire, elle réalisa avec peine que sa propre mère était née en ce lieu. Elle avait grandie en ce lieu. Ces pierres s'effritant, ces colonnes prêtes à chuter et ces murs laissant siffler les brises s'y engouffrant...Il n'y avait plus rien ici qui laissait à croire que jadis, un royaume tout entier reposé sur ces fondements abîmés.

- Nous vous attentions, Votre Altesse Joséphine, gronda une voix tandis que la vieille porte en bois s'ouvre dans un affolant grincement.

«Votre Altesse». Un titre auquel Joséphine n'était certainement pas habituée. Pour eux, elle était la dernière survivante d'une lignée pratiquement éteinte et sur la voie de disparaître. Elle était tout ce qui restait de la Zaranie et de sa gloire passée. Joséphine, tout comme ce Palais, était une relique. Une ultime relique dont bien des hommes rêveraient de s'en emparer tant sa valeur avait cruellement augmentée au fil des années.

- Vos armes ne vous seront d'aucune utilité en ces lieux sacrés. Nous n'avons aucune intention de vous faire du mal. Posez-les.

Tous trois échangèrent un regard inquiet avant de s'éxecuter en voyant un groupe d'une vingtaine de personnes les encercler, ramassant sabres, épées, dagues et autres armes qui auraient pu se facilement se dissimuler sous un jupon. Puis, une fois qu'ils furent dépouillé, un homme d'une soixante d'année fit son apparition, sortant de l'obscurité de la nuit et se dévoilant au peu de lumière qu'offraient les lampes accrochées et parsemées ici et là dans ce qui semblait être la cour intérieure du Palais.

- Nous vous souhaitons la bienvenue chez vous, Princesse.

S'accroupissant devant elle, suivie de tous ceux se trouvant autour d'eux, Joséphine eu une étrange sensation de déjà-vu, pourtant aucune scène semblable à cette dernière ne semblait être enregistrée dans sa mémoire. Alors d'où cela pouvait-il provenir ?

- Votre voyage a dû être dès plus...incommodant, poursuivit l'hôte en se redressant tout en jetant un regard noir au jeune prince Amir resté sur ses gardes.

- Je ne suis pas venue jusqu'ici pour discuter de mon «voyage» car sachez que la seule chose qui m'incommode est le fait que l'on m'ait forcé la main en capturant un être cher. Par conséquent, je demande à voir immédiatement le Duc de Varsox, ordonna Joséphine d'un ton ferme.

En réalité, Joséphine n'avait que faire de visiter la Zaranie ou d'en apprendre plus sur ses origines, sur sa mère et sur toute son histoire. Elle n'était venue jusqu'ici et n'avait enduré qu'un tel supplice uniquement dans l'unique but de retrouver Jonah. Voilà tout ce qui lui importait. Savoir s'il était en vie. Savoir s'il était en bonne santé, la façon dont ces étrangers l'avait traité...Le besoin urgent et pressant de le voir se faisait de plus en plus ressentir et plus les minutes passèrent, plus son cœur s'emballait. Elle le savait dans ces murs. Elle le savait ici et le voulait. Maintenant.

- Bien entendu. Je comprends, fit-il d'une voix sensiblement plus confuse et gênée. Cependant, vous venez à peine d'arrivée et ne serait-il pas préférable de profiter d'un repos bien mérité après une telle traversée ?

- Ne me faites pas me répéter, j'en ai horreur.

Si ça ne tenait qu'à elle, Joséphine aurait prit ses jambes à son cou et aurait trouvé un moyen de se fendre un passage à travers la foule présentement réunie. Elle aurait couru jusqu'à ce que le souffle lui manque, remuant ciel et terre pour ne serait-ce que poser sa main sur sa joue et le sentir près d'elle. Elle l'aurait fait, mais le groupe se montra soudainement plus réticent à accéder à sa requête comme s'ils cherchaient à lui dissimuler quelque chose. A cet instant, une pensée funeste lui traversa l'esprit «Que lui ont-ils fait ?». Elle jura par tous les dieux que si le moindre mal lui avait été causé, Joséphine tuerait quiconque aurait posé la main sur lui. Elle qui, pendant toutes ces années, avait préserver sa colère, son aigreur et son animosité envers une société lui donnant bien du fil à retordre, n'attendait qu'une chose : Pouvoir exploser librement. Ici, personne ne viendrait à leur secours. Personne ne serait à même de s'enfuir de cet endroit et s'il fallait le démonter pierre par pierre, elle le ferait. Sans une once d'hésitation.

- Jouons franc jeu, voulez-vous ? Vous ne m'avez pas fait venir jusqu'ici, en utilisant mon fiancé, en guise d'appât, dans le seul but de me proposer le repos. Alors, pendant que je m'en vais le retrouver, je vous conseillerais de réfléchir soigneusement au prochain mot que vous utiliserez.

- Joséphine ! intervient Amir en essayant d'apaiser la tension naissante

L'attirant à l'écart du groupe par le bras, Amir visiblement mécontent, dévisagea la jeune femme au regard déterminé. Bien qu'il comprenait son apparente colère, elle ne se rendait pas compte du lieu dans lequel ils se trouvaient.

- Ne vous ai-je pas maintes fois répété que cet endroit était dangereux ? chuchota-t-il

- Espériez-vous que je me taise et laisse une nouvelle fois des inconnus me malmener ? Combien de fois dois-je me laisser manipuler telle une marionnette ? Combien de fois dois-je encore faire des courbettes, baisser la tête et dire oui à absolument tout ce que l'on me proposera ? Je ne suis pas ce genre de femme. Je ne suis pas ce genre de personne à courber l'échine et à attendre. Je suis venue jusqu'ici pour une seule raison...

Ou deux. Repensant à la requête de Sophia, Joséphine se pinça le front. Focalisée sur Jonah, elle en avait oublié le reste. Les armes. La guerre. Comment pouvait-elle avoir oublié ça ?

- A votre place, j'écouterai les conseils avisés du jeune prince, reprit l'homme en interrompant leur conversation. Nous ne voulons pas nous montrer hostile à votre égard pour le respect que nous avons pour votre mère, néanmoins, votre attitude n'est pas la bonne. Ces lieux sont sacrés et par conséquent, nous obéissons à certaines lois.

«Allons bon» pensa Joséphine en se retournant vers son interlocuteur.

- Je présume que vous ne me laisserez pas le voir à moins que je ne fasse quelque chose pour vous, je présume ? Je ne sais pas quelle image vous pouvez bien avoir de moi ni quel pouvoir ou autorité vous pensez que j'ai, mais sachez ceci : Vous vous trompez lourdement sur mon compte. Vous m'appelez «Princesse», mais ceci n'est rien de plus qu'une étiquette vide de tout sens. Je n'en suis pas une et par conséquent, je n'ai guère les prérogatives que ce titre peut me conférer. Je suis venue jusqu'ici pour revoir mon fiancé que vous avez enlevé et j'espère le faire sans qu'il n'y ait le moindre problème ni la moindre difficulté.

- Cela...va dépendre de votre comportement. Nous pouvons vous conduire à lui comme nous pouvons lui ôter la vie sur le champ. Jusqu'à présent, nous nous sommes montrés patients à votre égard. Nous vous avons attendu ici alors que nous aurions pu user de méthodes différentes, et ce, dès votre arrivée au port.

- Que me voulez-vous au juste ? Que l'on en finisse.

- Ne vous montrez pas trop hâtive car autant nous vous avons laissé venir à nous, autant nous pouvons vous empêcher de partir.

S'avançant vers l'homme, Joséphine dégaina une dague coincée dans son étui, soigneusement dissimulée sous son corset qu'elle pointa alors sous sa gorge.

- Et moi qui pensais que toutes vos armes avaient été déposées...Quelle triste image ai-je là ?

- La dernière personne qui m'a retenue captive dans un endroit a fini par perdre la vie, désirez-vous connaître le même sort vieil homme ?

- Vous avez en vous le même feu qui brûla jadis en votre mère. Il n'y a aucun doute là-dessus. Vous êtes bien une Princesse du désert, que vous le vouliez ou non.

Aux yeux d'Amir, Joséphine n'avait jamais été aussi belle et aussi dangereuse. Cette impression qu'elle donnait de pouvoir abattre le monde si elle le désirait était pour lui source d'admiration car il n'y a encore pas si longtemps, il la voyait si jeune et si chétive. Mais voilà qu'elle le désarma à bien des égards, et ce, même lors de leur échange musclé et armé. Sa détermination et ses convictions faisaient d'elle la femme la plus redoutable qu'il n'avait jamais connue jusqu'à présent.

Mais le danger, à force d'être trop chatouillé, pouvait provoquer bien des ennuis, et cela, Joséphine l'ignorait grandement.

Elle ignorait que cette arme qu'elle pointait sans penser aux conséquences, les conduirait tous vers une triste et funeste journée.

- Toujours est-il que je n'aurai votre attention qu'à l'instant où vous verrez notre invité. Veuillez accompagner Son Altesse jusqu'aux quartiers de ce dernier, ordonna le vieil homme.

Abaissant son arme, Joséphine garda cette dernière dans sa main avant d'être promptement escortée, disparaissant ainsi du champ de vision et de la portée d'Amir et de Lucien restés et laissés sur place.

- Peut-être sera-t-elle plus prompt à m'écouter après cela ? suggéra-t-il dans un sourire en coin, Je pense qu'elle le sera...En effet.

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