🌼 CHAPITRE 45 🌼
Jamais encore Joséphine n'avait eu si mal aux pieds. Sans doute était-ce dû à ses chaussures qu'elle avait trouvé par hasard délicatement posées au pied de son lit alors qu'elle était dans la salle d'eau ou peut-être était-ce simplement dû à son incapacité à pouvoir trouver une seule place assise dans la salle car il fallait l'avouer, le Sultan avait vu les choses en grand. Il n'y avait pas un seul endroit qui n'était pas animé, pas une seule coupe vide et pas un seul groupe mit à l'écart. Les discussions allaient de bon train et il fut presque impossible de rater la jeune femme à la robe bien trop saillante de couleur ocre : Joséphine. Bien évidemment, cette dernière n'avait guère fait le voyage avec ses effets personnels, mais voilà que bien des surprises semblaient l'attendre dans le Palais. Ainsi, il lui avait été presque impossible de cacher la moindre arme parmi ses dessous à l'exception d'une dague plaquée dans le creux de son dos.
On la présenta alors à de proches parents, à des conseillers du Sultan ou à d'imminents membres de la communauté de la ville. Chacun eu le droit à son échange avec elle. Chacun eu le droit de vanter les mérites d'Omyr comme s'ils essayaient tour par tour de la pousser à s'installer ici, ce que les plus culottés osèrent insinuer en suggérant maintes et maintes fois l'opportunité que serait pour elle, un mariage avec le plus jeune prince du Sultanat. D'ailleurs, personne ne semblait ignorer qui elle était à croire que le secret que le monde lui cachait n'en était plus vraiment un.
Une princesse, ou plutôt comme il fut commun de l'appeler : Le joyau de Zaranie. Feu la majestueuse Zaranie. Et bien que Joséphine paraissait plus que lassée des heures interminables passées avec untel ou untel, elle savait que l'un d'eux détenait l'information qu'elle était si désireuse d'avoir.
- Avez-vous votre suspect ? chuchota Amir venu la retrouver alors que ce dernier paraissait très pris avec les nombreuses jeunes femmes s'étant languis de lui.
- Pour moi, ils se ressemblent tous, autant dire que la tâche s'annonce difficile, soupira Joséphine en posant son verre sur la table près d'elle.
- Il est évident qu'ils ne vous approcheront pas devant tout le monde, cela serait bien trop suspect.
- Alors que suis-je supposée faire ?
- Aimez-vous pêcher ?
Pêcher ? Voilà quelque chose qui l'intriguait. Visiblement, le jeune prince avait une idée derrière la tête dont il se gardait bien de partager, mais elle n'avait que le choix de le suivre.
- Je ne suis guère une grande amatrice de poissons, je dois le reconnaître, répondit alors la jeune femme.
- Joséphine, sourit le prince devant son aveu, je ne vous demande pas d'aller pêcher, mais d'appliquer le principe de la pêche à votre enquête. Lancez donc un hameçon et vous verrez bien qui viendra le mordre.
Bien sûr. Une métaphore. De toute évidence, Amir était d'humeur pour les messages déguisés, lui qui s'était montré jusqu'à présent plutôt franc.
- Il me semble que votre valet s'est malencontreusement perdu sur la terrasse, signala Amir dans un clin d'oeil non déguisé et lourd de sens, Je vous suggère d'aller le retrouver avant que ce dernier ne finisse réellement par s'égarer. Cet endroit peut-être...assez grand.
- Je vais vous prendre au mot dans ce cas. Il serait dommage en effet que des étrangers se perdent dans des endroits non accessibles au grand public, n'est-ce pas ? Je n'aimerais pas qu'il arrive un indicent par mon manque d'encadrement en ce qui concerne mon...personnel.
- Je vous en prie. En attendant, je me ferais une joie de divertir ces messieurs.
- Vous m'en voyez ravie ! Je vous laisse vous amusez alors.
Se retirant grâce au soutien du prince lui servant d'écran de fumée, Joséphine se rend non sans mal, prétextant un urgent désir d'un bol d'air frais et d'intimité, sur ladite terrasse indiquée par Amir. Bien que cette dernière fut à peine éclairée de quelques lampes à huile posées ici et là sur les rebords de la balustrade, il n'y avait pas l'ombre d'un chat. Pas même de Lucien. Cependant, elle portait en elle ce drôle de pressentiment la poussant à penser qu'il n'était guère loin et qu'il garderait un œil et une oreille plus qu'attentifs au déroulé des événements appelés à se produire en ce lieu presque secret.
- Prenez-vous l'air, Madame ?
Bien qu'elle n'ait pas entendu la porte de la baie vitrée s'ouvrir, Joséphine sentait la présence derrière elle et ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire. Cela était sans nul doute dû aux nerfs car elle ne pouvait qu'entendre les battements de son cœur s'emballer. La peur qu'elle se refusait d'affronter, l'appréhension de la rencontre qu'elle désirait comme elle redoutait, tout lui revenait soudainement telle une gifle l'immobilisant sur place.
- Les festivités sont si enivrantes qu'il peut-être que bénéfique de s'en détacher légèrement si l'on veut pouvoir poursuivre, répondit-elle d'un ton le plus neutre possible.
- Vous m'en direz tant. Nous espérons que cela ne vous ennuie pas trop et que nous n'abusons nullement de votre gentillesse, poursuivit son interlocuteur
- Nullement, j'ai été merveilleusement bien accueillie et je serais plus qu'ingrate de ne pas saluer les efforts du Sultan pour rendre cette soirée...mémorable.
- Mémorable, en effet c'est le mot. Néanmoins, si je puis me permettre, vous ne paraissez pas avoir l'esprit à la fête. Quelque chose vous perturberait-il ?
Etait-ce écrit sur son visage ? Son inquiétude était-elle si visible ou cherchait-il expressément à la titiller ? Seuls ceux dans la confidence de la disparition du Duc pourrait connaître son lien avec ce dernier. Cherchait-il à le confirmer ?
- Cela doit probablement être la fatigue, expliqua Joséphine, ces jours en mer ne m'ont pas épargnée.
Elle rit si faussement que même elle peina à croire qu'elle pourrait tromper quiconque.
- Et si nous arrêtions de tourner autour du sujet qui nous intéresse tous deux ? proposa-t-elle en se retournant enfin vers son interlocuteur
- Madame a-t-elle un sujet plus convenable en tête ? demanda ce dernier visiblement intrigué
- Vous n'êtes pas ici pour me demander mon piètre avis sur les festivités, est-ce que je me trompe ? Vous auriez très bien pu attendre que je revienne pour cela.Non, vous cherchiez à m'aborder à un moment où je serais seule, dans un endroit discret, à l'abri des oreilles trop indiscrètes qui pourraient traîner ici et là. Vous êtes venu me trouver dans un but bien précis. Alors cessez donc de jouer la carte de l'ignorance dont j'ai en horreur et allez droit au but.
Bien qu'elle vit ses traits changer passant de la surprise et à l'intérêt grandissant, Joséphine resta néanmoins accrochée fermement à la balustrade. Sans doute par sécurité. Non pas qu'elle se sentait nécessairement en danger, mais elle pressentait que si elle venait à s'en détacher, ses jambes se déroberaient à elle et elle se retrouverait sans nul doute les fesses au sol. Elle rêvait d'aventures et la voilà en vivant une, mais cette dernière semblait la terrifier. La petite Joséphine qui se pensait courageuse, bagarreuse et brave, assez tout du moins pour s'en prendre à des fils de nobles ou pour tenir tête à une princesse capricieuse, semblait avoir brusquement disparue.
- Vous êtes une femme d'une grande intelligence, si je puis me le permettre. Cependant, je dois vous faire remarquer qu'il n'est guère prudent pour une femme, justement, de se retrouver seule dans la pénombre avec un homme.
Son intonation. Elle avait quelque chose de différent. Il se voulait charmeur et maintenant presque intimidant. Pensait-il réellement pouvoir l'effrayer ? Plus qu'elle ne l'était déjà bien qu'elle luttait tant bien que mal afin de ne rien dévoiler de cela. Grotesque. Joséphine était déjà morte de peur
- Seule ? Ai-je mentionnée le fait que je l'étais ? reprit Joséphine étonnée
Sa phrase restée en suspend, Lucien bondit du toit, attérissant tel un chat, tout en souplesse, presque sans un bruit, derrière l'interlocuteur de Joséphine qu'il menaça aussitôt d'un couteau pointé sous sa gorge.
- Que disiez-vous déjà ? continua Joséphine en s'approchant de lui à petit pas, Ah oui ! Il n'est guère prudent pour une femme de se retrouver seule dans la pénombre avec un homme. Voyez-vous, je ne suis pas venue ici pour jouer ce rôle-ci. Je suis là pour avoir des réponses et je compte bien les obtenir.
Presque face à face avec l'homme en question, Joséphine échangea un bref regard avec Lucien. Pas un mot ne fut dit, mais de longues explications furent échangées. Il pourrait l'égorger ici et maintenant que personne ne se douterait de rien et que personne ne viendrait questionner cela. Le corps disparaîtrait, Joséphine retournerait à la soirée et personne n'en saurait rien. C'était une idée plaisante, presque trop séduisante d'ailleurs, mais elle avait fait tout ce chemin pour une raison et c'est avec cette dernière en tête que Joséphine comptait avancer.
- Et maintenant, si vous me disiez ce que je désire savoir : Où se trouve le Duc Jonah de Varsox et qu'attendez-vous de moi ?
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