🌼 CHAPITRE 44 🌼
Profitant d'être seule dans sa chambre après le départ de Lucien, Joséphine fit quelques pas ici et là, réfléchissant à la suite logique des événements. De toute évidence, elle ne pourrait s'éclipser de la soirée car contrairement à toutes celles vécues auparavant, elle était l'attraction principale de la nuit et tous les regards seraient forcément braqués sur elle ce qui était bien fâcheux, elle qui avait horreur de cela. Il lui fallait donc trouver un moment où elle serait plus disposée à se promener dans le Palace. Durant la nuit ? Cet endroit était lourdement gardé, il ne lui serait guère aisé de le faire, en outre elle n'était pas familière avec les lieux.
Par manque de solutions, Joséphine abattue, se laissa tomber sur le lit à peine froissé regardant ses malles tout juste vidées. Elle n'avait pas emporté grand chose, le strict nécessaire et encore, deux ou trois affaires complémentaires, mais d'ores et déjà elle sentit qu'il lui manquait quelque chose. Elle n'aurait que faire de ses robes de soirée si ce n'était pour plaire et séduire les jeunes hommes de ce pays, un certain prince tout particulièrement, en revanche elle avait ses yeux rivés sur ces dessous bien utiles que Ninon lui avait cousu il y a de cela quelques mois : Un porte-jarretelle permettant de dissimuler maintes petites lames sous ses jupons. Une cachette idéale ma foi, car qui irait vérifier sous la robe d'une dame si ce n'est une main déplacée ? Personne ne pourrait alors se douter que malgré le fait qu'elle se soit presque volontairement jetée dans la tanière du loup, elle y soit venue plus que préparée.
- Joséphine ? toqua subitement une voix à sa porte, Puis-je m'entretenir avec vous ?
Amir. Pendant un bref instant, ses yeux se levèrent naturellement, probablement excédée d'avance par la soudaine demande qu'il serait venu lui faire. Un entretien ? Il n'était pas question de cela. Le jeune prince devait en avoir fini avec son père et il était très certainement venu lui demander quelque chose suite à leur discussion. Elle pourrait en mettre sa main au feu.
- Je vous en prie, entrez !
La porte s'ouvrit sur ce dernier, vêtu visiblement d'un habit beaucoup moins formel que celui qu'il avait en arrivant ici, les cheveux complètement détachés, lui tombant jusqu'en bas du dos. Sous cet angle, il ressemblerait presque à l'image que Joséphine se faisait des princes de conte de fées. Grands, beaux, charmants et particulièrement attirant, du moins sur un plan strictement physique.
- Que puis-je faire pour vous, Votre Altesse ? reprit-elle en le voyant inspecter sa chambre du regard.
- J'étais venu voir si vous étiez confortablement installée. Si vous ne manquiez de rien.
Curieux. Il aurait tout simplement pu se renseigner auprès d'une des jeunes femmes l'ayant escortée précédemment.
Il était tout là, le problème du Prince Amir : Ce dernier semblait toujours être dans l'incapacité d'être totalement transparent. Elle ne lui en voulait pas bien sûr et bien que par moment ils se montraient tous deux maladroits l'un envers l'autre, elle ne doutait en rien de son fond naturellement bon. Néanmoins et outre son talent pour la bagarre, Joséphine savait reconnaître quelqu'un de malhonnête quand elle en croisait un et Amir n'était pas venu jusqu'ici pour discuter de telles futilités.
- Ne vous ai-je pas déjà dit de m'appeler Amir ? Bien que votre visite soit très protocolaire, j'aimerais que ce séjour soit vu comme...un gage de bonne foi. J'ai longuement discuté avec mon père et je me suis permis de lui parler du cas du Duc. Il propose une aide militaire, mais je ne suis pas certain que cela aide qui que ce soit. La violence ne fait qu'engendrer de la violence.
Voilà donc où il voulait en venir.
- Vous avez l'âme d'un pacifiste, répliqua la jeune femme non surprise
- Je ne dirais pas cela, mais je suis certain que le sang à suffisamment coulé à Omyr. Les vieux savants pensent même que c'est la guerre causée par mon oncle qui a teintée de rouge la terre de Mythra, soupira le prince, Cependant je suis favorable à l'ouverture de discussions quand cela est possible. J'ai toujours eu un faible pour la diplomatie.
- Cela ne fait-il pas de vous le souverain parfait ? Personne n'aime la guerre et pourtant, d'aussi loin que l'on puisse s'en souvenir, elle existe et semble perdurer malgré les efforts de générations entières pour l'éradiquer.
- Elle ne disparaîtra jamais définitivement, mais je voudrais limiter certaines choses disons. Les hommes ayant enlevés le Duc de Varsox ne sont pas un groupe à prendre à la légère, mais je souhaiterais trouver des solutions qui feront le bonheur de tout le monde.
- Une sorte de compromis ? Tout dépend. S'ils ont fait cela c'est très certainement pour attirer notre attention. Maintenant qu'ils l'ont, que pensez-vous qu'ils puissent demander ? Autre bien-sûr ce que vous tentez déjà de leur donner c'est à dire : Leur liberté, résuma Joséphine en toute hâte
- Je ne sais pas et c'est bien ce qui m'inquiète, avoua-t-il
Il y avait cependant une seule façon de le savoir.
- Oserais-je vous demander de m'accorder une faveur ? demanda Joséphine
- Je vous en prie. Tout ce qui est en mon pouvoir, répondit Amir
- Laissez-moi m'en occuper.
- Je vous demande pardon ? reprit le Prince visiblement étonné
- Vous m'avez dit sur le bateau qu'il se pourrait que je sois approchée durant les festivités. Et si c'était là notre occasion ? L'occasion pour vous de savoir ce que ces gens veulent et l'occasion pour moi d'avoir mes réponses.
- Joséphine, je ne peux...Non pas que je ne vous fasse pas confiance, mais ne vous rendez-vous pas compte de la dangerosité de la situation ? Si la moindre chose vous échappe, vous serez seule.
- Je sais.
- Et n'avez-vous pas peur ?
- Honnêtement, je suis terrifiée, mais comprenez que je ne suis pas dans une situation où je peux laisser la peur me paralyser. Je ne saurais le regarder en face s'il advenait que j'avais une chance de lui venir en aide et que je ne l'ai pas saisie. C'est un regret que je porterais à vie dans mon cœur. De plus, je ne serais pas entièrement seule, sourit Joséphine devant cette perspective réconfortante, Car ne suis-je pas venue avec un valet ? Il s'avère que c'est un homme de plus d'un talent.
- Très bien, se résigna Amir devant la détermination de Joséphine, Néanmoins je souhaiterais vous apporter mon soutien. J'ai peut-être les mains liées, mais il y a bien deux ou trois ficelles que je peux tirer et qui vous seront probablement d'une grande aide.
- Et pour cela, je vous en serais éternellement reconnaissante. Je le suis déjà, même si je ne le montre probablement pas assez. Vous n'étiez pas obligé de vous laisser embarquer dans nos histoires et pourtant vous n'avez pas hésité alors que vous avez vous-même beaucoup de choses à gérer.
Sur le moment, Amir ne dit pas un mot. Il se contenta de tourner dans la chambre, comme s'il était à la recherche de quelque chose, tapotant chaque meuble sur lequel sa main venait se poser. Il tourna encore et encore avant de s'arrêter devant la fenêtre donnant sur un tout petit balcon offrant alors une vue incroyable sur la ville située en contre-bas.
- Vous savez, je n'ai jamais vraiment voulu être Prince. C'est peut-être idiot à dire, surtout maintenant, mais si j'avais eu le choix...J'aurai probablement été marin ou bien même docteur. J'aurai eu une vie très différente, oh ça oui. Je ne sais pas si cela m'aurait plu comme je ne sais pas si la vie de palace est faite pour moi, mais je pense que j'aurais trouvé des teintes de bonheur parsemées ici et là. Je me serais probablement contenté de peu.
Devant un tel discours, Joséphine se mise à rire, imaginant probablement Amir en tant que marin ou bien en médecin. Aurait-il seulement aimé ce genre de vie là ? «Prince» était une étiquette qui lui allait si bien, et ce, pour de multiples raisons dont la première était sans nul doute que le monde avait besoin de gens comme lui. Naturellement bons.
- Riez-vous de mon récit ? suspecta Amir arborant un léger sourire amusé
- Je n'oserais point. Sachez néanmoins que je vous vois plutôt en pirate des mers.
- Et pourquoi donc ?
- Pour le côté aventureux ? Vous semblez chercher l'aventure qui manque tant à votre vie princière. Cela nous fait alors un point commun !
- Des amis ne partagent-ils pas le même rêve fou justement ?
«Amis». C'était bien là un mot qu'elle ne s'attendait pas à entendre de sa bouche, mais l'effort fut apprécié. Peut-être que leur dernière altercation avait permise de mettre les choses aux claires et que le prince se montrerait désormais beaucoup moins entreprenant qu'il n'avait l'habitude de l'être. D'ailleurs, Joséphine cru reconnaître une réelle amélioration dans son comportement. Il tenait ses distances, ne mentionna guère ou très peu Jonah et son inquiétude semblait sincère. La jeune femme ayant tant l'habitude d'avoir affaire à de jeunes coqs prétentieux refusant de comprendre quand on leur disait «non», cela lui fit plus que bizarre de voir qu'Amir avait changé si rapidement. Encore faudrait-il que «changé» soit le terme plus le plus exact ?
- Amis...chuchota Joséphine en répétition tel un délicat écho, C'est vrai ! Nous sommes amis.
- Me voilà heureux de vous entendre me le confirmer. Vous avez eu raison tout à l'heure...de me rappeler à l'ordre, je veux dire.
- Je n'aurai pas dû, mais vos mots me rassure. J'avais peur de vous avoir froissé, assuma Joséphine
- Froissé ? Peut-être mon égo, mais là encore la fierté n'est pas la qualité primordial d'un homme. De plus, ce dernier a une incroyable capacité à se réparer tout seul !
Joséphine finit par éclater de rire. C'était bien la première fois qu'elle rencontrait un homme aussi surprenant qu'Amir. La première fois, oui.
- Décidément, vous êtes un prince atypique, s'enjoua-t-elle
- Le monde serait d'un si grand ennui si l'on se ressemblait tous ! souffla le prince
- Vous prêchez à converti, je vous assure. Néanmoins, le monde n'aime pas ce qui est trop «différent» de la norme ou de ce qui est «acceptable». J'en sais quelque chose.
- Et je le déplore sincèrement. Vous n'auriez pas dû souffrir de ces maux. Vous n'auriez dû souffrir d'aucun mal d'ailleurs. Vous êtes une princesse, Joséphine. De part votre sang vous avez le droit à tous les privilèges qu'une personne de ce rang a.
- Les privilèges, les trésors, la renommée, je n'en veux pas. Vous avez dit ne pas avoir voulu être prince et que si vous aviez eu le choix, vous auriez été une personne tout à fait différente. Sachez que moi, j'ai ce choix-là. J'ai cette chance-ci contrairement à vous et je compte bien tirer la bonne carte. Ma vie actuelle, bien que désordonnée et pleines de mésaventures, me convient.
- Dans ce cas, je vous souhaite beaucoup de bonheur car c'est tout ce qui semble vous manquer.
Mais le bonheur, comme toute autre chose, est quelque chose qui peut s'obtenir. La seule chose à faire et de le souhaiter ardemment tout en tendant la main pour l'attraper.
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