🌼 CHAPITRE 43 🌼
L'arrivée au Palace se fit en grandes pompes : Acclamations et musiques envahissaient l'espace, si bien qu'il était presque impossible d'avoir une conversation et d'être en mesure de s'entendre. Cependant, cela convenait parfaitement à Joséphine qui, depuis qu'elle avait quitté les abords du port de la ville, n'avait plus adressé un mot au Prince qui s'était également mué dans son silence. Dans quelques instants, elle serait face au Sultan Rajen, l'homme à l'origine de son lien bien unique avec son premier né. Bien des mots lui passèrent par la tête et un bon nombre d'entre eux ne furent qu'insultes et divers noms d'oiseaux car si elle avait fait tout ce voyage c'était en partie de sa faute aussi. Elle n'était pas une propriété qu'il pouvait attribué à qui lui chantait sous prétexte qu'il était le Sultan et la jeune femme comptait bien repartir d'ici en ayant transmis son message.
Quand la calèche s'arrêta, le Prince descendit le premier presque comme s'il se précipitait à l'extérieur et Joséphine prit cette fraction seconde pour respirer. Quelque part, elle avait en elle-même cette désagréable impression que ce petit moment de répits serait probablement le dernier de son séjour. Et elle eut raison. Car à peine s'était elle présentée à visage découvert, attrapant la main d'Amir qu'immédiatement de folles rumeurs virent le jour. Mais n'était-ce pas son objectif ? Joséphine y pensa.
A peine son pied avait-il frôlé la terre rouge caractérisant la ville de Mythra qu'une escorte de gardes vinrent les trouver, les guidant à travers l'immense jardin du Palace ne lui laissant guère le temps d'admirer aussi bien la faune que la flore locale. Quel dommage. Peut-être qu'une visite des lieux lui sera accordée ?
- Vous semblez nerveuse, chuchota Amir le regard fixe sur les portes se dessinant progressivement devant eux
- N'ai-je pas toutes les raisons du monde de l'être ?
- Je suis certain que vous ferez sensation auprès de mon père, n'ayez crainte.
Ce n'était pas tant qu'elle le craignait, mais elle redoutait l'entrevue qui lui serait accordé en sa qualité d'invitée. Sans doute allait-on lui demander de parler politique, de diplomatie et de relations internationales, choses auxquelles elle ne prêtait ni attention, ni grand intérêt d'ailleurs. Bien que le monde l'ait toujours fasciné, Joséphine savait que son éducation, contrairement à celui de tant de jeunes nobles de son âge, avait été fondamentalement différent. Au lieu d'apprendre l'art de la conversation, la broderie, apprendre à jouer d'un quelconque instrument de musique ou autres... Son père et ses tuteurs avaient insistés sur l'équitation, l'archerie, le maniement de l'épée, les arts du combats à main nues et autres joyeusetés. Elle n'en était pas devenue une guerrière pour autant, mais jusqu'à ce jour, jamais encore elle n'avait perdue ne serait-ce qu'une bagarre. Question de principe et d'honneur.
Tout comme elle ne comptait pas perdre celle qu'elle s'apprêtait de mener sur ces terres étrangères et lointaines. Aussitôt aurait-elle les informations concernant la situation et la localisation de Jonah, aussitôt elle se mettrait en route.
Mais pour cela, elle devait déjà affronter Sa Majesté, le Sultan Rajen. Autant faire face à la royauté ne l'avait jamais effrayée, autant elle comprenait que sa situation aujourd'hui était bien différente : Le moindre faux pas compromettrait tant de choses. Y comprit la quête que Sophia lui avait confié. Bien qu'au départ elle ne pensait pas l'aider, même si cette dernière l'aurait supplié, Joséphine comprit que ce n'était pas que son honneur de future souveraine qu'elle devait sauver, mais le Royaume tout entier. Une guerre ferait tant de mal. Tant de morts. Il en était assez de cela, de la souffrance et de la misère. Elle ne les avaient que trop côtoyées ces derniers temps et à présent, elle aspirait au bonheur. Au bonheur simple et vrai.
Perdue dans ses pensées toujours plus envahissantes, Joséphine ne fit même pas attention à ses pas la menant toujours un peu plus vers le Sultan jusqu'à ce que ce dernier ne soit devant eux, bras tendu et scandant le nom de son fils.
- Amir ! Mon fils !
Bien évidemment, ce dernier s'avança et tandis qu'elle eut une légère lueur d'espoir qu'il entreprenne enfin de lui lâcher la main qu'il tenait si ardemment depuis leur arrivée, cela ne fut nullement le cas. Au contraire, le jeune prince tout sourire et fier avança vers son père à grandes enjambées, entraînant dans sa foulée, une jeune femme presque apeurée.
- Père ! Quel plaisir de vous revoir ! signifia le jeune homme, J'ai tant à vous raconter.
- Et je l'espère, mais avant cela, ne me présentes-tu pas ta charmante amie ?
« Charmante», voilà un mot bien loin de la qualifier et tandis que Joséphine se cacha de lever les yeux au ciel, elle profita de ce court instant afin de saluer l'homme se tenant devant elle.
- Votre Majesté, souffla-t-elle presque d'une voix trop douce et bien trop faible
- Père, voici...La Baronne Joséphine Conquérant, lança Amir
- Vous voilà donc mon enfant. Approchez..Je ne vais guère vous manger, mais je tiens à voir de plus près le visage de celle qui a tant fait tourné la tête de mon enfant.
Elle s'exécuta presque comme une poupée et se planta à quelques mètres du Sultan. Ce n'était qu'en étant aussi près de l'homme qu'elle aperçut les traits d'Amir. Il ressemblait tant à son père à la différence de la longueur de cheveux et probablement les yeux. Le jeune Prince avait des yeux définitivement plus grands, plus ouverts, mais aussi plus pétillants tandis que ceux du Sultan paraissaient plus...éteints. Comme cela était étrange. Malgré tout, ce dernier semblait relativement jeune si ce n'était quelques cheveux blancs à hauteur de ses trempes qui auraient pu trahir son âge. Il est dit que le stress et l'anxiété peuvent être cause de cheveux blancs et avec ce que Joséphine avait apprit concernant les récents tumultes de Sultanat, cela ne la surprit guère.
- Les rumeurs étaient donc fondées : Vous êtes l'exact portrait de votre mère, fit le Sultan en la détaillant du regard.
- Mais j'ai néanmoins l'esprit de mon père, trancha Joséphine de but en blanc.
Cette remarque cause une légère huée dans l'assemblée car ici, personne n'osait répondre au Sultan. Il était quasiment vénéré, idolâtré et personne n'oserait répondre à quelqu'un ayant un statut similaire à une divinité. Néanmoins, le Sultan rit. A gorge déployée. Il rit à en avoir les larmes aux yeux.
- Voilà bien longtemps que je n'avais rencontré une personne telle que vous ! Cela me procure un grand bonheur que de vous savoir parmi nous, mais je présume que votre voyage a dû vous fatiguer, n'est-ce pas ?
- Il est vrai que ce dernier, bien qu'il me fut presque trop confortable, a été difficile, Votre Majesté.
- Dans ce cas, que l'on vous conduise à votre chambre ! Reposez-vous car ce soir, une grande fête de bienvenue a été préparée rien que pour vous.
- Cela me réjouie.
Le saluant, Joséphine se sépara du Sultan qui, d'un geste de la main, ordonna à un groupe de jeunes femmes de l'accompagner tandis qu'il partit de son côté avec Amir. Il est fort probable que les deux hommes échangent pendant de longues heures, heures qu'il lui fallait mettre à profit. Elle ne pouvait décemment pas rester enfermée dans sa chambre, profitant du voyage afin de se prélasser.
Après avoir marché pendant quelques minutes à travers l'impressionnant dédale que lui semblait être cet endroit, Joséphine fut conduite dans sa chambre. Elle y retrouva avec surprise ses malles, mais aucun signe de Lucien. Où était-il passé ? Dès l'instant où ils étaient arrivés, ils s'étaient retrouvés séparés alors qu'il était dès plus impératif qu'il demeure ensemble. Etait-ce un hasard ou Amir cherchait-il réellement à les séparer ? Mais pourquoi ? Il était présent le soir-même où tout a été décidé et il était d'accord pour prêter main forte. Cela n'aurait aucun sens qu'il les trahissent maintenant.
- Comme nous ne connaissions pas vos préférences, plusieurs effets ont été préparés pour vous Madame. Tout ceci vous attends dans la pièce d'à côté. Si vous désirez autre chose, n'hésitez pas à sonner la cloche se trouvant près de votre lit, nous serions plus qu'heureuses de vous venir en aide d'une quelconque façon que ce soit.
- Je vous remercie, mais je vais commencer par défaire mes bagages, répondit-elle plus poliment
A peine avait-elle abaissé son sourire que la porte se referma derrière elle et qu'une silhouette bondit par la fenêtre.
- J'ai bien cru qu'elles ne s'en iraient jamais ! lança subitement une voix, Une escorte digne d'une Reine.
- Lucien !
- A vous voir, je pourrais presque croire que je vous ai manqué, s'amusa-t-il
- Où étiez-vous passé ?
- Apparemment les «valets» n'ont pas le droit de côtoyer leurs «maîtresses» par ici. On m'a installé dans ce qui se rapproche le plus d'une écurie que d'une chambre. Sans doute pensaient-ils me faire une mauvaise blague, mais je trouve cela relativement confortable et charmant. Un petit côté champêtre que je ne pensais pas revoir.
- Si nous ne pouvons nous fréquenter, comment allons-nous faire ? Je ne pourrais décemment pas me promener ici et là sans que quelqu'un ne me suive ou ne me raccompagne.
- Oh Joséphine, pas avec moi voyons. Je sais que vous êtes plus intelligente que cela. Vous trouverez forcément un moyen. En outre, j'ai appris que ce soir auront lieu de grandes festivités, releva Lucien en lui glissant un clin d'oeil lourd de sens
- Et donc ?
- Profiter de la soirée. Mettez la à..contribution si je puis dire. Pour ma part, je tâcherais de découvrir ce qui se passe ici. Quelque chose me laisse à penser que cet endroit regorge de petits secrets !
- Est-ce bien le moment de s'amuser à cela alors que nous sommes pris par le temps ? se fâcha Joséphine
- Les secrets, ma chère, sont comme l'argent : Le nerf de la guerre.
Encore faudrait-il savoir où les trouver, mais sur ce point-là Joséphine n'avait aucune crainte. Lucien était un homme aux multiples talents et aux facettes multiples. Même dans le pétrin, il était certain qu'il saurait se débrouiller sans son aide. Chacun d'eux avait une mission qui promettait d'occuper toute leur soirée si ce n'était leur nuitée.
- Par curiosité car je ne vous ai jamais réellement posé la question, que ferez-vous quand vous aurez retrouvé votre cher et tendre ?
Déballant ses affaires une à une, les disposant sur le lit, Joséphine marqua un arrêt tandis que Lucien resta planté derrière elle, la regardant s'affairer avec attention.
- Que ferais-je ? reprit-elle, La réponse n'est-elle pas évidente ?
- Et dire que Jonah n'a pas l'ombre d'un doute du genre de femme que vous êtes réellement. Vous devez être douée, quel dommage que nous ne soyons pas partenaires en affaires. Avec une femme de vos talents, les affaires fluctueraient !
- Disons que je n'ai pas nécessairement ressenti le besoin de lui dire certaines choses. Moins il en savait, mieux c'était.
- Cela ne revenait-il pas à lui mentir ?
Peut-être. Peut-être était-ce un mensonge, mais s'il existait dans le seul et unique but de le protéger alors son existence devait être convaincante car à quoi aurait-il bien pu servir que de lui dire la vérité ? Il était fort probable, que mit au courant Jonah ne cherche d'autant plus à la protéger et c'était tout ce qu'elle refusait. Elle n'était pas une petite fille fragile et délicate. Jamais elle ne l'avait été.
- Pas nécessairement, moi-même je n'avais pas toutes les réponses sur le pourquoi du comment ai-je été élevée ainsi, mais de toute façon, la vérité sera bientôt dévoilée, non ? fit Joséphine sans même répondre à la question précédente.
- Cela semble vous briser le cœur. Que craignez-vous qu'il se passe ?
Tout. Et puis rien.
- J'ai peur que cela change quelque chose et dieu seul sait que j'ai le changement en horreur en ce moment.
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