🌼 CHAPITRE 42 🌼
Le navire était entré dans la baie aux aurores, tandis que la belle et somptueuse Mythra dormait encore. Le soleil se levait à peine, dissimulé par d'importantes dunes se perdant à l'horizon, laissant tout le loisir à l'équipage de préparer l'arrivée au port. D'ici quelques minutes, il était fort à parier qu'un garçonnet aurait crié à qui voulait bien l'entendre que le pavillon du Prince était visible à l'horizon et que cela signifiait que ce dernier rentrait enfin à la maison.
Joséphine, perdue dans ses pensées, s'attardait sur les paysages presque trop exotiques pour elle. La cité semblait tenir sur une montagne creusée par le temps et les ravages de la mer. Tout un flan abritait murs et citadelle trônant presque à hauteur du ciel, dominant ainsi la ville en elle-même. Enfin, enfin elle était arrivée. Un soupir de soulagement lui échappa tandis que la pensée de la savoir bientôt réunie avec son promis la rassura. Quelque part à travers ces dunes et cette ville creusée dans la pierre, il y avait probablement un indice pouvant la conduire jusqu'à Jonah. Quelqu'un devait savoir quelque chose, n'importe quoi, elle était prête à tenter le coup.
- C'est une sacrée forteresse que nous avons ici, releva Lucien se préparant à jouer son rôle de valet, Tours de guet, gardes visiblement positionnés à chaque recoin. Hautement surveillé. Très différent du Palais Royal.
Effectivement. Très différent. Mais il y avait néanmoins quelque chose de plaisant dans la différence. Dans le nouveau. Depuis tant d'années, Joséphine s'était éprise de ces récits de voyage, des contes que l'on faisait des pays étrangers et aujourd'hui voilà qu'elle en vivait un. Il n'y avait rien de tel pour lui redonner l'aplomb nécessaire à affronter la journée qui l'attendait.
Sur le pont, ce fut le chaos qui régna. Certains se précipitaient dans tous les sens, d'autres s'agitaient et d'autres encore s'affairaient à toutes sortes d'activités. Le Prince rentrait, évidemment que cela crée de l'agitation. Voilà déjà plus de deux semaines que ce dernier s'en était allé, seul et il s'en retournait avec une étrangère au bras. Une invitée selon ses dires, mais Joséphine et lui savaient tous deux très bien à quoi s'en tenir.
S'approchant du port jusqu'à l'amarrage du bâtiment, il fut donné en l'honneur du retour de l'enfant chéri du Sultanat, ce qui semblait être une cérémonie d'accueil. Chants et danses accompagnés par d'innombrables pétales de fleurs virevoltant sous les acclamations de la foule se réunissant toujours plus nombreuse.
- J'espère que cela ne vous effraie pas, lança Amir en s'approchant du bord, se mettant alors à côté de Joséphine admirative.
- Nullement, je trouve tout ceci merveilleux ! Il y a tant de joie et de couleurs !
- C'est le moins que l'on puisse dire, ria le Prince en saluant l'assemblée d'un geste de la main, Ici nous aimons être démonstratifs.
- Tout le contraire de chez nous où nous sommes plutôt sur la retenue. Je vous envie cela, soupira Joséphine.
- Allez, venez donc, il est grand temps que vous découvriez notre pays.
Sur l'instant elle n'en fit rien, mais Joséphine ne put s'empêcher de tiquer sur le «notre». Elle n'était pas chez elle ici et elle le savait. C'est à peine si elle connaissait les uses, les coutumes ou bien même l'histoire d'Omyr outre que ce qu'elle avait pu très récemment apprendre en plus de ses connaissances très générales sur l'histoire de ce monde.
Descendant les marches de l'escalier en bois lui permettant de fouler la terre si rouge de Mythra, certains habitants se précipitèrent afin de lui délivrer de somptueux colliers de fleurs. Un, puis deux, puis trois. Rapidement, tous s'entassèrent autour de son cou et c'était à peine si on pouvait voir son front dépasser. Devant un tel spectacle, Amir ne put s'empêcher de rire, se précipitant de la débarrasser de son coloré et très parfumé fardeau. D'ailleurs, plus elle s'avança, moins elle ne fit attention sur la main resserrée du Prince sur la sienne, la guidant à travers la foule. Tantôt, ce dernier marqua un arrêt afin de lui traduire les phrases ou les mots que l'on pouvait lui dire, tantôt, il n'en fit rien bien que Joséphine aurait aimé en apprendre d'avantage.
A la sortie du port, on la fit monter dans ce qui ressemblait étrangement à une calèche dont on referma promptement la porte voilée. Ainsi, il ne lui était guère possible de voir ou bien même d'être vue. En face d'elle, le jeune Prince non peu fier et tout sourire, ne cessa de la dévisager.
- A présent, nous allons être conduit au Palace Ambré, la prévient-il, Nous y rencontrerons Sa Majesté et vous serez ensuite présentée à d'autres dignitaires ou conseillers. Mon père m'a dit avoir grande hâte de faire votre connaissance. Comme vous le savez d'ores et déjà, votre mère était pour nous...
- Je sais, intervient Joséphine, Mais je vous l'ai dit, je ne serais jamais comme elle. Je n'y aspire même pas à vrai dire. Néanmoins, je porte en moi l'espoir incertain que vous saurez vous satisfaire de ma simple et insignifiante présence.
Certains mots se voulaient plus tranchants que d'autres et Joséphine Conquérant en avait bien assez dans son vocabulaire pour choisir lequel utiliser pour repousser un homme et ses rêves d'avenir. Elle pensait avoir mit la situation au clair avec le Prince et bien qu'elle ait réellement su apprécier sa compagnie en ces quelques jours de voyage, il serait fort dommage de voir leur relation ternie car ce dernier ne semblait de toute évidence pas comprendre ce qu'elle ne cessait de lui répéter depuis le jour où ils se sont rencontrés. Prenait-il du plaisir à se faire des idées ou espérait-il sincèrement que sa présence ici aujourd'hui vienne à changer quoique ce soit dans leur relation ? Dans ce cas, qu'il était bien heureux celui qui vivait en parfait idiot. Bien qu'idiot ne soit pas le terme tout à fait exact pour définir le Prince Amir. Naïf ? Bon enfant ? Optimiste ? Là encore, le choix du de l'adjectif existait.
- Je suis navré, peut-être suis-je trop enthousiaste ? Comprenez que j'attends ce moment depuis si longtemps...Je tiens difficilement en place. Me voilà redevenu cet enfant attendant chaque jour de vos nouvelles. Cela me procure une joie immense que d'être en mesure de vous faire connaître ce pan de votre histoire. Quelque part, je ne vous ai rien apporté si ce n'est malheur et mauvaises nouvelles et j'espère pouvoir profiter de votre séjour ici afin de réparer mes torts.
- Avec tout le respect que je vous dois, Prince Amir, insista Joséphine alors qu'il lui avait expressément demandé de ne l'appeler que par son prénom, Vous savez que je ne suis pas ici de mon plein gré. Je ne voudrais pas me montrer ingrate ni même profiter de votre hospitalité et de votre générosité, mais vous savez les raisons de ma présence. Je suis ici dans le seul et unique but de retrouver le Duc de Varsox et rien d'autre. Je ne m'accorderais ni loisir, ni fantaisie, ni repos tant que je ne saurais pas ce dernier sain et sauf.
- Puis-je vous poser une question indiscrète si vous me le permettez ? s'avança le Prince visiblement gêné de s'être laissé emporté par son enthousiasme
- Je vous en prie.
- Pourquoi vous donnez-vous autant de mal pour lui ? Certes, j'ai compris qu'il était l'élu de votre cœur et la personne que vous comptiez épouser, mais Joséphine, l'opération que vous comptez entreprendre risque probablement de vous coûter cher. Que vaut la vie d'un seul homme pour vous ?
Elle avait, à cette question, une réponse toute trouvée.
- Parce qu'il aurait agit de la même façon si nos rôles avaient été inversés, tout simplement, dit-elle presque tristement comme si sa propre confession lui causait un certain mal, Je ne suis pas certaine que vous compreniez quand bien même je vous l'expliquerais, mais pour répondre à votre question : La vie de cet homme vaut absolument tout pour moi. Sans lui, il ne fait aucun doute que je ne serais pas la femme que je suis aujourd'hui. Parfois, j'aime à croire que je me suis faite toute seule, mais je sais alors très bien que je me berce d'illusions. Jonah est ma raison d'être. Il m'a ouvert les yeux sur tellement de choses qu'il me serait presque impossible de toutes les énumérer.
Alors oui, le risque méritait largement d'être pris. Il n'y avait aucun doute sur le fait que cette petite entreprise n'était que pure folie, mais s'il existait la moindre chance que cela aboutisse, que cela les réunissent de nouveau, alors le jeu en valait la chandelle. Joséphine était convaincue de cela. Dans une heure sombre laissant place aux incertitudes et à l'appréhension, Joséphine ne semblait faillir.
- Mais si cela peut vous rassurer, Votre Altesse, je suis une femme indépendante ! continua la jeune femme, Une fois que j'aurais les informations nécessaires, je partirais moi-même à la chasse aux méchants. Ainsi, vous n'aurez pas à vous questionner sur mon bien-être ou non. Vous aurez l'esprit tranquille car ce dernier semble tellement torturer à l'idée qu'un quelconque mal puisse m'arriver.
- Vous savez, par moment, je vous trouve particulièrement désagréable. J'essaye simplement de vous aider, Joséphine.
- Vous l'êtes tout autant que moi dans ce cas. Depuis le jour où nous nous sommes rencontrés vous semblez vouloir vous insinuer dans ma vie, ne respectant guère les limites que je ne cesse de vous soumettre. Cela est dérangeant pour tout vous dire, siffla la jeune femme
Visiblement, elle avait réussi à le contrarier. Elle le vit à ses yeux plissés et son air boudeur. Elle avait fait mouche. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de remettre quelqu'un à sa place et il fallait admettre que cette étrange satisfaction qu'elle en tirait été pour le moins dés plus agréable car il n'y avait rien de plus dérangeant qu'une personne forçant sa place dans votre cœur quand ce dernier est déjà bien chargé.
- J'essaye tant bien que mal de vous voir en ami, de vous considérer comme un ami, Votre Altesse, mais votre comportement ne m'aide pas, je dois l'admettre. Alors pardonnez-moi si je vous suis «désagréable», mais apparemment, il n'y a qu'ainsi que vous semblez comprendre.
- Pour être tout à fait honnête, je me sens traité comme un petit garçon, reprit-il plus froidement.
- Et que grand bien vous en fasse s'il n'y a qu'ainsi que vous retenez la leçon. Je suis simplement désolée de devoir être celle qui vous la donne, surtout à votre âge. Vous êtes un Prince, peut-être avez-vous l'habitude que tout vous soit accordé, donné, distribué et j'en passe, mais sachez que l'affection, l'amour ne sont pas des sentiments que l'on quémande ou que l'on prends en forçant les choses en sa faveur. Je vous prenais pour un futur Roi sage et avisé, ne me donnez pas tort sur cela, je vous en prie.
Et bien que la calèche se dirigea lentement mais sûrement vers le Palace dans lequel l'agitation régnait déjà en apprenant la bonne nouvelle, la surprise d'une relation tendue pourrait alors casser l'ambiance festive et joyeuse qui s'était installée.
- A croire que vous et moi éprouvons grand mal à devenir amis, lança le jeune Prince en jetant à peine un regard à sa partenaire de voyage
- Il faut croire, en effet. Peut-être vaudrait-il mieux que nous arrêtions d'essayer alors ?
A cette remarque, le Prince presque bondit de son siège. Il vivrait cela comme un véritable échec. Bien qu'il ne puisse gagner son amour et son affection, il espérait tout de même avoir gagné son amitié ou tout du moins son respect, mais s'il se retrouvait alors bredouille, quel sens aurait toute cette mascarade ? Lui-même ne comprenait pas très bien pourquoi il mettait tant d'efforts dans cette relation. Joséphine avait été claire sur ses intentions et ses attendues, alors pourquoi s'acharnait-il ? Par respect pour le souvenir qu'il avait d'elle à travers ces nombreuses lettres ? Ou par espoir qu'elle puisse être un jour la digne fille de sa mère ? Il ne faisait aucun doute pour lui que tout le problème résidait dans ceci : Il attendait d'elle qu'elle soit l'exacte image d'un mythe qu'il s'est monté tout seul, mais Joséphine était, et sans conteste, une jeune femme tout à fait à part. Elle n'était ni son souvenir si précieux, ni même le symbole d'un futur dont elle n'avait que faire. C'était un femme pleine de rêves et d'ambitions, habitée d'une flamme qui lui était propre. Il ne pouvait guère lui enlever ça.
Et quel idiot était-ce de ne le réaliser que maintenant lorsque le mal avait déjà été fait ?
Devant la soudaine réalisation de son erreur, Amir grogna. Il avait fait fausse route, la tête emplie de fantaisie, et à présent il en payait le prix.
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