🌼 CHAPITRE 40 🌼
Il paraîtrait que la fête donné en l'honneur de la délégation du Sultanat d'Omyr ait été de toute beauté : Petits plats dans les grands, festin digne du Roi, musique, divertissements variés, il y eut de quoi largement occuper les esprits, mais plus particulièrement de détourner les attentions car voilà une chose bien étrange, certains rapporteraient avoir vu Son Altesse Royale, la Princesse Sophia, échangeant sur le balcon de la salle des fêtes du Palais, quelques mots avec la très célèbre Baronne Conquérant. Voilà quelque chose qui toute fois, aurait mérité toute l'attention et la curiosité du monde car il était de notoriété publique que ces deux jeunes femmes ne se portaient respectivement pas dans leurs cœurs. Alors quel événement avait-il pu ainsi les rapprocher dans le plus grand des secrets ? Il faut croire que personne ne le saura jamais si ce n'est les principales intéressées.
Plus tard dans la soirée, on vit les voiles du magnifique bâtiment resté à quai arborant le pavillon du Sultanat se charger de ses passagers et plus encore.
- Avez-vous tout ce qu'il vous faut ? Dans le cas contraire, je vous prierais de m'en informer, je suis certain que nous pourrons faire une halte rapide sur le passage, signifia le Prince Amir regardant d'un œil satisfait Joséphine poussant d'un coup de pied ses malles.
- C'est fort aimable de votre part, mais j'ai effectivement tout ce qu'il me faut, répondit-elle sans même lui adresser un regard tandis qu'elle pointa du doigt Lucien allègrement allongé dans un hamac suspendu dans la cabine.
- Le voyage sera bref. Quatre ou cinq jours si la mer nous est favorable.
- Très bien.
Bien que ses réponses furent dès plus sèches, Amir eut grande peine à en vouloir à son invitée sachant où ses pensées l'emmenèrent. A présent que Joséphine était en compagnie de la délégation, il ne lui restait qu'à affronter ces quelques jours en mer avant de frôler le sol du Sultanat et de se rapprocher un peu plus de Jonah. Où était-il ? Etait-il en bonne santé ? Qu'allait-il advenir de lui ? Toutes ces questions ne formèrent qu'une boucle vicieuse dans son esprit.
- Sur ce, je vous laisse, nous devons quitter la baie et j'ai besoin de voir certaines choses avec mes hommes, informa le Prince quittant la petite cabine.
Attendant que la porte se referme derrière lui, Lucien se précipita à la première occasion, bondissant presque aux pieds de la jeune femme immergée.
- Vous êtes distraite.
- Si vous saviez le nombre de choses qui me passent par la tête à cet instant ! C'est à ne plus pouvoir s'y retrouver.
- Et il n'y a rien de plus compréhensible que cela. Mais tâchons de rester concentrés, voulez-vous ? Le moindre écart, le moindre faux pas ou le moindre comportement suspicieux une fois là-bas pourrait bien nous causer de gros ennuis. J'ai besoin que vous compreniez que repose entre vos mains, la réussite de notre mission.
- Aimez-vous me mettre la pression ou est-ce un talent que vous avez cultivé tout récemment ?
- Je pensais qu'une femme comme vous serait plus difficilement déstabilisée, plaisanta Lucien, Tâchons de voir cela comme un voyage !
Un voyage. Voilà un mot dès plus plaisant et trouvant écho dans la douce oreille de Joséphine. Elle n'avait eu de cesse de rêver de voyages et d'aventures. D'explorations. De découvertes. De quêtes. Toutes ces choses dont, enfant, elle n'arrivait guère à se défaire. Joséphine se voyait parcourir les mers, dompter les océans, sauter d'immenses falaises, se balancer de lianes en lianes. Toutes ces choses qui, jusqu'à aujourd'hui, ne lui avaient été guère permise car avant de pouvoir s'autoriser à rêver, Joséphine devait assurer la survie de la famille. Il y avait tant de responsabilités qui gisaient entre ses mains de petite fille qu'elle-même ne s'en était jamais réellement rendu compte, et ce, jusqu'au dernier moment.
Collée au hublot du navire, Joséphine regarda avec une légère déception, le bateau quittant progressivement le quai. Il était temps de partir, de mettre les voiles et de ne penser qu'à une seule et unique chose : Récupérer Jonah.
Une fois les lumières de la ville scintillant à l'horizon pareilles à des étoiles scintillantes dans le ciel, Joséphine quitta sa cabine et monta sur le pont. L'équipage, composé d'une quinzaine d'hommes, ne put s'empêcher de soupirer ou de détourner le regard à la vue de sa jupe volant sous le coup de la brise marine. Elle ne savait que trop bien, par expérience, qu'il était mal vu d'être une femme dans le milieu marin. Certains s'amusaient même à dire qu'une femme à bord porterait malchance. Ce qu'il ne fallait pas entendre. Rien en mer n'était dû à la chance, mais tout avait avoir avec l'expérience.
Et c'était justement ce qu'elle n'avait pas. Alors, pendant un quart de seconde, elle se prise au jeu, observant chacun s'affairant à sa petite tâche. Puis, son regard bifurqua sur le pont supérieur : Voyant Amir brandissant une carte. Le Prince avait l'air de donner des indications avec un ton auquel elle n'était pas habitué. Avec elle, il n'était que douceur et prudence, comme s'il mesurait chacun de ses mots avant de les prononcer. D'ailleurs, cela avait l'air d'être d'une grande torture pour lui. Peut-être l'avait-elle jugé trop sévèrement et peut-être bien s'en méfiait-elle trop également ? Il n'avait montré que de bonnes intentions à son égard : Il l'avait écouté et entendu sur chacun de leurs échanges, il avait été d'une honnêteté sans faille, il avait été d'une compréhension et d'une tendresse n'ayant pas leurs égales. Elle ne pouvait pas continuer à lui tourner le dos ni même se montrer si dure avec lui. Il ne méritait pas ses colères.
Alors, se sentant étrangement observé, Amir s'arrêta un instant et baissa le regard pour trouver une Joséphine tout sourire, agitant son bras. Geste qui eut le mérite de le faire sourire également. Ah, ce qu'il n'aurait pas donné pour qu'elle lui fasse ne serait-ce qu'une place minuscule dans son cœur ! Hélas, celui-ci semblait être déjà bien prit, il ne pouvait en demander plus que son amitié, il en avait parfaitement conscience d'ailleurs. Néanmoins, le simple fait que cette femme, se tenant juste-là, à sa portée, se souscrive à cette vie-ci alors qu'elle mériterait d'être traitée, considérée et de vivre comme une Reine...cela lui paraissait être une punition. Pourquoi allait-elle jusqu'à s'infliger cela alors qu'un simple mot de sa part et il retournerait le monde pour elle ? Un simple mot suffirait.
- Êtes-vous confortablement installée ? lui demanda-t-il en descendant les marches le menant jusqu'à elle.
- Parfaitement, je vous en remercie, répondit-il sur un ton plus décontracté, Je tenais à m'excuser pour mon comportement. J'avais l'esprit...
- Ailleurs ? reprit-il en souriant, Je ne peux vous en blâmer. Cela semble être un tel fardeau pour vous, j'aimerais tant vous en alléger.
- C'est si gentil de votre part, hélas, je crains que ce soit un poids qui m'incombe.
S'approchant de la rambarde en bois, Joséphine ferma les yeux un instant, vidant son esprit, laissant les embruns et l'air marin emportés tout ce qu'ils pouvaient emporter.
- Vous savez, dit-elle, J'ai toujours rêvé de voyager. De voir le monde et de découvrir tout ce que les livres d'histoire ou les atlas de géographie en disent. J'en rêve encore parfois.
- N'avez-vous jamais essayé ?
- Oh si, ria-t-elle comme si c'était là, la question la plus idiote qu'on ne lui ait jamais posée.
- Et que s'est-il passé ?
- Un Comte m'a enlevé. Je présume que cela s'ajoute à la longue liste des expériences indésirables et traumatisantes de ma vie !
Devant cette subite annonce, le jeune Prince ne put s'empêcher d'arquer un sourcil, curieusement intrigué.
- Votre vie semble être...pleine de péripéties, rajouta-t-il
- C'est le moins que l'on puisse dire ! Disons que je n'ai pas le temps de m'ennuyer, sourit Joséphine
- Mais cela n'est-il pas éreintant à la longue ?
Une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Non. Une question à laquelle elle ne trouvait jamais quoi répondre. Oh bien sûr qu'elle aurait pu mentir et s'en sortir à partir d'une pirouette, mais s'il y a bien une chose dont elle était certaine, c'est qu'elle ne saurait mentir à Amir. Depuis le jour où ils se sont rencontrés dans les jardins royaux, Joséphine avait cette dérangeante impression qu'il saurait lire en elle comme dans un livre ouvert. Quelle désagréable sensation.
- Vous n'imaginez pas à quel point, avoua-t-elle tristement.
- Vous vous trompez, j'imagine parfaitement, répondit-il en se mettant près d'elle.
Pendant de longues minutes, ni l'un, ni l'autre ne rajouta quelque chose d'autre, laissant alors la conversation en suspend. S'il y avait bien un être humain sur cette terre capable de la comprendre mieux qu'elle ne se comprenait elle-même, c'était probablement cet étrange inconnu. Parfois, Joséphine semblait oublié qu'Amir savait tout d'elle, et ce, dans les moindres détails. Toutes ces cartes envoyées par son père. Toutes ces choses qu'il avait dû lui dire. Sans doute s'était-il épris de lui raconter la moindre de ses bêtises d'enfant ou bien de lui décrire le moindre de ses défauts sans rien omettre. C'était bien là le style de Richard Conquérant.
- Je ne suis pas votre ennemi, Joséphine.
Ces six mots avaient tout l'air de flotter dans l'air tandis que cette dernière ne releva guère. A la place, elle se contenta d'un regard à son égard. Bien entendu qu'il n'était pas son ennemi, elle ne le savait que trop bien, mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver cette méfiance naturelle. Etait-ce par crainte de se laisser aller à une quelconque forme d'attachement pour le Prince ? Ou bien était-ce parce qu'elle savait que si elle laissait Amir entrer, sa vie changerait à tout jamais ?
- Croyez-moi, je ne le sais que trop bien. Peut-être que cela va vous paraître étrange, mais je n'éprouve envers vous aucune animosité. Loin de là. Mais il m'est encore difficile de vous accepter totalement. Vous êtes après tout, celui venu m'annoncer que j'étais promise à un inconnu et autres nouvelles non agréables. Je vous prie de croire que je fais de mon mieux pour ne pas vous en tenir rigueur personnellement car cela serait stupide de ma part, mais j'éprouve une grande difficulté à le faire.
- Donc me vous me détestez sans me détester, répéta-t-il en soupirant, Cela n'est pas plaisant à entendre également, mais je ne peux effectivement, vous en tenir rigueur. A dire vrai, je vous comprends. Je ne suis pour vous, qu'un oiseau de mauvaise augure.
- Je suis sincèrement désolé.
- Ne vous excusez-pas. Je présume que les choses doivent en être ainsi, conclut tristement Amir
Les choses pourraient être tellement différentes si tous deux s'étaient connus autrement et dans d'autres circonstances, mais parfois la vie est faite ainsi : Elle est injuste et capricieuse, nous faisant rencontrer au mauvais moment, les bonnes personnes.
- Je suis sans doute celle de nous deux, qui regrette le plus, la façon dont cela s'est déroulé. J'aurai tant aimé, souhaité, avoir plus de temps avec vous car je suis certaine que nous aurions pu mieux nous connaître et sans nul doute, serions-nous devenus de véritables amis vous et moi, souffla Joséphine presque désolée de voir leur lien s'effriter avant même que celui-ci n'ait eu le temps de se tisser
- Et c'est là tout ce que je demande. Je ne sais que trop bien que votre cœur est épris d'un autre. Il a tant de chance de vous avoir.
- Je ne dirais pas cela, bien au contraire. Je semble être la cause principale de tous ses ennuis et cela m'est difficilement supportable. Néanmoins, être séparée de lui m'est davantage pénible que de savoir que je lui cause tant de maux. Cela ne fait-il pas de moi une personne égoïste ?
- A dire vrai, je ne saurais répondre. Ni pour vous, ni pour lui. Mais si j'étais cet homme, et je parlerais en mon nom, sachez qu'il m'est préférable de souffrir pour vous que d'être loin de vous ne serait-ce qu'une seconde de ma bien courte vie.
Il y avait dans cette phrase, les mots d'un homme amoureux. Un amour voué à ne jamais éclore et il n'y a pas plus douloureux que d'aimer la mauvaise personne.
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