🌼 CHAPITRE 37 🌼
En regardant autour d'elle, Joséphine ne vit qu'une liste de mauvais souvenirs. Rien au Palais ne semblait lui apporter une once de bonheur et pourtant, elle qui s'était tant de fois promis d'éviter d'approcher cet endroit, se retrouvait contrainte d'y être à nouveau. Silencieusement, elle suivit pas à pas le garde l'escortant à travers l'important dédale de couloirs et jusqu'à présent, elle ne s'était jamais rendu compte à quel point la demeure de la famille royale était si grande. Si impressionnante. Tous ces tableaux, toutes ces œuvres d'arts. Il y en avait pour tous les goûts même quelqu'un n'ayant aucune notion en art y trouverait forcément son bonheur. Peut-être était-ce le but recherché ? Ou peut-être pas. Hélas, personne n'est de nos jours capables de savoir ce que pense les membres de cette famille.
- Voilà Madame, c'est ici. Veuillez attendre, Son Altesse ne devrait pas tarder.
Encore un salon. Différent du dernier dans lequel elle avait mit les pieds. C'est à se demander s'ils ne possédaient pas un salon pour accueillir en fonction de la situation ou bien de sa gravité.
Le Palais, habituellement si agité en pleine journée dû à toute l'activité fourmillant autour des membres de la famille royale, paraissait bien calme en pleine nuit. Il n'y avait ni invités s'égosillant dans tous les couloirs, ni domestiques parcourant les nombreuses marches des divers escaliers en courant. Rien. Pas un bruit, si ce n'est les pas des gardes faisant leur ronde quotidienne.
Il y avait quelque chose d'intimidant d'être seule, assise dans un des salons privés de la royauté et à l'idée qu'elle puisse elle-même être une princesse, Joséphine eut un frisson. Non pas que cela lui faisait peur, mais elle savait qu'elle n'en aurait jamais l'étoffe. Être princesse, reine dans un avenir plus ou moins proche, représentait pour elle plus de sacrifices que de bonheur et des sacrifices, dieu seul sait qu'elle en avait déjà fait assez comme ça. Savoir que des gens compteraient sur elle pour régler leurs problèmes, attendraient qu'elle ait la réponse à tout, cela lui paraissait tellement improbable. Inimaginable. En outre, comment pouvait-elle prétendre à un trône pour lequel elle n'avait jamais été préparée ? Elle ne savait rien de la Zaranie hormis ce qu'en disaient les livres d'histoire, les atlas et les quelques informations supplémentaires qu'elle eut entendu du Prince Amir. Alors cela ne reviendrait-il pas à réclamer un trône en tant qu'imposteur ? Car c'était là tout ce qu'elle ressentait.
- Veuillez m'excuser du retard, je viens seulement d'être prévenue, signala la Princesse Sophia en entrant dans la pièce.
Par habitude ou très certainement par réflexe, Joséphine se leva brusquement du canapé sur lequel elle avait trouvé place. C'était bien la première fois que son corps s'exécuta de lui-même en ce qui concernait Sophia.
- Votre Altesse, la salua-t-elle alors
- Pitié, laissons le protocole à d'autres jours, je ne vous ai pas fait venir ici pour que vous vous courbiez devant moi. Au contraire, j'ai bon espoir d'entendre votre réponse !
Si cela avait été en d'autres circonstances, Joséphine lui aurait probablement dit «non», mais ce soir, aucun autre choix ne semblait se présentait à elle.
D'ailleurs, Sophia était-elle au courant ? Elle qui disait avoir un réseau de renseignements hors pair...Elle devait être au courant. Elle devait savoir que Jonah avait disparu. Pourtant, la jeune femme ne semblait montrer aucune détresse.
- Puis-je parler avec toute franchise, Votre Altesse ? s'inquiéta Joséphine en se réinstallant
- Je vous en prie. C'est bien la première fois que vous demandez la permission.
- En effet, je m'emploie à entretenir un rapport cordial avec vous. Chose qui ne m'est pas facile, mais je suis certaine que vous en comprendrez les raisons.
- Certes.
- Avant d'accepter votre requête, j'ai tout d'abord plusieurs questions à vous poser et j'espère de tout cœur que vous y répondrez avec sincérité. Je n'aimerais guère être trompée.
- Loin de moi cette idée, intervient Sophia.
- Vous m'en voyez navrée, mais je vais avoir besoin de plus que de simples paroles, quand bien même vos mots font loi.
- Êtes-vous méfiante à ce point-là ? Je n'ai aucune raison de vous tromper, de vous induire en erreur ou bien même de me servir de vous, Joséphine.
- Dans ce cas, vous ne verrez aucun problème à me rédiger une promesse.
Un léger sourire à peine discernable naquit sur le visage de la jeune princesse. Cela lui avait prit du temps, mais elle reconnaissait enfin que la femme se tenant devant elle était d'une intelligence sans pareil. Elle aurait dû en être étonnée, mais en y repensant, seuls les mots que lui avait soufflé jadis le Duc lui revient en mémoire. Il avait vu en elle tant de choses que cela la froissa presque de reconnaître qu'il avait eu raison. Joséphine Conquérant n'était définitivement pas une fleur que l'on pouvait mettre sous cloche, bien au contraire.
Sophia s'exécuta donc, attrapant plume et feuille, rédigeant à l'écrit tout ce que Joséphine lui avait demander d'y mettre.
- Qu'allez-vous en faire ? lui demanda-t-elle en y ajoutant son sceau
- Rien, je l'espère. Dans le cas contraire, disons que je préfère avoir une assurance sur moi. Il est bien trop facile de nos jours et depuis votre position de rejeter toutes fautes si un malheur devait se produire. Je ne voudrais pas être abandonnée en terres étrangères. Avec ceci, vous et moi sommes dans le même bateau.
- Et s'il vient à couler, je présume que vous m'entraînerez avec vous. Vous êtes suffisamment intelligente, Joséphine, pour comprendre que le moindre «malheur» justement, peut entraîner sans mal un incident diplomatique par effet boule de neige et ainsi précipiter la guerre que nous désirons tant éviter vous et moi.
- Alors j'espère que vous prierez pour ma réussite dès que je serais partie. N'êtes-vous pas croyante par ailleurs ? Vous qui avez passé tant de temps dans un couvent.
Touchée. Sophia rit tandis que Joséphine rangea précieusement le papier assurant sa sécurité.
- Pouvons-nous passer aux choses sérieuses à présent ? A moins que vous ne désireriez autre chose venant de moi ? interrogea la Princesse
- Je présume que je devrais me contenter de ce que j'ai.
- Bien, car nous n'avons beaucoup de temps et j'aimerais que vous partiez avec toutes les cartes en main.
De là, s'en suivit une longue conversation durant probablement deux ou trois heures. Sophia fit venir du thé tout en expliquant la situation à laquelle Joséphine sera confrontée. Tout ce qu'elle attendait c'est que cette dernière se rende à Omyr avec la délégation et qu'elle profite de son séjour pour trouver la moindre preuve impliquant l'importation d'armes par le Sultanat. Le moindre document suffirait. Hélas, cela ne s'avérait pas être chose aisée en sachant qu'en plus de cette mission, Joséphine devait retrouver Jonah.
- Avez-vous la moindre question ou ai-je été suffisamment claire ? demanda Sophia
- Je pense que cela ira. En revanche, j'ai une question pour Son Altesse, souleva Joséphine
- Je vous écoute.
- Puis-je emmener un de mes domestiques lors de mon voyage ? Je n'aimerais pas être seule, voyez-vous j'ai une sainte horreur de la solitude et avoir à mes côtés, une personne connaissant mes habitudes, cela me rassurerait.
- Bien entendu. Mais, pardonnez ma curiosité, l'un de vos domestiques ? Je pensais que vous aviez une femme de chambre ?
- Hélas, je devrais probablement laissée Ninon à mes cadets.
- Vous m'en voyez navrée. Cela ne sera guère confortable, permettez que je vous prête...l'une de mes domestiques, proposa la Princesse
- Non, ça ira. Je ne peux abuser de votre gentillesse voyons ! Et puis oserais-je priver la Princesse de l'une de ses domestiques, je suis certaine qu'elles vous sont toutes indispensables, siffla Joséphine en sachant pertinemment que la Princesse ne lui prêterait aucunement une domestique
- J'insiste, marqua Sophia
- Et moi donc !
Bien qu'elles se souriaient mutuellement, il n'était pas difficile de comprendre les intentions de chacune derrière cette simple politesse. Aucune n'était prête à concéder à l'autre.
- Ne vous a-t-on jamais dit que vous étiez bornée ? proposa Sophia en souriant malicieusement
- Je préfère hélas le terme «déterminée», mais libre à vous.
- Cela me ferait mal de vous rappeler que je suis votre Princesse et que par conséquent, je pourrais...
- Et cela me ferait d'autant plus de chagrin que de vous rappeler que justement, vous êtes «Princesse» et non «Reine». Ne vous précipitez pas, je suis certaine que votre tour viendra, sortit Joséphine non mécontente de sa pique
- Soit. Comme vous voudrez. Après tout, je devrais me montrer reconnaissante que vous acceptiez d'aider votre pays.
- En effet car je ne pense pas que ce soit une expérience que je réitérais dans le temps. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, il se fait tard et je dois rentrer afin d'arranger les derniers préparatifs.
- Je le comprends.
Quittant la pièce avec un large sourire de satisfaction, Joséphine laissa échapper un petit geste de la victoire dans le couloir tandis que la porte se referma derrière elle. C'était là la deuxième fois de sa vie qu'elle arrivait, non sans mal, à obtenir ce qu'elle désirait de la part d'un membre de la famille royale. Peut-être avait-elle des talents de diplomate dont elle ignorait tout. Ou peut-être la situation était si délicate et désespérée que Sophia n'avait guère d'avantage à insister.
Cherchant à quitter le Palais le plus rapidement possible, Joséphine décida de couper par les jardins. Non pas que cet endroit lui plaisait, mais elle avait retenue un chemin pouvant la conduire jusque de l'autre côté de la place où se trouvait le Palais, à quelques rues de chez elle. Bien que ces derniers furent à peine éclairés, elle y croisa quelques rares gardes dormant à moitié debout tout en tenant tant bien que mal leur position. Si le Roi le savait, ils seraient probablement punis voir pire, renvoyés de la garde royale et il n'y a pas plus grand déshonneur pour un soldat que celui-ci.
- Joséphine ?
Prise d'un sursaut, la jeune se retourna vivement, découvrant alors derrière elle, à peine vêtu d'une robe de chambre à moitié ouverte, un Prince au regard bien surpris.
- Votre Altesse ? reprit-elle
- Je ne m'attendais pas à vous voir ici. Quelle agréable surprise.
En effet, quelle surprise.
Se rapprochant d'elle en une grande enjambée, tout sourire, Amir abaissa son visage à hauteur de celui de la jeune femme demeurant silencieuse. Presque distante.
- Est-ce que vous allez bien ? Que faites-vous ici à cette heure-ci ?
Étrangement, en le voyant soucieux de son bien-être, son appréhension le concernant se dissipa. Elle mourrait d'envie de le questionner, de savoir si Amir était au courant de quoique ce soit. Peut-être jouait-il la carte de la tendresse afin de détourner ses soupçons ? De l'amadouer ? Mais dans quel but ? Il avait accepté son refus et ils s'étaient séparés en bon terme. Alors ne trouverait-il pas cela curieux que de la voir revenir avec lui ?
- Joséphine ? l'interpella-t-il
- Je suis navrée, j'étais...dans mes pensées. Vous disiez ? intervient-elle
- Je ne m'attendais pas à vous voir ici à une heure aussi tardive. Aviez-vous un rendez-vous ?
- Oh oui, avec la Princesse. Elle voulait mon avis concernant la soirée de demain soir. Ce qui est étrange entre nous car je suis probablement celle qui s'y connaît le moins ! ria la jeune femme.
- Mais je suis certain que votre avis à de l'importance s'il a été requit. Cela montre par la même occasion votre importance au sein de ce Royaume.
- Oh je ne dirais pas cela à votre place. Vous le savez, je ne suis que la fille d'un petit baronnet. En plus de cela je gère une entreprise donc être noble et femme d'affaires ? Quelle mauvaise combinaison.
- Une combinaison pour le moins séduisante je dirais. Rare sont les femmes pourvues de multiples talents comme vous.
Sur l'instant, Joséphine se figea. Essayait-il de flirter avec elle ? Si tel était le cas, il n'en était pas le moins discret à ce sujet.
- Ne devriez-vous pas être dans vos appartements Votre Altesse ? Une grande journée doit vous attendre demain, je n'en doute pas, signala Joséphine
- Essayez-vous de vous débarrasser de moi ? Je vous sens plus que tendue qu'à notre dernière rencontre, insista Amir en posant sa main sur son bras
A peine la main du jeune homme l'avait frôlée que Joséphine eut un vif mouvement de recul.
- J'ai sûrement toutes mes raisons d'essayer de me débarrasser de vous. Ne l'avez-vous pas pensé ? grogna-t-elle
- Je suis confus, fit le Prince, Vous aurais-je offensé d'une quelconque manière que ce soit ?
Etait-il innocent ? Ou était-il impliqué dans toutes ces histoires ? Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir, mais l'interroger à ce propos ne reviendrait-il pas à avouer que le Royaume savait ?
- J'aimerais savoir, m'estimez-vous d'une quelconque façon que ce soit ? demanda Joséphine en reprenant presque sa phrase.
- Certainement et je ne veux aucunement vous blesser. Je m'en excuse si mon geste a été déplacé...Ce n'était pas mon intention. Croyez-le.
- Je sais, soupira-t-elle, mais, Votre Altesse...
- Amir, la coupa-t-il, Je vous en conjure, appelez-moi Amir.
- Très bien, Amir, reprit la jeune femme, si je venais à vous poser une question, me répondriez-vous avec sincérité ?
- Je n'ai rien à vous cacher, alors il me semble que oui.
Il fallait qu'elle sache. Même si cela mettait en danger tout le plan de Lucien, il fallait qu'elle sache. Qu'elle obtienne des réponses. C'était tout simplement plus fort qu'elle. Au diable les attentes que Lucien ou bien que Sophia peuvent avoir d'elle. Jusqu'à présent, Joséphine Conquérant n'avait jamais laissé personne dicter ses actions et ce n'était certainement pas maintenant que cela allait commencer.
- Êtes-vous impliqué, d'une quelconque façon, dans l'enlèvement de Son Excellence, le Duc de Varsox ?
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