🌼CHAPITRE 31 🌼

Soufflée par la violence de la nouvelle, Joséphine, la main sur le cœur, prit quelques instants afin de s'asseoir sur le banc se trouvant au plus près. D'ailleurs, si ce n'était pour ce dernier, il est fort probable qu'elle se soit laissée aller à même le sol. Son corps n'était que tremblements et son esprit que tempête. Celui-ci qui avait tant pris l'habitude de réfléchir, se retrouvait subitement vide de pensées. Immaculé.

- Je suis navré, Joséphine. Sincèrement et profondément navré, fit le Prince en l'aidant du mieux qu'il le pouvait.

Malheureusement, ce ne sont pas ses excuses qui l'aidèrent. Loin de là. Joséphine aurait donné tout ce qu'elle avait de précieux pour comprendre la disparition de son père, pour en connaître ne serait-ce que les raisons et voilà qu'un inconnu venait de lui dire haut et fort que cela était en partie de sa faute. La vie lui avait arrachée son père au moment où elle avait tant besoin de lui, où ses cadets avaient besoin de lui. Cela était cruel. Cruel et injuste.

- L'êtes-vous réellement ? sortit Joséphine à bout.

- Que sous-entendez-vous par là car je crains être bien incapable de vous suivre ?

- Savez-vous, Votre Altesse, que ma vie n'est que chaos depuis le décès de mon père ? Contrairement aux apparences ou aux rumeurs ou aux lettres que vous avez pu avoir, qui vous ont fait croire je-ne-sais-quoi sur moi, je suis un être humain. J'ai des rêves ! J'ai des envies ! J'ai des sentiments et vous, en moins d'une journée, vous venez avec vos nobles airs et vous vous dites navré ? Navré de quoi au juste ? D'être le Prince héritier d'une nation m'ayant absolument tout prit ou bien de poursuivre la tradition en vous déclarant comme mon promis ? Car tout à fait entre nous, si cela ne vous intéressez pas, vous ne me l'auriez même pas mentionné.

- Vous êtes en colère, remarqua le jeune homme, Forcément que vous êtes en colère. Je peux le comprendre, mais comme je vous l'ai dit, je suis venu discuter, négocier si vous préférez. Contrairement à ce que vous pensez de moi également, je ne vous impose rien. Je suis venu vous informer de certaines choses.

- Que cela est noble de votre part dites donc !

- Ne réagissez pas ainsi, soupira Amir en se passant une main sur le front voyant les passants le dévisager.

- Et puis-je savoir comment je réagis exactement ? Cela vous déplaît-il autant que je réagisse ?

- Non, mais vous laissez parler vos émotions telle une enfant. Vous êtes une femme Joséphine.

- Merci, je le vois tous les jours en me lavant. Aux dernières nouvelles, rien ne m'a poussé entre les jambes dans la nuit !

- Par là j'entends une femme adulte. Vous êtes l'héritière du titre et des responsabilités que vous ont confiés vos parents. Je sais que cela fasse beaucoup et peu ont les épaules assez larges pour supporter cela. Mais si vous désirez être entendue, commencez donc par vous calmer, je vous en prie. Je ne suis pas votre ennemi et je ne suis pas venu ici m'imposer à vous non plus.

- Excellent, car je suis déjà promise à un autre !

- Les rumeurs courant à votre égard sont donc fondées ? Vous êtes promise au Duc de Varsox ?

Rien qu'entendre son titre permit à Joséphine de gagner un instant de calme. Elle qui bouillonnait de l'intérieur et qui ne désirait qu'une chose, se défaire de la compagnie du Prince Amir. Bien qu'elle ait consciente que sa colère ne devait pas lui être destinée et qu'au plus profond d'elle-même elle était reconnaissante du temps et des efforts qu'il fournissait à son égard car rien n'obligeait une personne de son statut à entendre son point de vue. Pourtant, Amir semblait y tenir. Il ne semblait guère se soucier de leur différence dans l'échelle sociale.

Mais elle ne pouvait rien y faire. Voilà plusieurs mois que la jeune femme accumulait les épreuves et dès qu'elle en franchissait une, une autre se mettait déjà en travers de sa route ne lui permettant guère de reprendre son souffle.

- Effectivement, il est celui qui réside dans mon cœur et je ne dédierais ma vie qu'à ce dernier, souleva-t-elle en foudroyant le Prince d'un regard insistant

Amir avait entendu bien des choses sur le Duc de Varsox car il fallait dire que sa situation actuelle et la sienne étaient semblables sur bien de points. Toutefois, quelque chose chez lui força l'admiration de ses pairs et ce n'est ni son jeune âge pour avoir hérité de tout un Duché, mais c'était plutôt ce passé énigmatique qu'on lui prêtait. On vantait tant ses mérites que le jeune Prince fut presque déçu de ne pas avoir encore eu l'occasion de rencontrer un homme s'étant illustré dans bien des domaines. On disait qu'il avait longuement fréquenté une Académie militaire et qu'il en était sortit avec les honneurs, on lui prêtait des talents au combat et on le disait détenteur d'un pouvoir aussi grand que celui d'un Roi car quiconque osait se mettre sur le chemin de Jonah de Varsox s'en retrouvait très vite écarté. Mais en connaissance de cause, Amir savait que dans tout cela, il y avait autant de vérités que de mensonges. «Un Duc qui n'en est pas vraiment un» disait-on, «Un homme ayant la capacité de séduire les deux sexes», «Une fortune basée sur son seul mérite lors de ses faits à l'étranger». Quels faits ? Qu'est-ce qu'un jeune homme âgé d'une vingtaine d'année avait-il pu accomplir d'aussi grandiose ?

Voilà le Prince intrigué. Intrigué et peut-être jaloux. Hélas, cela n'était guère étonnant de voir une femme telle que Joséphine éprise d'un homme tel que le Duc. Bien que certains auraient pariés sur un mariage entre la Princesse Sophia et le Duc, ce dernier retourna les paris en s'accoquinant d'une petite Baronne. Effectivement, c'était peu commun. Mais savait-il ? Connaissait-il toutes ces choses qu'Amir, lui, savait ? Avait-il seulement la moindre idée de l'importance qu'avait la simple existence de Joséphine pour tout un peuple ? Ailleurs, loin d'ici, par delà les océans, elle pourrait être une reine. Elle pourrait gouverner hommes et nations, les pliant à ses volontés.

Mais cela ne semblait guère intéresser ni même séduire la jeune femme présente devant lui.

- Joséphine, puis-je vous poser une question ? Êtes-vous seulement heureuse ?

Voilà une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Est-elle heureuse ? S'était-elle seulement posé à réfléchir à cela ? Le bonheur, ce dernier lui paraissait aussi lointain qu'abstrait.

- Puis-je savoir en quoi mon bonheur vous intéresse-t-il Votre Altesse ?

- Je tiens à repartir l'esprit tranquille et cela ne sera possible qu'une fois que je vous saurais heureuse. Sachez que pendant une grande partie de ma vie, j'ai cru très fortement que votre bonheur était une tâche qui m'incombait, mais la vie a fait qu'un autre s'est chargé de cela à ma place. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même et je sais que cela peut paraître être le discours d'un fou.

- Vous n'êtes pas fou. Je sais que je me suis montrée...peu reconnaissante envers les efforts que vous avez fait, le temps que vous avez prit pour m'expliquer certaines choses et pour tout ce que vous m'avez apporté. Je sais également que bien que votre temps ici soit bref et que vous repartez prochainement, vous avez prit sur vous pour...moi. Vous avez pour cela mon éternelle reconnaissance et peut-être pourrais-je un jour vous porter mon amitié, mais sachez, Votre Altesse, que mon amitié est tout ce que vous aurez.

- Il va falloir que j'apprenne alors à m'en contenter.

- Cela risque-t-il d'être une tâche difficile ? le taquina-t-elle

- Oh vous n'imaginez pas à quel point, plaisanta le Prince.

Il mentirait s'il ne s'avouait pas déçu par le résultat de cette rencontre, cependant et contre toutes attentes, Amir s'estimait tout aussi satisfait. Il aurait aimé lui parler davantage de lui et peut-être même d'eux et du monde qu'ils pourraient refaire si elle acceptait la place qui lui revenait de droit, mais il avait comprit qu'il était nul besoin de forcer le destin.

Si Joséphine Conquérant devait un jour venir à Omyr, c'est que cela aura été décidé par le destin et par personne d'autre. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top